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Conférence Dialogia à Tel-Aviv : Où va la démocratie ?

February 26 2020, 13:59pm

Posted by Pierre Lurçat

Je participerai à la conférence organisée par Dialogia le 15 mars prochain à Tel Aviv :

Dialogia a le plaisir de vous inviter
à sa prochaine conférence
à Tel Aviv le 15 mars 2020

 

De 18.00 à 22.00 à Zoa House, Beit Tzionei America, Ibn Gvirol 26, Tel Aviv

La démocratie est couramment invoquée dans le débat public, souvent en vertu d'arguments contradictoires. Il n'est pas sûr que ceux qui la convoquent pour légitimer leur parti-pris en aient la même définition mais ce qui est sûr c'est que la démocratie telle qu'elle est vécue n'est plus ce qu'elle était il y a 50 ans. Si l'équilibre des pouvoirs lui-même est ébranlé par les nouvelles technologies, c'est surtout la société qui s'est éloignée du régime démocratique, censé la porter. Le domaine sociétal, le domaine des fondements, sont concernés, comme celui de la redéfinition de la famille, du sexe, de l'identité, du citoyen, du vivant, de la Terre, de la légitimité... Les droits du citoyen ont été relégués dans les marges au nom des droits de l'homme. Mais quel homme ? Est-on toujours en « démocratie » ? En son nom, ne nous dirigeons-nous pas vers sa fin, ou à tout le moins sa mutation inquiétante ? Et cette dérive ne nous dit rien d'une autre crise, cette fois-ci politique, qui frappe le régime démocratique lui-même et dans laquelle le peuple, le demos, se voit ravalé au "populisme" et la majorité parlementaire au "fascisme".

https://dialogia.co.il/wp-content/uploads/2020/02/Programme-confe%CC%81rence-FR-Ou-va-la-d%C3%A9mocratie-Dialogia.pdf

PROGRAMME DE LA CONFERENCE

17h45-18h00 : Accueil - 18h00-18h15 : Shmuel Trigano, Une crise mondiale, une introduction - 18h15-18h45 : Shmuel Trigano, L’éclipse du citoyen - 18h45-19h15 : Haïm Navon : Pourquoi la politique des identités estelle un danger pour l’identité * - 19h15-19h45 : Rachel Israël, « Malaise dans la Culture » : de l’essai de Freud à l’actualité sociétale 19h45-20h15 : COCKTAIL -

20h15-20h45 : Gadi Taub, Politique d’immigration et montée du libéralisme anti-démocrate * - 20h45-21h15 : Mordekhai Nisan, La démocratie israélienne – idéologie, citoyenneté et guerre * - 21h15-21h45 : Pierre Lurçat, Le pouvoir judiciaire contre le peuple : Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël 21h45-22h00 : Débat et Conclusion

 

Conférence Dialogia à Tel-Aviv : Où va la démocratie ?

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« Aujourd’hui j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang» : Le sionisme révolutionnaire d’Avraham Stern

February 20 2020, 14:21pm

Le petit musée de la rue Stern à Tel-Aviv est un bâtiment modeste, un petit immeuble dans le quartier de Florentine que rien ne destinait à abriter la mémoire d’un des plus grands héros juifs de la Renaissance nationale d’Israël : le fondateur et chef du Lehi, Avraham ( Yaïr ) Stern.

C’est là, il y a 78 ans jour pour jour, dans sa petite chambre au mobilier spartiate, que Stern a été lâchement assassiné d’une balle dans le dos par des policiers anglais, qui avaient lancé une impitoyable chasse à l’homme contre celui qui était devenu « l’ennemi public numéro 1 » de la Puissance mandataire occupant Eretz-Israël [Terre d’Israël].

Dans le petit appartement de la rue Stern, dont le mobilier est resté intact à sa place, on peut voir le lit où Yaïr a passé ses dernières nuits, la table où il a rédigé ses ultimes lettres à sa mère et à sa femme, Roni, et l’armoire où il s’est caché en entendant les coups frappés à la porte. La femme courageuse qui l’hébergeait, Tova Savoraï, s’est vainement interposée entre lui et les policiers anglais, pour tenter de protéger Yaïr contre les balles de ses assassins.

« Aujourd’hui, j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang ». Ces mots prémonitoires figurent dans le poème Soldats anonymes, rédigé par Yaïr et devenu l’hymne de l’Irgoun, puis celle du Lehi après la scission entre les deux mouvements de lutte nationale, le premier ayant fait le choix stratégique de ne pas poursuivre le combat contre l’occupant anglais après le début de la Deuxième Guerre mondiale.

Yaïr n’avait pourtant, comme la plupart des pères fondateurs de l’Etat juif, aucune prédisposition pour la violence et aucun goût pour la guerre et le sang.

Il était avant tout un homme épris de liberté et un esprit assoiffé de connaissance. Il avait, comme on peut le voir dans le musée de la rue Stern, entamé de brillantes études à l’université hébraïque de Jérusalem, avant de les poursuivre à Florence, passionné de lettres classiques.

lehi,avraham yair stern,sionisme
Avraham (« Yair ») Stern (1907-1942)

C’est la nécessité de la guerre et l’ombre grandissante de la Shoah qui le convainquirent de s’enrôler dans les rangs des « Combattants pour la liberté d’Israël » (nom de l’organisation dont il fut le fondateur et le premier dirigeant – dont l’acronyme forme le mot Lehi).

« Tu m’es consacrée, ô ma patrie », écrit-il dans un poème fameux : c’est pour cette raison qu’il fit attendre l’élue de son cœur, Rona, qui devint sa femme et la mère de son unique fils, refusant tout d’abord de l’épouser, car il savait parfaitement que leur bonheur conjugal serait éphémère…

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Yair et Rona

Au-delà de son combat pour la liberté et de son sacrifice, Yaïr Stern a aussi légué aux générations suivantes son testament politique, sous forme des « Dix-huit principes de la Renaissance », qui constituent, plus encore qu’un manifeste, un véritable programme politique visionnaire et prophétique.

La plupart de ces principes sont aujourd’hui devenus réalité : souveraineté juive rétablie, importance de la force militaire, renaissance de l’hébreu, rassemblement des exilés… Mais sur d’autres points essentiels, la vision d’Avraham Stern demeure encore inaccomplie, et notamment sur un point essentiel : la reconstruction du Temple de Jérusalem.

Stern, comme d’autres pères fondateurs et dirigeants sionistes, croyait en effet que le nouvel Etat juif devait avoir pour centre spirituel la ville de Jérusalem, autour du Temple rebâti.

Sur ce point, et sur d’autres, son héritage demeure inachevé, et il reste comme un impératif lancé dans le feu et le sang de la révolte, aux habitants de l’Etat reconstruit, pour qu’ils parachèvent et accomplissent l’idéal du « soldat anonyme », tombé pour que vive notre peuple.

Aré at mekoudeshet li Moledet…
Aré at mekoudeshet li Moledet…

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De Philip Roth à George Steiner, en passant par Mme Maisel : Le bonheur perdu des Juifs en Amérique

February 14 2020, 15:05pm

Les livres aussi font parfois leur alyah, comme je l’avais compris à l’âge de 18 ans, en trouvant dans une librairie de Tel Aviv de vieilles éditions de Nietzsche, sauvées in extremis avec leurs propriétaires, venus d’Allemagne dans les années 1930. Dans la bibliothèque de mon père, dont j’ai récemment fait “monter” en Israël quelques cartons de livres, j’ai ainsi retrouvé un livre de Georges Steiner, Errata, mélange de souvenirs d’enfance et de critique littéraire, plein de talent et d’un charme un peu désuet. Je n’ai guère pratiqué Steiner, disparu la semaine dernière et célébré par beaucoup comme le “dernier Européen”. (Que le dernier Européen - titre qui convenait mieux à Stefan Zweig - soit un Juif me fait penser à la vieille blague sur le “dernier communiste” qui devait être, pour une raison qui m’échappe, un instituteur breton).

 

Georges Steiner : le dernier Européen?

 

Le peu que je sais de lui, je le dois à mon ami Eliezer Cherki, qui m’a souvent cité les propos éclairants de Steiner sur la culture européenne et sa responsabilité dans le nazisme, tirés de son livre le plus connu, Dans le château de Barbe-Bleue. Mais comme souvent, s’agissant des intellectuels juifs du vingtième siècle, on préfère retenir de lui le moins juste : l’éloge de la diaspora, la négation du sionisme et le refus d’un Etat juif “doté de canons” (refus qu’il partage avec Einstein, Buber et tant d’autres). L’Europe n’est jamais aussi à l’aise avec les Juifs que lorsqu’ils se complaisent dans l’adoration de l’exil.
 

Dans Errata, Steiner évoque ses études à l’université de Chicago, écrivant : “Seul un Philip Roth pourrait mettre en mots l’électricité, l’éclat de chaque jour à l’Université de Chicago à la fin des années quarante”. Hélas, Philip Roth n’est plus là et il a sans doute accueilli Steiner dans le monde de Vérité, pour évoquer leurs souvenirs communs de l’Amérique des années quarante… L’œuvre littéraire, inégale, de Roth comporte certains très grands livres. Un des plus beaux à mes yeux est Nemesis, évocation de l’Amérique des années 1940 et 1950, vue par les yeux d’un adolescent qui se souvient de la vague de poliomyélite qui frappa la petite ville de Newark et sa population juive. Malgré la souffrance, la maladie et la mort, thèmes centraux de ce livre profond et fort, on en sort avec l’impression que les Juifs étaient heureux en Amérique.


 


 

Quel est donc le secret de ce bonheur, largement disparu aujourd’hui, qu’on retrouve aussi dans certains films de Woody Allen et dans la série très réussie, The Marvelous Mrs Maisel, qui se déroule elle aussi dans l’Amérique des années 1950? S’il fallait le définir en deux mots, je dirais que les Juifs étaient heureux en Amérique, tant qu’ils ont pu croire en faire partie. Non que l’antisémitisme ait jamais été absent - au contraire, il les a accompagnés là-bas, comme partout ailleurs. Mais cela ne les empêchait pas de se sentir - avec raison, dans une large mesure - comme une partie intégrante de la culture de l’Amérique et de son tissu social. Dans ce pays d’émigration, fondé sur un mythe où la Bible jouait un rôle majeur, les Juifs n’avaient pas besoin de s’assimiler, comme dans les pays de la Vieille Europe, où l’assimilation (et parfois la conversion) étaient le “billet d’entrée” dans la société, selon le mot de Heine.

 

S’ils s’assimilaient, ce n’était pas par nécessité, mais plutôt par la force des choses, par leur talent et leur volonté de vivre pleinement comme Juifs et Américains, et non par dépit et par souhait de devenir Américains à part entière en gommant leurs origines. Le yiddish, l’humour juif et la culture juive au sens large faisaient partie de la culture américaine, au point que des mots comme Bobe, Zayde, Kvetch, Shmock et tant d’autres, ont pu faire partie du langage courant et qu’ils n’étaient sans doute plus perçus comme des mots d’origine étrangère. (Que l’on pense, par comparaison, aux expressions d’origine juive intégrées à la langue française, presque toutes péjoratives ou insultantes, comme “monter une kabbale”, “le sabbat des sorcières”, “manger en Juif”, etc.)

 


 

Le bonheur perdu des Juifs américains, comme on le voit bien dans la série The Marvelous Mrs Maisel - qui est superbement incarnée par l’actrice Rachel Brosnahan - tenait au fait qu’ils pouvaient rester Juifs et être de bons Américains, sans devoir aucunement choisir entre les deux  identités. Et le grand paradoxe de l’Amérique aujourd’hui, est que les Juifs y sont de moins en moins chez eux, alors même qu’elle est dirigée par le président le plus pro-Juif et pro-israélien qu’elle ait jamais connu… (Contrairement au récit mensonger d’une certaine gauche américaine et juive, qui voudrait faire croire que Donald Trump est responsable de la montée de l’antisémitisme). Une large partie du plaisir qu’on éprouve en lisant Roth, en voyant l’adaptation au cinéma de ses livres (Indignation et Pastorale américaine) ou en regardant Miss Maisel, est due au sentiment qu’ils représentent un paradis perdu, comme les comédies de Lubitsch ou de Capra. Cette Amérique-là est perdue pour les Juifs, qui peuvent encore se bercer d’illusions sur leur avenir dans l’exil doré du “Goldene Medine”. Ils y resteront sans doute encore longtemps, mais la magie de cette Amérique, elle, ne reviendra pas.

Pierre Lurçat

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Donald Trump, bienfaiteur du peuple Juif, par Pierre Lurçat

February 11 2020, 15:49pm

Posted by Pierre Lurçat

NB Je remets en ligne cet article au lendemain des élections présidentielles américaines. Quel que soit le résultat final, D. Trump est déjà entré dans l'Histoire.

 

Comme l’écrivait la semaine dernière Caroline Glick (1), le plan Trump a mis fin au cauchemar d’Oslo et au paradigme mensonger, qui a régné sur la politique étrangère américaine (et dans une large mesure, sur la politique intérieure israélienne) pendant 27 ans. Ce paradigme mensonger et meurtrier vient d’être officiellement rejeté par la plus grande nation du monde, écrit encore Glick, ajoutant que “le plan Trump est comme l’image inversée d’Oslo. A présent, c’est aux Palestiniens de faire la preuve de leur engagement envers la paix”. J’ajoute que, selon toute évidence et connaissant les antécédents de leurs dirigeants, ceux-ci vont rejeter ce plan, tout comme les précédents, et Israël sera pleinement justifié à étendre - avec 53 ans de retard - sa pleine souveraineté sur l’ensemble de la Judée et de la Samarie.

 

Plus précisément, Israël a reçu du président Donald Trump ce qu’aucun président américain n’a jamais donné - ou même laissé espérer - à aucun dirigeant de l’Etat juif depuis 1948 : la reconnaissance du droit du peuple Juif sur sa patrie ancestrale, qui ne se trouve pas - n’en déplaise aux dirigeants français et aux diplomates du quai d’Orsay (et à leurs homologues en Occident et dans le monde arabe), dans l’étroite bande côtière reconnue par la communauté internationale, mais bien à Jérusalem réunifiée, à Hébron, à Sichem et dans toute l’étendue de la rive Ouest du Jourdain, c’est-à-dire la Judée et la Samarie.


 

Donald Trump et Binyamin Nétanyahou

 

Alors que certains commentateurs s’obstinent à prétendre que Trump n’est pas l’ami d’Israël, et que son plan ne va rien régler et apporter de nouvelles guerres (ou une “troisième Intifada”, déjà annoncée à d’innombrables reprises par des commentateurs abusés par la guerre psychologique palestinienne), l’évidence est aujourd’hui indéniable. Donald Trump est bien, comme l’a souvent répété B. Nétanyahou au cours des derniers mois, le meilleur ami qu’Israël a jamais eu à la Maison blanche. Cela n’a en soi rien de très étonnant, si l’on veut bien prendre un peu de recul et de hauteur par rapport aux événements dramatiques des dernières semaines. Les amis véritables d’Israël ont joué, depuis 1948 et bien avant, un rôle essentiel dans le Retour du peuple Juif sur sa terre et dans la fondation et le renforcement de son État. 

 

Dans le quartier de Jérusalem où j’ai le privilège de vivre, de nombreuses rues rappellent les noms de ces amis véritables, dont certains sont injustement oubliés du grand public. Wyndham Deedes, John Patterson, Lloyd George, Masaryk, Wedgwood… Je voudrais évoquer ici deux d'entre eux. Patterson, soldat intrépide et chasseur de lions, commanda la Légion juive, première armée à avoir combattu sous un drapeau juif à l’époque moderne. Il était proche du professeur Bentsion Nétanyahou, et c’est en son honneur que ce dernier nomma son deuxième fils Yoni. 

 

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Les soldats de la Légion juive, Yom Kippour 5678. Jabotinsky est au premier rang

 

Voici le portrait que dresse de lui Jabotinsky dans ses mémoires : “C’était un homme de grande taille, mince, élancé, aux yeux intelligents et rieurs et je compris immédiatement son accent anglais, la “magie irlandaise” et avec cela, une qualité caractéristique d’un protestant fils de protestants : ce chrétien se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque. Ehoud et Ifta’h, Gideon et Shimshon, David et Avner - à ses yeux étaient vivants, ils étaient des amis personnels, presque ses camarades et ses voisins du club de cavalerie de la rue Piccadilly. Je m’en réjouis, l’illusion biblique permet parfois de masquer l’absence de beauté de l’existence galoutique…” (2)

 

Patterson

 

Quant à Lloyd George, il avait été, selon le témoignage du petit-fils de Balfour, comme ce dernier “bercé dans son enfance par les chants du roi David et les récits bibliques, et il avait étudié l’Ancien Testament. De ce fait, il lui paraissait naturel et légitime que les Juifs retournent vivre en Terre sainte, et que les chrétiens les soutiennent dans cette entreprise", selon le témoignage de Lord Roderick Balfour, arrière-petit-fils du frère d’Arthur Balfour, Gerald William Balfour. (3)

 

Donald Trump s’inscrit dans cette lignée de bienfaiteurs du peuple Juif et de son Etat. Le fait que beaucoup de gens, qui se croient intelligents en niant l’évidence, professent aujourd’hui à son encontre un mépris injustifié (4) ne change rien au jugement que l’Histoire portera sur lui. Car Trump est déjà entré dans l’histoire du peuple Juif et dans l’Histoire tout court, aux côtés de Lord Balfour, de John Patterson et de tant d’autres amis de Sion et d’Israël.

 


 

Notes

(1) http://carolineglick.com/the-oslo-blood-libel-is-over/

(2) Extrait de l’Histoire de ma vie de Jabotinsky.

(3) https://www.jpost.com/Edition-Francaise/Moyen-Orient/La-d%C3%A9claration-Balfour-toujours-sur-le-banc-des-accus%C3%A9s-513397

(4) Noter dans ce contexte, le dernier numéro du Point, qui marque un léger infléchissement du "Trump-bashing" dans la presse française.

https://www.lepoint.fr/versions-numeriques/

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Auschwitz et Israël : Entre Shoah et Renaissance nationale

January 24 2020, 10:32am

Posted by Pierre Lurçat

 

L’État d’Israël est bien plus « vieux » que les soixante-dix années de son existence nationale sur sa terre retrouvée. Croire que l'État juif est né en 1948, c'est faire preuve d'une erreur de perspective historique qui relève, dans le meilleur des cas, de l'ignorance. C'est ainsi que l'actrice américaine Natalie Portman peut déclarer, lors d'une récente polémique, qu'Israël « a été créé il y a tout juste 70 ans afin d'être un refuge pour les rescapés de la Shoah ». Cette présentation a certes le mérite de la simplicité, mais elle relève d'un raccourci historique trompeur. Car en réalité, l'État d'Israël était quasiment constitué avant 1948, et ses principales institutions ont été créées pendant la période du Mandat britannique, durant laquelle il existait déjà en tant que Yichouv, terme désignant la collectivité nationale pré-étatique d'avant l'Indépendance.

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Survivants de Buchenwald arrivant à  Haïfa, 1945

 

Et pourtant… Au-delà de l’équation faite entre la Shoah et la création d’Israël, parfois avec des arrière-pensées politiques pas toujours bien intentionnées, il reste que la concomitance des deux événements interroge la conscience universelle, au même titre que la conscience juive. Aux yeux de celle-ci, en effet, les deux événements, dans leur « solennité de granit » (André Neher), sont comme deux monuments immenses, l’ombre portée du premier, Auschwitz, masquant la lumière du second, la renaissance d’Israël. Nul ne peut rester indifférent à ces deux événements essentiels du vingtième siècle. On ne peut pas non plus lire sans frémir ces mots du prophète Ezéchiel, dont le sens est devenu tellement évident depuis 1945 : « Ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel ! Voici que je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez… Voici que je rouvre vos tombeaux, et je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple ! et je vous ramènerai au pays d'Israël ». 


 

L'ancien grand-rabbin d’Israël, Meir Lau, rescapé de Buchenwald, relate dans ses mémoires comment un de ses compagnons de détention lui a lu ce passage d’Ezéchiel et a commenté : « Nous sommes les ossements desséchés… L’Europe est notre cimetière. Dieu a dit au prophète Ezéchiel qu’Il ouvrirait les tombes pour nous extraire de ce charnier et nous ramener en Terre d’Israël ». Pour les rescapés des camps d'extermination, les paroles du prophète avaient pris un sens évident, qu'ils avaient vécu dans leur chair. La tentation est donc grande, pour la conscience juive ou chrétienne, d’établir un lien de causalité entre ces deux événements. Mais il faut résister à ce penchant pour la facilité, et rétablir la complexité des liens qui unissent Auschwitz et Israël. Car Israël n’est pas né de la Shoah, mais bien plutôt malgré la Shoah

 

L'État d'Israël n’est pas seulement l’État récent proclamé en 1948, né du démantèlement de l’empire britannique, au lendemain de la Shoah. Il est en réalité, à l’image du « pays ancien-nouveau » que le fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl, avait décrit dans son roman Altneuland, paru en 1902, un État ancien et nouveau à la fois. Il est le surgeon qui a poussé sur le tronc de l'histoire juive plurimillénaire et le torrent d'eau vive, dont la source remonte aux débuts de l'histoire du peuple Juif. Il est le fruit tardif d'un rêve plusieurs fois millénaire, d'une promesse qui n'a jamais été oubliée et d'un espoir réaffirmé chaque année par des millions de Juifs dispersés aux quatre coins de la terre : « l'An prochain à Jérusalem! »

 

(Extrait de mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris / Max Chaleil)

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Pourquoi les médias mentent-ils sur Israël? La construction de l’événement dans le discours anti-israélien

January 16 2020, 11:52am

Posted by Pierre Lurçat


 

La mise en accusation quasi-planétaire d’Israël est moins le résultat de la propagande palestino-islamiste, qu’un effet du fonctionnement du système médiatique. La condamnation unanime d’Israël, indépendamment de toute analyse des faits, témoigne d’abord du mode de formation et de diffusion de l’information journalistique…


Pierre-André Taguieff, Israël et la question juive

 

Grâce à Genet, nous avons compris… ce qu’était un événement, nous avons compris qu’un événement était tout le contraire d’un fait, nous avons compris que pour qu’un événement soit, il suppose de porter en lui une dimension métaphysique - il doit, comme phénomène, toucher à l’essence de ce qu’il représente

 

Eric Marty, Bref séjour à Jérusalem


 

Lors d’une récente soirée musicale et poétique donnée à Jérusalem par le journaliste français Patrick Poivre d’Arvor, ce dernier a proclamé son “amitié” pour les Juifs, avant de lancer, au détour d’une phrase, une accusation sans appel contre Israël, qui selon lui “humilierait” les Palestiniens, au lieu de poursuivre dans la voie du “dialogue”... La tentative d’un membre du public pour lui répondre fut vite étouffée par le modérateur du débat, qui préféra ne pas froisser cet hôte de marque, en rétablissant la vérité des faits. 

 

Pour comprendre les raisons profondes du mensonge des médias français  et de leurs acteurs (fussent-ils les mieux intentionnés) sur Israël, je propose de recourir à la distinction capitale établie par le professeur de littérature Eric Marty, entre le fait et l’événement. “Tout le contraire d’un fait” - cette définition de l’événement, citée en exergue au présent article, s’applique parfaitement au récit médiatique du conflit israélo-arabe, dans lequel les faits sont constamment déformés, mutilés, obscurcis ou escamotés. Mais il ne s’agit pas tant d’une volonté délibérée de tromper (qui existe parfois), que d’une conséquence presque inévitable de la posture, ou de ce que Pierre-André Taguieff appelle le “système médiatique”. 

 

Les médias “mentent comme ils respirent” : Charles Enderlin à Jérusalem


 

Comme l’écrit Eric Marty à un autre endroit, “la déformation, la désinformation sont pratiquement totales, aussi naturelles aux médias français que le fait de respirer”. Ainsi, les médias, selon Eric Marty, “mentent comme ils respirent” à propos d’Israël... Pourquoi? Parce que les médias ne se préoccupent guère des faits. lls cherchent - ou plutôt ils créent - des événements, c’est-à-dire des faits qui rentrent dans leur grille de lecture. Tout fait qui n’entre pas dans leur grille de lecture, qui ne lui correspond pas, ou qui la contredit, est évacué, éliminé, ou encore transformé et travesti pour lui correspondre.

 

Ainsi, au lendemain de l’assassinat à Hébron par un sniper palestinien de la petite Shalhevet Pass, bébé juif âgée d’à peine 1 an, le 26 mars 2001, la journaliste Catherine Dupeyron publiait dans le quotidien français Le Monde un article intitulé “Obsèques de la haine à Hébron pour la petite Shalhevet Pas”. La haine, comme on le comprenait en lisant l’article, n’était pas celle, bien avérée, des Palestiniens tueurs d’enfants juifs, mais celle, tout à fait imaginaire et supputée, des habitants juifs de Hébron, la ville des Patriarches, que la correspondante du Monde décrivait ainsi : “ville qui compte dix mille Palestiniens et près de quatre cent cinquante juifs radicaux”.

 

Enterrement de la petite Shalhevet H.y.d.


 

Dans cet exemple, l’assassinat délibéré de la petite Shalhevet Pass était ainsi éliminé, pour faire place à l’événement que constituait, aux yeux du journal Le Monde, les “obsèques de la haine” ou les “appels à la vengeance” des Juifs de Hébron. L’événement, comme dit Marty de manière lapidaire et saisissante, est “le contraire d’un fait”. Dans les faits, un sniper palestinien tue un bébé juif israélien. Mais ce fait, apparemment limpide dans sa cruauté et sa barbarie, donne lieu pour les médias à la création d’un événement contraire, qui est le prétendu appel à la haine des Israéliens. 

 

Bien entendu, on pourrait offrir une lecture moins radicale du travail médiatique que celle de Marty, en expliquant que les médias choisissent et sélectionnent les “faits”. Selon cette autre lecture, l’événement serait simplement un fait choisi et privilégié par les médias, et non plus le contraire d’un fait. Ainsi, entre le fait de l’assassinat du bébé juif, et le fait des appels à la vengeance, ils donneraient la préférence au second, qui cadre mieux avec leur grille de lecture.

 

Mais une telle description est bien en-deça de la réalité, comme le montre l’analyse d’Eric Marty à propos de Sabra et Chatila. Dans la relation médiatique de cet événement, il ne s’agit plus seulement de choisir et de sélectionner certains faits, mais aussi et surtout d’ériger certains faits en événements, ou plutôt de créer des événements, qui n’ont qu’un rapport lointain - le plus souvent d’inversion et de négation - avec les faits (1)

 

Le mythe de Sabra et Chatila

 

Ainsi, le fait de l’assassinat de Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un événement mythique, dans lequel Ariel Sharon, Tsahal, Israël, voire “les Juifs” sont les coupables... L’événement Sabra et Chatila, selon cette analyse, est bien le contraire des faits qui s’y sont déroulés. Mais cette nouvelle définition de l’événement médiatique est incomplète : “pour qu’un événement soit”, poursuit en effet Marty, “il suppose de porter en lui une dimension métaphysique”. Cette “dimension métaphysique” de l’événement est particulièrement saisissante dans le cas de Sabra et Chatila, où le massacre des Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un acte d’accusation contre… les Juifs. 

 

Jean Genet en visite dans un camp palestinien à Amman


 

Pour comprendre plus précisément cette dimension métaphysique de l’événement Sabra et Chatila, Eric Marty nous invite à lire ce qu’il appelle la “phrase primordiale et majeure” de Jean Genet, tirée de son livre Un captif amoureux : “Si elle ne se fût battue contre le peuple qui me paraissait le plus ténébreux, celui dont l’origine se voulait à l’Origine, qui proclamait avoir été et vouloir demeurer l’Origine… la révolution palestinienne m’eût-elle, avec tant de force, attiré?” Cette phrase, effectivement, est capitale, parce qu’elle donne la clé de compréhension non seulement de l’engagement de Jean Genet, qui se livre avec sincérité et lucidité, mais aussi de celui de très nombreux autres militants de la “cause palestinienne”... En ce sens, on a pu dire que la “chance” des Palestiniens était d’avoir pour adversaires les Juifs...

 

C’est à la lueur de cette affirmation capitale de Genet, qu’on comprend aussi la dimension métaphysique et mythique de Sabra et Chatila, et au-delà de cet événement, du conflit israélo-arabe dans sa totalité. L’événement Sabra et Chatila - comme celui de la Nakba, comme l’événement Deir Yassin et comme tant d’autres événements du même acabit - ne sont en effet que les maillons d’une même chaîne ininterrompue, qui remonte à la nuit des temps (c’est précisément la définition du mythe, qui renvoie presque toujours aux origines). C’est toujours le même spectacle qui est ainsi rejoué indéfiniment, et chaque partie est toujours assignée au même rôle (2) : le Juif est toujours assigné à son rôle d’assassin (assassin du Christ pour les chrétiens, assassin des prophètes pour les musulmans, assassin des Palestiniens pour le téléspectateur contemporain) et les "Palestiniens" sont toujours d'innocentes victimes, "humiliées" par Israël, selon l'expression de PPDA.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Sur le rapport entre faits et événements dans les médias, voir aussi l’analyse éclairante de Neil Postman dans son livre récemment traduit en français, Technopoly, édition L’échappée.

(2) Comme me l’avait expliqué le regretté Haim Azses dans son séminaire sur la désinformation donné à Paris lors de la Première Intifada, il y a plus de 30 ans. 

 

___________________________________________

Mon cours sur “Les mythes de l’antisionisme”, donné dans le cadre de l’Université populaire du judaïsme fondée par Shmuel Trigano, est en ligne sur Akadem.

 

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Entretien avec le Rabbin Oury Cherki, directeur du Centre Noachide Mondial sur le sujet "Israël - le rêve inachevé"

January 5 2020, 09:13am

Posted by Pierre Lurçat

J'ai eu le grand plaisir de débattre avec le Rav Oury Cherki, directeur du Centre Noachide mondial, au sujet de mon livre "Israël, le rêve inachevé", de la vocation d'Israël et du lien entre l'Etat d'Israël actuel et l'Israël de la Bible. Débat animé par David Sabbah.

https://www.youtube.com/watch?v=TQqTXofk0m8

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Quand le cinéma israélien découvre la réalité des habitants du Sud du pays

January 3 2020, 09:51am

Posted by Pierre Lurçat et Judith Assouly

Quand le cinéma israélien découvre la réalité des habitants du Sud du pays

Ha Soussita shel Herzl est un film israélien original et émouvant, qui permet de découvrir des réalités rarement abordées dans le Septième Art israélien. Trop souvent, le cinéma israélien se complaît dans une vision “universaliste”, ou encore cède à la tentation de l’autocritique - au lieu de revendiquer le narratif propre à Israël.

 

C’est le grand mérite du film de David Kriner de faire (sans doute pour la première fois) un film qui parle de Sderot, de la vie sous les roquettes du Hamas et de ces réalités quotidiennes que la plupart des Israéliens (sans parler du reste du monde) ignorent. 

 

Son film permet de découvrir une réalité méconnue et aborde pour ainsi dire un “continent” inexploré de la vie en Israël, à une heure de route de Tel-Aviv : le Sud, Sderot, “Otef Azza”...

 

Comme l’a déclaré l’acteur principal du film, Miki Léon, “Tel Aviv ressemble à une bulle, à un pays dans le pays”.

 

Mais ce n’est pas le seul mérite du film (que de montrer cette réalité) : c’est aussi une belle histoire de paternité et d’apprentissage de la vie, basée sur l’histoire personnelle du réalisateur et scénariste, David Kriner, qui a lui-même enseigné le cinéma à Sderot, comme le héros du film. 

 

Le thème du cinéma permet aussi d’aborder les rapports entre le cinéma et la vie, entre le cinéma et la réalité. Les jeunes adolescents rebelles, avec lesquels le professeur de cinéma parvient à établir une relation de confiance, veulent décrire leur vie dans ce qu’elle a de plus dur. Yigal leur apprend le cinéma, et il reçoit en échange une belle leçon de vie et d’espoir.

 

VOIR la suite dans l’émission Cultura’Sion ici https://www.youtube.com/watch?v=rvjX60bA1m

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Découvrez mon blog consacré au cinéma israélien

http://cinema-israelien.over-blog.com/

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Vers un gouvernement des juges en Israël?

December 31 2019, 09:25am

Posted by Pierre Lurçat, Richard Darmon

A la veille de la décision dramatique de la Cour suprême, censée décider si le Premier ministre B. Nétanyahou "a le droit" de former une coalition après les prochaines élections, je reviens au micro de Richard Darmon sur le processus par lequel la Cour suprême d'Israël est devenue le "premier pouvoir" et s'est arrogée des compétences exhorbitantes, y compris celle d'annuler toute loi de la Knesset et toute décision du gouvernement ou d'un autre organe élu. Histoire d'un véritable putsh judiciaire.

Ecouter l'émission ici

https://www.youtube.com/watch?v=aMm1YHk0ZRc

https://www.youtube.com/watch?v=aMm1YHk0ZRc

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« L’arrogance élitiste de la Cour suprême »

December 27 2019, 13:15pm

Posted by Pierre Lurçat

Au micro de Daniel Haïk, j'évoque les derniers développements du bras de fer entre les pouvoirs exécutif et législatif israéliens et la Cour suprême, le Procureur général et les médias et les racines de l'affrontement actuel. 

Résultat de recherche d'images pour ""cour supreme" "pierre lurçat""

https://www.youtube.com/watch?v=Y7ZOONTT6zY

 

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