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Un phare pour les Juifs de France et pour Israël : Hommage à Jacques Kupfer (1946-2021)

December 31 2021, 10:23am

Posted by Pierre Lurçat

 

L’histoire du militantisme juif en France reste à écrire. Un des chapitres les plus importants de cette histoire a été écrit par Jacques Kupfer, ancien Netsiv Betar et président du Herout de France, disparu il y a tout juste un an aujourd'hui, le 27 Téveth 5780. Né en 1946, Jacques Kupfer a non seulement été le moteur de l'engagement sioniste de plusieurs générations de militants juifs de France, à travers les multiples organisations qu'il a fondées et dirigées, mais il a également servi de phare pour une communauté juive souvent désorientée et qui a traversé de multiples épreuves, depuis les années 1960 et jusqu'à nos jours.



 

J. Kupfer en uniforme du Betar

 

Contrairement au tableau édifiant souvent dressé de l'histoire des Juifs en France depuis 1945, celle-ci n'est en effet nullement un long fleuve tranquille ou une “success story”. En réalité, on peut la décrire comme la remise en question progressive de l'intégration réussie du judaïsme français, tant par la politique étrangère de la France que sur le plan intérieur. Dans ce contexte, le judaïsme officiel a souvent choisi une attitude de résignation, d'acceptation et pour finir de dhimmitude. Les institutions juives de France, avec quelques rares exceptions, ont dans la plupart des cas accepté ainsi comme un fait accompli la politique arabe de la France et ses conséquences. On en donnera pour illustration le fait que les grandes manifestations pour Israël des années 1970 et 1980 se sont progressivement taries, au point que la France est devenue l'un des rares pays où il est aujourd'hui quasiment interdit de manifester publiquement son soutien à Israël.

 

Dans ce contexte de dhimmitude grandissante, Jacques Kupfer faisait exception. Le Betar et le Herout de France qu’il dirigeait ont levé haut le drapeau d'Israël en France, sans jamais craindre les réactions de nos ennemis, ou celles des autorités françaises. Jacques Kupfer a écrit, avec les militants des organisations qu'il dirigeait, certaines des pages les plus glorieuses du judaïsme de France, celles de la mobilisation pour les Juifs d'URSS, du combat et de l'activisme sans faille pour Israël et contre l'antisémitisme de tous bords.

 

Mais Jacques Kupfer n'était pas seulement un chef et un.dirigeant politique lucide et charismatique. Il était véritablement un phare, qui a éclairé et accompagné le.judaïsme de France, en lui montrant toujours la direction ultime, celle du retour à Sion. Tous n'ont pas fait leur Aliyah, mais tous savaient que leur avenir était en Israël. Ce combat s'est poursuivi en Israël, où Kupfer a poursuivi son œuvre de militantisme politique, notamment à travers le Yom.Hebron et à travers Israël forever, organisation militante aujourd’hui dirigée par sa fille, Nili Kupfer Naouri.

 

Jacques Kupfer lors d’une manifestation d’Israël Forever

 

De toutes ses multiples réalisations et parmi toutes les fonctions qu’il a occupées - au sein des institutions sionistes notamment - celle qui lui était la plus chère était d’avoir dirigé le Betar, en tant que “Netsiv Betar”. Si l’on veut tenter de comprendre un tant soit peu qui était Jacques Kupfer, il faut lire le portrait que dresse le fondateur du Betar, Zeev Jabotinsky, du colonel Patterson, commandant de la Légion juive, dans son autobiographie. Patterson, écrit-il, se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque. Ehoud et Ifta’h, Gideon et Shimshon, David et Avner – à ses yeux étaient vivants, ils étaient des amis personnels, presque ses camarades et ses voisins du club de cavalerie de la rue Piccadilly. Je m’en réjouis, l’illusion biblique permet parfois de masquer l’absence de beauté de l’existence galoutique…”.

 

Ces lignes s’appliquent parfaitement à Jacques Kupfer, qui a lui aussi consacré une grande partie de sa vie à la cause juive et sioniste dans la Galout de France, dont l’absence de beauté n’a rien à envier à celle de la Russie évoquée par Jabotinsky. Mais, aux yeux de Jacques Kupfer, comme à ceux du colonel Patterson, l’existence galoutique était transfigurée par la présence des héros de la Bible hébraïque et de ceux de la Renaissance d’Israël, des pionniers de la “Hityashvout” - l’implantation juive - en Judée et en Samarie, au Goush Katif et à Hébron, des combattants de l’Etsel et du Lehi, des “Olé ha-Gardom”, les jeunes combattants de l’Irgoun et du Lehi pendus par les Anglais et de tous ces héros qui étaient véritablement vivants et qui étaient “des amis personnels”, pour Jacques Kupfer et - à travers lui - pour nous tous.

 

Yom Hébron

 

L’histoire du militantisme juif en France reste à écrire. Il reste notamment à écrire comment, malgré la politique arabe de la France, axe essentiel de sa politique étrangère devenue aujourd’hui un axe de sa politique intérieure et malgré l’hostilité insondable des dirigeants français envers Israël - qu’ils parviennent très mal à dissimuler par leurs proclamations d’amitié mensongères - le mouvement sioniste jabotinskien en France a levé haut la bannière d’Israël et a écrit une page glorieuse de l’histoire juive. Que le souvenir de Jacques Kupfer soit béni et qu’il continue d’éclairer et de guider le judaïsme de France et le peuple d’Israël.

Pierre Lurçat

 

J’ai évoqué ce matin la personne et l’action de Jacques Kupfer au micro d’Ilana Ferhadian sur Radio J

https://www.radioj.fr/podcast/linvite-dilana-ferhadian-107/

 

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Quand “Jabo” lisait la Bible : La pensée économique et sociale du fondateur du sionisme révisionniste

March 7 2021, 11:00am

Posted by Pierre Lurçat

Il y a de nombreuses manières de lire la Bible hébraïque, le Tanakh, mais on peut les regrouper toutes dans deux catégories. La première est celle des lecteurs qui la considèrent comme un livre décrivant des événements du passé. L’Ancien Testament des catholiques, la Bible des tenants de la “Science du judaïsme” où celle des rabbins réformés participent de cette tendance, mais également celle de certains Juifs orthodoxes qui s’abstiennent de toute joie en souvenir des victimes de l’épidémie à l’époque de Rabbi Aqiba (après la destruction du Second Temple), mais qui mettent leur vie et celle des autres en danger, en négligeant les mesures de protection contre la pandémie du Covid-19… La seconde manière de lire la Bible est celle de ceux qui y voient un Livre vivant (Torat Haïm), qui s’adresse au lecteur de chaque génération et dont les prescriptions sont toujours actuelles, plus de 3300 ans après le don de la Torah sur le Mont Sinaï. 

 

Jabotinsky - tout comme Herzl avant lui - appartient à cette seconde catégorie. Il lit la Bible hébraïque non comme un livre d’histoire ou comme un récit mythique, mais “comme le livre de l’Histoire nationale juive par excellence, et il en fait une source d’inspiration essentielle de ses idées politiques”. Je publie ici les premières pages du livre inédit de Jabotinsky, La rédemption sociale, que j’ai le plaisir et l’honneur de publier en français ces jours-ci. Ce livre, premier tome de la Bibliothèque sioniste, est dédié à la mémoire de Jacques Kupfer. Je l’ai connu à la fin des années 1980, au siège du Betar, boulevard de Strasbourg. C’est de lui que j’ai entendu pour la première fois le nom de Jabotinsky. J’étais déjà trop âgé pour appartenir au Betar et porter la Tilboshet, même si j’ai milité pendant plusieurs années au Tagar, branche étudiante du Betar. 

 

Je me souviens avec émotion des réunions avec Jacques, de la rédaction du journal Alerte auquel je participais comme lui sous différents nom de plume.. Comme tous ceux qui ont croisé son chemin, j’étais impressionné par ses multiples talents d’orateur, d’écrivain, de dirigeant et d’organisateur. Mais je me souviens en particulier qu’il nous donnait l’impression de vivre en compagnie des héros du sionisme, qui n’étaient pas pour nous des noms sur le papier, mais de véritables compagnons de lutte… Comme l’écrit Jabotinsky au sujet du colonel Patterson, qui “se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque”, Jacques se sentait chez lui dans le monde du Tanakh, dans le monde de Jabotinsky, des premiers Betari, des Olei hagardom, de Shlomo ben Yossef et des martyrs du Lehi et de l’Irgoun… 

 

Le secret du Betar que Jacques nous a transmis résidait à mes yeux dans cela: nous vivions avec ces héros. Mon militantisme sioniste a pris fin avec mon alyah en 1993, mais je revoyais Jacques régulièrement, au Yom Hébron ou ailleurs, sur le mont Herzl à l’occasion du Yahrzeit de Jabotinsky. Ce n’est que bien plus tard que je me suis intéressé plus sérieusement aux écrits de Jabotinsky, après avoir entendu son petit-fils à Jérusalem, et que j’ai entamé leur traduction en français. Mais je n’ai jamais oublié à qui je devais mon sionisme jabotinskien. Je dédie ce livre à Jacques Kupfer. Que sa mémoire soit bénie.

 

Jacques Kupfer z.l.

 

La pensée économique et sociale de Jabotinsky occupe une place particulière dans son œuvre, consacrée essentiellement aux questions politiques et à la situation du peuple Juif en Eretz-Israël et en exil. Elle n’est exposée de manière exhaustive et systématique dans aucun livre, ni même dans un recueil. On la trouve éparse dans quelques discours et articles, et notamment dans les Éléments de philosophie sociale de la Bible, dans La rédemption sociale et dans L’idée du Yovel, trois textes regroupés dans le livre que je viens de publier (1). Considéré dans sa prime jeunesse comme un écrivain prometteur (Maxime Gorki avait dit que sa conversion au sionisme fut une perte irréparable pour la littérature russe), Jabotinsky n’a guère eu le loisir de mettre à profit ses talents d’homme de lettres, sinon pour aborder les nécessités impérieuses de l’actualité, même s’il a publié - outre ses nombreux articles - deux romans et une autobiographie inachevée (2). 

 

Le “Saint des Saints” de l’univers de Jabotinsky

 

Le fondateur du Betar et de la Légion juive a littéralement donné sa vie au mouvement sioniste et à l’édification de l’État juif dont il n’a pas vu le jour, étant resté comme Moïse, sur l’autre rive…(3)  Et pourtant, les questions sociales et économiques n’ont cessé de le préoccuper. Son traducteur Moshé Bella pose la question de savoir ce qui motivait le plus Jabotinsky, du “pathos politique” ou du “pathos social”, et il observe que la question de la “réparation de la société” (Tikkoun ha-hévra) n’a jamais laissé de répit à l’âme sensible de Jabotinsky (4). Effectivement, dans le Panthéon intérieur du Roch Betar et dans son univers intime, la question de la justice sociale et de la réforme économique - à laquelle il n’a guère pu consacrer tout le temps qu’il aurait souhaité - occupait une place centrale. Elle était, selon ses propres termes, le “Saint des Saints” de son Temple intérieur. 


 

Avant d’aborder succinctement la pensée économique et sociale de Jabotinsky, il convient de faire une remarque préliminaire concernant la place qu’occupe la Bible dans la pensée sioniste moderne. Beaucoup a été dit sur le caractère utopique de la société juive décrite par Herzl, le “Visionnaire de l’État”, dans son ouvrage programmatique, L’État juif et dans son roman politique Altneuland. Homme du dix-neuvième siècle, Herzl croyait au progrès nécessaire de l’humanité, et son utopie est le fruit des conceptions de son époque (Paul Giniewski le compare judicieusement à Jules Verne, autre grand utopiste). Le rapprochement entre Herzl et Jabotinsky est instructif, à cet égard comme à beaucoup d’autres. Si le premier est un homme du siècle du Progrès et de la Science, le second (né en 1880) est bien un homme du vingtième siècle, celui des guerres meurtrières et des totalitarismes. (Il faut cependant nuancer l’idée d’un Herzl totalement optimiste, car lui aussi a eu la prescience d’une catastrophe à venir (5)). 

 

Partisan d’un retour à Herzl – dont il se considéra toute sa vie comme le continuateur – Jabotinsky a apporté à l’idée sioniste la dimension militaire qui faisait défaut à la pensée du “Visionnaire de l’État”. Mais les deux grands théoriciens du sionisme ont aussi lu la Bible, et tous deux l’ont prise au sérieux. Contrairement aux rabbins réformés (qui furent, avec beaucoup de rabbins orthodoxes, les pires adversaires du sionisme au sein du monde juif) et à beaucoup d’autres lecteurs de la Bible à leur époque, Jabotinsky, comme Herzl, lit la Torah non comme un récit mythique, mais comme le livre de l’Histoire nationale juive par excellence, et il en fait une source d’inspiration essentielle de ses idées politiques. Ces dernières s’expriment ainsi dans son roman Samson, où il fait une lecture audacieuse des événements de la période des Juges. Mais c’est surtout sa pensée économique et sociale qui est très largement fondée sur sa lecture de la Bible hébraïque, le Tanakh.

 

 

La pensée sociale biblique de Jabotinsky

 

Jabotinsky avait passé ses années de jeunesse à Rome, où il fut exposé aux conceptions socialistes, notamment par le biais de son professeur Antonio Labriola (6), comme il le relate dans son autobiographie : “Toutes mes conceptions relatives aux problèmes nationaux, de l'État et de la société se sont forgées au cours de ces années, sous l'influence italienne ; c'est là-bas que j'ai appris à aimer l'architecture, la sculpture et la peinture... À l'université, mes maîtres étaient Antonio Labriola et Enrico Feri (7). J'ai conservé la croyance en la justesse du régime socialiste, qu'ils ont semée dans mon cœur, comme quelque chose allant de soi, jusqu'à ce qu'elle soit détruite de fond en comble par l'expérience rouge en Russie”. 

 

L’influence socialiste exercée par ses professeurs de l’université de Rome s’est prolongée durant son activité de journaliste, alors qu’il couvrait l’actualité parlementaire en assistant aux séances de la Chambre des députés, au Palais Montecitorio (8). “A la tête de la gauche se trouvait le groupe parlementaire socialiste, auquel je me joignis en pensée, même si je n’y suis jamais entré de manière officielle, ni en Italie, ni en Russie. Son programme final, la nationalisation des moyens de production - me semblait alors comme une conclusion logique et souhaitable du développement de la société” (9). Comme d’autres dirigeants et intellectuels juifs russes à son époque (10), Jabotinsky avait été durablement marqué par le spectacle de la misère des Juifs en Russie, qu’il décrit dans son roman Les Cinq, en partie autobiographique. 

 

Ses articles concernant la question sociale été écrits dans les années 1930, au lendemain de la grande crise de 1929, qui avait conduit Jabotinsky à réfléchir aux questions économiques et sociales. Il avait lui-même connu de près, non certes la pauvreté, mais une vie de gêne, après le décès de son père - sa mère s’étant privée pour offrir à ses deux enfants des études supérieures - et bien plus tard, dans sa vie adulte, quand il donnait une partie conséquente de ses revenus de journaliste au mouvement sioniste révisionniste. C’est donc tout naturellement qu’il avait pu penser que la “classe ouvrière” serait le porte-drapeau des pauvres et qu’elle pourrait parler en leur nom et améliorer leur sort. 

 

Mais cet espoir fut déçu et Jabotinsky dut vite déchanter, sur ce sujet comme sur d’autres points clés de la doctrine marxiste, après la Révolution d’octobre en Russie, en découvrant ce qu’il a appelé le “contenu égoïste du concept de classe”. L’évolution qu’a connue Jabotinsky sur ce point - et son rejet définitif de toute conception socialiste - tiennent tout autant à sa réflexion sur les questions économiques et politiques qu’à sa conviction, profondément ancrée, que tous les hommes naissent et demeurent égaux. Brièvement séduit par les idées socialistes et pacifistes dans sa jeunesse, il en est très vite revenu pour élaborer sa doctrine sioniste, marquée par le concept de ‘Hadness (« un seul drapeau »), qu’il oppose au Sha’atnez (mélange de laine et de lin proscrit par la Bible) que représente à ses yeux le sionisme socialiste. 

 

 

C’est en effet dans la Bible hébraïque que Jabotinsky trouve le fondement de toute sa philosophie économique et sociale, qu’il résume dans la notion de Tikkoun Olam (réparation du monde) (11). Comme il l’explique, “Dieu a certes créé le monde tel qu’il est, mais que l’homme se garde bien de se satisfaire que le monde reste toujours “tel qu’il est” - car il est tenu de s’efforcer à tout moment de le perfectionner… car si Dieu y a laissé de si nombreuses lacunes – c’est précisément pour que l’homme lutte et aspire à la “réparation du monde” . L’idée de Tikkoun Olam vue par Jabotinsky trouve son application dans l’impératif de combattre la pauvreté, qui est à ses yeux non pas tant un mal inévitable qu’un mal inutile, qu’il incombe de faire disparaître en “réparant” le monde. 

 

L’extrême sensibilité du “Roch Betar” à la misère sociale l’amène à élaborer le programme des “Cinq Mem”, exposé dans son article La rédemption sociale et inspiré en partie d’un Juif viennois, Joseph Popper-Lynkeus (12), auteur d’un livre intitulé L’obligation alimentaire générale. D’après le programme de Popper-Lynkeus, l’État a l’obligation de libérer les citoyens, riches ou pauvres, de trois obligations essentielles : l’alimentation, l’habillement et l’habitation. Jabotinsky reprend ce programme à son compte, en y ajoutant l’éducation et la santé. C’est en cela qu’on a pu dire que Jabotinsky était le précurseur de l’État-providence moderne. (A suivre…)

Pierre Lurçat

 

(1) Extrait de ma préface au livre de Jabotinsky, La rédemption sociale, que je viens de publier en français. Disponible uniquement sur Amazon.

(2) Les Cinq, éditions des Syrtes 2006, Samson le Nazir, éd. des Syrtes 2008, Histoire de ma vie, Les provinciales 2011, traduction et présentation de Pierre Lurçat.

(3) Il est mort en 1940 à New-York.

(4) M. Bella,  Jabotinsky, ha-Ish oumishnato, Misrad Habitahon 1980 p. 253.

(5) Voir sur ce sujet, Y. Nedava “Les fondateurs du sionisme et la vision de la Shoah”, in Between the Visions, Rafael Hacohen éd. (hébreu).

(6) Philosophe et homme politique italien (1843-1904), contribua à diffuser le marxisme en Italie.

(7) Criminologue et homme politique italien (1856-1929).

(8) Il est intéressant de noter que Herzl avait lui aussi été correspondant parlementaire, au Palais Bourbon, comme il le relate dans son livre Le Palais Bourbon, tableaux de la vie parlementaire. Ainsi, les deux grands théoriciens du sionisme politique ont tous deux été marqués par la vie politique de deux grandes démocraties de l’époque.

(9) Histoire de ma vie, op. cit. page 32.

(10) Voir notamment la description faite par Zalman Shazar, Etoiles du matin, Albin Michel.

(11) Jabotinsky emploie ici la notion de Tikkoun Olam, qui a depuis lors été souvent utilisée à des fins politiques, notamment au sein de la gauche juive radicale aux Etats-Unis. Voir mon article “ Ruth Bader Ginsburg, Israël et le “Tikkun Olam” : la falsification d'un concept juif”.

(12) Ingénieur et écrivain autrichien (1838-1921).

 

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“Celui qui lutte avec Dieu” : le Tikkoun Olam vu par Zeev Jabotinsky

January 14 2021, 11:31am

Posted by Pierre Lurçat

 

À la mémoire de Jacques Kupfer, 

Betari, militant sioniste infatigable, 

orateur, dirigeant, combattant et 

fidèle disciple de Jabotinsky.

 

 יהיה זכרו ברוך



 

Dans l’article ci-dessous, inédit en français, le leader et penseur sioniste Zeev Jabotinsky livre sa conception originale du Tikkoun Olam et dévoile une facette méconnue de sa personnalité et de son oeuvre: celle du commentateur de la Bible. Jabotinsky, en effet, contrairement à l’image de Juif ultra-laïc (voire assimilé) qu’on lui attribue parfois, était un lecteur passionné de la Bible hébraïque. C’est là qu’il a puisé les idées originales, qui ont nourri sa réflexion et inspiré ses conceptions économiques et sociales, souvent méconnues, et qui restent encore à mettre en application en Israël. J’aurai l’occasion de développer ce sujet lors d’une conférence jeudi 21 janvier, organisée sous l’égide de l’Organisation sioniste mondiale. P. Lurçat

 



 

“Celui qui lutte avec Dieu

 

“On trouvera ici des choses connues, qui ont déjà été dites ; mais certaines ont tendance à être oubliées et méritent d’être rappelées de temps à autre. De manière générale, il convient d’étudier aussi souvent que possible la philosophie sociale de la Bible hébraïque. Son élément essentiel réside dans le nom d’Israël, dans cet épisode du chapitre 32 du livre de la Genèse, qui raconte comment le patriarche Jacob “a lutté avec Dieu”. Une nuit entière, un ange a combattu avec Jacob, et il n’a pas pu le vaincre. C’est pourquoi l’Ange lui a donné le nom d’Israël: “celui qui lutte avec Dieu”, et c’est alors que l’ange l’a béni : ainsi, ce nouveau nom n’était pas une marque de déshonneur, mais au contraire, de distinction. Le fait que la tradition en ait fait le nom de la nation tout entière en atteste également. Qu’est-ce que cela signifie? Quelle philosophie et quelle conception du monde est exprimée par ce nom et par cette tradition?

 

 

Le nom même d’Israël vient nous enseigner que selon la conception du monde biblique, il n’est pas du tout répréhensible de “lutter avec Dieu”. Dieu a certes créé le monde tel qu’il est, mais que l’homme se garde bien de se satisfaire que le monde reste toujours “tel qu’il est” - car il est tenu de s’efforcer à tout moment de le perfectionner, il est obligé de tenter à tout moment de corriger les lacunes affectant l’ordre du monde, car si Dieu y a laissé de si nombreuses lacunes - c’est précisément pour que l’homme lutte et aspire à la “réparation du monde”. (...)

 

Comme on le sait, c’est dans cette idée d’un homme qui a la capacité - et l’obligation - de réparer le monde, que réside la différence principale entre la tradition d’Israël et la conception européenne. Les Romains et les Grecs croyaient à l’Âge d’or, situé dans un passé lointain et révolu. La tradition d’Israël est liée à la notion du Messie - désignant une période de prospérité générale, de paix et de justice qui adviendra dans l’avenir, à la suite de générations innombrables, devant souffrir, apprendre et lutter; et le “Messie” lui-même sera un homme. C’est dans cette notion que se trouve la racine du concept de “progrès”, lequel était étranger à la pensée religieuse des Romains et des Grecs. Selon leurs conceptions, au contraire, l’humanité s’éloigne toujours plus au fil des générations de l’âge d’or, pour entrer dans l’âge d’argent, l’âge de bronze, et finalement, l’âge du fer… 

 

“Adam et Eve”, tableau de Lucas Cranach



 

Nous aussi, nous considérons le paradis comme le point de départ, mais il n’est nullement semblable à l’âge d’or de la tradition européenne. Un poète latin a décrit la tradition européenne de manière précise : les membres de la première génération, celle de l’âge d’or, ont observé l’équité et la justice non pas sous la contrainte de la loi, par crainte d’une sanction,  mais de leur plein gré (Ovide dans Les Métamorphoses). Dans la tradition d’Israël, tant que Adam et Eve se trouvent dans le paradis, ils ignorent le bien et le mal ; et dès lors qu’ils ont appris à faire la différence entre les deux, c’est-à-dire qu’ils se transforment d’animaux en êtres humains, ils sont obligés de quitter le paradis, et la première génération de la société humaine naît dans un monde sauvage, plein de dangers et de malheurs, monde qu’il sera nécessaire de “réparer”... Et voilà l’élément essentiel de la philosophie sociale de la Bible hébraïque : Dieu a créé le monde, mais l’homme est tenu de contribuer à sa réparation” (...)

Z. Jabotinsky

 

N.d.T. L’original a été publié en yiddish, en 1933 à Varsovie. La présente traduction est établie à partir de la version en hébreu publiée par Yossef Nedava, Z. Jabotinsky, l’homme et sa pensée, Misrad Habitahon 1980.

 

© Pierre Lurçat pour la traduction française. Cet article est le premier d’une série de traductions en français à venir, qui seront publiées sous forme de livrets.

 

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Moshe Arens (1925-2019) : Betari, historien et dirigeant politique. En guise d’hommage, par Pierre Lurçat

January 7 2019, 11:13am

Posted by Pierre Lurçat

 Moshe Arens (1925-2019) : Betari, historien et dirigeant politique. En guise d’hommage, par Pierre Lurçat

Moshé Arens, dont on vient d’apprendre ce matin le décès à l’âge de 93 ans, n’était pas seulement un dirigeant politique de premier plan, ancien ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense et mentor politique de Benjamin Nétanyahou. Il était aussi un historien de renom, qui a consacré une partie de sa vie à rendre justice aux combattants du Ghetto de Varsovie appartenant à l’aile droite du mouvement sioniste, dont l’action héroïque avait été délibérément occultée pour des raisons politiques. Nous republions ici cette interview de Moshé Arens à ce sujet, en guise d’hommage. P. Lurçat.

Moshe Arens (1925-2019)

 

La révolte du ghetto de Varsovie est devenue, à juste titre, le symbole de la résistance juive armée au nazisme et elle occupe une place essentielle dans la mémoire juive, tant en Israël qu’en diaspora. Pourtant, l’historiographie de cet épisode demeure encore, 70 ans après, sujette à une occultation liée à des raisons politiques. En effet, alors que tout le monde connaît le nom de Morde’hai Anielewicz et de l’Organisation Juive de Combat (OJC), la plupart ignorent celui d’un autre héros de la révolte du ghetto, Pavel Frenkel, et de l’organisation dissidente qu’il dirigeait, la ZZW (Union militaire juive), affiliée au Bétar.

Ghetto Varsovi, Betar, Pavel FrenkelGhetto de Varsovie, avril 1943 : une histoire occultée, interview de Moshé Arens

Moshé Arens, ancien ministre de la Défense israélien et ancien Bétari, a consacré un livre important à cet aspect occulté de l’histoire, sous le titre « Flags Over the Warsaw Ghetto - The Untold Story of the Warsaw Ghetto Uprising » (Gefen Books 2011). Dans une rare interview en français, accordée au journaliste Roland Süssmann, en 2006, il expliquait les raisons qui l’ont mené à consacrer plusieurs années aux recherches qui ont abouti à ce livre. Extraits.

R. Süssmann : « Qui étaient les premiers insurgés ? »

Moshé Arens : « Des jeunes qui avaient eu le courage, la vision et l’audace d’imaginer qu’une forme de résistance pouvait être envisagée et organisée… En fait, il existait deux mouvements de résistance : le premier, connu sous les initiales polonaises « Z.O.B. » (en français, O.J.C., Organisation juive de Combat), dirigé par Morde’hai Anielewicz qui avait alors 23 ans, et le second, désigné par les lettres capitales polonaises ZZW (« Irgoun Hazwaï Hayehoudai », union militaire juive), dirigé par Pavel Frenkel, également âgé de 23 ans. L’OJC comptait des membres issus de pratiquement toutes les organisations juives, y compris du Bund [N.d.R. Parti socialiste juif, non sioniste], des mouvements sionistes et même des communistes.

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Pavel FRENKEL - Il n'existe aucune photo de lui...

 

Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar, ainsi que d’un certain nombre de personnes désirant combattre les Allemands et qui possédaient des armes. Il est donc important de souligner que, contrairement à ce qui est généralement admis, la révolte juive du ghetto de Varsovie n’a pas été conduite par une seule organisation, mais par deux, ce qui n’enlève évidemment rien à la bravoure et à la grandeur de Morde’hai Anielewicz et de ses hommes.

R.S. Le Bétar a-t-il joué un rôle important dans la révolte ?

M.A. Entre le 19 et le 28 avril 1943, la bataille la plus importante de la révolte a été menée sur la place Workanowsky sous le commandement de Pavel Frenkel. A l’issue de la première journée de conflit, ayant repoussé les Allemands, les combattants du Bétar ont hissé les drapeaux sionistes (celui d’Israël aujourd’hui) et de la Pologne sur le plus haut bâtiment du quartier. Les Allemands ont tenté de les déloger, estimant qu’il s’agissait d’un symbole dangereux car ils pouvaient être vus depuis de nombreux endroits de Varsovie. Himmler a alors téléphoné à Jürgen Stroop pour qu’il liquide le ghetto et surtout qu’il mette tout en œuvre pour enlever ces drapeaux. La bataille a fait rage pendant quatre jours avant que les Allemands, plus fort en nombre et en armes, gagnent la partie…

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Emilka Kossower, combattante du ZZW

 

R.S. Combien de personnes étaient membres du groupe de Frenkel ?

M.A. Les deux organisations réunies ne comptaient pas plus de 300 personnes. Ce qui déterminait le nombre de combattants, c’était la quantité d’armes dont chaque organisation disposait. L’arme la plus répandue était le pistolet, qui était opposé aux armes automatiques, à l’artillerie légère et aux petits tanks de l’armée allemande.

 

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Militants du Betar de Varsovie, 1938

Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar

R.S. Comment expliquez-vous que les deux organisations de révolte ne se soient pas réunies?

M.A. L’OJC était avant tout constituée d’organisations de gauche de tendance socialiste et marxiste, y compris le Bund, organisation juive socialiste antisioniste. D’ailleurs, les membres du Bund se sont joints à l’OJC très tard ; ils ne souhaitaient pas participer à une organisation de combat juive, mais seulement socialiste, incluant des socialistes polonais. Cela démontre à quel point d’anciennes idéologies étaient encore prédominantes dans les esprits à l’intérieur du ghetto de Varsovie, même après la grande vague de déportations…

 

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Toutes ces tendances estimaient que le Bétar n’était constitué que d’un groupe de ‘fascistes’, perpétuant ainsi la division qui existait déjà entre Jabotinsky et les sionistes socialistes. En fait, le Bétar a été exclu dès le début de l’organisation des groupes de résistance. Dans les semaines précédant le début de la révolte, après que la majorité de la communauté juive ait été déportée, il avait été question d’unification, mais l’idée de s’adjoindre des hommes considérés comme ‘fascistes’ était inacceptable pour l’OJC. Comme Frenkel et ses hommes disposaient d’un armement plus important, les représentants de Morde’hai Anielewicz leur avaient proposé de se joindre à eux non pas en tant que groupe, mais à titre individuel. Les hommes de Frenkel ayant un entraînement militaire supérieur aux membres de l’OJC, une telle offre était inacceptable pour eux ! Au vu des circonstances, toute cette affaire semble assez étonnante, car les Allemands ne faisaient pas de distinction entre les différents révoltés…

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R.S. Comment Pavel Frenkel a-t-il terminé sa vie ?

M.A. La majorité de ses camarades sont tombés pendant la bataille de la place Woranowsky. Frenkel a survécu et réussi, accompagné de quelques combattants, à quitter le ghetto. A la fin de la révolte il s’est caché dans Varsovie et a été découvert par les Allemands au courant du mois de juin 1943. Une bataille sérieuse a alors été engagée, au cours de laquelle il a été tué avec tous ses hommes.

Extraits d’une interview à Shalom Magazine, automne 2006. L’intégralité de l’interview peut être consultée sur Internet à l’adresse http://www.shalom-magazine.com/pdfs/46/Fr/ ARENS%20FR_46.pdf.

 

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L'affaire du Kottel - Le Rav Kook et le combat pour les droits des Juifs, Pierre Lurçat

August 14 2018, 12:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Le Rav Kook (1865-1935)

Le Rav Kook (1865-1935)

 

La politique de la Kedousha : le Rav Kook et le mouvement sioniste révisionniste (I)

Le Yahrzeit du Rav Avraham Itshak Hacohen Kook - grand-rabbin de la Palestine mandataire et figure de proue du sionisme religieux - est l’occasion de nous pencher sur un sujet rarement évoqué : celui de l’engagement politique du Rav Kook. On connaît bien les positions politiques du Rav Tsvi Yehouda, fils du Rav Kook, associé au mouvement des implantations et plus précisément au Goush Emounim, fondé par plusieurs de ses élèves en 1974. Mais le Rav Kook père fut lui aussi un rabbin engagé politiquement, qui n’hésita pas à laisser de côté ses livres et l’étude de la Torah, pour prendre parti dans des causes politiques brûlantes, à plusieurs moments déterminants de l’histoire du Yishouv. C’est sur un de ces épisodes, aujourd’hui largement oublié, que nous voudrions revenir, en nous attachant plus particulièrement aux liens tissés entre le Rav Kook et des membres du mouvement sioniste révisionniste et de la mouvance sioniste de droite en Eretz-Israël.

 

Le Rav Kook à Jérusalem, 1925


 

L’affaire du Kottel et les sonneurs de choffar du Betar

 

Le premier épisode se déroule au mois d’Av 5690 (1930). A l’époque, les Arabes de Jérusalem et de Palestine mandataire, incités par le tristement célèbre mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini (qui allait s’allier avec Hitler quelques années plus tard et participer activement à la Shoah), avaient décidé de contraindre les Juifs à renoncer au Kottel, le mur occidental du Temple. A cette fin, ils menacèrent de renouveler les violences anti-juives, qui avaient fait des dizaines de victimes l’année précédente, lors des pogromes de 1929 (1). Durant la même période, le mufti Al-Husseini développa, en étroite collaboration avec le mouvement des Frères musulmans, qui venait tout juste d’être créé en Egypte, la thématique de propagande meurtrière autour de la mosquée Al-Aqsa, exprimée dans le slogan mensonger “Al-Aqsa en danger”, qui allait devenir un élément essentiel de la propagande islamiste jusqu’à nos jours (2) .

 

C’est dans ce contexte explosif que le Rav Kook s’engagea avec force dans le combat pour protéger les droits des Juifs sur le Kottel, prenant position publiquement et témoignant devant la Commission spéciale créée par le gouvernement britannique, sous l’auspice de la Ligue des nations, pour “examiner les droits des juifs et des musulmans sur le Mur des lamentations”. Le Rav Kook, invité à témoigner devant la Commission, proteste avec véhémence contre la prétention de celle-ci de déterminer à qui appartient le Kottel. “Cette Commission de la Ligue des Nations est-elle la propriétaire du Kottel?” s’exclame-t-il avec force. “Qui vous a donné l’autorisation de décider à qui il appartient? Le monde entier appartient au Créateur et Il a transféré la propriété de la Terre d’Israël tout entière - y compris le Kottel - au peuple Juif (Rachi sur Genèse 1.1). Aucune puissance au monde, pas même la Ligue des nations, ni la présente commission, ne peut nous retirer ce droit”.

 

Malgré les protestations du Rav Kook, le rapport de la Commission conclut que la propriété du Mur appartient exclusivement aux musulmans (!) mais que les juifs ont cependant le droit de prier au Kottel, sous certaines restrictions, et sans que cela leur confère aucun droit de propriété. Parmi les restrictions apportées au droit de culte des Juifs figure l’interdiction de sonner du Shoffar, pour ne pas “causer de perturbation aux musulmans”. Cette dernière interdiction est particulièrement insupportable pour les Juifs de Jérusalem et du Yishouv, qui ont l’habitude de sonner du Shoffar au Kottel lors des grandes fêtes, et notamment à Yom Kippour.

 

Le jour de Kippour 1930, un jeune élève de l’école des cadres du Betar, le rav Moshé Segal, décide de braver l’interdiction et sonne du Shoffar pendant les prières de ce jour sacré, devant le Kottel. Il est immédiatement arrêté par la police britannique et conduit à la prison de Kishlé, dans la Vieille Ville. Informé de ces événements, le Rav Kook intervient immédiatement, sans attendre la fin du jeûne, auprès du secrétaire du gouvernement du mandat, en exigeant la libération de Segal. Il prévient son interlocuteur qu’il ne mettra pas fin à son jeûne, tant que le jeune Juif ne sera pas libéré. Face à la fermeté du Rav, le représentant du gouvernement anglais cède et ordonne de libérer Moshé Segal.

 

Moshé Segal sonnant du Shoffar au Kottel, 1930


 

Quelques semaines auparavant, le 15 août 1929, lors du jeûne de Tisha Be’Av, des centaines de jeunes Juifs appartenant au Betar et au “Comité pour le Mur” créé par le professeur Yossef Klausner se rendent en procession vers le Kottel, brandissant le drapeau national juif et chantant l’hymne national, Hatikva. En réaction, les Arabes incités par le Mufti déclenchent des émeutes, brûlant des livres de prières et objets du culte juifs. Les jeunes Juifs du Betar, arrivés au Kottel, s’écrient à voix haute : “Shema Israël, le Kottel est à nous, le Kottel est un”. Ils se rendent ensuite vers la yeshiva Mercaz Harav pour y rencontrer le Rav Kook. Le récit de cette rencontre nous a été transmis par le rabbin Shlomo Zalman Sonnenfeld .

 

“Le Rav Kook était très ému.. Il se leva de son siège, se pencha vers les jeunes Juifs et leur dit d’une voix étranglée d’émotion : “La fierté nationale qui anime vos coeurs est l’expression de la sainteté de l’âme divine qui appartient à tout Juif. Par votre zèle en faveur des lieux saints de la nation, vous êtes semblables aux Maccabim.. Nous avons l’obligation de faire savoir au monde entier, qu’il n’est pas possible qu’un Lieu saint comme le Mur occidental reste entouré de ruelles pestilentielles. Nous exigeons la justice et nous n’en démordrons pas. Que D.ieu vous bénisse de Sion!”.

 

(à suivre...)

Pierre Lurçat

Notes

(1) Pogromes que l’historiographie juive désigne plus sobrement par l’euphémisme “d’événements de 1929”.

(2) C’est Amin Al-Husseini qui a convaincu le mouvement des Frères musulmans égyptiens – matrice de l’islamisme contemporain – de faire de la guerre contre les Juifs et de la question de Jérusalem un élément central de leur propagande, à une époque où ils ne manifestaient aucun intérêt pour ce qui se passait dans la Palestine mandataire voisine. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur sympathie pour le mouvement sioniste, à l’instar du célèbre penseur musulman Rashid Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar. Voir Paul Landau, Le Sabre et le Coran, éditions du Rocher 2006.

(3) Rapporté par Simha Raz, Mala’him kibné Adam, éd. Kol Mevasser, Jérusalem 1993. Voir également sur cet épisode http://www.ravkooktorah.org/YOM_KIPPUR_66.htm.  Lire aussi l’article intéressant du Blog BokerTovYérushalayim, https://bokertovyerushalayim.wordpress. com/2015/09/25/le-groupe-clandestin-des-souffleurs-de-shofar/

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