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Les “Enfants affamés de Gaza”: Une nouvelle “Passion” au service de l’antisionisme radical et de la haine antijuive

May 26 2025, 07:45am

Posted by Pierre Lurçat

Les “Enfants affamés de Gaza”:  Une nouvelle “Passion” au service de l’antisionisme radical et de la haine antijuive

Il faut regarder les dizaines d’images publiées chaque jour dans les médias occidentaux. Le cadre varie parfois légèrement, l’angle peut dévier ou la composition s’écarter de la précédente, mais l’essentiel reste identique. Ce sont toujours ces images de visages d’enfants, de femmes à la bouche distordue, qui semblent littéralement “crier famine”. J’emploie à dessein le terme d’image et non celui de photographie, car il s’agit de toute évidence de mises en scène. Non pas au sens où la scène serait totalement inventée, mais à celui où les images diffusées par les médias “mettent en scène” la réalité qu’elles décrivent. Ce qui n’exclut pas que certaines scènes soient totalement créées pour les besoins de la cause (pour ceux qui en douteraient, qu’ils consultant les nombreuses enquêtes sur “Pallywood”, l’industrie de propagande palestienne créée depuis au moins quatre décennies pour diffamer Israël, son armée et son peuple).

 

Mais revenons à l’essentiel de ce que nous disent ces images. Ce qu’elles nous racontent, sans qu’aucun mot ajouté, aucun commentaire ou aucune légende ne soient nécessaires (car, comme l’expliquait la psychologue Liliane Lurçat, “L’image porte en elle sa propre crédibilité, sans que la référence à une quelconque réalité extérieure soit nécessaire”[1]), est un récit d’une extrême simplicité : “les Juifs affament les enfants”. Le récit mythique que portent ces images est ainsi celui d’une véritable nouvelle “Passion”, au sens d’un récit fondateur qui permet de susciter des émotions partagées par des millions de personnes et d’exciter des foules…

 

Si l’on poursuit la comparaison, cette “Passion” des enfants de Gaza est pour ainsi dire – tout comme la “Passion du Christ” fut le mythe fondateur de l’antisémitisme chrétien – le nouveau mythe fondateur du Nouvel Antisémitisme, qui s’inscrit dans la suite des mythes de Deir Yassin, Mohammed Al-Dura, Djénine, Sabra et Chatila, etc. Rappelons ce qu’écrivait l’historien de l’antisémitisme Pierre-André Taguieff au sujet du mythe Al-Dura, auquel il a consacré des développements éclairants dans son livre La Judéophobie des Modernes :Dans la construction du sionisme comme une entreprise génocidaire, les propagandistes font feu de tout bois…” Selon Taguieff, la transformation de Mohammed Al-Dura en “enfant-martyr” de l’armée israélienne s’est faite en référence et “par assimilation avec la légende du crime rituel juif[2].

 

Le mythe des “enfants affamés de Gaza” est ainsi un nouveau maillon dans la chaîne du mythe du “génocide du peuple palestinien”, que j’ai longuement analysé dans mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Il est également relié à un autre mythe fondateur de l’antisionisme, celui du “peuple palestinien souffrant”. Ce n’est évidemment pas un hasard si le Hamas, qui est passé maître dans l’art de la propagande, recourt à des images qui renvoient immédiatement tout spectateur occidental à l’élément fondateur dans la conscience chrétienne qu’est la Passion du Christ. Comme l’explique le philosophe Charles Rozjman, “Le Hamas connaît son audience. Il sait que l’Occident aime les faibles, même quand les faibles sont des bourreaux”.

 

La force de ce nouveau récit antijuif – tout comme les précédents – est de réduire à la plus simple expression toute la complexité d’une situation de guerre dans laquelle le fauteur de guerre (le Hamas) considère ses propres victimes civiles comme autant de victoires contre Israël, qui s’efforce, lui, de diminuer autant que faire se peut le nombre de victimes civiles… Toute cette complexité est réduite à néant par la puissance de l’image, qui annihile toute réflexion critique, toute mise à distance et toute mise en perspective pour acculer le spectateur au sentiment le plus primaire et le plus immédiat… Comme le fait remarquer Pierre-André Taguieff, l’image est au cœur de la propagande du Hamas visant à criminaliser les Juifs.

 

            Dans ce contexte, lourde est la responsabilité de tous ceux qui non seulement ne dénoncent pas l’opération de propagande du Hamas, mais qui en reprennent la thématique, fut-ce en invoquant la “morale” ou le “devoir” de leur conscience… C’est évidemment le cas de ces anciens et actuels responsables politiques et militaires israéliens qui accusent leur propre pays de “crimes de guerre”. Mais c’est aussi celui d’intellectuels juifs de France qui ajoutent leur voix au choeur des calomniateurs, parfois en prétendant le faire “par amour d’Israël”... Ce faisant, ces intellectuels égarés participent eux aussi de la nouvelle croisade antijuive qui a lieu aujourd’hui, autour du mythe meurtrier des « enfants affamés de Gaza ».

Pierre Lurçat

NB Continuez de signer et faire signer la pétition-lettre ouverte que j’ai adressée à Delphine Horvilleur, ici : https://chng.it/nKbYJ9zmFm


[1] L. Lurçat, La manipulation des enfants par la télévision et l’ordinateur, F.X de Guibert 2008, p. 93.

[2] P.A. Taguieff, La judéophobie des Modernes, Odile Jacob 2008, p. 300.

Distribution de vivres à Gaza: une nouvelle Passion du Christ

Distribution de vivres à Gaza: une nouvelle Passion du Christ

L'Arrestation du Christ, de Matthias Storm

L'Arrestation du Christ, de Matthias Storm

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“Tu Quoque BHL !” Réponse à Bernard-Henri Lévy, Pierre Lurçat

May 23 2025, 11:49am

Posted by Pierre Lurçat

BHL au Festival international des écrivains à Jérusalem

BHL au Festival international des écrivains à Jérusalem

 

Cher BHL,

 

Depuis le 7 octobre 2023, vous êtes devenu un modèle de solidarité juive et de soutien à Israël. Parmi les intellectuels juifs de France notamment, vous étiez un des seuls (le seul ?) qui êtes venu nous soutenir ici, sur place, dès le 8 octobre, toutes affaires cessantes, pour exprimer votre soutien inconditionnel et votre identification avec notre Etat et notre peuple, durement atteints par l’attaque monstrueuse du Hamas. J’ajoute que vous êtes sans doute un des rares intellectuels qui, loin de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, peut légitimement se targuer de savoir ce qu’est la guerre et d’avoir arpenté les champs de bataille contemporains, en Europe, en Afrique et ailleurs.

 

Votre courage et votre lucidité politique étaient encore plus marquants lorsque, dans le concert international de détestation d’Israël, de son gouvernement et de son Premier ministre, vous aviez déclaré (je cite de mémoire) qu’on “ne remplace pas un dirigeant en plein milieu d’une guerre existentielle”. Pour quelqu’un qui est comme vous un intellectuel de gauche, bien plus proche du fameux “camp de la paix” (qui n’a jamais apporté que des guerres et des souffrances à Israël) que du camp national, c’était non seulement une preuve de clairvoyance, mais aussi une preuve de courage.

 

Au vu de tout cela, votre dernière prise de position, lors du Festival international des écrivains à Jérusalem, n’est que plus étonnante et décevante. Vous écrivez notamment : “la question est de savoir s'il est permis ou non au défenseur d'Israël que je suis de critiquer, quand il le mérite, Israël. Elie Wiesel ou Emmanuel Levinas pensaient que non et soutenaient qu'une obligation de réserve incombe aux Juifs qui ne s'exposent pas aux risques de l'aventure sioniste. Et ainsi raisonnent ceux qui, ces jours-ci, reprochent à Delphine Horvilleur, Joann Sfar, Marc Knobel, ou à mon amie Anne Sinclair d'avoir pris la parole pour exprimer leur trouble face à la reprise des bombardements sur Gaza”.

 

Combien auriez-vous été mieux inspiré de suivre le noble d’exemple d’Elie Wiesel et d’Emmanuel Levinas, au lieu de vous ranger aux côtés de Delphine Horvilleur et cie ! Comment un intellectuel de votre trempe peut-il préférer la compagnie de ces derniers, dont le nom sera oublié dans quelques années ou décennies, à celui des premiers, dont l’œuvre continuera d’être lue et étudiée dans longtemps ? Mais le plus choquant dans votre discours, pour une oreille israélienne, n’est pas votre identification avec votre amie Anne Sinclair ou avec la rabbine Delphine Horvilleur. Il est dans la citation de votre propre livre, où vous écrivez que « le visage des enfants innocents tués dans les bombardements de Khan Younès ou de Rafah m'empêchait littéralement de dormir… »

 

Car voyez-vous, cher BHL, ce qui empêche des millions d’Israéliens de dormir, depuis le 7 octobre 2023, ce ne sont pas les visages des “enfants innocents de Gaza”, mais ceux de nos otages, ceux de nos soldats tombés au champ d’honneur, ceux des familles endeuillées, des pères et mères, des frères et sœurs, des jeunes fiancées et des orphelins qui ont rejoint l’immense “famille du deuil” (mispha’hat ha-she’hol)... Vous qui prétendez connaître et aimer Israël, vous auriez dû le savoir et le comprendre.

 

Le défenseur d’Israël intrépide que vous êtes (et que vous resterez, j’en suis certain) aurait dû s’imposer la retenue et le silence, au lieu de joindre votre voix éminente à celles de pitoyables figures médiatiques, qui ont rompu la vanne de la critique interne, au moment même où Israël fait face à une offensive politique, diplomatique et médiatique sans précédent, dont le principal instigateur n’est autre que votre président, Emmanuel Macron, qui bat tous les records d’hostilité à Israël, dans la longue histoire de trahison et de veulerie de la diplomatie française.

 

Oui, vous auriez dû vous retenir d’affirmer qu’”Il est monstrueux de donner à croire, par exemple, comme font les deux ministres d'extrême droite du gouvernement Netanyahou, qu'il n'y a pas de « civils innocents » à Gaza”. De tels propos sont une insulte à la vérité et à la justice ! Car voyez-vous, ce ne sont pas seulement “deux ministres d’extrême-droite” qui pensent qu’il n’y a pas de civils innocents à Gaza. C’est le constat de tout un peuple, y compris notre président, Itshak Herzog, que personne ne peut soupçonner d’être “d’extrême-droite”, qui avait déclaré au lendemain du 7 octobre que “c’est une nation tout entière qui est responsable” des crimes du Hamas.

 

C’est en réalité le témoignage unanime des otages libérés et des soldats de retour de Gaza : oui, que cela vous plaise ou non, tout Gaza est pro-Hamas, tout Gaza soutient les pogromes du 7 octobre ! Alors, il est facile de disqualifier ces témoignages, en se rangeant derrière les impératifs trompeurs d’une morale abstraite et coupée des réalités, comme votre collègue Alain Finkielkraut, qui avait eu le culot de reprocher à l’ex-otage Mia Shem d’avoir déclaré en revenant de Gaza que “tout Gaza est terroriste”! Nier le témoignage unanime des otages et des soldats, c’est une forme de négation de la Shoah du 7 octobre, ni plus ni moins. D’un intellectuel comme vous, nous sommes en droit d’attendre autre chose. 

Mais votre erreur la plus grave consiste à affirmer trouver “vertigineuse” « l'idée que l'on puisse avoir à choisir, un jour, surtout dans ce pays, entre la défense de ses frontières et la fidélité à ses valeurs ». Car la défense des frontières d’Israël, comme nous le savons tous encore plus depuis le 7 octobre, est la valeur suprême et sacrée. Cela, tout Israélien le sait aujourd’hui pour l’avoir appris dans sa chair, y compris les habitants des kibboutz de l’Hashomer Hatzaïr que vous avez visités. L’immense “Hilloul Hashem” (profanation du Nom divin) du 7 octobre sera réparé par le “Kiddoush Hashem” (sanctification du Nom divin) que le peuple d’Israël accomplit sous nos yeux, en rétablissant des frontières sûres, au Nord, sur le Golan (en occupant le Golan syrien), à l’Est et au Sud, à Gaza, et aussi en Judée-Samarie, cœur de notre héritage. Shabbat shalom.

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

 

“Un ouvrage historique important dont le thème redevient d'actualite”.

 

Emmanuelle Adda, Actu J

 

Dans ce livre intitulé L’Étoile et le Poing Pierre Lurçat retrace une histoire très peu étudiée, soit le militantisme juif activiste.

Olivier Ypsilantis, Zakhor Online

 

L’important travail de Pierre Lurçat nous invite à aller beaucoup plus loin que la seule histoire des groupuscules d’autodéfense.

Emmanuel Legeard, historien

 

“Tu Quoque BHL !”  Réponse à Bernard-Henri Lévy, Pierre Lurçat

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Acheter un bien immobilier en Israël et en France: les différences essentielles, Pierre Lurçat

May 22 2025, 13:35pm

Posted by Pierre Lurcat

Acheter un bien immobilier en Israël et en France: les différences essentielles, Pierre Lurçat

L’achat d’un bien immobilier est le plus souvent un processus long et complexe. C’est aussi une transaction qui revêt une importance particulière, tant sur le plan financier que psychologique. Dans les lignes qui suivent, nous voudrions souligner les différences essentielles entre le processus d’acquisition en Israël et en France, pour permettre aux acquéreurs francophones venus de France de comprendre les méandres de la procédure d’achat en Israël.

 

Les étapes de l’acquisition en France et en Israël:

 

La procédure d’achat immobilier en France comporte le plus souvent 5 étapes distinctes, résumées ci-dessous[1].

 

1. Définition du projet immobilier (capacité d’emprunt, plan de financement, critères de recherche, etc.)

2. Recherche du bien (consultation d’annonces, recours à un agent, examen des diagnostics, etc.)

3. Rédaction et transmission d’une offre d’achat.

4. Signature d’une promesse de vente.

5. Signature de l’acte de vente.

 

En Israël, les étapes 3 à 5 sont marquées par des différences notables, que nous allons exposer succinctement.

 

L’offre d’achat en France et en Israël

 

La rédaction de l’offre d’achat (étape 3) est beaucoup moins formaliste qu’en France.

 

Tableau 1 - L’Offre d’achat en France et en Israël

 

FRANCE

ISRAEL

Offre écrite, précisant le prix d’acquisition

Idem (peut être faite par un simple message par SMS ou WhatsApp)

Délai de validité (entre 1 et 2 semaines en général)

Facultatif : l’offre sera valable pendant un délai raisonnable selon les principes généraux du droit des contrats.

En cas d’acceptation, on passe à l’étape 4 (Promesse de vente)

En cas d’acceptation, on passe à la dernière étape (négociation et signature du contrat définitif)

 

La promesse de vente (étape 4 en France)

 

En France, la promesse de vente est une étape quasiment indispensable de la procédure d’acquisition immobilière. Elle permet en effet de “sécuriser” la transaction, en formalisant l’accord des parties dans l’attente de la préparation de l’acte de vente définitif, dont l’établissement n’est jamais immédiat, compte-tenu des nombreux documents, démarches et vérifications nécessaires.

 

La promesse de vente peut être unilatérale (engage le vendeur uniquement) ou synallagmatique (on parle alors de compromis de vente, qui engage les deux parties). Elle peut aussi être soumise à des clauses suspensives (d’obtention d’un prêt, d’un permis de construire ou de réalisation de travaux par le vendeur, etc.) Elle comporte nécessairement un délai de rétractation légal de 10 jours (art. L271-1 du Code de la construction et de l’habitation). Elle peut aussi comporter des mécanismes d’indemnisation ou d’astreinte.

 

Et en Israël ?

 

Il n’existe pas, dans l’immense majorité des cas, d’étape 4 ni de promesse de vente, unilatérale ou synallagmatique. Dès que l’offre est acceptée par le vendeur, on passe directement à l’étape finale (négociation et signature du contrat définitif). Cette différence essentielle s’explique principalement par le fait qu’il n’y a pas en Israël de “réitération” d’un acte privé par un acte authentique (devant notaire).

 

De cette différence fondamentale découlent plusieurs conséquences importantes pour l’acheteur : l’inexistence de clauses suspensives (qui peuvent éventuellement être stipulées par les parties dans le contrat de vente, mais qui n’existent pas de plein droit, même en cas de financement par un prêt). C’est la raison pour laquelle l’acheteur qui finance son projet au moyen d’un prêt devra demander à sa banque à “accord de principe” (Ichour ekroni) qu’il présentera lors de la signature du contrat de vente, avant même d’avoir obtenu son prêt immobilier (lequel sera obtenu une fois le contrat signé).

 

Il n’existe pas non plus de délai légal de rétractation au bénéfice de l’acheteur : celui-ci s’engage définitivement par la signature du contrat de vente.

 

L’acte de vente (étape 5 en France)


La cinquième et dernière étape en France consiste en la signature de l’acte de vente authentique devant notaire, qui “réitère” l’acte sous seing privé établi à l’étape 4 (promesse de vente). (À suivre…)

 

N’hésitez pas à me contacter pour me demander un conseil, ou pour me confier votre projet d’achat/ de vente à Jérusalem !

Pierre Lurçat

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Acheter un bien immobilier en Israël et en France: les différences essentielles, Pierre Lurçat

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Dans la tête d’un lecteur d’Ha'aretz (I): Gaza, “génocide” ou “extermination”? Pierre Lurçat

May 18 2025, 14:44pm

Posted by Pierre Lurçat

Dans la tête d’un lecteur d’Ha'aretz (I): Gaza, “génocide” ou “extermination”?  Pierre Lurçat

 

La lecture du journal Ha’aretz est un “plaisir” masochiste. Je m’y adonne parfois, en fin de semaine, pour tenter de comprendre ce que pensent les anciennes élites israéliennes et les manifestants “kaplanistes”, qui considèrent que l’ennemi d’Israël n’est pas le Hamas, ni l’Iran, mais son Premier ministre Benjamin Nétanyahou. Il n’est pas facile d’entrer dans la tête d’un lecteur d’Ha’aretz. Ce n’est pas facile, mais c’est un exercice nécessaire. Premier volet.

 

J’ai raconté ailleurs[1] l’histoire de ce quotidien, autrefois sioniste, qui est devenu le fer de lance de la “cinquième colonne” progressiste à l’intérieur d’Israël et la lecture favorite des ennemis d’Israël (dans sa version anglaise). Une des forces du journal Ha’aretz est la richesse de ses suppléments. Le numéro de fin de semaine (paraissant le vendredi, qui est le jour où tous les quotidiens font paraître leurs suppléments du shabbat) comporte pas moins de cinq suppléments : le “Moussaf Ha’aretz”, sorte de magazine abordant des sujets variés, le supplément artistique “Galeria”, le MarkerWeek qui est le supplément économique, le supplément littéraire et le supplément “Culture et littérature”.

 

Mais avant d’aborder la littérature vue par Ha’aretz, feuilletons le quotidien du vendredi 16 mai 2025. En bas de page de la “Une”, un article signé Nir Hasson et The Guardian (quotidien britannique réputé pour être particulièrement anti-israélien) porte en titre : “L’hôpital de Gaza mis hors de service par des attaques israéliennes était le seul à traiter des malades du cancer”. Sous-titre ; “Le ministère de la Santé dans la bande de Gaza : plus de 120 personnes tuées dans l’attaque hier”. Dans Ha’aretz, comme dans quasiment l’ensemble de la presse occidentale, on prend pour argent comptant les chiffres du Hamas…

 

Il faut aller en page 10 pour lire l’article entier, et comprendre que “l’hôpital européen” de Gaza visé par Tsahal abritait le haut-commandement du Hamas et que l’attaque israélienne a permis de tuer le chef du mouvement terroriste, Mohammed Sinwar. Ce petit “détail” relégué en page intérieure aura donc échappé à de nombreux lecteurs du quotidien, qui retiendront (tout comme les lecteurs du Monde ou du Guardian) que l’attaque israélienne visait le seul hôpital de Gaza traitant les malades du cancer…

 

L’éditorial d’Ha'aretz en page deux porte un titre énigmatique, sous forme de jeu de mot (un peu à la “Libé”) : “Kari s’empare de la télécommande” (avec une allitération en hébreu intraduisible en français). L’éditorialiste explique que “le gouvernement a fait de la guerre contre la presse libre un élément central de son entreprise pour ébranler les fondements de la démocratie”. Sans entrer dans les détails du projet de réforme gouvernementale, on se contentera de s’interroger sur les valeurs de “liberté de la presse” que prétend défendre Ha'aretz. Mais je laisse mes lecteurs juger d’eux-mêmes.

 

En page “Opinions”, deux articles ont retenu mon attention. Le premier, signé Ilana Hamerman, s’intitule “J’écris pour ne pas mourir”. Il s’agit d’une citation de l’écrivain gazoui Yousri Al-Aoul, qui “s’efforce de tenir un journal depuis le début de la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza”. Vous avez bien lu : extermination (hashmada). Je n’ai pas lu la suite de l’article, il y a une limite au masochisme. Si le quotidien de l’intelligentsia israélienne parle de “guerre d’extermination” à propos de la riposte israélienne à Gaza, alors que faut-il attendre des Mélenchon et Rima Hassan en France ?

 

En bas de la même page, le directeur de la branche israélienne d’Amnesty, Yariv Moher, signe une tribune dans laquelle il explique s’être trompé lorsqu’il avait protesté contre le qualificatif de “génocide” pour décrire ce qui se passe à Gaza, s’opposant au rapport sur le sujet d’Amnesty International. “J’ai dit que ce n’était pas un génocide. Je n’en suis plus certain maintenant” est le titre de son article… Allez, je crois que mes lecteurs commencent à être pris de nausée, je m’arrête là pour aujourd’hui ! (à suivre…)

P. Lurçat

 

NB Sur un sujet qui concerne directement le monde juif francophone, Ha’aretz a récemment prétendu que Delphine Horvilleur faisait « l’objet d’une campagne de menaces après avoir critiqué le gouvernement israélien… » (sic) J’invite ceux de mes lecteurs qui ne l’ont pas encore fait à signer la pétition-lettre ouverte que j’ai adressée à Delphine Horvilleur, ici : https://chng.it/nKbYJ9zmFm

 

 

[1] Dans mon livre La trahison des clercs d’Israël, La maison d’édition 2016.

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Emmanuel Macron, Delphine Horvilleur et la politique de l'émotion

May 14 2025, 09:58am

Posted by Pierre Lurçat

Delphine Horvilleur et les époux Macron

Delphine Horvilleur et les époux Macron

“La situation télévisuelle favorise l’attitude de croire plutôt que d’analyser et de chercher à comprendre. L’image porte en elle sa propre crédibilité, sans que la référence à une quelconque réalité extérieure soit nécessaire. La distinction entre le réel et l’imaginaire, entre le vrai et le faux s’estompe”.

Liliane Lurçat[1]

 

1.

Il faut réécouter les propos du président français hier soir (mardi) s'emportant en direct contre Israël et son Premier ministre avec une violence inouïe… “Ce que fait le gouvernement israélien à Gaza est inacceptable !” On comprend en écoutant Macron que l'excès qui caractérise notre époque n'est plus confiné depuis longtemps aux seuls internautes et aux commentaires en ligne. Les propos du président de la République française ne sont en définitive pas très différents de ceux de l'animateur de télé Thierry Ardisson, dans sa manière de transformer Israël en bouc émissaire coupable de tous les maux de la région.

 

Que fait en effet Emmanuel Macron – en réagissant à chaud et sous le coup de l'émotion au témoignage d'un urgentiste de Gaza – sinon exposer au grand jour ses émotions intimes qui auraient dû rester dans le secret de son cœur ? (« C’est terrible. Il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de médicaments. On ne peut plus sortir les blessés », s’est ému le chef de l’Etat). D'un dirigeant politique, on peut en effet attendre qu'il contrôle ses affects et qu'il parle de manière réfléchie et contrôlée. Seulement voilà : l'époque est entièrement sous la domination des images, des émotions et des élans du cœur qu'elles suscitent…

 

2.

"ולא תתורו אחרי עינכם ואחרי לבבכם אשר אתם זונים אחרהם"

Le verset du “Chema Israël” que tout Juif dit au moins une fois dans sa vie n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui. Il décrit parfaitement le monde de l'image où nous vivons, comme me l'avait jadis enseigné le regretté Haïm Aszes dans un séminaire de hasbara (contre-propagande), au moment de la “Première Intifada”.

 

Or, c'est précisément le reproche principal qu'on peut faire à Delphine Horvilleur. Dans ses propos très critiques envers Israël, son gouvernement et son armée, elle a cédé elle aussi, tout comme Emmanuel Macron ou Thierry Ardisson, au langage de l'émotion, au lieu de parler celui de la raison. On peut s'opposer à la politique du gouvernement israélien sans tomber dans la calomnie et sans donner d'armes aux ennemis d'Israël. Or dans la guerre terrible déclenchée par le Hamas et l'Iran contre l'État juif, les mots sont des armes…

 

Même si elle pense que les civils de Gaza sont innocents, ce que démentent les témoignages unanimes de tous les otages libérés de Gaza, Delphine Horvilleur ne peut pas sérieusement accuser Israël d'affamer des innocents et des enfants (accusation terrible sur laquelle elle n’est pas revenue dans sa réponse aux critiques que ses propos ont suscitées, intitulée de manière démagogique « Répondre à la haine »).

 

3.

Le monde de l'image dans lequel nous vivons est celui de l'asservissement de la raison aux émotions, et de l'annihilation qui en découle de la réflexion critique. Ce problème essentiel, qui avait été analysé il y a plusieurs décennies par la psychologue Liliane Lurçat citée en exergue, est crucial dans la guerre d'Israël pour sa survie.

 

Face à des ennemis qui utilisent des images trompeuses, des “hoax” et des mensonges médiatiques immédiatement répercutés par les médias du monde entier, le juste combat d’Israël passe par une réfutation permanente de la propagande du Hamas. Dans ce contexte, on ne peut pas prétendre défendre Israël, tout en prenant pour argent comptant les accusations mensongères d’affamer la population de Gaza.

 

La moindre des choses qu’on peut attendre d’un dirigeant juif, a fortiori d’un rabbin, est qu’il prenne au sérieux les mots de la Bible, qui nous enjoint de ne pas nous laisser séduire par les images, employant le même verbe (זנה) qu’elle utilise à propos de l’idolâtrie. (J’observe au passage que Delphine Horvilleur détourne de son sens obvie le fameux verset d’Isaïe « Pour Sion je ne me tairai pas », qu’elle interprète abusivement pour justifier sa critique contre Israël, alors que le prophète parle au contraire de justifier Israël contre ses ennemis[1]). La défense d’Israël fait aussi partie de ce combat plus vaste contre l’idolâtrie des images et des émotions. Vaste et exigeant programme !

Pierre Lurçat

 

[1] Sens obvie qui est notamment celui donné par Rashi, le Malbim, Metsoudat David, etc. Je remercie le rabbin Moshé Cahn de la synagogue Hildesheimer à Jérusalem pour ses remarques éclairantes et Judith A. pour ses intuitions fulgurantes.

 

[1] La manipulation des enfants par la télévision et l’ordinateur, F.X de Guibert 2008, p. 93.

Le monde de l'image : "famine" à Gaza

Le monde de l'image : "famine" à Gaza

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"L'imposture Horvilleur" vue par Alain Finkielkraut.

May 12 2025, 13:14pm

Posted by Pierre Lurçat

A. Finkielkraut

A. Finkielkraut

NB Certains de mes interlocuteurs se sont étonnés que je m'adresse à Delphine Horvilleur en l'appelant "Madame le rabbin". Je ne la considère évidemment pas comme "rabbin" au sens où l'entend la Tradition. Je voulais simplement souligner la contradiction inhérente à vouloir invoquer la Torah pour condamner Israël. Continuez de signer https://chng.it/nKbYJ9zmFmhttps://chng.it/nKbYJ9zmFmqui va bientôt dépasser les 3000 signatures! 

https://chng.it/nKbYJ9zmFm

Je viens de tomber sur ce texte très éclairant grâce à l’Observatoire juif de France, dont il faut saluer le travail méritoire contre l’antisémitisme en France. L’OJF l’a republié en réaction aux propos scandaleux de Delphine Horvilleur, qui continuent de susciter l’indignation légitime de la communauté juive et de tous les amis d’Israël.

 

En lisant cet échange entre Alain Finkielkraut et Pierre Manent, il m’a semblé qu’A. Finkielkraut avait mis le doigt sur un aspect essentiel de “l’imposture Horvilleur” (il emploie lui aussi ce mot la concernant). Cet aspect, Finkielkraut l’appelle un “judaïsme dressé contre le destin juif”, c’est-à-dire contre l’identité et contre la transmission. Dire “merde à l’identité”, de la part d’une femme qui se dit rabbin, c’est effectivement le comble de l’inconséquence, ou de la trahison intellectuelle.

 

Comme le dit Finkielkraut, Delphine Horvilleur “Tend à l’hyper modernité, en guise de judaïsme, un miroir où elle rit de se voir si mélangée”. Jolie métaphore pour dire combien la rabbin-people a dilué l’identité juive, au point qu’il n’en reste que peau de chagrin. Son judaïsme médiatique et dans l’air du temps n’a plus grand chose à voir avec la Tradition, notion qu’elle récuse puisqu’elle semble, tout comme son personnage Ajar, “rompre avec la filiation”.

 

Cette analyse est d’autant plus remarquable à mes yeux qu’elle émane de quelqu’un qui partage grosso modo les opinions politiques de D. Horvilleur (même s’il ne les a pas exprimées de manière aussi scandaleuse). Mais Finkielkraut reste un intellectuel, capable (parfois) de penser contre son camp. Qu’il en soit remercié.

 Pierre Lurçat

 

Conversation entre Pierre Manent et Alain Finkielkraut, publiée dans le FigaroVox le 1ernovembre 2022 et reprise par Tribune Juive

Alain Finkielkraut

Je me souviens d’un article du Débat de Tony Judt en 2004 où il disait : 

« Dans le monde du mélange, où les obstacles à la communication sont presque effondrés, où nous sommes toujours plus nombreux à avoir des identités multiples, des identités électives, Israël est un véritable anachronisme. » Ce mot m’a fait sursauter. Il actualise le vieux réquisitoire, développé également, il faut le dire, par Pascal, contre le juif charnel, le juif de génération en génération. Ce réquisitoire, je le retrouve, à ma grande stupéfaction, dans des propos et dans le dernier livre de Delphine Horvilleur : Il n’y a pas de Ajar. Le héros de ce monologue, fils putatif du pseudo de Romain Gary, n’y va pas avec le dos de la cuiller : « Merde à l’identité, merde à l’engendrement », dit-il. Et il fustige les appartenances, il s’appuie sur Abraham pour rompre avec la filiation.

 

Delphine Horvilleur invente un judaïsme tout entier dressé contre le destin juif. Elle réussit le prodige de judaïser le procès du juif charnel. C’est pour moi une imposture, et même une impiété. Tendre à l’hyper modernité, en guise de judaïsme, un miroir où elle rit de se voir si mélangée, ce tour de force me met hors de moi.

À l’opposé de cet enrôlement de la foi de nos pères au service de l’air du temps,

 

Raymond Aron écrit, dans Le Spectateur engagé :

« Aujourd’hui, je justifie, en quelque sorte, mon attachement au judaïsme par la fidélité à mes racines. Si, par extraordinaire, je devais apparaître devant mon grand-père qui vivait à Rambervillers, encore fidèle à la tradition, je voudrais devant lui ne pas avoir honte. Je voudrais lui donner le sentiment que, n’étant plus juif comme il l’était, je suis resté d’une manière fidèle. Comme je l’ai écrit plusieurs fois, je n’aime pas arracher mes racines, ce n’est pas très philosophique peut-être mais on s’arrange avec ses sentiments et ses idées le moins mal qu’on peut. »  En effet, ce n’est pas philosophique mais c’est peut-être en un certain sens religieux. Je ne vis pas, pour ma part, sous le regard de Dieu, mais je vis sous le regard des morts, de certains morts, qui ne sont pas toujours juifs, d’ailleurs, et j’essaie de m’en montrer digne.

 

Dieu est-il mort? Conversation entre Pierre Manent et Alain Finkielkraut - Tribune Juive

"Dire merde l'identité" : Delphine Horvilleur avec Gad Elmaleh

"Dire merde l'identité" : Delphine Horvilleur avec Gad Elmaleh

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Gaza : qui utilise l'arme de la faim ? Réponse à Delphine Horvilleur et à d’autres Juifs égarés

May 9 2025, 11:24am

Posted by Pierre Lurçat

Gaza : qui utilise l'arme de la faim ?  Réponse à Delphine Horvilleur et à d’autres Juifs égarés

 

Une enquête du quotidien Israel Hayom révèle que, contrairement aux accusations portées contre Israël par de nombreuses ONG et relayées par les médias occidentaux, l'aide humanitaire continue d'entrer à Gaza. Le Hamas ne se prive pas, de son côté, d'utiliser "l’arme de la faim", en s'appropriant depuis le début de la guerre l'aide humanitaire qu'il exploite cyniquement pour asseoir son pouvoir sur la population de Gaza, tout en refusant obstinément de libérer les civils israéliens pris en otage il y a plus de 18 mois.

 

Cette réalité largement occultée ne doit pas nous empêcher de poser la question : est-il légitime pour une démocratie, en guerre contre un ennemi aussi implacable que le Hamas, de vouloir contrôler l'aide humanitaire ? Israël est-il moralement fondé à ne pas laisser l'aide humanitaire parvenir aux mains de l'organisation islamiste radicale ? Pour répondre à cette question, il faut se répartir du regard simpliste et manichéen que posent trop souvent les médias sur la guerre à Gaza et sur ses conséquences pour la population civile

 

Comme l'avait dit jadis Golda Meir, si les Arabes déposaient les armes, il y aurait la paix. Mais si Israël dépose les armes, il cessera d’exister. Cela est d'autant plus vrai s'agissant du Hamas, qui porte l'entière responsabilité de la guerre actuelle et de la situation à Gaza. Chaque fois que l'on mentionne la question de l'aide humanitaire et de l'approvisionnement de Gaza, il faut rappeler cette vérité essentielle : il suffirait que le Hamas libère les otages (cruellement privés de nourriture et de traitements médicaux, en contravention avec toutes les règles du droit humanitaire, sans que les ONG ne s'en émeuvent) pour que la situation actuelle prenne fin.

 

Il est regrettable que des organisations juives comme JCall reprennent à leur compte le narratif mensonger du Hamas, en accusant Israël d'affamer la population de Gaza et en faisant porter la responsabilité de la situation actuelle au gouvernement israélien. Cette attitude est d’autant plus condamnable lorsqu’elle émane de personnalités juives qui prétendent exercer un magistère moral, à l’instar du rabbin Delphine Horvilleur qui accuse elle aussi Israël « d’affamer des innocents et de condamner des enfants » (sic). Comment espérer que le monde civilisé comprenne et soutienne Israël, si des personnalités juives reprennent à leur compte les pires calomnies de la propagande anti-israélienne ?

 

Le journaliste Guillaume Erner tombe dans le même travers lorsqu'il oppose, dans un récent billet d'humeur sur France Culture, l’idéal sioniste de la génération de Golda Meir au radicalisme du gouvernement israélien actuel. En réalité, la "dame de fer" d'Israël avait été elle aussi confrontée à un dilemme similaire à celui que le Hamas a imposé à Israël, dans la guerre cruelle qu’il a déclenchée le 7 octobre 2023.

 

C’était lors de la guerre de Kippour. Après le choc initial et la surprise de l’attaque conjointe syro-égyptienne, lancée le jour le plus sacré du calendrier juif, Israël se ressaisit et parvint à encercler la Troisième Armée égyptienne dans le désert du Sinaï. Celle-ci se trouva alors à court de provisions d’eau. Face aux demandes incessantes des Américains, pour qu’Israël laisse passer un ravitaillement pour les soldats égyptiens, Golda rétorqua : “Qu’ils nous rendent d’abord nos soldats prisonniers !” Et elle eut gain de cause.

 

Ce rappel historique montre que la réalité de la guerre est plus complexe que les raccourcis trompeurs des éditorialistes. Ceux qui prétendent s’inquiéter d’un “affaissement moral” ou qui dénoncent une “forme aseptisée de barbarie” soi-disant pratiquée par Israël se trompent et trompent leurs lecteurs. Car la guerre terrible dans laquelle le Hamas a entraîné Israël sur l'instigation de l'Iran, est la plus longue mais aussi la plus juste des guerres qu'Israël mène pour sa survie depuis 1948.

Pierre Lurçat

 

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Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat

May 8 2025, 07:20am

Posted by Liliane Lurçat

Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat

A l’occasion du sixième Yahrzeit de ma mère, Liliane Lurçat, je publie ici un extrait de son livre autobiographique, qui vient d’être réédité. On y découvre l’enfance et la jeunesse de la future psychologue et aussi l’évocation du Paris de l’avant guerre, de l’Occupation et de l’après-guerre. Que son souvenir soit bénédiction! P. Lurçat

 

Des Juifs qui partent pour la Palestine, il y en a beaucoup. Certains d’entre eux repartent, et qui ne l’auraient pas désiré. C’est ce qui arriva à mes parents. C’est pourquoi je peux raconter cette histoire en français, ma langue presque maternelle. Presque, parce que j’ai eu la chance d’entrer à l’école maternelle à l’âge de vingt mois. On ne l’accorde pas à tout le monde, mais moi, j’avais des circonstances atténuantes. Ces circonstances, elles ont débuté après la guerre de quatorze quand, en même temps mais sans se connaître, les parents décidèrent de partir pour la Palestine. Il quitte Cracovie en Pologne, et elle quitte Bialystok en Russie, pour la même raison : les pogromes en Europe centrale. Ils se marient à Jérusalem, et ils y eurent deux enfants, mon frère Menahem et moi. Elle parle russe et yiddish, et il parle allemand, polonais et yiddish. Le yiddish devient la langue du ménage.

          

Le père a des sympathies pour les idées de gauche et il travaille dans un kibboutz. Il ne trouve plus de travail, quand ses amis décident de repartir en Géorgie, attirés par le communisme, pour y fonder un kolkhoze. Le père est alors mis sur la liste noire, il est chômeur, il n’a plus guère de chance de trouver un emploi. Il passe ses longues journées à la bibliothèque de Jérusalem. Mais la loi anglaise est dure. En particulier, lorsqu’on ne peut plus payer son loyer, on risque la prison pour dette. Le père se rappelle alors qu’un de ses frères, qu’une de ses sœurs, ont quitté Cracovie pour Paris, quand lui choisissait la Palestine. Il embarque avec sa famille au cours de l’hiver 1930, dans l’espoir de trouver à gagner son pain en France.

 

           Au cours de cette traversée, mon frère aîné, âgé de quatre ans, apprend auprès des matelots, les premiers rudiments de français, qui feront de lui l’interprète de la famille. Le premier hiver parisien semble rude, après dix ans de vie au soleil. La quête du travail est difficile aussi. Les parents trouvent à se loger dans un hôtel de la rue des Carmes, où habitent déjà la sœur du père, Minnie, et sa famille. Elle n’a pas eu de chance. Son mari est repasseur de chapeaux, excellent ouvrier et bon travailleur. Mais il passe tout son temps libre au café et y joue tout ce qu’il gagne. Si elle se plaint trop, il est atteint de crises d’épilepsie. La mère prétend qu’il simule. Mais de l’argent, il n’en rapporte guère et les siens vivent misérablement.

Mes parents, eux, ont besoin de gagner des sous. Ils partent dès le matin à la recherche d’un emploi. Minnie nous garde, Menahem et moi, pendant qu’on joue sur le trottoir. Pas très attentivement, sans doute, puisqu’on disparaît un jour. Les parents nous retrouvent le soir, après une course affolée jusqu’au commissariat, installés confortablement tous les deux. Mon frère mange des chocolats, et moi je dors sur un banc. Le commissaire engage vivement les parents à nous mettre à l’école. L’école maternelle de la rue du Sommerard, c’est ma première école. On descend la rue des Carmes, en tenant la petite mallette du goûter d’une main, et en tendant l’autre au grand cousin qui vous y conduit. Je m’arrête longuement devant le magasin de farces et attrapes. On tourne dans la rue du Sommerard, et c’est l’école. On entre par la petite porte, qui ressemble à une chatière. Dans le préau, les bancs sont soigneusement rangés pour l’attente du soir. Au milieu, il y a un énorme poêle à charbon, entouré d’une grille. Tout autour du préau, se trouvent les classes, et dans chaque classe une maîtresse. Mais celle qui règne sans partage sur le préau, c’est madame Jamart, la femme de service. Elle a un long visage aux lignes verticales, des yeux noirs et doux, de longues oreilles tirées par des boucles noires qui ont creusé, sous leur poids, une fente verticale. Ses mains sont rêches, elles sentent l’eau de javel. Madame Jamart a dans sa poche la clé de l’armoire. Une énorme armoire qui monte très haut, où elle range tout : les balais, les pelles, les bouteilles d’eau de javel. Elle y accroche son manteau, ses tabliers bleus. Elle y garde aussi une inépuisable boîte de bonbons. Elle en offre aux enfants, elle en suce aussi. Madame Jamart m’élève un peu, elle m’apprend à parler, elle me fait manger et me donne mes derniers biberons. Assise sur ses genoux, devant la porte du préau, je regarde les marronniers de la cour. L’école maternelle, c’est une longue récréation qui dure pendant les quatre saisons...

Un parapluie pour monter jusqu'au ciel, éditions L'éléphant 2020 réédition 2025. 

“Ce livre vous donne un coup dans l’estomac. C’est un document extraordinaire, avec une grande force littéraire”.

Michel Gurfinkiel

 

“Un très beau livre”.

 

Monique Naccache, Times of Israel

 

“Il y a dans ce livre de Liliane Lurçat une acuité du regard qui le rapproche des caricaturistes… et les portraits qu’elle fait défiler en quelques coups de crayon alertes sont hauts en couleurs. Les portraits de ses parents sont des petits chefs-d’œuvre qui intègrent le physique, le psychologique et le sociologique, un peu comme Honoré Daumier”.

 

Olivier Ypsilantis, Zakhor Online

 

“Les souvenirs de Liliane Lurçat sont écrits au présent, ce qui leur donne un rythme rapide et presque haletant…”

 

Liliane Messika, Mabatim.info

 

“Très beau récit auto-biographique, d'une époque où de nombreux quartiers de Paris étaient encore populaires. Petite histoire qui s'inscrit dans la grande, on rit volontiers à des situations décrites avec simplicité. Même dans une époque très compliquée, il reste toujours de l'espoir. A lire absolument…"

Dominique Pulejo, Amazon 

 

Ce récit, sobre et dénué de sentimentalisme, d’une jeune Juive née en Palestine, mais dont la famille a dû s’installer à Paris, faute de travail à Jérusalem, est un témoignage, à la fois réaliste et émouvant. un très beau texte à l’écriture incisive et enlevée”. 

 

Evelyne Tschirhart, Lettres d’Israël


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Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat

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Ceux qui cultivent la terre et ceux qui la brûlent : Le terrorisme incendiaire des origines du conflit israélo-arabe jusqu’à nos jours, par Pierre Lurçat

May 2 2025, 15:12pm

Posted by Pierre Lurçat

 Ceux qui cultivent la terre et ceux qui la brûlent :  Le terrorisme incendiaire des origines du conflit israélo-arabe jusqu’à nos jours, par Pierre Lurçat

NB Je republie cet article paru en 2018. "Il n'y a rien de nouveau sous le soleil"... Shabbat shalom!

Atarot brûle. Motsa brûle encore. Des brigands arabes ont incendié la banlieue de Jérusalem, Talpiot, et ont dévasté la maison de l’écrivain Agnon. La célèbre yeshiva de Hébron a été prise d’assaut. De jeunes disciples désarmés cherchèrent refuge dans la salle de prière où ils furent mis à mort… Et tout cela sous l’oeil de la puissance mandataire. Mais qu’attend donc le monde de nous autres Juifs?”

 

C’est en ces termes que le philosophe juif allemand Theodor Lessing a décrit dans son livre fameux, La haine de soi juive, les terribles “événements de 1929”, c’est-à-dire la vague de pogromes et de violences anti-juives déclenchées par des bandes arabes organisées, qui culminèrent avec le tristement célèbre massacre de Hébron le 24 août 1929, au cours duquel 67 Juifs furent massacrés dans la Cité des Patriarches, souvent par leurs propres voisins.

 

 

Cette description nous rappelle que les incendies de champs autour de Gaza par les cerfs-volants ne sont pas une nouveauté : l’arme utilisée est peut-être nouvelle, mais la volonté de détruire et de semer la destruction, elle, ne l’est pas. Elle est en réalité aussi ancienne que le conflit israélo-arabe, qui n’a pas commencé en 1948 ou en 1967. On pourrait dire, de manière succincte, que ce conflit oppose une entreprise de construction (le sionisme juif) et une entreprise de destruction (l’antisionisme arabe).

 

Lors des pogromes arabes de 1929, l’écrivain Immanuel Haroussi (“Emmanuel le Russe”, de son vrai nom Emmanuel Novogarbelski) avait écrit une berceuse en l’honneur de la naissance de son fils, dont les paroles décrivaient ainsi la vie en Eretz-Israël à l’époque:

 

“Demain ton père sortira labourer, il tracera des sillons. Quand tu grandiras, la tête droite, vous sortirez dans les champs. Tu grandis en Eretz Israel, dans la joie et dans l’effort, tu travailleras comme ton père. Tu planteras dans les larmes et récolteras dans la joie. Alors, pour le moment, écoute ta mère et endors-toi. La nuit est froide, les renards aiguisent leurs dents mais ton père monte la garde, il ne dort pas. Le jour il travaille, la nuit il garde la grange, tu grandiras et seras fort et tu garderas avec lui.  

 

Couche-toi mon fils, n’aie pas peur, tout le moshav est en alerte. Ta mère aussi monte la garde, elle te protège, Avner. La grange brûle à Tel Yossef et de Beit Alfa monte une fumée, ne pleure pas, endors-toi. Cette nuit, le feu dévore la ferme et la paille. Il est interdit de désespérer, demain nous recommencerons à nouveau. Demain, il faudra poser les fondations, ton père construira  une maison pour son fils. Tu grandiras, tu l’aideras et vous la construirez ensemble”. (La traduction est due à Hannah, Boker Tov Yeroushalayim)

 

Survivants du pogrome de Hébron, 1929

 

Ce poème d’Immanuel Haroussi montre combien l’ethos sioniste est, depuis 1929 et jusqu’à nos jours, demeuré identique. Face aux émeutiers, aux pogromistes et aux incendiaires arabes, il faut continuer de construire, de planter, de semer et de récolter… Cette volonté inébranlable de reconstruire et de “recommencer” après chaque attentat, chaque incendie et chaque guerre est sans doute ce qui fait la force du peuple d’Israël revenu sur sa terre. Mais cette force incroyable de résistance de “l’arrière” israélien - femmes, enfants, hommes - face à ses ennemis ne doit pas non plus masquer la faiblesse d’Israël, en tant qu’armée et en tant qu’Etat, face à des ennemis voués à sa destruction comme le Hamas.

 

Israël face au Hamas : Samson enchaîné

 

Comme je l’écrivais en 2012, lors d’un précédent round d’affrontements avec le Hamas, comme Samson dans la Bible, Israël est un géant théoriquement capable d’anéantir ses ennemis, mais dont la force est neutralisée, pour des raisons essentiellement politiques et psychologiques. Notre peuple est incroyablement fort, et il a fait montre pendant la semaine de guerre de l’opération Colonne de nuée d’une admirable capacité de résistance sous les missiles, dont aucun autre peuple n’a donné d’exemple depuis le Blitz sur Londres… Mais notre État et ses dirigeants, eux, font souvent preuve d’une grande faiblesse et d’une impuissance tragique, et la réussite relative du système Dôme d’acier parvient difficilement à masquer l’incapacité de Tsahal à empêcher que l’arrière devienne le front et que les civils se trouvent aujourd’hui en première ligne, d’Ashqélon à Rishon-le-Tsion.

 

Les événements des dernières semaines m’incitent à tempérer ce diagnostic. La réaction de Tsahal face à la récente offensive militaire du Hamas (abusivement présentée comme une “marche pacifique” dans les médias occidentaux) a été exemplaire. Mais face aux cerfs-volants incendiaires, Israël se retrouve à nouveau (et provisoirement) désarmé, face à un ennemi inhumain qui ne tue pas seulement des enfants, mais qui tue l’enfance. La solution, face au Hamas, n’est pas seulement technologique et militaire. Elle est aussi et avant tout psychologique et stratégique. Pour vaincre le Hamas, Israël doit retrouver la conviction que la victoire est possible et qu’elle est nécessaire.

 

Pierre Lurçat

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