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“Athènes sans Jérusalem” : Le rejet des racines hébraïques au coeur du suicide de l’Occident

October 7 2018, 06:57am

Posted by Pierre Lurçat

“Athènes sans Jérusalem” : Le rejet des racines hébraïques au coeur du suicide de l’Occident

La société occidentale doit choisir aujourd’hui entre la vie et le suicide…

Pour se ressaisir, la culture occidentale devra retrouver tout ce qui, dans son histoire et dans ses sources, exalte et favorise le courage et la vie. Et d’abord la source hébraïque, d’où n’a pas cessé de jaillir depuis des millénaires cet appel : ”J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction, tu choisiras la vie afin que tu vives, toi et ta descendance”.

 

(François Lurçat, La science suicidaire, Athènes sans Jérusalem, p. 282)

 

 

Physicien et philosophe des sciences, François Lurçat est décédé il y a tout juste six ans, le 27 Tichri 5773, entre la parachat Berechit et la parachat Noa’h, qu’il affectionnait particulièrement. Professeur à l’université de Paris-Sud (Orsay), très apprécié de ses étudiants, et chercheur en physique des particules, il a entrepris à partir de la fin des années 1980 une réflexion approfondie sur la philosophie des sciences, partant du constat de la difficulté à enseigner et à rendre intelligibles les acquis récents de la physique théorique et des effets dévastateurs de l’idéologie scientiste dans le monde contemporain. Ses ouvrages de vulgarisation scientifique et de philosophie des sciences incluent : Niels Bohr, avant/après (Critérion 1990), L’autorité de la science (Cerf 1995), De la science à l’ignorance (éditions du Rocher 2003) et La science suicidaire (F.X. de Guibert, 1999). Les réflexions qui suivent s’inspirent notamment de ce dernier livre, sous-titré de manière éloquente “Athènes sans Jérusalem”.

 

L’oeuvre philosophique de François Lurçat aborde, entre autres thèmes, celui de la crise de la culture européenne, des fondements métaphysiques de la science moderne, du scientisme et de ses effets sur la société occidentale. Cette réflexion s’est nourrie à la double source de la pensée occidentale et de la tradition hébraïque, que François Lurçat a découverte à travers l’oeuvre de penseurs juifs d’expression française (Léon Ashkénazi “Manitou”, Emmanuel Lévinas, André Néher), mais aussi de traductions en français de Maïmonide, de la Bible accompagnée des commentaires d’Elie Munk, et d’écrivains et de poètes juifs (Benjamin Fondane, Claude Vigée, etc.).

 

François LurçatL’idée de la spécificité irréductible de l’être humain (celle du Tselem, ou de l’homme créé à l’image de Dieu pour utiliser les catégories de la pensée hébraïque) est au coeur de la réflexion de François Lurçat. D’emblée, il comprend que la “crise de la science” (expression qui revient souvent dans son oeuvre) n’est pas seulement celle qu’il a décelée et analysée dans le fonctionnement interne de l’institution scientifique et dans la transmission du savoir scientifique, mais qu’elle concerne l’ensemble de la culture et de la civilisation occidentale, dont l’avenir est étroitement lié à celui de la science. (Il trouvera la confirmation de cette intuition fondamentale chez plusieurs philosophes et scientifiques, parmi lesquels Edmund Husserl dont la “Krisis” [La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale] nourrira sa réflexion et Leo Strauss, dont la citation suivante figure en exergue d’un de ses livres : “Les piliers de la civilisation sont par conséquent la morale et la science, et les deux ensemble. Car la science sans morale dégénère en cynisme et détruit ainsi la base de l’effort scientifique lui-même ; et la morale sans la science dégénère en superstition et risque ainsi de se muer en cruauté fanatique”).

 

La polémique qui l’oppose au biologiste Jean-Pierre Changeux porte précisément sur la nature de l’homme et sa spécificité, niée par l’auteur de l’Homme neuronal, livre paru en 1983 et devenu rapidement un best-seller. Lurçat s’oppose avec virulence à l’idée, défendue par Changeux et d’autres représentants des “neurosciences”, que l’homme ne serait qu’un animal un peu plus évolué que les autres : “L’idée la plus dangereuse parmi celles qui sont ainsi popularisées, c’est la négation de l’humain. Les biologistes de l’ADN, qui tiennent le devant de la scène, ne cessent d’affirmer que l’homme n’a pas, selon l’expression de James Watson, ‘quelque chose de spécial’ qui le sépare des autres vivants’”. Dans son refus de la “négation de l’homme”, François Lurçat retrouve une idée fondamentale de la pensée hébraïque, qui a été exprimée par nos sages commentant les versets de la Genèse sur la création de l’homme : “l’homme ressemble à la fois aux êtres inférieurs [les animaux] et aux êtres supérieurs” (Nahmanide commentant Berechit 1, 27).

 

François Lurçat

Nourrie de la Bible hébraïque et de ses commentaires, la réflexion de Lurçat n’est cependant pas celle d’un croyant ou d’un homme religieux à proprement parler. Elle demeure celle d’un physicien et d’un scientifique qui n’a jamais rejeté la science, même quand il critique ses dérives actuelles : “Quand je m’inquiète et m’indigne de la complicité actuelle entre une certaine pensée porteuse du label ‘science’ d’une part, la montée de l’ignorance et la dégradation physique et morale du monde d’autre part, ou encore, quand je cherche à restituer les vérités qu’a pu atteindre la physique du XXe siècle - dans toutes ces démarches, je place plus haut la science que ne le fait l’opinion banale pour qui elle ne serait qu’un ensemble de recettes, fructueuses ou nocives, selon le cas. Reconnaître la haute valeur des connaissances scientifiques authentiques implique en particulier le souci que ces connaissances soient comprises et soient transmises”. (De la science à l’ignorance p. 34).

 

Ce souci de compréhension et de transmission - qui l’a animé en tant que professeur de physique à l’université d’Orsay, et plus tard en tant que vulgarisateur scientifique dans ses livres sur Niels Bohr et sur le chaos - a conduit François Lurçat à s’interroger sur les raisons du désaveu actuel de la science, tant dans le système éducatif que dans la société en général, où la connaissance scientifique est à la fois valorisée (les Prix Nobel sont invités à s’exprimer sur tous les sujets) et réservée à un nombre de plus en plus restreint de spécialistes. Ce paradoxe tient à la fois à des causes techniques - comme la spécialisation et la fragmentation grandissante du savoir scientifique - et à des causes plus profondes, historiques et philosophiques, voire ontologiques, qui sont précisément celles auxquelles François Lurçat s’intéresse.

 

“Croire à la science tout en se détournant d’elle.

Notre culture est scientifique comme la culture de l’Occident médiéval était théologique. On retrouve partout l’attitude scientifique, elle est dans le monde de la pensée la seule puissance unificatrice. Le monde économique et l’Etat sont méprisés, la religion n’est qu’une affaire privée ; on ricane de la réalité de l’amour, la vie elle-même est souvent répudiée, tandis que seuls la science et l’art sont considérés comme dignes qu’un homme leur consacre sa vie”. (La science suicidaire, p. 65).

 

Le regard que François Lurçat porte sur la science est celui d’un scientifique, à la fois lucide et désabusé, et celui d’un philosophe qui tente de comprendre comment la science est devenue ce qu’elle est aujourd’hui - réalité qu’il désigne par l’expression de “social-science” - une institution et une discipline qui “nous éblouit plus qu’elle nous éclaire”. Dans cet effort, il s’attaque à ce qu’il appelle le “physicalisme”, c’est-à-dire  la “doctrine qui affirme la portée universelle de l’ontologie galiléenne”. C’est cette doctrine qui explique l’apparition récente de nouvelles disciplines se parant du nom de sciences, comme les “sciences de l’éducation”, les “neurosciences” ou les “sciences cognitives”.

 

Dans un autre débat d’idées essentiel à ses yeux, François Lurçat s’oppose au relativisme culturel, exprimé notamment par Claude Levi-Strauss dans un texte publié en 1952 à la demande de l’UNESCO (!). Précurseur de l’idéologie actuelle du relativisme culturel, Levi-Strauss affirme ainsi que “toute discrimination entre les cultures et les coutumes” revient à rejeter certaines “formes culturelles”, ce qu’il assimile en fin de compte au racisme pur et simple. (On retrouve dans le raisonnement de Levi-Strauss une accusation souvent portée contre les Juifs au cours de l’histoire : la prétendue “supériorité” - que leurs ennemis croient discerner dans l’idée d’élection, serait une forme de “racisme”. Cette accusation est un des thèmes récurrents du discours antijuif au fil des siècles, comme l’a montré Pierre-André Taguieff).

 

françois lurçat

Le paradoxe de la science moderne est que son projet philosophique (le physicalisme) a échoué monumentalement, au moment même où elle connaît certaines de ses plus grandes réussites. Pour que la science renaisse, malgré son suicide actuel, elle doit devenir plus modeste, comme l’explique François Lurçat dans la conclusion de son livre La science suicidaire : “Pour surmonter ses tendances suicidaires, elle doit corriger la sécheresse obstinée du cosmocentrisme grec par la compassion et la finesse de Jérusalem. Elle doit corriger la tendance à l’aplatissement, inhérente à la pensée géométrisante, par le sens aigu de la transcendance - et d’abord de l’absolue spécificité de l’homme - portée par la tradition juive”.

 

Puissent ces quelques lignes donner envie au lecteur de découvrir la pensée et l’oeuvre de mon père, dont la figure continue de nous éclairer! יהיה זכרו ברוך

François Lurçat

François et Liliane Lurçat

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Le Birkat Cohanim de Soukkot à Jérusalem, Pierre Lurçat

September 27 2018, 11:23am

Posted by Pierre Lurçat

Le Birkat Cohanim de Soukkot à Jérusalem, Pierre Lurçat

Le « Birkat Cohanim » - la « bénédiction pontificale » prononcée par les Cohanim lors de la répétition de la Amida – n’est pas seulement une bénédiction dite tous les jours en présence de Cohanim, dans toutes les synagogues du monde. C’est aussi une cérémonie particulière, empreinte de majesté, qui a lieu deux fois par ans au Kottel, au « mur occidental » du Temple de Jérusalem, à Soukkot et à Pessah.

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Nombreux sont les jours de foule et de liesse populaire au Kottel, mais aucun n’atteint le degré de celui du Birkat Cohanim de Soukkot. Ce jour-là, des milliers de Juifs – et aussi de non Juifs - affluent de tous les coins du pays, comme aux temps où le Temple était en place et où Soukkot était une des trois fêtes de pèlerinage. On y trouve une foule bigarrée et très diverse – Juifs orthodoxes en habit de fête, caftan de soie et « Streimel » peu adapté aux dernières chaleurs de l’année, Juifs ashkénazes et orientaux, familles éthiopiennes et marocaines, Juifs traditionalistes et Juifs peu observants attirés par le caractère particulier de cette cérémonie.

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A quelques mètres du Kottel, côté hommes et côté femmes, on distribue des verres d’eau minérale pour éviter tout incident, tant la foule est nombreuse et la chaleur intense. Un jeune Juif haredi fait réciter la bénédiction sur des herbes odoriférantes, comme à la sortie du shabbat dans certaines synagogues, et un peu plus loin, un autre fait réciter la bénédiction du Loulav, avec un Etrog de taille imposante qui doit peser facilement trois ou quatre kilos… Des Juifs orthodoxes sont en pleine conversation avec des policiers du « Yassam », l’unité anti-émeutes. Il règne une atmosphère spéciale, de fête religieuse mais aussi de rassemblement populaire, sans doute un peu comme l’atmosphère qui devait régner à l’époque du Temple.

 

Le « Birkat Cohanim », la bénédiction des prêtres, a lieu deux fois de suite, dans la répétition de la Amida de l’office du matin, puis dans celle du « Moussaf », la prière supplémentaire des jours de fête et de demi fête. La prière est dite dans un haut-parleur, et la voix qui retentit avec une prononciation ashkénaze est entendue sur toute l’esplanade et encore au-delà. Lorsqu’on arrive au moment attendu du Birkat Cohanim, la foule se tait et écoute dans un silence religieux la bénédiction dite par les prêtres… « Soit loué, Eternel, notre Dieu, Roi de l’Univers, qui nous a sanctifiés par la sainteté d’Aaron et nous a ordonné de bénir Ton Peuple Israël avec amour.

Que l’Eternel te bénisse et te préserve !

Que l’Eternel t’éclaire de Sa face et te soit favorable !medium_SUKKOT_5768-5.JPG

Que l’Eternel tourne Sa Face vers toi et te donne la paix » !

 

J’écoute moi aussi, la tête inclinée, et je sens que cette bénédiction est différente de toutes les autres, prononcées à la synagogue. Nous ne sommes pas ici dans un lieu de culte, même si le Kottel peut être comparé à une immense synagogue en plein air, où les fidèles viennent prier chaque jour et sont certains de trouver « minyan » à toute heure de la journée. Les Juifs réunis aujourd’hui à Jérusalem ne constituent pas une simple assemblée de fidèles, car ils représentent le peuple Juif dans toutes ses composantes diverses et souvent opposées, réunies dans cette occasion rare et solennelle.

 

Chaque religion – se plaisait à dire le rabbin Léon Ashkénazi « Manitou » - parle de ce qui lui fait défaut : les chrétiens d’amour car ils en ont souvent été dépourvus, surtout à l’égard de leurs frères aînés ; les Musulmans de paix, car ils ont répandu leur foi à la pointe de l’épée ; et nous autres Juifs, parlons souvent d’unité, « ahdout », car notre peuple qui est un des plus modestes par sa dimension est aussi un des plus divisés. Mais cette division apparente et bien réelle (qu’on en juge par le nombre de partis à la Knesset, qui sont loin de représenter l’ensemble des opinions au sein du peuple d’Israël), ne saurait masquer l’unité profonde qui existe malgré tout, et que l’on ressent en certains occasions particulières. La bénédiction des Cohanim de Soukkot en est une.

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Dans ces rares moments où le « Klal Israël » - la collectivité d’Israël - est réuni par la prière ou par la liesse populaire, on ressent intensément le fait que le destin d’Israël est différent de celui des autres peuples, et qu’il échappe aux lois habituelles de l’histoire. En ce jour de Soukkot 5779, alors que les menaces existentielles se font toujours plus pressantes, les mots de la bénédiction des prêtres ne s’adressent pas seulement aux Juifs présents ici, à Jérusalem, ou à ceux auxquels les présents s’unissent par leurs pensées et leurs prières, mais à tout Israël, comme un seul homme, venu demander aux Cohanim de le bénir pour échapper aux dangers qui le guettent. Que l’Eternel te bénisse et te préserve ! Que l’Eternel t’éclaire de Sa face et te soit favorable ! Que l’Eternel tourne Sa Face vers toi et te donne la paix !

Photos Pierre I Lurçat (c)

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L'affaire du Kottel - Le Rav Kook et le combat pour les droits des Juifs, Pierre Lurçat

August 14 2018, 12:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Le Rav Kook (1865-1935)

Le Rav Kook (1865-1935)

 

La politique de la Kedousha : le Rav Kook et le mouvement sioniste révisionniste (I)

Le Yahrzeit du Rav Avraham Itshak Hacohen Kook - grand-rabbin de la Palestine mandataire et figure de proue du sionisme religieux - est l’occasion de nous pencher sur un sujet rarement évoqué : celui de l’engagement politique du Rav Kook. On connaît bien les positions politiques du Rav Tsvi Yehouda, fils du Rav Kook, associé au mouvement des implantations et plus précisément au Goush Emounim, fondé par plusieurs de ses élèves en 1974. Mais le Rav Kook père fut lui aussi un rabbin engagé politiquement, qui n’hésita pas à laisser de côté ses livres et l’étude de la Torah, pour prendre parti dans des causes politiques brûlantes, à plusieurs moments déterminants de l’histoire du Yishouv. C’est sur un de ces épisodes, aujourd’hui largement oublié, que nous voudrions revenir, en nous attachant plus particulièrement aux liens tissés entre le Rav Kook et des membres du mouvement sioniste révisionniste et de la mouvance sioniste de droite en Eretz-Israël.

 

Le Rav Kook à Jérusalem, 1925


 

L’affaire du Kottel et les sonneurs de choffar du Betar

 

Le premier épisode se déroule au mois d’Av 5690 (1930). A l’époque, les Arabes de Jérusalem et de Palestine mandataire, incités par le tristement célèbre mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini (qui allait s’allier avec Hitler quelques années plus tard et participer activement à la Shoah), avaient décidé de contraindre les Juifs à renoncer au Kottel, le mur occidental du Temple. A cette fin, ils menacèrent de renouveler les violences anti-juives, qui avaient fait des dizaines de victimes l’année précédente, lors des pogromes de 1929 (1). Durant la même période, le mufti Al-Husseini développa, en étroite collaboration avec le mouvement des Frères musulmans, qui venait tout juste d’être créé en Egypte, la thématique de propagande meurtrière autour de la mosquée Al-Aqsa, exprimée dans le slogan mensonger “Al-Aqsa en danger”, qui allait devenir un élément essentiel de la propagande islamiste jusqu’à nos jours (2) .

 

C’est dans ce contexte explosif que le Rav Kook s’engagea avec force dans le combat pour protéger les droits des Juifs sur le Kottel, prenant position publiquement et témoignant devant la Commission spéciale créée par le gouvernement britannique, sous l’auspice de la Ligue des nations, pour “examiner les droits des juifs et des musulmans sur le Mur des lamentations”. Le Rav Kook, invité à témoigner devant la Commission, proteste avec véhémence contre la prétention de celle-ci de déterminer à qui appartient le Kottel. “Cette Commission de la Ligue des Nations est-elle la propriétaire du Kottel?” s’exclame-t-il avec force. “Qui vous a donné l’autorisation de décider à qui il appartient? Le monde entier appartient au Créateur et Il a transféré la propriété de la Terre d’Israël tout entière - y compris le Kottel - au peuple Juif (Rachi sur Genèse 1.1). Aucune puissance au monde, pas même la Ligue des nations, ni la présente commission, ne peut nous retirer ce droit”.

 

Malgré les protestations du Rav Kook, le rapport de la Commission conclut que la propriété du Mur appartient exclusivement aux musulmans (!) mais que les juifs ont cependant le droit de prier au Kottel, sous certaines restrictions, et sans que cela leur confère aucun droit de propriété. Parmi les restrictions apportées au droit de culte des Juifs figure l’interdiction de sonner du Shoffar, pour ne pas “causer de perturbation aux musulmans”. Cette dernière interdiction est particulièrement insupportable pour les Juifs de Jérusalem et du Yishouv, qui ont l’habitude de sonner du Shoffar au Kottel lors des grandes fêtes, et notamment à Yom Kippour.

 

Le jour de Kippour 1930, un jeune élève de l’école des cadres du Betar, le rav Moshé Segal, décide de braver l’interdiction et sonne du Shoffar pendant les prières de ce jour sacré, devant le Kottel. Il est immédiatement arrêté par la police britannique et conduit à la prison de Kishlé, dans la Vieille Ville. Informé de ces événements, le Rav Kook intervient immédiatement, sans attendre la fin du jeûne, auprès du secrétaire du gouvernement du mandat, en exigeant la libération de Segal. Il prévient son interlocuteur qu’il ne mettra pas fin à son jeûne, tant que le jeune Juif ne sera pas libéré. Face à la fermeté du Rav, le représentant du gouvernement anglais cède et ordonne de libérer Moshé Segal.

 

Moshé Segal sonnant du Shoffar au Kottel, 1930


 

Quelques semaines auparavant, le 15 août 1929, lors du jeûne de Tisha Be’Av, des centaines de jeunes Juifs appartenant au Betar et au “Comité pour le Mur” créé par le professeur Yossef Klausner se rendent en procession vers le Kottel, brandissant le drapeau national juif et chantant l’hymne national, Hatikva. En réaction, les Arabes incités par le Mufti déclenchent des émeutes, brûlant des livres de prières et objets du culte juifs. Les jeunes Juifs du Betar, arrivés au Kottel, s’écrient à voix haute : “Shema Israël, le Kottel est à nous, le Kottel est un”. Ils se rendent ensuite vers la yeshiva Mercaz Harav pour y rencontrer le Rav Kook. Le récit de cette rencontre nous a été transmis par le rabbin Shlomo Zalman Sonnenfeld .

 

“Le Rav Kook était très ému.. Il se leva de son siège, se pencha vers les jeunes Juifs et leur dit d’une voix étranglée d’émotion : “La fierté nationale qui anime vos coeurs est l’expression de la sainteté de l’âme divine qui appartient à tout Juif. Par votre zèle en faveur des lieux saints de la nation, vous êtes semblables aux Maccabim.. Nous avons l’obligation de faire savoir au monde entier, qu’il n’est pas possible qu’un Lieu saint comme le Mur occidental reste entouré de ruelles pestilentielles. Nous exigeons la justice et nous n’en démordrons pas. Que D.ieu vous bénisse de Sion!”.

 

(à suivre...)

Pierre Lurçat

Notes

(1) Pogromes que l’historiographie juive désigne plus sobrement par l’euphémisme “d’événements de 1929”.

(2) C’est Amin Al-Husseini qui a convaincu le mouvement des Frères musulmans égyptiens – matrice de l’islamisme contemporain – de faire de la guerre contre les Juifs et de la question de Jérusalem un élément central de leur propagande, à une époque où ils ne manifestaient aucun intérêt pour ce qui se passait dans la Palestine mandataire voisine. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur sympathie pour le mouvement sioniste, à l’instar du célèbre penseur musulman Rashid Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar. Voir Paul Landau, Le Sabre et le Coran, éditions du Rocher 2006.

(3) Rapporté par Simha Raz, Mala’him kibné Adam, éd. Kol Mevasser, Jérusalem 1993. Voir également sur cet épisode http://www.ravkooktorah.org/YOM_KIPPUR_66.htm.  Lire aussi l’article intéressant du Blog BokerTovYérushalayim, https://bokertovyerushalayim.wordpress. com/2015/09/25/le-groupe-clandestin-des-souffleurs-de-shofar/

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  La reconnaissance de Jérusalem et l’espérance du monde, Pierre Lurçat

May 15 2018, 04:21am

Posted by Pierre Lurçat

Le "pont des cordes" de Jérusalem, photo P. Lurçat

Le "pont des cordes" de Jérusalem, photo P. Lurçat

Par delà la politique internationale :

 

La reconnaissance de Jérusalem et l’espérance du monde, Pierre Lurçat

 

Ce qui est en jeu dans la reconnaissance par les Etats-Unis de la capitale d'Israël n'est pas seulement le statut de Jérusalem dans l’arène politique internationale, mais aussi - et surtout - la reconnaissance de l’identité historique et spirituelle d’Israël. Face à une Amérique qui retrouve son rôle de grande puissance et de leader du monde libre, l'Europe est entraînée, aujourd'hui comme hier, sur la pente de la négation de ses valeurs et du rejet de ses racines, qui sont à la fois Athènes et Jérusalem. En prétendant que Jérusalem n'est pas la capitale d'Israël et du peuple Juif, l'Europe ne nie pas seulement l'évidence de l'histoire et de la géographie, mais elle scie la branche sur laquelle elle est assise.

 

Samedi soir, on a pu entendre un journaliste français interroger sur un ton catastrophé le géopolitologue F. Encel, en exposant ainsi la situation : « Au coeur de cette journée d'hommage à Johnny Hallyday, il va se passer ce soir quelque chose qui fait courir un gros risque à toute la planète… Donald Trump va annoncer qu’il reconnaît Jérusalem comme la capitale d’Israël ! » Après cette entrée en matière apocalyptique, il demandait à son interlocuteur : « Les Palestiniens peuvent-ils l'accepter ? » Dans une surenchère de lâcheté rarement atteinte, les dirigeants français ont tour à tour dénoncé la décision américaine, qualifiée de “regrettable” par le président Emmanuel Macron et “d’extrêmement grave” par l’ancien président François Hollande.

 

Le seul pays qui a sauvé l’honneur de l’Europe est, à l’heure où ces lignes sont écrites, la République tchèque, dont le président a suivi l’exemple américain et dénoncé la lâcheté de l’Union européenne. Ce qui se joue actuellement est ainsi le re-découpage géopolitique du monde occidental et arabo-musulman autour de la question de Jérusalem : les frontières sont redessinées entre un camp israélo-américano-saoudien et un camp irano-européen.

 

 

"La reconnaissance de Jérusalem est le ferment d’espérance d’une humanité déboussolée"

 

Fin du mensonge palestinien et dhimmitude de l'Europe

 

Paradoxalement, le mensonge d'une Jérusalem arabe et palestinienne a été si bien intégré par le discours des chancelleries et des médias occidentaux, qu'ils sont aujourd'hui quasiment les derniers à y croire dur comme fer... Par un effet boomerang de la propagande, ceux qui s'en sont fait les vecteurs en sont devenus les premières victimes. Alors même que le monde arabe et musulman, en pleine effervescence, abandonne progressivement le mensonge palestinien et se divise autour de thèmes plus brûlants, qui n’ont rien à voir avec la thématique de la Jérusalem arabe ; alors que l'Arabie saoudite elle-même, autrefois leader du camp du refus et du boycott d'Israël, se range aujourd'hui ouvertement dans le camp des Etats-Unis et d'Israël face à la menace iranienne, c'est la France qui convoque une réunion d'urgence du Conseil de Sécurité pour aborder la question de Jérusalem !

 

L'amiral Michel Darmon, président de France-Israël Alliance Général Koenig, était toujours prompt à déceler dans les affres de la diplomatie française les restes de l'esprit antijuif séculaire. Après la décision américaine de reconnaître (enfin) Jérusalem pour ce qu'elle est et a toujours été, la France se retrouve à la tête d'un camp anti-israélien qui réunit les pays arabes les plus radicaux et les organisations de « l'axe de la résistance » (anti-américain et anti-israélien), du Hezbollah et du Hamas soutenus par l'Iran. (Notons que, dans le concert de dénonciations françaises de la décision américaine, quelques rares voix courageuses font entendre un son de cloche différent, comme le journaliste Franz-Olivier Giesbert, qui affirme face à un journaliste incrédule que Jérusalem a toujours été une ville juive…)

 

Mais, en réalité, il est question de tout autre chose que de la politique américaine (ou du “lobby juif”, comme le disent plus ou moins ouvertement les chancelleries occidentales, de la Suède au quai d’Orsay) ou même de la politique internationale. Comme l’écrivait Avraham Livni, “les nations (occidentales) voudraient réduire les revendications d’Israël sur la Judée et la Samarie à un problème politique. Mais pour Israël, le problème n’est pas politique, il est essentiellement moral, celui de la reconnaissance de son identité historique et métahistorique” *. Ce qui est en jeu dans la question de Jérusalem (et du sionisme) est la question du retour d’Israël sur sa terre et du retour d’Israël dans l’histoire universelle.

 

“Le combat d’Israël contre la prétention palestinienne est en fait le combat de l’histoire contre l’anti-histoire, de la mémoire contre l’anti-mémoire, de l’homme contre l’illusion et le mensonge politiques”, poursuit Livni dans son livre prophétique, dont les dernières lignes semblent décrire précisément la situation actuelle : “le temps du Retour est aussi un temps de rupture et de cassure… le monde nouveau du Retour surgit ainsi lentement du sein de la dégradation d’un monde moralement désemparé... “ La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël s’inscrit dans la suite logique de ce que Livni qualifie de “miracles évidents, comme la Déclaration Balfour, la création de l’Etat d’israël et la libération de Jérusalem. La libération du Retour ne concerne d’ailleurs pas seulement le peuple juif. Au-delà d’Israël, elle concerne l’ensemble des peuples. Car le Retour d’Israël est, en vérité, l’espérance du monde”.

 

Contrairement à ce qu’affirment les dirigeants occidentaux, aveuglés par le mensonge palestinien qu’ils ont eux-même créé de toutes pièces (avec l’aide d’une poignée d’intellectuels juifs égarés), la reconnaissance de Jérusalem capitale d’Israël n’est pas l’étincelle qui peut “mettre le feu aux poudres” et déclencher une nouvelle guerre, régionale ou mondiale**. La reconnaissance de Jérusalem est le ferment d’espérance d’une humanité déboussolée et la lueur qui annonce l’espoir d’un monde pacifié, autour de la capitale juive restaurée.

 

Pierre Lurçat

 

* Avaham Livni, Le Retour d’Israël et l’espérance du monde, éditions du Rocher 1984, réédition 1999.

 

** On remarque que ce même discours apocalyptique autour de Jérusalem est adopté par certains dirigeants israéliens de gauche lorsqu’ils parlent du Mont du Temple.

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NOUVEAU : OUVERTURE D’UNE FORMATION À L’HÉBREU DU DROIT ET DE LA VIE PUBLIQUE ISRAÉLIENNE !

- Vous avez étudié le droit en France, ou vous êtes un avocat ou professionnel du droit installé en Israël, et souhaitez perfectionner votre hébreu dans le domaine juridique, dans le but de disposer de méthodes et d’outils pour réussir les examens d’équivalence d’avocat / examens du barreau / autres examens de droit,

 

- Vous voulez réaliser vos projets professionnels et avez besoin pour cela de progresser dans la lecture / compréhension de l’hébreu juridique et professionnel.

 

- Vous souhaitez comprendre les questions brûlantes et les enjeux de l’actualité juridique et du débat public en Israël et avez déjà un bon niveau de lecture de l’hébreu en général.

 

Pour la première fois, la possibilité vous est donnée d’étudier l’hébreu du droit et de la vie publique dans un cadre approprié, destiné aux francophones, selon une méthodologie mise au point par un spécialiste de la formation juridique.

 

La première session débutera en janvier 2018 à Jérusalem. Elle se focalisera sur la question des normes fondamentales du droit israélien et du rôle de la Cour suprême. Les cours auront lieu dans les locaux de Qualita au centre-ville.


 

Renseignements et inscriptions : PIL FORMATION, 06 80 83 26 44.

 

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Yom Yeroushalayim : la guerre des Six Jours racontée par le rav Goren

May 13 2018, 08:11am

Posted by Pierre Lurçat

Yom Yeroushalayim : la guerre des Six Jours racontée par le rav Goren

L’autobiographie du rabbin Goren, parue en Israël il y a quelques années, est un document extraordinaire. Non seulement en raison de la personnalité exceptionnelle du rav Shlomo Goren, ancien grand rabbin de Tsahal, qui a joué un rôle essentiel dans de nombreux domaines  au cours des premières décennies de l’Etat, mais aussi en raison des événements qu’il relate. On connaît la fameuse photo du rav Goren soufflant dans le Choffar devant le Kottel dans Jérusalem libérée, en juin 1967. Mais on découvre dans ce livre qu’au-delà du symbole, le rav Goren a joué un rôle crucial dans les événements de cette semaine fatidique, il y a 46 ans. Extraits.

« Le Premier ministre d’alors, Lévi Eshkol, avait envoyé deux émissaires au roi Hussein de Jordanie, lui demandant de s’abstenir de nous attaquer. Il lui avait promis que, s’il ne prenait pas part à la guerre, nous respecterions les frontières actuelles, y compris à Jérusalem. Hussein fit une réponse négative, car il avait conclu un accord avec Nasser, qu’il ne voulait pas enfreindre. Je le savais, aussi voulais-je participer à la bataille pour Jérusalem. Mais je me trouvais alors sur le front Sud.

Je demandais à l’officier du commandement du front Sud qu’il me prévienne lorsque la guerre commencerait sur le front oriental, pour que je puisse participer à la bataille de Jérusalem. J’allai ensuite voir le commandant du 11e régiment et lui dis : « Je dois franchir les lignes avec la première unité ». Il me dit qu’il devait obtenir l’autorisation de l’état-major, mais je lui répondis : « pas besoin d’autorisation. Je monterai dans le premier command-car qui franchira les lignes ». C’est ce que je fis. J’emportai avec moi un Sefer Torah et un Choffar

 

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Le rav Goren dans la mosquée d'Omar, juin 1967

 

Lorsqu’on m’informa que la guerre avait commencé à Jérusalem et que Hussein attaquait Armon Hanatsiv, je montai dans la voiture avec mon chauffeur et nous partîmes en direction de Jérusalem. Aux environs de Castel, je trouvai une unité de blindés qui se dirigeait vers Ramallah, où se trouvait la plus grande station de radiodiffusion à l’ouest du Jourdain.

Jérusalem était plongée dans l’obscurité la plus complète. Le camp Schneller, où se trouvait note bureau, était fermé. Le commandement de la région centre avait été transféré à l’école Evelina de Rothschild, car le camp Schneller était bombardé sans interruption…

Au milieu de la nuit, Moshé Dayan annonça devant des centaines de journalistes que l’armée de l’air égyptienne n’existait plus. Leurs aéroports étaient détruits et aucun avion ne pouvait décoller. La guerre contre l’Egypte était sur le point d’être gagnée…

 

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Lorsque j’arrivai à Jérusalem, on me dit que Motta Gur se trouvait au musée Rockefeller. Les combats se poursuivaient, et les Arabes nous bombardaient depuis l’église Augusta Victoria. A ce moment, il y avait déjà de nombreux prisonniers de la Légion jordanienne au musée Rockefeller, parmi lesquels des officiers supérieurs et même des généraux, tous assis par terre.

Motta Gur me dit qu’il avait reçu l’ordre du gouvernement de ne pas conquérir la vieille ville – il fallait l’encercler, mais ne pas la conquérir. Je lui demandai s’il était capable de la conquérir, et il me répondit « Oui, sans problème. Mais j’ai reçu l’ordre du gouvernement de ne pas pénétrer dans la Vieille ville ».

Je lui dis qu’il allait laisser passer la chance de sa vie. « Tu as reçu une occasion historique de libérer et de conquérir Jérusalem et le Mont du Temple, et tu ne fais rien ? Je prends la responsabilité – allons-y ensemble, entre dans la Vieille ville. Si on te met en prison, j’irai avec toi. Cela vaut la peine de mourir pour Jérusalem. Tu vas laisser passer la chance unique, après deux mille ans, de nous emparer de Jérusalem ! »

A suivre…

(Extrait de "BeOz ou-Taatsoumot", HaRav Shlomo Goren, Yediot Aharonot books 2013)

 © Pierre I. Lurçat pour la traduction française

 

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Donald Trump, Israël et les Juifs : les errements de BHL

December 28 2017, 08:16am

Posted by Pierre Lurçat

Donald Trump, Israël et les Juifs : les errements de BHL

BHL nous a habitués au meilleur et au pire concernant Israël. Certes, il ne regarde pas, comme Alain Finkielkraut, notre pays uniquement à travers le prisme déformant de la lecture du Monde et de l’idéologie pacifiste de “Chalom Archav”, relayée à Paris par le Cercle Bernard Lazare (lequel n’a plus grand chose à voir avec l’anarchiste défenseur de Dreyfus et admirateur de Herzl). Non, BHL n’a pas besoin des éditoriaux du Monde, ni même de ceux de Ha’aretz, car il sait déjà. Il sait ce qui est bon pour Israël et ce qui ne l’est pas. Il sait que Jérusalem est la capitale d’Israël, mais il sait aussi que Trump ne peut pas faire quelque chose de bon pour les Juifs.

 

Ainsi BHL peut écrire dans son dernier éditorial que “Jérusalem est, évidemment, et depuis toujours, la capitale d’Israël” et qu’il “y a quelque chose, non seulement d’absurde, mais de choquant dans le tollé planétaire qui a suivi la reconnaissance, par les Etats-Unis, de cette évidence”. Mais dans la même foulée, il va convoquer A. B. Yehoshua, Amos Oz et même le rav Steinman z.l. pour nous expliquer doctement pourquoi la reconnaissance de la capitale d’Israël par les Etats-Unis n’est pas bonne pour les Juifs.

 

Je n’imagine pas l’âme de Trump disponible, de quelque façon que ce soit, à la reconnaissance de la singularité juive, à la célébration des paradoxes de la pensée talmudique ou au goût de l’aventure qui animait la geste ardente, lyrique et héroïque des pionniers laïques du sionisme”. Si ce n’était pas du BHL, on aurait pu penser que ces lignes sont écrites par quelqu’un qui voudrait se moquer de lui… Car enfin, M. Bernard-Henri Lévy, que nous importe de savoir si l’âme de Trump est “disponible” pour célébrer les “paradoxes de la pensée talmudique”? Le plus important n’est-il pas de savoir si Trump a l’esprit assez clair et le courage nécessaire pour avoir pris cette décision historique ?

Jérusalem capitale d'Israël : les Saoudiens plus sionistes que les Juifs?

Dans son envolée lyrique sur tout ce que “l’âme de Trump” est incapable de saisir des subtilités du judaïsme, BHL commet une double erreur. La première est d’opposer de manière caricaturale la grandeur d’Israël et des Juifs et les basses motivations qu’il attribue (sans aucune preuve) à Donald Trump. En cela, il rejoint les pires adeptes du “Trump bashing”, qu’il prétend ne pas imiter. La seconde, plus grave encore, est de croire qu’en politique - et en politique internationale surtout - les intentions priment sur les actes. Or rien n’est plus faux. Car en réalité, peu nous importe ce que pense Trump, en son for intérieur, des Juifs. Après tout, l’histoire récente est pleine d’exemples de dirigeants politiques qui appréciaient les Juifs et le fameux “génie juif” célébré par BHL, et qui ont été les pires adversaires de l’Etat d’Israël.  

 

Ce qui compte ce sont les actes envers Israël, Etat et peuple. A cet égard, la reconnaissance de notre capitale Jérusalem est un acte fort et riche de signification, qui n’engage pas seulement le président Trump et les Etats-Unis, mais le reste du monde, qui s'engagera lui aussi sur cette voie, comme c’est déjà le cas. Cette reconnaissance est une décision politique capitale, qui n’obéit pas à un calcul passager et mesquin, comme le prétend BHL, car elle engage les Etats-Unis de manière ferme, et quasiment irréversible. Peu nous importe, dans ces circonstances, de savoir si Trump apprécie la “pensée talmudique” ou l’esprit juif viennois… L’attitude de BHL et d’autres intellectuels juifs vis-à-vis de Trump (et de Nétanyahou) ressemble à celle des rabbins non sionistes (et des Juifs assimilés) à l’égard de Theodor Herzl, qui n’était pas assez “casher” (ou trop Juif) à leurs yeux (1).

 

Dans son mépris pour Donald Trump et pour l’Amérique qu’il incarne (ces “fameux néo-évangélistes” dont il parle avec dédain), BHL montre qu’il ne comprend rien à ce pays et à l’identification spirituelle et charnelle des chrétiens américains, sionistes ou évangélistes, au peuple et à la terre d’Israël.  En réalité, BHL sait très bien que la reconnaissance de notre capitale par le président Trump est une bonne chose pour Israël. Seulement voilà, il éprouve comme il l’avoue un sentiment de “malaise”. Pour la simple et bonne raison que depuis des mois, depuis l’élection de Trump et même avant, BHL explique à qui veut l’entendre que Trump n’est pas un ami des Juifs. Il l’a dit à maintes reprises, sur CNN où il expliquait en février dernier que “Trump a un problème avec les Juifs” et dans le New York Times où il appelait les Juifs à se méfier du président américain.

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La seconde erreur de BHL est de croire qu’en politique internationale, les intentions priment sur les actes.

 

 

 

Trump, Dioclétien et le gardien de cochons

 

“Trump, Dioclétien et le gardien de cochons” : sous ce titre quelque peu mystérieux, BHL s’était livré il y a presqu’un an à une attaque au vitriol contre le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, accusé par avance de trahison envers Israël et de mépris envers les Juifs. Et pour mieux asséner ses coups, BHL conviait en renfort Freud, le Talmud, Kafka, Rachi et Proust… Après avoir pronostiqué pendant des semaines que Trump allait perdre car “l’Amérique de Tocqueville” n’élirait pas un tel homme, BHL annonçait alors l’inéluctable trahison de Trump envers Israël. C’est pourtant le même BHL qui avait, avec une certaine dose de courage intellectuel, et contrairement à d’autres, reconnu le danger de la politique d’Obama envers Israël à l’occasion du vote de la Résolution 2334 au Conseil de Sécurité (2).

 

Entretemps, Trump a été élu, il est devenu le président américain le plus pro-israélien depuis 1948, comme l’ont prouvé non seulement sa dernière décision sur Jérusalem, mais aussi son attitude à l’ONU et face au président de l’Autorité palestinienne (ce sinistre has-been que même les pays arabes ont fini par lâcher et que seule la France continue de soutenir). Trump est en train de promouvoir une véritable “révolution copernicienne” au Moyen-Orient, pour reprendre l’expression de Michel Gurfinkiel, en reléguant au second plan le conflit israélo-arabe et en abandonnant la politique désastreuse du soutien à “l’Etat palestinien” et aux concessions israéliennes. Mais tout cela est trop simple et limpide pour  notre amateur de “paradoxes talmudiques”. Aussi BHL s’évertue à démontrer, faisait feu de tout bois, que cela n’est pas bon pour Israël. Peu importe si les faits lui donnent tort, puisque lui-même est persuadé d’avoir raison.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Dans le concert des intellectuels juifs qui attaquent Trump, il faut saluer la prise de position de l’ancien président du CRIF, Richard Prasquier, et celle de son successeur Francis Kalifat.


(2) “Mais voir cette administration qui a tant concédé à l’Iran, tant cédé à la Russie... se rattraper en donnant de la voix, in extremis, contre ce mouton noir planétaire, ce pelé, ce galeux, qu’est le Premier ministre d’Israël, quelle misère !” écrivait-il alors.

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Jérusalem capitale d'Israël : les Saoudiens plus sionistes que les Juifs?

December 20 2017, 11:27am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le texte qu'on lira ci-dessous illustre la révolution à laquelle nous assistons actuellement dans les rapports entre Israël et le monde arabe. Sous les yeux incrédules de l'Europe, qui constitue aujourd'hui, comme l’a récemment rappelé Caroline Glick, le principal ennemi d’Israël sur la scène internationale, une partie importante du monde arabo-musulman - constituée essentiellement de l’Arabie saoudite et de certains pays du camp sunnite modéré - est en train de se rapprocher d’Israël, pour lutter contre la menace de l’axe iranien (lequel comprend aussi le Hamas et le Hezbollah). Ce rapprochement n’est toutefois pas purement de circonstance, car il repose aussi sur la compréhension que les intérêts à long terme du monde musulman sont de faire la paix avec Israël.

 

Mais, c’est là tout l’intérêt et la nouveauté radicale du texte qu’on lira ci-dessous, cette paix ne repose pas sur l’équation fallacieuse “la paix contre les territoires” et sur le renoncement d’Israël à son identité et à sa souveraineté, comme l’ont promue pendant des décennies les promoteurs du rapprochement avec l’OLP et l’Autorité palestinienne anti-juive. La paix véritable repose au contraire sur la reconnaissance par les pays arabes de l’identité juive et de la souveraineté juive sur Jérusalem et sur sa patrie historique (Judée-Samarie). En lisant le texte d’Abdelmahid Hakim, on constate que son analyse est véritablement révolutionnaire (elle participe de la "révolution copernicienne" que connaît le Moyen-Orient, pour reprendre l'expression de Michel Gurfinkiel), et qu’elle s’inscrit en faux contre celle des principaux représentants de la gauche israélienne et juive.

 

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Donald Trump au Kottel

 

Ces derniers, on le sait, ont dénoncé la reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël (voir notamment les prises de position d’Alain Finkielkraut, de Frédéric Encel, ou encore celle de Denis Charbit, pour ne citer que des exemples francophones. Voir aussi l’analyse de Freddy Eytan sur le thème des intellectuels israéliens de gauche). La déclaration de Donald Trump et les développements politiques qui l’ont précédée dans la région n’ont pas seulement bouleversé l’équilibre géopolitique moyen-oriental, en redessinant les frontières entre un camp anti-israélien et anti-juif mené par l’Iran et ses alliés et par l’Europe d’une part, et un camp sunnite modéré allié d’Israël et des Etats-Unis d’autre part. Ils ont également vu émerger un clivage au sein même du monde juif, entre les Juifs fidèles à Jérusalem et les membres d’une “gauche” juive égarée, nostalgique d’Obama, qui préfère avoir tort avec Abbas et Macron qu’avoir raison avec Trump et Nétanyahou…

 

Dans ces circonstances, on peut légitimement affirmer que les intellectuels et dirigeants arabes modérés, comme Abdelhamid Hakim ou comme le Prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, sont aujourd’hui plus sionistes que beaucoup de Juifs. Car, comme à l’époque de Hannoukah, les “Juifs hellénisants” actuels, séduits par la culture européenne dominante, préfèrent oublier Jérusalem et s’allier aux ennemis du peuple Juif. Il n’y a “rien de nouveau sous le soleil”, comme disait le Roi Salomon.

 

Pierre Lurçat

 

 

Le chercheur saoudien Abdelhamid Hakim : Jérusalem comme capitale israélienne avec une gestion palestinienne des lieux saints musulmans est une chance de paix ; les Arabes doivent changer leur mentalité anti-juive

 

Le chercheur saoudien Abdelhamid Hakim, directeur général du Centre d'études stratégiques et juridiques du Moyen-Orient basé à Djeddah, a déclaré que les Arabes devaient reconnaître que Jérusalem est « aussi sainte pour les Juifs que La Mecque et Médine le sont pour les musulmans ». S'exprimant sur la chaîne télévisée Al-Hurra, Hakim a déclaré qu'Israël est « le produit du droit historique des Juifs dans la région ».

 

Concernant la récente déclaration sur Jérusalem du président américain Trump, Hakim a déclaré qu’elle pourrait renfermer une chance de paix, si Jérusalem était la capitale d’Israël et si les Palestiniens recevaient la gestion des lieux saints musulmans. Il a suggéré que l'Arabie saoudite pourrait aider les Palestiniens dans cette tâche, et appelé les Arabes à ne pas manquer cette occasion, comme ils l'ont fait à plusieurs reprises par le passé. Hakim a également appelé les Arabes à changer leur culture de haine envers les Juifs, qui domine leurs programmes scolaires et leurs chaires islamiques. L'interview a été diffusée le 15 décembre 2017. Extraits :

 

Abdelhamid Hakim : Nous devons comprendre et reconnaître que Jérusalem constitue un symbole religieux pour les Juifs, et qu'elle est aussi sainte pour eux que la Mecque et Médine le sont pour les musulmans. Par conséquent, la mentalité arabe doit être affranchie de l'héritage nassérien, et de l'héritage de l'islam politique - tant sunnite que chiite - qui, pour des raisons purement politiques, ont semé la culture de haine envers les Juifs et du déni de leurs droits historiques dans la région. [...]

 

Les Juifs font partie intégrante de l'histoire de cette région, et Israël est le produit du droit historique des Juifs dans la région. Si nous rencontrons les négociateurs israéliens, en les considérant comme des partenaires de l'histoire de cette région – qu’il s’agisse des dirigeants, des peuples ou des élites intellectuelles - cela facilitera les choses et apportera une certaine flexibilité au processus de paix. Quant à Jérusalem, je pense que nous devons être réalistes et nous adapter à la nouvelle réalité politique de la région. Si les négociateurs palestiniens, soutenus par les Arabes, parviennent à obtenir seulement une partie de Jérusalem-Est, et si les lieux saints sont placés sous administration palestinienne - je pense que ce sera le plus grand gain politique que les négociateurs israéliens [sic] peuvent réaliser aujourd’hui. Nous devons tirer des leçons de notre histoire pour pouvoir prendre la bonne décision. Au cours du conflit israélo-arabe, les Arabes ont manqué beaucoup d'occasions. [...]

 

Les Arabes ont manqué des occasions - depuis 1956, lorsque le défunt président Gamal Abdel Nasser a pris les choses en main... Ils ont perdu l’occasion d'avoir un Etat palestinien en Cisjordanie et à Jérusalem. Lorsque Habib Bourguiba a présenté son initiative de paix, sous le slogan « Prenez [ce que vous pouvez] et demandez [le reste plus tard] », il a été qualifié de traître et son initiative a été rejetée. Lorsque le président Sadate a lancé le processus de paix, lui aussi a été considéré comme un traître. Gamal Abdel Nasser a utilisé le conflit arabo-israélien comme un moyen pour légitimer sa dictature en Egypte, et comme une arme pour combattre ses rivaux dans la région. L'islam politique, bien qu'il soit en total désaccord avec les régimes nassériens, acquiesçait sur un point : faire de la paix un crime. [...]

 

Quand l'Arabie saoudite a lancé l'initiative de paix arabe, elle a malheureusement été dédaignée. Je pense que la décision de Trump renferme une chance de paix, mais que les Palestiniens doivent unir leurs rangs et prendre les décisions dans le cadre palestinien. [...]

 

Lorsque j'ai visité Ramallah, j’ai parlé à des gens dans un centre de recherche palestinien. Je leur ai dit : Vous ne savez pas vous adresser aux citoyens israéliens. Votre rhétorique ne convainc pas les citoyens israéliens que la paix leur procurera la légitimité et la sécurité dans la région. Les Israéliens ressentent la culture de la haine parmi leurs voisins. Cela a commencé avec Gamal Abdel Nasser, qui a affirmé que nous jetterons les Juifs à la mer, et cela continue jusqu’à ce jour - dans les programmes scolaires, depuis les chaires des mosquées et dans les symposiums culturels. La culture de la haine envers les Juifs est profondément enracinée dans notre monde arabe. [...]

 

Si nous, Arabes, souhaitons vraiment trouver un règlement, nous devons faire notre examen [de conscience] et mener une révolution idéologique dans la façon dont nous traitons les Juifs. Les Juifs font partie intégrante de la région… Les vies humaines sont plus chères aux yeux d'Allah que des étendues de terre.

 

Si nous, Arabes, souhaitons vraiment trouver un règlement, nous devons faire notre examen [de conscience] et mener une révolution idéologique dans la façon dont nous traitons les Juifs. Nous devrions croire que les Juifs font partie intégrante de la région, et que la paix est le meilleur moyen de libérer la région de décennies de conflits qui ont épuisé la région et appauvri ses ressources. [...]

 

Ma proposition est que l'Arabie saoudite, en tant que pays doté de ressources économiques substantielles, et en tant que pays ayant une importante expérience historique dans la gestion des lieux saints, peut aider à gérer les lieux saints [à Jérusalem], si nous parvenons à placer les lieux saints sous administration palestinienne, tandis que Jérusalem sera la capitale d’Israël. Si nous parvenons à en arriver là, je crois que cela constituera un gain politique pour la lutte palestinienne, et en retour, il y aura un Etat palestinien, et les souffrances des Palestiniens à Gaza, à Ramallah et dans les camps de réfugiés à l'étranger prendront fin. Mon opinion est que les vies humaines sont plus chères aux yeux d'Allah que des étendues de terre.

 

http://memri.fr/2017/12/20/le-chercheur-saoudien-abdelhamid-hakim-jerusalem-comme-capitale-israelienne-avec-une-gestion-palestinienne-des-lieux-saints-musulmans-est-une-chance-de-paix-les-arabes-doivent-changer-leur-mentali/

 

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Jérusalem et les Juifs - un secret caché depuis l'origine de l'islam, par Pierre Lurçat

December 9 2017, 19:17pm

Posted by Pierre Lurçat

Yom Yeroushalayim 5777 - Photo P. Lurçat (c)

Yom Yeroushalayim 5777 - Photo P. Lurçat (c)

 

Les réactions du monde arabe et musulman à la déclaration du président Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël ne sont pas étonnantes, pas plus que celle de la France, qui a toujours été en pointe dans ce que l'amiral Michel Darmon avait coutume d'appeler la "croisade contre Jérusalem". Un autre discours sur Jérusalem et les Juifs est pourtant possible et se fait parfois entendre, encore timidement, dans le concert des menaces et des appels à la haine et à la violence. Ce discours n’est pas seulement celui des chrétiens évangélistes, mais aussi celui de représentants d’une autre voix musulmane, à l’instar de l’historien pakistanais Mobarak Haidar qui soutient la décision américaine *.

 

Un tel discours ne repose pas seulement sur des considérations géopolitiques ; il peut également trouver dans l'islam même les fondements d’une autre relation avec les Juifs et Israël. Comme le christianisme en effet, l'islam a partie liée, dès son origine, avec les Juifs et l'histoire de sa relation avec le peuple Juif est celle d'un amour déçu, qui s'est transformé en haine meurtrière. Les traces de cette relation ambivalente, et de l'estime que l'islam originel vouait aux Juifs, sont encore présentes dans les textes et dans la tradition musulmane **. Mais elles sont enfouies sous les épaisses strates de l'histoire et de la politique, qui en ont fait un secret bien gardé et presque inaudible aujourd'hui.

 

Comment les musulmans désignent-ils aujourd'hui Jérusalem ? Le nom le plus courant est celui de Al-Quds qui signifie la Sainte. Mais de quelle sainteté s'agit-il et d'où tire-t-elle sa source ? La réponse à cette question nous est donnée par l'autre nom de Jérusalem, Bayit al-Maqdis. On le traduit souvent par “Maison du Sanctuaire”, “Noble Sanctuaire” ou par d'autres expressions équivalentes, traductions qui sont en réalité impropres, car elles n’expriment pas la signification authentique de cette expression. Au sens premier et littéral, en effet, Bayit al-Maqdis désigne le Temple, l'expression arabe étant tout simplement le calque de l'hébreu Beit  ha-Mikdash.

 

Le Coran lui-même relate dans plusieurs Sourates la construction du Temple par Salomon et la prière musulmane fut, au tout début de l’islam, tournée vers Jérusalem, lieu du Temple, avant que n’intervienne le changement de la Qibla (direction de la prière) et son orientation vers La Mecque. Le fait que Jérusalem est le site du Temple de Salomon est ainsi acté et ancré dans le Coran, dans la langue arabe et dans l’histoire de l’islam, de manière irréfutable. Cette vérité indéniable apparaît parfois de manière explicite dans le discours de certains dirigeants arabes contemporains, à l’instar de Sari Nuseibeh, intellectuel palestinien qui a déclaré en 1995 que “la mosquée (de Jérusalem) est la revivification de l’ancien Temple juif” ***.

 

Le discours dominant de l’islam contemporain prétend toutefois que le Bayit al-Maqdis n'a jamais désigné le temple de Salomon, mais uniquement la mosquée d'Omar. Mahmoud Abbas, suivant l’exemple de son prédécesseur Yasser Arafat, va encore plus loin dans cette attitude négationniste et affirme que le Temple n’a jamais existé. Cette négation actuelle de l’existence même du Temple de Salomon, dans la bouche des dirigeants palestiniens ou des représentants de mouvements islamistes, s’inscrit en faux contre l’histoire de l’islam. La réécriture de l'histoire, caractéristique de la réappropriation par l'Islam des symboles religieux appartenant à la période pré-islamique, ne peut cacher l'évidence : Jérusalem est bien la ville du Temple de Salomon et la capitale du roi David. La décision du président Trump de reconnaître l’évidence peut certes embraser la rue arabe, mais elle peut aussi encourager les musulmans progressistes à envisager une autre relation avec les Juifs et Israël.

P. Lurçat

*

https://www.memri.org/reports/after-trumps-recognition-jerusalem-israels-capital-pakistani-historian-mobarak-haidar-writes

** Sur les relations ambivalentes entre l’islam, Jérusalem et les Juifs, voir notamment cette conférence d’Eliezer Cherki,

http://lys-dor.com/2011/04/25/la-nostalgie-de-jerusalem-chez-les-musulmans-un-bilan-par-eliezer-cherki/

Voir aussi, https://www.fichier-pdf.fr/2015/12/23/jerusalem-dans-l-islam/preview/page/1/

*** Cité par Martin Kramer,

http://martinkramer.org/sandbox/reader/archives/the-temples-of-jerusalem-in-islam/

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Transférer l’ambassade américaine à Jérusalem? Yes he Can!

December 6 2017, 18:54pm

Jérusalem 2017 - photo Pierre Lurçat (c)

Jérusalem 2017 - photo Pierre Lurçat (c)

Le refus international de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat d’Israëls’habille de divers arguments juridiques et politiques. Il repose notamment sur la Résolution 181 des Nations unies du 29 novembre 1947, qui avait fait de Jérusalem un “corpus separatum”, soumis à un “régime international particulier”. Par ailleurs, depuis le début des négociations israélo-palestiniennes ayant conduit aux accords d’Oslo, en 1993, on considère généralement que la question de Jérusalem étant la plus complexe et la plus épineuse, elle doit être reléguée à la fin des négociations, autant dire reportée aux calendes grecques… Derrière cette argumentation politique et juridique, d’autres motivations, plus profondes et moins explicites, expliquent le statut particulier de Jérusalem sur la scène internationale. La reconnaissance des droits du peuple Juif sur la Ville sainte pose en effet un problème d’ordre théologique pour le monde catholique et pour le Vatican en particulier.

Un tabou à réactions

En 1904 déjà, lors de sa rencontre avec le Pape Pie X, le fondateur du mouvement sioniste Theodor Herzl s’était heurté à un retentissant “Non possumus” : “Nous ne pouvons pas” [reconnaître la nation juive]. Soixante ans plus tard, lors de la première visite d’un Pape en Israël – celle de Paul VI en janvier 1964 – celui-ci évite soigneusement tout geste pouvant être interprété comme une reconnaissance, même implicite, de l’Etat juif. Son avion atterrit à l’aéroport d’Amman et lors de son accueil par le président israélien Zalman Shazar, à Jérusalem, il insiste sur le caractère purement spirituel de son voyage. Cette visite est un événement religieux majeur, mais dénué de toute portée politique, la reconnaissance d’Israël par le Vatican n’étant à l’époque pas à l’ordre du jour. Elle interviendra finalement en 1993, avec l’établissement de relations diplomatiques pleines et entières entre le Saint Siège et l’Etat d’Israël.

Le refus de reconnaître Jérusalem comme capitale d’un Etat juif devient de plus en plus flagrant après 1967 et la réunification de la ville sous souveraineté israélienne, et plus encore depuis 1980, quand elle est proclamée par la Knesset “capitale éternelle et indivisible” de l’Etat d’Israël. Avant 1967, 23 pays, pour la plupart africains et sud-américains, avaient ainsi installé leur ambassade dans la partie occidentale de la ville. Après 1967, alors même que la ville sainte réunifiée devient, pour la première fois de son histoire plurimillénaire, un lieu ouvert aux fidèles de toutes les religions et que la liberté de culte y est garantie pour tous, le nombre des représentations diplomatiques étrangères va en diminuant.

Ainsi, lors du vote par la Knesset, le 30 juillet 1980, de la Loi fondamentale sur “Jérusalem capitale d’Israël”, la réaction internationale ne se fait pas attendre. Le Conseil de Sécurité, dans sa résolution 478 du 20 août 1980, déclare que la loi israélienne viole le droit international et appelle les Etats membres de l’ONU ayant établi des missions diplomatiques à Jérusalem à les transférer à Tel-Aviv. Ceux-ci obtempèrent de manière quasi-unanime, seuls le Costa-Rica et le Salvador conservant leur ambassade à Jérusalem. Ces derniers finiront par transférer eux aussi leur ambassade à Tel-Aviv en 2006, date à laquelle plus aucune ambassade étrangère n’était installée dans la capitale israélienne.

Jérusalem, symbole de l’entrée dans l’ère Trump ?

Dans ce contexte, le transfert éventuel de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, nonobstant les menaces et les réactions négatives qu’il suscite dans le monde arabe et musulman, constituerait une victoire, politique et symbolique, pour l’Etat d’Israël. Sur le papier, la promesse du candidat Donald Trump de transférer dans la Ville sainte l’ambassade américaine n’est pas nouvelle. Il s’agit en effet d’un dossier déjà ancien, une promesse similaire ayant été faite par plusieurs présidents américains (Bill Clinton et Georges W. Bush notamment) pendant leur campagne électorale, mais vite oubliée au lendemain de leur investiture. Le 23 octobre 1995, le Congrès américain a voté la Loi sur le transfert de l’ambassade à Jérusalem (Jerusalem Embassy Act) votée par les deux chambres à une très large majorité. Mais cette loi n’a jamais été appliquée, les présidents Clinton et Bush ayant usé de leur veto pour s’y opposer au nom de “l’intérêt national” américain.

La volonté de changement radical que le nouveau président entend incarner dans la politique américaine, à l’intérieur comme à l’extérieur, et son souhait exprimé dans son discours d’investiture, de “retirer le pouvoir à [l’administration de] Washington pour le rendre au peuple américain”, ne saurait être traduits en actes de manière plus manifeste et éclatante qu’en tenant cette promesse envers l’Etat juif. Ce faisant, Donald Trump donnerait raison au Congrès et au peuple américain contre le Département d’Etat, et il inaugurerait une nouvelle ère dans les relations d’amitié, fondées sur des valeurs et des intérêts partagés, entre les Etats-Unis et Israël.

Philippe Karsenty et Pierre Lurçat

https://www.causeur.fr/donald-trump-israel-jerusalem-ambassade-americaine-transfert-vatican-142361

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