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Dans la tête d’un lecteur d’Ha'aretz (II) : Compassion pour Gaza et détestation des Juifs, Pierre Lurçat

June 3 2025, 07:30am

Posted by Pierre Lurçat

Hananel Guez portant la dépouille de son bébé

Hananel Guez portant la dépouille de son bébé

Dans notre précédente chronique de la folie ordinaire du journal Ha’aretz, nous avons relaté comment le quotidien des élites israéliennes jouait avec l’accusation de génocide comme un enfant joue avec des allumettes, contribuant ainsi – tout comme les intellectuels juifs qui reprennent ce narratif – à allumer le brasier de la haine antijuive en Occident et partout dans le monde. Dans la chronique d’aujourd’hui, nous voudrions donner un autre exemple de cette folie ordinaire.

 

Israël tout entier a pleuré en voyant la photo terrible de Hananel Guez, mari de Tsala h.y.d, lâchement assassinée par un terroriste arabe il y a deux semaines, portant en terre le linceul minuscule abritant la dépouille mortelle de leur fils, qui est décédé après que les efforts prolongés pour le sauver aient finalement échoué. Israël tout entier ? Non… Une petite frange radicale du public israélien préfère apparemment verser ses larmes sur les “enfants de Gaza” et réserve toute sa compassion à nos ennemis et à leurs enfants.

 

Le quotidien Ha’aretz donnait vendredi un exemple particulièrement cruel et révoltant de cette attitude inhumaine, qui se pare des vertus de la “compassion” sélective dont sont tellement friands les “belles âmes” de la gauche israélienne et juive. Dans sa chronique télévision en dernière page du quotidien, Roguel Halper se livre à un exercice de déshumanisation du père et mari endeuillé Hananel Guez, exercice qui ne dépareillerait pas les pages du Stürmer nazi ou de ses équivalents du monde arabo-musulman contemporain.

 

Les diffusions télévisées des oraisons funèbres lors de l’enterrement des colons de Judée-Samarie, victimes du terrorisme ou de la guerre, sont devenus l’équivalent fondamentaliste juif des sermons incitant à la haine des imams radicaux dans les mosquées le vendredi. Sous couvert de deuil, est diffusée une théorie raciale de suprématie juive kahaniste et messianiste. L’oraison funèbre prononcée par Hananel Guez lors de l’enterrement de son fils, le bébé Ravid Haïm, décédé deux semaines après l’attentat qui a coûté la vie à sa mère Tsala près de l’implantation de Bruchin, a été entièrement diffusée sur la 14e chaîne…

 

Cette oraison parlait du rêve de chasser tous les Arabes et de renforcer la vision du monde messianiste. “Alors que faut-il faire ?”, a-t-il demandé de manière provocatrice. “C’est très simple. Nous devons réaliser le transfert. De tous”. Il a appelé “tous les Arabes” à “partir à Honolulu” ou “sur la lune”, en rappelant à Nétanyahou que Trump expulsait les émigrants illégaux. On pouvait penser que de son point de vue, les Palestiniens habitants de Judée-Samarie sont tous les émigrants illégaux, mais en réalité c’est encore pire. Selon lui, ce sont des “bêtes sauvages” qu’aucun autre pays n’accepterait sur son territoire”.

 

“Alors qu’il portrait en terre son bébé, Guez n’a eu aucune compassion pour les enfants, les pères et mères des autres peuples, des autres familles… Il a appelé à exécuter sans délai “tous ces assassins”. Dans le studio, la représentante de l’organisation fasciste (sic) “Réservistes – génération de la victoire” a expliqué qu’au lieu de s’occuper d’un terroriste isolé, il fallait s’occuper de tout son village, de sa culture, en bref, de “tous ces assassins”...

 

Cet article – qui est conforme à la vision du monde de la plupart des journalistes de Ha’aretz et d’une grande partie de son lectorat (heureusement en forte diminution depuis le 7 octobre) – montre que la compassion est toujours sélective. Ceux qui éprouvent de la compassion pour les habitants de Gaza, pour ces “civils innocents” qui ont participé aux pogromes du 7 octobre et qui continuent de soutenir le Hamas jusqu’à ce jour, n’ont aucune compassion pour les victimes juives du terrorisme arabe. Pire : ils les détestent ouvertement, comme le démontre cette chronique de la folie ordinaire.

 

Le Talmud avait énoncé il y a longtemps cette vérité éternelle : “Celui qui a pitié des méchants est cruel envers les Justes”. C’est le cas du journal Haaretz et de tous ceux qui, en Israël comme à Paris, prétendent verser des larmes sur les “enfants de Gaza” tout en vilipendant les pionniers de Judée-Samarie. Comme l’écrivait récemment le linguiste Jean Slamovicz au sujet de Delphine Horvilleur, “cette victimisation des agresseurs” procède d’un “narcissisme vertueux” et d’une “arrogance morale” qui contribue à “renforcer l’antisionisme”. On ne saurait mieux dire.

J’invite mes lecteurs à continuer de signer la lettre ouverte / pétition que j’ai adressée à D. Horvilleur à ce sujet, ici : https://chng.it/nKbYJ9zmFm

 

P. Lurçat

Dans la tête d’un lecteur d’Ha'aretz (II) :  Compassion pour Gaza et détestation des Juifs, Pierre Lurçat

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Les “Enfants affamés de Gaza”: Une nouvelle “Passion” au service de l’antisionisme radical et de la haine antijuive

May 26 2025, 07:45am

Posted by Pierre Lurçat

Les “Enfants affamés de Gaza”:  Une nouvelle “Passion” au service de l’antisionisme radical et de la haine antijuive

Il faut regarder les dizaines d’images publiées chaque jour dans les médias occidentaux. Le cadre varie parfois légèrement, l’angle peut dévier ou la composition s’écarter de la précédente, mais l’essentiel reste identique. Ce sont toujours ces images de visages d’enfants, de femmes à la bouche distordue, qui semblent littéralement “crier famine”. J’emploie à dessein le terme d’image et non celui de photographie, car il s’agit de toute évidence de mises en scène. Non pas au sens où la scène serait totalement inventée, mais à celui où les images diffusées par les médias “mettent en scène” la réalité qu’elles décrivent. Ce qui n’exclut pas que certaines scènes soient totalement créées pour les besoins de la cause (pour ceux qui en douteraient, qu’ils consultant les nombreuses enquêtes sur “Pallywood”, l’industrie de propagande palestienne créée depuis au moins quatre décennies pour diffamer Israël, son armée et son peuple).

 

Mais revenons à l’essentiel de ce que nous disent ces images. Ce qu’elles nous racontent, sans qu’aucun mot ajouté, aucun commentaire ou aucune légende ne soient nécessaires (car, comme l’expliquait la psychologue Liliane Lurçat, “L’image porte en elle sa propre crédibilité, sans que la référence à une quelconque réalité extérieure soit nécessaire”[1]), est un récit d’une extrême simplicité : “les Juifs affament les enfants”. Le récit mythique que portent ces images est ainsi celui d’une véritable nouvelle “Passion”, au sens d’un récit fondateur qui permet de susciter des émotions partagées par des millions de personnes et d’exciter des foules…

 

Si l’on poursuit la comparaison, cette “Passion” des enfants de Gaza est pour ainsi dire – tout comme la “Passion du Christ” fut le mythe fondateur de l’antisémitisme chrétien – le nouveau mythe fondateur du Nouvel Antisémitisme, qui s’inscrit dans la suite des mythes de Deir Yassin, Mohammed Al-Dura, Djénine, Sabra et Chatila, etc. Rappelons ce qu’écrivait l’historien de l’antisémitisme Pierre-André Taguieff au sujet du mythe Al-Dura, auquel il a consacré des développements éclairants dans son livre La Judéophobie des Modernes :Dans la construction du sionisme comme une entreprise génocidaire, les propagandistes font feu de tout bois…” Selon Taguieff, la transformation de Mohammed Al-Dura en “enfant-martyr” de l’armée israélienne s’est faite en référence et “par assimilation avec la légende du crime rituel juif[2].

 

Le mythe des “enfants affamés de Gaza” est ainsi un nouveau maillon dans la chaîne du mythe du “génocide du peuple palestinien”, que j’ai longuement analysé dans mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Il est également relié à un autre mythe fondateur de l’antisionisme, celui du “peuple palestinien souffrant”. Ce n’est évidemment pas un hasard si le Hamas, qui est passé maître dans l’art de la propagande, recourt à des images qui renvoient immédiatement tout spectateur occidental à l’élément fondateur dans la conscience chrétienne qu’est la Passion du Christ. Comme l’explique le philosophe Charles Rozjman, “Le Hamas connaît son audience. Il sait que l’Occident aime les faibles, même quand les faibles sont des bourreaux”.

 

La force de ce nouveau récit antijuif – tout comme les précédents – est de réduire à la plus simple expression toute la complexité d’une situation de guerre dans laquelle le fauteur de guerre (le Hamas) considère ses propres victimes civiles comme autant de victoires contre Israël, qui s’efforce, lui, de diminuer autant que faire se peut le nombre de victimes civiles… Toute cette complexité est réduite à néant par la puissance de l’image, qui annihile toute réflexion critique, toute mise à distance et toute mise en perspective pour acculer le spectateur au sentiment le plus primaire et le plus immédiat… Comme le fait remarquer Pierre-André Taguieff, l’image est au cœur de la propagande du Hamas visant à criminaliser les Juifs.

 

            Dans ce contexte, lourde est la responsabilité de tous ceux qui non seulement ne dénoncent pas l’opération de propagande du Hamas, mais qui en reprennent la thématique, fut-ce en invoquant la “morale” ou le “devoir” de leur conscience… C’est évidemment le cas de ces anciens et actuels responsables politiques et militaires israéliens qui accusent leur propre pays de “crimes de guerre”. Mais c’est aussi celui d’intellectuels juifs de France qui ajoutent leur voix au choeur des calomniateurs, parfois en prétendant le faire “par amour d’Israël”... Ce faisant, ces intellectuels égarés participent eux aussi de la nouvelle croisade antijuive qui a lieu aujourd’hui, autour du mythe meurtrier des « enfants affamés de Gaza ».

Pierre Lurçat

NB Continuez de signer et faire signer la pétition-lettre ouverte que j’ai adressée à Delphine Horvilleur, ici : https://chng.it/nKbYJ9zmFm


[1] L. Lurçat, La manipulation des enfants par la télévision et l’ordinateur, F.X de Guibert 2008, p. 93.

[2] P.A. Taguieff, La judéophobie des Modernes, Odile Jacob 2008, p. 300.

Distribution de vivres à Gaza: une nouvelle Passion du Christ

Distribution de vivres à Gaza: une nouvelle Passion du Christ

L'Arrestation du Christ, de Matthias Storm

L'Arrestation du Christ, de Matthias Storm

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Gaza : qui utilise l'arme de la faim ? Réponse à Delphine Horvilleur et à d’autres Juifs égarés

May 9 2025, 11:24am

Posted by Pierre Lurçat

Gaza : qui utilise l'arme de la faim ?  Réponse à Delphine Horvilleur et à d’autres Juifs égarés

 

Une enquête du quotidien Israel Hayom révèle que, contrairement aux accusations portées contre Israël par de nombreuses ONG et relayées par les médias occidentaux, l'aide humanitaire continue d'entrer à Gaza. Le Hamas ne se prive pas, de son côté, d'utiliser "l’arme de la faim", en s'appropriant depuis le début de la guerre l'aide humanitaire qu'il exploite cyniquement pour asseoir son pouvoir sur la population de Gaza, tout en refusant obstinément de libérer les civils israéliens pris en otage il y a plus de 18 mois.

 

Cette réalité largement occultée ne doit pas nous empêcher de poser la question : est-il légitime pour une démocratie, en guerre contre un ennemi aussi implacable que le Hamas, de vouloir contrôler l'aide humanitaire ? Israël est-il moralement fondé à ne pas laisser l'aide humanitaire parvenir aux mains de l'organisation islamiste radicale ? Pour répondre à cette question, il faut se répartir du regard simpliste et manichéen que posent trop souvent les médias sur la guerre à Gaza et sur ses conséquences pour la population civile

 

Comme l'avait dit jadis Golda Meir, si les Arabes déposaient les armes, il y aurait la paix. Mais si Israël dépose les armes, il cessera d’exister. Cela est d'autant plus vrai s'agissant du Hamas, qui porte l'entière responsabilité de la guerre actuelle et de la situation à Gaza. Chaque fois que l'on mentionne la question de l'aide humanitaire et de l'approvisionnement de Gaza, il faut rappeler cette vérité essentielle : il suffirait que le Hamas libère les otages (cruellement privés de nourriture et de traitements médicaux, en contravention avec toutes les règles du droit humanitaire, sans que les ONG ne s'en émeuvent) pour que la situation actuelle prenne fin.

 

Il est regrettable que des organisations juives comme JCall reprennent à leur compte le narratif mensonger du Hamas, en accusant Israël d'affamer la population de Gaza et en faisant porter la responsabilité de la situation actuelle au gouvernement israélien. Cette attitude est d’autant plus condamnable lorsqu’elle émane de personnalités juives qui prétendent exercer un magistère moral, à l’instar du rabbin Delphine Horvilleur qui accuse elle aussi Israël « d’affamer des innocents et de condamner des enfants » (sic). Comment espérer que le monde civilisé comprenne et soutienne Israël, si des personnalités juives reprennent à leur compte les pires calomnies de la propagande anti-israélienne ?

 

Le journaliste Guillaume Erner tombe dans le même travers lorsqu'il oppose, dans un récent billet d'humeur sur France Culture, l’idéal sioniste de la génération de Golda Meir au radicalisme du gouvernement israélien actuel. En réalité, la "dame de fer" d'Israël avait été elle aussi confrontée à un dilemme similaire à celui que le Hamas a imposé à Israël, dans la guerre cruelle qu’il a déclenchée le 7 octobre 2023.

 

C’était lors de la guerre de Kippour. Après le choc initial et la surprise de l’attaque conjointe syro-égyptienne, lancée le jour le plus sacré du calendrier juif, Israël se ressaisit et parvint à encercler la Troisième Armée égyptienne dans le désert du Sinaï. Celle-ci se trouva alors à court de provisions d’eau. Face aux demandes incessantes des Américains, pour qu’Israël laisse passer un ravitaillement pour les soldats égyptiens, Golda rétorqua : “Qu’ils nous rendent d’abord nos soldats prisonniers !” Et elle eut gain de cause.

 

Ce rappel historique montre que la réalité de la guerre est plus complexe que les raccourcis trompeurs des éditorialistes. Ceux qui prétendent s’inquiéter d’un “affaissement moral” ou qui dénoncent une “forme aseptisée de barbarie” soi-disant pratiquée par Israël se trompent et trompent leurs lecteurs. Car la guerre terrible dans laquelle le Hamas a entraîné Israël sur l'instigation de l'Iran, est la plus longue mais aussi la plus juste des guerres qu'Israël mène pour sa survie depuis 1948.

Pierre Lurçat

 

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Les intellectuels juifs et la guerre à Gaza (V) Démission et dérives des clercs juifs : Bruno Karsenti et Delphine Horvilleur

March 19 2024, 12:44pm

Posted by Pierre Lurçat

Les intellectuels juifs et la guerre à Gaza (V) Démission et dérives des clercs juifs : Bruno Karsenti et Delphine Horvilleur

 

Honte à tous ces fils qui préfèrent embrasser une carrière académique, ou “entrer en littérature”, dans le luxe et le confort des grandes villes d’Occident, au lieu de porter les pierres sur la grande route de Yeroushalayim”.

Theodor Lessing[1]

 

 

On ne sait pas si la nouvelle doit faire rire ou pleurer: le chorégraphe israélien Ohad Naharin, dont l’organisation “Ballet Irland” a décidé de déprogrammer un spectacle pour “punir” Israël de sa riposte militaire à Gaza, a réagi en déclarant qu’il aurait “soutenu cette décision s’il pensait qu’elle aiderait les Palestiniens”. Et il a ajouté, sur la télévision israélienne Kan, “Notre gouvernement est un ennemi d’Israël, les gens qui ont élu ces personnes sont des ennemis d’Israël”. Vous avez bien lu. Les ennemis d’Israël, selon Naharin, ne sont pas les terroristes du Gaza et leurs alliés, mais bien le gouvernement israélien et ses électeurs… Cette déclaration illustre un phénomène plus général, qu’on pourrait décrire comme la démission (ou la trahison, au sens où l’entendait Julien Benda) de certains intellectuels et artistes juifs, face au défi existentiel de la guerre déclenchée le 7 octobre par les ennemis mortels d’Israël.

 

Dans ce cinquième volet de notre série d’articles consacrée aux intellectuels juifs face à la guerre de Gaza, nous allons analyser les récents propos de deux intellectuels illustrant ce même phénomène. Dans un récent entretien sur Akadem, Delphine Horvilleur trouve ainsi “abject” et révoltant le fait que l’armée israélienne “tue tellement de Palestiniens” à Gaza. Et Ruben Honigman qui l’interviewe abonde dans son sens. Dans la revue K (qui fut parfois mieux inspirée), Bruno Karsenti prétend quant à lui qu’une guerre menée par des moyens injustes n’est pas une guerre juste, citant à l’appui de cette affirmation le philosophe juif américain Michael Walzer. Le commun dénominateur entre ces deux prises de position est que ces intellectuels prétendent critiquer (et condamner) Israël au nom de la justice (Karsenti) ou de la morale et des valeurs juives (Horvilleur).

 

Bruno Karsenti, comme bien d’autres avant lui, fait ainsi porter la responsabilité du “drame humanitaire” à Gaza au gouvernement israélien, n’hésitant pas à écrire : “Toujours à leurs postes dans le gouvernement, les sionistes religieux – dont la volonté de soumettre les Palestiniens est telle qu’ils puissent envisager leur expulsion de l’ensemble des territoires, et donc une politique d’épuration ethnique – ont continué à entretenir la haine et dresser des entraves à la fois à la politique humanitaire indispensable qui devait accompagner la riposte réassurant la sécurité…”. Ce faisant, il accrédite le narratif des adversaires politiques d’Israël (UE, frange progressiste du parti démocrate américain) qui établissent une symétrie entre le Hamas et une partie du gouvernement israélien.

 

Delphine Horvilleur, après avoir dénoncé la nazification d’Israël, qualifie la mort de civils palestiniens à Gaza d’”horrifiant” (sic) et va jusqu’à comparer la “contextualisation” par une partie de la communauté juive des morts de Gaza à celle des exactions du 7 octobre par les soutiens du Hamas. “Israël doit et peut faire beaucoup plus en matière de protection des civils”, explique doctement la rabbine, rejoignant ainsi l’exigence présentée à Israël par le président des Etats-Unis Joe Biden. Au-delà même de l’incroyable prétention d’intellectuels à juger de la stratégie militaire d’Israël, sans avoir pour cela plus de compétence que le téléspectateur lambda, en abusant de leur magistère intellectuel et de leur position sociale, il y a là une forme d’argumentation qui mérite d’être analysée, et si besoin dénoncée.

 

Comment ces intellectuels juifs peuvent-ils prétendre défendre Israël contre ceux qui l’accusent de “génocide” ou d’épuration ethnique, dès lors qu’eux-mêmes accusent Israël (ou son gouvernement) de ne pas faire assez pour protéger les civils (Horvilleur) ou d’aspirer à une épuration ethnique des Palestiniens (Karsenti)? Concernant ce dernier, le procédé rhétorique consistant à imputer à la fraction sioniste-religieuse du gouvernement une volonté d’épuration ethnique (totalement fantasmatique, pour qui connaît un peu le sionisme religieux, dont les meilleurs des fils se battent et meurent à Gaza) conduit en fait à faire porter sur Israël tout entier cette accusation délirante et lourde de conséquences.

 

On est bien loin ici, tant chez l’un que chez l’autre, de la responsabilité de l’intellectuel juif (et de l’intellectuel tout court) soulignée par André Neher. Comment expliquer un tel dévoiement ? La première hypothèse est que ces clercs préfèrent, selon les mots anciens mais toujours actuels de Theodor Lessing cités en exergue, penser à leur “carrière académique”, au lieu de “porter des pierres sur la grande route de Yeroushalayim”. L’autre explication, plus indulgente mais tout aussi préoccupante, est qu’ils sont tellement influencés par le débat public et par la propagande anti-israélienne en France qu’ils reprennent à leur compte, sciemment ou à leur insu, les arguments des ennemis d’Israël, tout en s’en défendant. (à suivre…)

Pierre Lurçat

 

 

Les intellectuels juifs face à la guerre de Gaza (IV) : Ceux qui refusent d’écouter les témoins du massacre - VudeJerusalem.over-blog.com

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (III) : entre mobilisation et “business as usual” - VudeJerusalem.over-blog.com

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (II) Biais cognitifs, préjugés et présupposés idéologiques - VudeJerusalem.over-blog.com

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (I) : le serment solennel d’André Neher - VudeJerusalem.over-blog.com

 

 

[1] La haine de soi, le refus d’être juif, éditions Berg International 1990, pages 26-33, traduction de M. Ruben-Hayoun.

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Parler à nos ennemis le langage qu’ils comprennent (I) : Une nouvelle Naqba ?

December 31 2023, 08:26am

Posted by Pierre Lurçat

Les Arabes n’ont pas encore inventé le mot qui permettra de décrire l’état de ruines de Gaza après la fin des combats

Les Arabes n’ont pas encore inventé le mot qui permettra de décrire l’état de ruines de Gaza après la fin des combats

A la mémoire de J. Kupfer, dont le Yahrzeit aura lieu dimanche 7 janvier à Jérusalem       

Après 86 jours de guerre, Israël peut déjà dresser un premier bilan provisoire des opérations militaires à Gaza. Au-delà des succès purement opérationnels sur le terrain, la plus grande réussite à porter au crédit de la guerre en cours est sans doute, comme je l’ai expliqué au micro de Richard Darmon, celle que Tsahal a déjà remportée sur le plan psychologique, en faisant passer la peur dans le camp de l’ennemi.

Israël commence à comprendre qu’on ne parle pas de sushis dans une région où on ne mange que du houmous, pour reprendre l’image parlante du spécialiste de l’Iran Eliaou Yossian. Nous commençons enfin à savoir parler le langage que nos ennemis comprennent. La meilleure façon de savoir si la guerre que mène Israël à Gaza atteint ses objectifs est en effet d’écouter ce que disent nos ennemis. Un récent discours de Mahmoud Abbas est à cet égard très instructif.

Le vieux chef de guerre du Fatah, héritier de l’inventeur du terrorisme international Arafat (ima’h shemo), négationniste patenté formé à l’école de la propagande de Moscou – la meilleure dans le genre depuis que l’Allemagne nazie a été défaite en 1945 – se plaignait en arabe de la “nouvelle Naqba” qu’Israël est en train d’infliger aux Palestiniens à Gaza. Ma première réaction en écoutant Abbas fut de penser : « Encore une exagération et un nouveau mensonge, bien conformes à l’hyperbole arabe ». Mais, après réflexion, une autre réaction est possible, et peut-être souhaitable. Une nouvelle Naqba ? Et pourquoi pas ?

Le 7 octobre a été un cataclysme dans l’histoire de l’Etat d’Israël et dans celle du peuple Juif. Il a été, pour citer le mot du journaliste Michel Gurfinkiel, « à la fois notre 11 septembre, notre second Kippour et un terrible rappel de la Shoah ». La réponse doit être à la hauteur de l’événement. Après le 11 septembre, les Etats-Unis ont mené une guerre sans merci au terrorisme islamiste, qui n’est pas finie à ce jour. Après la Shoah, le peuple Juif a élaboré un « 614e commandement », selon l’expression parlante du philosophe Emil Fackenheim : celui de ne pas donner de victoire posthume à Hitler.

C’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui. Au lendemain du 7 octobre, Israël a compris que nos ennemis étaient les héritiers du nazisme et qu’aucun compromis n’était de mise avec eux. Israël tout entier a compris qu’on ne pouvait s’accommoder de la présence de nazis assoiffés de sang juif à nos frontières[1]. Alors, une « nouvelle Naqba »? Oui ! Sans hésitation. La victoire que Tsahal est en passe de remporter à Gaza fera pâlir les précédentes victoires militaires israéliennes, par l’étendue des destructions dans le camp ennemi et des pertes infligées, civiles et militaires.

Les Arabes n’ont pas encore inventé le mot qui permettra de décrire l’état de ruines de Gaza après la fin des combats. Nous allons leur faire regretter la Naqba de 1948 et celle de 1967. Nous allons leur faire passer l’envie de nous attaquer pour au moins deux générations. Et cette fois-ci, nous ne nous excuserons pas d’avoir gagné, comme disait Ephraïm Kishon. Avec l’aide de D.ieu, nous sommes en train d’écrire une nouvelle page glorieuse de l’armée et du peuple d’Israël ! Am Israël Haï ! Ad Hanitsahon !

P. Lurçat

 

 

[1] J’ai exposé mon désaccord sur ce point précis à G. Bensoussan, qui affirmait qu’on devrait s’accommoder de Gaza tout comme la France s’était accommodée de l’Allemagne en 1919.

 

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Pourquoi combattons-nous ? (III) Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

November 28 2023, 08:00am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi combattons-nous ? (III)  Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

 

Comme l'écrivait Jabotinsky il y a tout juste un siècle, la paix « ne dépend pas de notre attitude envers les Arabes, mais uniquement de l’attitude des Arabes envers le sionisme ». Ceux qui parlent encore de “la Paix maintenant” et qui n’ont pas renoncé aux illusions mortelles de “l’Etat palestinien” n’ont pas encore tiré les leçons du 7 octobre 2023. Troisième volet de notre série d’articles “Pourquoi combattons-nous ?”

 

Lire les précédents articles

Pourquoi combattons-nous ? (II): Rétablir la souveraineté juive sur le Mont du Temple - VudeJerusalem.over-blog.com

Pourquoi combattons-nous ? (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Dans une récente émission sur Europe 1, l’historien Georges Bensoussan comparait la guerre actuelle à Gaza entre Israël et le Hamas et « ce qui s’est passé entre Allemands et Français en 1919 ». Si la comparaison peut avoir du sens aux yeux d’un Européen, en a-t-elle aussi pour ceux qui vivent au Proche-Orient ? La guerre d’Israël contre ses ennemis arabes est-elle comparable aux conflits qui ont ensanglanté l’Europe au vingtième siècle ?

 

Eliaou Yossian, membre du centre Misgav pour la sécurité nationale et spécialiste de l’Iran, apporte un regard très différent sur le conflit actuel et sur la définition de l’ennemi. « Le lexique occidental qui affirme qu’il faut éviter les pertes civiles n’est pas adapté. Il n’y a pas de ‘civils innocents’ à Gaza… Les Gazaouis ont élu le Hamas. Nous devons modifier notre définition de l’ennemi. Ce n’est pas le Hamas, l’ennemi qui domine Gaza ; Gaza est notre ennemi ».

 

Eliaou Yossian
           

La réflexion de Yossian, ancien membre de la fameuse unité 8200, prend tout son sens si l’on revient à la comparaison faite par G. Bensoussan. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, aucun dirigeant allié et aucun Anglais ou Français ne définissait son ennemi comme étant la Waffen-SS, ni même la Wehrmacht. L’ennemi était l’Allemagne, tout simplement. C’est précisément ce qui a permis aux Anglais et aux Américains de triompher de l’ennemi, y compris en menant des bombardements intensifs sur la ville de Dresde, notamment, ou en utilisant la bombe atomique pour forcer le Japon à capituler.

 

Qui a raison ? L’historien français ou le spécialiste israélien de l’Iran ?

 

Selon G. Bensoussan, qui cite Georges Clémenceau (parlant des Allemands après la Première Guerre mondiale), « Il faut nous accommoder de ces soixante-dix millions d’hommes et de femmes qui vivent à côté de nous ». Et Bensoussan en conclut qu’Israël doit lui aussi « s'accommoder de cette population (arabe de Gaza) et vivre avec eux en bonne intelligence ». La comparaison pèche de toute évidence par un excès d’optimisme. En effet, la leçon principale des événements du 7 octobre, que beaucoup ont tirée en Israël dès le lendemain de l’attaque meurtrière du Hamas, est que le rêve d’une coexistence pacifique est illusoire.

 

L’ennemi contre lequel se bat aujourd’hui Israël n’est pas seulement le Hamas, car celui-ci se fond dans la population de Gaza comme un « poisson dans l’eau », pour reprendre l’image du président Mao Zedong. Il est chez lui à Gaza, et ses exactions sont acceptées comme conformes à la culture ambiante. Les civils de Gaza qui ont pris part aux viols, aux tueries et aux actes barbares commis le 7 octobre dans les kibboutz frontaliers de Gaza n’étaient pas entraînés ou appelés en renfort par le Hamas : ils se sont joints spontanément à la « razzia » contre l’ennemi juif.

 

Comment gagner la guerre de Gaza ?

 

L’ennemi contre lequel se bat Israël se trouve à Gaza, mais aussi en Judée-Samarie, et il importe de savoir le définir précisément, avant de pouvoir le vaincre. Le juste combat d’Israël ne s’achèvera pas avec l’éradication du Hamas. Il passe par l’éradication de tous les mouvements palestiniens irrédentistes, qui prônent la destruction d’Israël et qui nient les droits du peuple Juif sur sa terre, que ces mouvements s’appellent Hamas, Hezbollah, Fatah, etc. La leçon du 7 octobre 2023 pour Israël – comme celle du 11 septembre 2001 pour les Etats-Unis – est qu’on ne peut jamais « s'accommoder » de l’existence d’ennemis voués à votre destruction.

 

Pour gagner la guerre, il faut donc que l’ennemi renonce à son idéologie et à ses objectifs. Si l’on reprend la comparaison faite par G. Bensoussan et par tous ceux qui, en Occident, prétendent appliquer au conflit israélo-arabe des concepts européens, la paix ne viendra pas avant qu’une nouvelle génération apparaisse chez les Arabes d’Eretz-Israël (les « Palestiniens » selon le vocabulaire usité et largement mensonger). Comme l'écrivait Jabotinsky il y a tout juste un siècle, la paix « ne dépend pas de notre attitude envers les Arabes, mais uniquement de l’attitude des Arabes envers le sionisme ». Ceux qui parlent encore de « la Paix maintenant » et qui n’ont pas renoncé aux illusions mortelles de « l’Etat palestinien » n’ont pas encore tiré les leçons du 7 octobre 2023.

P. Lurçat

Article paru initialement sur Dreuz.info Pourquoi combattons-nous ? (III) Définir l’ennemi pour gagner la guerre - Dreuz.info


NB Mon nouveau livre, Face à l’opacité du monde, est disponible sur Amazon, B.O.D et dans les bonnes librairies.

Pourquoi combattons-nous ? (III)  Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

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Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

November 3 2023, 07:57am

Posted by Pierre Lurçat

Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

Pourquoi Israël est-il sans cesse vilipendé et accusé de « crimes de guerre » à Gaza, alors même qu’il fait tout pour éviter les victimes civiles palestiniennes ou pour réduire leur nombre, face à un ennemi qui fait tout, de son côté, pour les multiplier ? Pour comprendre ce paradoxe, un détour par l’histoire de l’antisémitisme de l’Antiquité à nos jours est nécessaire.  Extrait de mon livre, Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain, paru en 2021.

Bernard Lazare, auteur d’un ouvrage devenu classique sur l’antisémitisme1, s’est interrogé sur la perpétuation à son époque (celle de l’Affaire Dreyfus) de l’accusation de crime rituel. Son interrogation portait plus précisément sur le paradoxe de cette accusation visant les Juifs, connus pour ne pas consommer de sang et pour avoir « horreur du sang ». Comment les Juifs, opposés aux sacrifices humains, ont-ils pu malgré cela être accusés de crimes rituels ? La réponse paradoxale à cette question est que ce n’est pas malgré, mais bien en raison de leur opposition aux sacrifices – que le judaïsme a été le premier à rejeter dans le monde antique – que les Juifs ont été vilipendés et accusés de crimes rituels. Comme l’explique Pierre-André Taguieff2:

« Tout se passe comme si l’opposition du judaïsme aux sacrifices humains, et en particulier aux sacrifices d’enfants, loin de calmer les passions antijuives, les avait exacerbées. Poliakov a formulé l’hypothèse selon laquelle la haine antijuive proviendrait du scandale provoqué par l’opposition du judaïsme aux sacrifices d’enfants. C’est précisément le respect de la vie humaine qui, chez les Juifs, ferait scandale, comme l’atteste ce passage de Tacite :
‘’Ils ont un grand soin de l’accroissement de la population. Ils regardent comme un crime de tuer un seul des enfants qui naissent ; ils croient immortelles les âmes de ceux qui meurent dans les combats ou les supplices ; de là leur amour d’engendrer et leur mépris de la mort’’ ».

La réponse donnée par Poliakov, qui a consacré sa vie à l’étude de l’antisémitisme à toutes les époques, consiste donc à dire, en s’appuyant sur une réflexion de l’historien romain Tacite, que c’est précisément le respect des Juifs pour la vie humaine qui fait scandale. Nous avons sans doute là une des clés de la compréhension de ce paradoxe : pourquoi Israël est-il sans cesse vilipendé et accusé de « crimes de guerre » à Gaza, alors même qu’il fait tout pour éviter les victimes civiles palestiniennes ou pour réduire leur nombre, face à un ennemi qui fait tout, de son côté, pour les multiplier ?

 

Léon Poliakov au procès Barbie, Lyon 1987

Le « scandale » du respect des Juifs pour la vie humaine

Si nous transposons l’explication très éclairante de Poliakov à l’antisionisme contemporain, nous pouvons proposer l’hypothèse suivante. Plus Israël fait preuve de retenue face aux terroristes du Hamas, plus il se montre soucieux de la vie humaine, plus le scandale du respect juif pour la vie éclate au grand jour. Rappelons ici la déclaration saisissante, faite à de nombreuses reprises par des dirigeants et membres du Hamas et d’autres mouvements islamistes contemporains :

« Nous aimons la mort plus que vous (les Juifs) aimez la vie !3 »

Selon ce discours, l’amour des Juifs pour la vie est perçu comme le signe incontestable de leur faiblesse, mais aussi comme un symptôme de leur morale scandaleuse.

Ce qui fait scandale chez les Juifs, c’est donc leur amour pour la vie et leur valorisation permanente de la vie (affirmée dans le verset du Deutéronome : « Et tu choisiras la vie ». Face à une culture mortifère comme celle des mouvements islamistes, qui valorisent la mort et la sanctifient, l’affirmation de la vie par Israël est perçue comme incongrue et révoltante. Cette opposition frontale entre deux conceptions radicalement opposées de la vie (et de la mort) permet aussi de comprendre le soutien paradoxal dont bénéficient en Occident les ennemis d’Israël.

Le paradoxe réside ici dans le fait, peu souvent remarqué, que le discours anti-israélien ou antisioniste continue d’accuser Israël, même lorsqu’il fait le bien (par exemple, lorsqu’il approvisionne en médicaments les habitants de Gaza), ou encore qu’il désigne Israël comme le Mal, tout en lui reconnaissant sa qualité de Bien. Comme l’écrit Éric Marty,

« si Sabra et Chatila fait scandale, c’est qu’il s’agit d’un crime qui a quelque chose à voir avec le Bien »,

précisant :

« Qu’est-ce qu’un crime qui a à voir avec le Bien ? C’est le crime qu’on impute au bouc émissaire…4 »[.

C’est sans doute une des raisons pour lesquelles la position morale israélienne est très souvent inopérante, face aux populations arabes soumises à la main de fer du Hamas à Gaza, ou de l’Autorité palestinienne en Judée-Samarie. Ce n’est pas parce qu’Israël approvisionne les habitants de Gaza en électricité ou en denrées alimentaires, ou qu’il laisse entrer l’argent du Qatar à Gaza, que les habitants de la bande de Gaza (ou les médias occidentaux) lui voueront une quelconque reconnaissance. Une telle conséquence impliquerait en effet au préalable que les deux parties partagent les mêmes critères moraux, et plus précisément, la même conception du Bien et du Mal, ce qui est loin d’être le cas. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain aux éditions l’éléphant, Jérusalem 2021)


1 Lazare, Bernard, L’antisémitisme, son histoire et ses causes, Chailley, Paris 1894.
2 P.A. Taguieff, « Un exemple d’inversion victimaire : l’accusation de meurtre rituel et ses formes dérivées »,https://journals.openedition.org/aad/3500#bodyftn11
3 Voir par exemple, « Des Brigades Izz ad-Din al-Qassam aux soldats sionistes : Les Brigades Al-Qassam aiment la mort plus que vous aimez la vie », Palestinian Media Watch, Rapport spécial n°5 sur l’opération Pilier de Défense, 20 novembre 2012, https://palwatch.org/page/4286
4 Bref séjour à Jérusalem, Gallimard p. 167.

Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

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“Humains, trop humains…” : Face à la cruauté du Hamas, l’humanité d’Israël est-elle justifiée? Pierre Lurçat

October 12 2023, 10:11am

Posted by Pierre Lurçat

“Humains, trop humains…” : Face à la cruauté du Hamas, l’humanité d’Israël est-elle justifiée? Pierre Lurçat

NB Plusieurs signes semblent indiquer que nous sommes sortis de cette posture "morale" erronée et que Tsahal se bat aujourd'hui sans limite contre un ennemi inhumain qui ne mérite aucune compassion. Comme je l'écrivais en 2018, "La victoire contre le Hamas n’est pas seulement une question militaire et stratégique, elle est aussi - et avant tout - une question morale. Car c’est sur le plan des normes morales que réside notre principale faiblesse. L’heure est à ‘terroriser les barbares’, selon l’injonction du Rav Kook. L’heure est au réarmement moral d’Israël et du peuple Juif face à leurs ennemis". P.L.

 

Une fillette de la famille du chef du Hamas subit une greffe à l’hôpital Ichilov de Tel-Aviv”. Cette information a fait la “Une” de l’actualité en Israël. Les médias français et occidentaux, eux, l’ont passée à la trappe. Ils préfèrent titrer, comme Le Monde, “Le survivant d’une famille décimée à Gaza, saisit la Cour pénale internationale”, en faisant passer Israël et le peuple Juif pour des assassins, conformément à l’imagerie antisémite séculaire. Mais mon propos n’est pas ici de déplorer une fois de plus les mensonges des médias occidentaux (1). La question qui me préoccupe est celle - plus fondamentale, voire cruciale - de notre propre vérité. Qui sommes-nous, ou plutôt qui voulons-nous être? Un modèle de moralité et d’angélisme dans un monde barbare? 

 

Est-ce que la vocation de “Lumière des nations” que nous assignent nos Prophètes consiste à soigner les proches de nos pires ennemis, ceux qui gardent en otages nos soldats - morts ou vivants - pour obtenir des concessions de notre part, en attendant de lancer un nouvel assaut meurtrier contre nos civils ? Ou peut-être sommes-nous victimes d’une terrible illusion, d’une erreur de perspective à laquelle nous ont habitués des centaines d’années d’existence galoutique, loin des préoccupations de la vie nationale, durant lesquelles nous avons désappris le sens véritable des injonctions bibliques et talmudiques? 

 

Plus encore qu’elle ne nous apprend sur la désinformation et le mensonge permanent des médias occidentaux concernant Israël, la décision de soigner la nièce d’Ismaïl Hanieyh à l’hôpital Ichilov doit nous faire réfléchir sur la psychologie de nos ennemis et la nôtre, et sur l’asymétrie fondamentale du conflit qui nous oppose à nos voisins. Elle nous invite surtout à comprendre ce que signifie véritablement la vocation morale d’Israël. Loin de vouloir faire l’éloge d’Israël, en démontrant une fois de plus combien nous sommes humains et nos ennemis inhumains, je prétends affirmer ici que notre humanité débordante est un défaut et une faille dans notre cuirasse, que nos ennemis savent exploiter pour nous affaiblir. Et elle n’est même pas conforme à notre Tradition authentique...

 

Un présupposé d’humanité mensonger

Car cette décision repose sur un présupposé d’humanité, qui est totalement faux ! Elle fait l’hypothèse que nos ennemis sont des hommes comme nous et qu’en leur montrant un visage d’hommes, nous les inciterons à dévoiler eux aussi leur humanité. Or c’est, hélas, le contraire qui est vrai… Plus nous sommes enclins à faire preuve d’humanité avec eux, plus ils se jouent de nous et se montrent cruels. Cette vérité éternelle avait déjà été énoncée par nos Sages dans le Talmud : « Celui qui a pitié des méchants, finit par se montrer cruel envers les justes… » Le peuple israélien a éprouvé dans sa chair la réalité tragique de cet adage, lorsque le gouvernement Sharon, voulant mettre fin à la « cruelle occupation  de Gaza », a fait preuve de l’inhumanité la plus flagrante envers les Justes qui peuplaient les yichouvim du Goush Katif. 

 

La synagogue détruite de Névé Dekalim : une inhumanité flagrante

 

La parasha de Ki Tetsé commence par le verset : “Lorsque tu iras en guerre contre tes ennemis, que l'Éternel, ton Dieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers”, au sujet duquel Rachi commente : “Il s’agit d’une guerre facultative, car dans les guerres pour Eretz-Israël il ne saurait être question de faire des prisonniers”. Si nous pensons que les mots de Rachi font encore sens aujourd’hui, alors nous ne pouvons faire l’économie de nous interroger sur le sens de ce commentaire, si terrible puisse-t-il paraître à la conscience juive actuelle, façonnée par l’idée occidentale d’origine chrétienne, de la dichotomie entre droit et morale, entre pouvoir séculier et religion. 

 

Comment agir face à des loups sauvages?

Dans un article très éclairant écrit après la Deuxième Guerre du Liban, dans la défunte revue francophone Forum-Israël, le rav Oury Cherki abordait la question de “l’éthique juive de la guerre”, et citait une réponse du rav A.I . Hacohen Kook au rav Zaïdel, qui lui avait demandé pourquoi la tradition juive impose des guerres si violentes et parfois si cruelles (2). Le rav Kook répondit : “Pour ce qui est des guerres, il était impossible à une époque où nos voisins étaient des loups sauvages, que seul Israël ne fasse pas la guerre, car alors, les nations se seraient liguées pour nous exterminer. Bien au contraire, c’était une chose indispensable. Il fallait terroriser les barbares, en employant également des moyens cruels, tout en gardant l’espoir d’amener l’humanité à ce qu’elle devrait être. Mais il ne faut pas avancer le temps, et se croire à l’époque messianique quand on n’y est pas”. 

Cette réponse énonce plusieurs vérités très actuelles sur l’attitude qu’Israël devrait adopter face au Hamas.  Premièrement, face à un ennemi barbare, on se doit d’être cruel. En d’autres termes, il faut “terroriser les terroristes”. (Et qu’on ne vienne pas nous dire que les civils de Gaza sont “innocents”. Car comme l’explique le Rav Cherki, la distinction entre des soldats “coupables” et des civils “innocents” repose sur un syllogisme erroné). Enfin, l’espoir de faire progresser l’humanité vers des normes morales plus élevées n’est pas aboli, mais il concerne les temps messianiques, qui ne sont pas encore là.

Rav Kook : “Il fallait terroriser les barbares”

Nos ennemis ne changeront pas. C’est donc à nous de changer ! Cessons de nous comporter en modèles d’humanisme, en agneaux dans un monde de loups. Devenons une fois pour toutes, comme l’exigeait Jabotinsky, une ‘race fière et cruelle’. Alors que le Hamas se prépare déjà au prochain round contre Israël, l’heure n’est pas aux marques d’humanité envers le Hamas, ses dirigeants et leurs familles, mais au renforcement de notre capacité de résistance et de contre-offensive. La victoire contre le Hamas n’est pas seulement une question militaire et stratégique, elle est aussi - et avant tout - une question morale. Car c’est sur le plan des normes morales que réside notre principale faiblesse. L’heure est à ‘terroriser les barbares’, selon l’injonction du Rav Kook. L’heure est au réarmement moral d’Israël et du peuple Juif face à leurs ennemis.

Pierre I. Lurçat

(Article publié initialement en 2018)

(1) Voir https://infoequitable.org/ sur les mensonges des médias français.

(2) Epitres du rav Kook, Igrot Re’ia, vol. 1 p. 100, cité par O. Cherki, art. cit. C’est moi qui souligne. Je renvoie également sur ce sujet aux chapitres de mon livre La trahison des clercs d’Israël (La Maison d’édition 2016) consacrés au droit juif de la guerre.

 

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“Dôme d’acier” ou “Mur de fer”? Force et faiblesse d’Israël face à Gaza, Pierre Lurçat

August 7 2022, 07:52am

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“Dôme d’acier” ou “Mur de fer”?  Force et faiblesse d’Israël face à Gaza, Pierre Lurçat

NB J'évoque le bilan de l'opération "Shahar" à Gaza au micro de Daniel Haik sur Studio Qualita.

Le nouveau round militaire entre Israël et Gaza, survenant à la veille de Tisha beAv, pose à nouveau la question lancinante de la doctrine stratégique israélienne face aux groupes islamistes soutenus par l’Iran. Au-delà des prouesses technologiques de “Kippat ha-barzel”, les tirs incessants venus de Gaza interrogent la validité du nouveau modèle instauré par Tsahal après la destruction du Goush Katif et, au-delà encore, celle de l’éthos défensif de l’armée israélienne. Dans les lignes suivants, extraites du livre Le mur de fer qui paraît ces jours-ci *, je montre en quoi Kippat Barzel est la négation du concept de Kir ha-Barzel développé par Jabotinsky il y a tout juste cent ans. P.L.

 

Le « Mur de fer » est devenu depuis un siècle un concept fondamental du lexique politique israélien. Peut-on dire pour autant que ce concept a été adopté dans les faits, c’est-à-dire dans la politique et dans la stratégie israélienne ? A cet égard, la réalité est plus contrastée. Si la doctrine de la dissuasion de Tsahal peut être globalement considérée comme l’application du « Mur de fer », la politique de défense israélienne n’est pas toujours conforme aux idées développées il y a cent ans par Jabotinsky. Ainsi, pour prendre un exemple récent, le système de défense « Kippat barzel » (« dôme d’acier ») mis en place par Tsahal autour de la bande de Gaza peut difficilement être considéré comme l’application du « Kir ha-Barzel » (« Mur de fer »), en dépit de la similarité des deux expressions.

            Le « dôme d’acier », malgré toute sa perfection technologique, ne vise en effet pas à assurer une quelconque dissuasion pour Israël, face aux tirs de roquette incessants venant de Gaza, mais plutôt à protéger les civils israéliens, sans aucunement empêcher les groupes terroristes palestiniens de poursuivre leurs attaques. De ce fait, il illustre le paradoxe d’une armée toujours plus intelligente, mais de moins en moins audacieuse. Comme le savent bien les dirigeants de l’armée israélienne, seule une offensive terrestre au cœur de la bande de Gaza permettrait de démanteler les lanceurs de missiles, voire de mettre fin au pouvoir du Hamas, installé depuis le retrait de l’armée israélienne en 2006. Or, la protection toute relative offerte par le dispositif du « dôme d’acier » empêche en fait Tsahal de mener une telle offensive, en la dissuadant d’adopter une logique militaire plus coûteuse en vies humaines. La dissuasion s’exerce donc envers Israël et non envers ses ennemis.

 

            Le « dôme d’acier » n’est donc aucunement l’application de la doctrine du « Mur de fer » élaborée par Jabotinsky il y a près de cent ans : il en est la négation. Cet exemple ne signifie toutefois pas que le « Mur de fer » aurait été totalement oublié, mais que cette notion est appliquée de manière variable, selon les circonstances et les différents fronts. Israël fait ainsi preuve depuis plusieurs années d’une audace impressionnante face à l’Iran, multipliant les opérations et les éliminations ciblées en territoire ennemi, tandis que sur le front de Gaza, Tsahal se montre beaucoup plus timorée, restant sur la défensive la plupart du temps. Cette disparité montre que l’éthos défensif – qui remonte aux débuts de Tsahal et avant encore, à l’époque du Yishouv – s’avère insuffisant, face à des ennemis farouchement déterminés.

 

Toute l’histoire de la stratégie de défense d’Israël, depuis la Haganah et les premiers efforts d’auto-défense à l’époque de Jabotinsky et jusqu’à nos jours, est marquée par une oscillation permanente entre deux pôles opposés : celui de l’éthos purement défensif, largement prédominant d’une part, et celui d’un éthos offensif, celui de l’unité 101 dans les années 1950 et de la « Sayeret Matkal » (unité d’élite de l’état-major), d’autre part. De toute évidence, c’est cet esprit offensif qui a permis à Tsahal de connaître ses victoires les plus éclatantes, celle de juin 1967 ou celle de l’opération Entebbe, pour ne citer que deux exemples. Malgré cela, l’armée israélienne demeure attachée à l’éthos purement défensif, pour des raisons complexes liées à son histoire et à ses valeurs fondatrices. La doctrine du « Mur de fer » demeure ainsi d’actualité, un siècle après avoir été formulée par Jabotinsky.

 

Les récents événements violents survenus en mai 2021 dans les villes mixtes d’Israël, et la persistance d’une opposition radicale à l’existence de l’Etat hébreu dans la région – malgré les avancées remarquables des accords Abraham – montrent que la dissuasion demeure une nécessité impérieuse, tant sur le front intérieur que sur les différents fronts extérieurs. L’aspiration à la paix qui caractérise le peuple Juif et l’Etat d’Israël ne doit pas éluder cette nécessité. Le pacifisme aveugle, il y cent ans comme aujourd’hui, menace la pérennité de l’existence d’un Etat juif souverain, au milieu d’un environnement encore largement hostile. Aujourd’hui comme hier, la paix repose sur la préparation à d’éventuels conflits, selon l’adage latin toujours actuel (« Si vis pacem, para bellum »), ou selon les mots de Jabotinsky : « le seul moyen de parvenir à un accord [de paix] est d’ériger un mur de fer ».

 

Pierre Lurçat

* J'ai le grand plaisir d'annoncer la parution prochaine du nouveau tome de la Bibliothèque sioniste, Le mur de fer, Les Arabes et nous de Vladimir Jabotinsky. Il paraîtra officiellement à la rentrée de septembre mais est déjà disponible sur Amazon en prévente promotionnelle.

“Dôme d’acier” ou “Mur de fer”?  Force et faiblesse d’Israël face à Gaza, Pierre Lurçat

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Yom Yeroushalayim : Comment notre peur de l’islam et des musulmans encourage leur violence

May 26 2022, 15:18pm

Posted by Pierre Lurçat

 

Les lignes qui suivent ont été écrites à la veille et au lendemain de Yom Yeroushalayim, en pleine vague de violence musulmanes du Ramadan à Jérusalem, à la frontière de Gaza et ailleurs, et juste avant le début du nouvel affrontement militaire qui a eu lieu il y a un an.

 

“Il n’y a rien de nouveau sous le soleil”, disait l’Ecclésiaste, “le plus sage de tous les hommes”. En 1921, au lendemain des terribles violences qui firent des dizaines de morts à Tel-Aviv, parmi lesquels l’écrivain Yossef Haim Brenner, de nombreuses voix au sein du Yishouv pleurèrent la terrible réalité des pogromes, auxquels ils avaient cru échapper en venant s’installer en Palestine pour “construire le pays et se construire”, selon le slogan sioniste. Plus encore que les morts de Tel-Aviv (et ceux de Hébron en 1929), c’est sur leurs propres illusions que ces pionniers sionistes versaient des larmes amères.

 

Sur la fosse commune des victimes des pogromes de Hébron, 1929

 

J’ai retrouvé la même désillusion, sous une forme différente, dans le récit que j’ai entendu récemment de la bouche d’un nouvel immigrant, venu s’installer à Jérusalem après avoir vécu longtemps à Paris. A travers son récit lucide se fait jour une vérité que beaucoup d’Israéliens de longue date ont tendance à oublier, ou à occulter. Voici son témoignage : “A l’oulpan, à Jérusalem, j’ai constaté que les élèves arabes, en surnombre dans la classe, jouissaient d’une position privilégiée. Le professeur leur donnait plus souvent la parole, et ils ne se privaient pas de faire “bande à part”, se comportant avec arrogance et mépris, avec son approbation tacite, alors que nous étions encouragés à faire profil bas”. Plus tard, j’ai retrouvé la même attitude lors de mes études, et plus tard encore, dans l'institution où j’effectue mon stage. Lors des réunions du personnel, chaque intervention d’un employé arabe est accueillie avec déférence et avec un excès de respect, comme si tout ce qu’il disait était parole sacrée… Je ne comprends pas cette attitude d’auto-effacement des Israéliens juifs face à leurs collègues arabes…”’

Pour répondre à la question de ce nouvel immigrant, j’ai cherché à comprendre les raisons de ce phénomène, qui sont multiples, parmi lesquelles on peut citer : la politique de “discrimination positive” menée par Israël pour encourager “l’intégration” des Arabes israéliens ; l'idéologie pacifiste juive, du Brith Shalom jusqu'à Shalom Archav (1), la méconnaissance de la culture arabe - surtout chez les Israéliens d’origine européenne - et en particulier de l’attitude de l’islam envers les minorités juives et chrétiennes (dhimmis) ; et enfin - et surtout - la peur de l’islam et des musulmans.

 

 La peur de l'islam, un sujet occulté

 

Ce sujet capital affecte non seulement la vie de tous les jours, dans les nombreux endroits où cohabitent Juifs et Arabes en Israël, comme ceux évoqués dans le témoignage ci-dessus, mais aussi la réalité de l’affrontement entre Israël et ses ennemis, à l’intérieur et aux frontières du pays. Quand Israël prétend “ramener le calme” à Jérusalem, en envisageant d’interdire des manifestations juives, quand il interdit toute prière sur le Mont du Temple, lieu le plus sacré du judaïsme, quand il s’abstient de riposter aux tirs de roquettes incessants venus de Gaza pendant des années, c’est cette même attitude de prudence timorée, mêlée d’ignorance et de peur, qui est à l’oeuvre.

 

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Batterie Kippat Barzel en action : puissance militaire et faiblesse politique

 

On me rétorquera bien entendu que dans le conflit face au Hamas, ou face aux émeutiers de Jérusalem, Israël est dans une situation de supériorité militaire ou policière, qui l’autorise à faire preuve de “prudence”, de “retenue”, ou d’autres qualités qui sont celles du fort envers le plus faible. Mais cette réponse tient d’une erreur de perspective, et aussi d’une tentative de nous mentir à nous-mêmes. Nous nous comportons comme si nous étions confrontés à un simple problème de police, ou à des “événements sécuritaires” (2), alors qu’il s’agit d’une guerre véritable, qui oppose une minorité juive à des ennemis faisant partie du vaste ensemble arabo-musulman.

 

 L'illusion de la puissance technologique

 

De fait, quand des Juifs sont caillassés ou agressés à Jérusalem ou ailleurs par des foules arabes, dans des circonstances qui rappellent les périodes les plus sombres de notre histoire, il s’agit d’une tentative de pogrome et pas d’un fait divers. Qui est le plus fort : le Juif orthodoxe qui tente d’échapper à ses agresseurs et de sauver sa vie, ou ceux-ci? Il en est de même à la frontière de Gaza: nous sommes persuadés d’être les plus forts, à l’abri derrière la barrière technologique du “Kippat Barzel”, qui détruit en vol (pas toujours) les roquettes lancées par l’ennemi, nous permettant de vivre dans une illusoire tranquillité (sauf pour les habitants des localités frontalières, dont la vie est transformée en enfer, dans l’indifférence générale). Mais cette force illusoire parvient mal à masquer une faiblesse morale et psychologique, qui éclate au grand jour quand le Hamas tire sur Jérusalem en plein Yom Yeroushalayim (3) 

 

C’est en effet à Jérusalem et notamment sur le Mont du Temple que cette faiblesse est le plus manifeste. A cet égard, l’attitude d’Israël sur le Mont du Temple constitue une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des « dhimmis ». 

 

Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle, que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam, précisément de par son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des étrangers et des envahisseurs potentiels.

 

Comment Israël a perdu la guerre psychologique

 

En apparence, Israël n’a pas peur du terrorisme, qu’il combat efficacement, et dont il a largement triomphé sur presque tous les fronts. Sauf sur un point essentiel : la guerre psychologique. Israël (et l’Occident tout entier) a perdu la guerre psychologique contre le Hamas et contre l’islam en général, parce qu’il a intégré dans sa propre psyché la peur de l’ennemi, arme psychologique la plus redoutable de tous les terrorismes, et dont l’islam a fait sa spécialité, en jouant constamment sur le double dispositif mental et militaire de la peur et de la soumission, de l’apitoiement et de la terreur.

 

La meilleure preuve de cette réalité paradoxale est l’attitude des responsables de services de sécurité israéliens à Jérusalem (Shin Beth, police, etc.), qui mettent constamment en garde le public israélien contre le risque “d’embrasement”’ du Mont du Temple, ce “baril de poudre” qui pourrait selon eux déclencher une “guerre mondiale”, si l’on autorisait une pognée de Juifs à venir y exercer librement leur culte, comme le proclament pourtant la Déclaration d’indépendance d’Israël et toutes les déclarations universelles des Droits de l’homme. Ces prétendus “gatekeepers”, censés assurer la responsabilité suprême de la sécurité d’Israël, sont devenus depuis longtemps les pourvoyeurs d’une idéologie défaitiste, par un curieux mécanisme psychologique qui reste à explorer.



 

La synagogue de Névé Dekalim, détruite après le retrait de Gaza

 

En définitive, cette attitude de peur se retourne également contre nos ennemis, en les poussant à la surenchère et en les empêchant de grandir, de se développer et de renoncer à leurs rêves funestes et infantiles. N’oublions pas que c’est le retrait de Gaza orchestré par Ariel Sharon qui a mis au pouvoir le Hamas, sous le joug duquel souffrent des millions de musulmans, et que ce sont les accords d’Oslo qui ont amené Arafat au pouvoir. La peur (et la corruption, intellectuelle et matérielle) a toujours été mauvaise conseillère. “Il est “plus difficile d’extirper la Galout du Juif que de faire sortir  les Juifs de la Galout”, disait Manitou. Le jour où  nous cesserons d’avoir peur de l’islam, nous pourrons enfin devenir ce “Nouveau Juif” que Jabotinsky appelait de ses voeux et gagner le respect de nos ennemis, et le nôtre.

Pierre Lurçat

 

1. Sur l’idéologie pacifiste, je renvoie à mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

2.  Le vocabulaire employé en Israël pour décrire les pogromes arabes a toujours été marqué par l’understatement, depuis l’euphémisme des “événements de 1929”

3. Sur l’illusion technologique que représente Kippat Barzel, voir http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/11/israel-face-a-gaza-sortir-de-l-illusion-technologique-et-retrouver-les-valeurs-de-tsahal-pierre-lurcat.html.

 

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