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reforme judiciaire

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

January 18 2023, 17:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Esther Hayot

Esther Hayot

 

En marge de la décision très attendue (et prévisible) de la Cour suprême, qui prétend interdire au ministre Arié Deri d’exercer ses fonctions, il importe de comprendre comment cette institution – jadis considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne – est devenue l’organe hyper-politisé qu’elle est aujourd’hui. L’attitude de son actuelle présidente, qui a renoncé ces derniers jours à tout semblant de « réserve » pour s’immiscer dans le débat politique, s’explique par le changement d’attitude de la Cour, depuis la « Révolution constitutionnelle » décrétée par son ancien président, Aharon Barak.

1- Sous la houlette du juge Barak, la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument de la poursuite de la domination des anciennes élites (celles d’avant le changement de pouvoir de 1977), comme l’explique le professeur Menahem Mautner dans un ouvrage éclairant[1]. Alors que certains dirigeants du Likoud étaient favorables, avant 1977, à l’adoption d’une Constitution qui servirait de rempart contre l’hégémonie du pouvoir travailliste, dans les faits, la Cour suprême israélienne est ainsi devenue l’instrument de la poursuite de cette hégémonie.

En réalité, la Cour suprême israélienne est devenue non seulement l’instrument des anciennes élites (incarnées par le Parti travailliste et le mouvement kibboutzique) mais aussi et surtout, celui des élites post-sionistes, qui étaient hostiles à la fois à la droite religieuse et aussi aux partisans de l’ancien consensus sioniste de gauche. Ce n’est pas un hasard si la Révolution constitutionnelle a largement coïncidé avec la « révolution culturelle » concomitante aux accords d’Oslo, au début des années 1990[2].

Ce que ces deux événements majeurs ont signifié, dans l’Israël de la fin du 20e siècle, en proie à la montée de l’individualisme et à la fin des idéologies et du sionisme socialiste, était avant tout la montée en puissance des idées post-sionistes et la tentative d’imposer par le pouvoir judiciaire et par des accords politiques arrachés à une majorité très courte leurs conceptions radicales.

 

2 - Qui représente la Cour suprême israélienne ? Du point de vue sociologique, les juges de la Cour suprême israélienne représentent une minorité radicale et coupée du peuple (la « cellule du parti Meretz qui siège à la Cour suprême israélienne » selon l’expression d’un commentateur israélien). Significativement, la tentative d’introduire un semblant de diversité dans les opinions représentées à la Cour suprême n’a pas remis en cause l’hégémonie des Juifs ashkénazes laïcs de gauche.

Aharon Barak a ainsi créé l’expression de « Test Bouzaglou », dans laquelle Bouzaglou désigne l’homo qualunque israélien. Il s’est défendu dans un livre d’avoir ce faisant voulu stigmatiser les Juifs orientaux, mais il n’en demeure pas moins que le nom de Bouzaglou n’a pas été choisi au hasard. Dans la vision du monde d’A. Barak (comme dans celle d’Hannah Arendt au moment du procès Eichmann) il existe une hiérarchie bien définie dans la société juive israélienne. L’élite est toujours celle des Juifs allemands.

3 - Un autre élément d’explication important est le processus par lequel la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument des minorités actives et de gouvernements étrangers qui les soutiennent et les financent. Des gouvernements étrangers se sont ainsi immiscés dans le débat politique israélien en utilisant la Cour suprême israélienne comme un véritable cheval de Troie, par le biais de multiples ONG à financement étranger, comme en attestent les innombrables pétitions de « justiciables palestiniens » manipulés par Chalom Archav, Breaking the silence, etc.

Des valeurs étrangères au peuple d’Israël

Ruth Gabizon[3] avait affirmé que : « La Cour suprême devrait élaborer et renforcer les valeurs qui sont partagées par la société qu’elle sert, valeurs reflétées par les lois de cette société - et non telles qu’envisagées par les juges à titre personnel ou en tant que représentants de valeurs sectorielles... » La réflexion de Gabizon appelle deux remarques. Tout d’abord, peut-on encore affirmer aujourd’hui que la Cour suprême israélienne sert la société ou qu’elle est au service de la société ? En réalité, pour que la Cour suprême soit au service de la société israélienne et de ses valeurs, encore faudrait-il que les juges qui siègent à Jérusalem connaissent les valeurs de la société dans laquelle ils vivent et qu’ils les respectent un tant soit peu… Est-ce le cas aujourd’hui ?

A de nombreux égards, la Cour suprême israélienne représente et défend aujourd’hui des valeurs étrangères au peuple d’Israël : celles de l’assimilation, du post-sionisme et du post-modernisme, etc. Elle s’attaque régulièrement dans ses décisions non seulement aux droits des Juifs sur la Terre d’Israël, mais aussi au mode de vie juif traditionnel et aux valeurs de la famille juive. On peut affirmer, au vu des arrêts de la Cour suprême israélienne depuis 30 ans, qu’elle incarne le visage moderne des Juifs héllénisants de l’époque des Maccabim. Il y a évidemment des exceptions. rappelons le cas du juge Edmond Lévy, qui rédigea l’opinion minoritaire lors de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif.

Pierre Lurçat

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël”, paru dans la revue Pardès, no. 67, 2021)

 

 

[1] Le déclin du formalisme et l’essor des valeurs dans le droit israélien (anglais), Oxford University Press 1993. Du même auteur, voir aussi Law and the Culture of Israel, Oxford University Press 2011.

[2] Sur la “Révolution culturelle” des accords d’Oslo, voir Y. Hazoni, L’Etat juif, sionisme, post-sionisme et destin d’Israël, éd. de l’éclat 2002.

[3] Professeur de droit pressentie pour siéger à la Cour suprême israélienne et écartée par Aharon Barak, récemment décédée.

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

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Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

January 8 2023, 10:12am

Posted by Pierre Lurçat

Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

 

Aharon Barak a une conception bien particulière de la démocratie, du rôle du juge et de la Cour suprême israélienne. Dans l’expression « Révolution constitutionnelle », qui a été forgée par A. Barak lui-même, on oublie souvent de commenter le premier terme. Ce n’est pas un hasard s’il a été choisi par Barak pour décrire cette réalité juridique et politique, dont il a été à la fois le théoricien et le principal maître d’œuvre.

Sa biographe Naomi Levitsky, qui ne tarit pas d’éloges sur lui, observe cependant que Barak « sans être révolutionnaire de caractère, possède un instinct révolutionnaire pour tout ce qui concerne son travail juridique, au point d’avoir transformé de fond en comble chaque poste qu’il a occupé ». On ne peut qu’abonder dans son sens. En tant que procureur de l’État, Barak a effectivement transformé cette fonction, autrefois assez anonyme, pour en faire un personnage redoutable, capable d’inculper un Premier ministre en exercice et de pousser au suicide un ministre soupçonné de corruption.

À l’instar de la juge américaine Ruth Bader-Ginsburg, devenue une icône de la gauche et des médias américains, le juge Barak est un partisan de l’activisme judiciaire au service de la transformation sociétale : à ses yeux, la Cour suprême israélienne est un laboratoire de transformation de la société et de la politique israélienne. C’est ainsi que la Cour suprême est devenue un véritable pouvoir politique (le « pouvoir judiciaire »), ce qui est une aberration dans la théorie classique de la séparation des pouvoirs. Selon Montesquieu, en effet, il importe que le judiciaire devienne un véritable pouvoir dans le régime monarchique, pour empêcher de tomber dans la tyrannie. Dans un régime démocratique au contraire, le judiciaire doit s’effacer, sous peine de tomber dans le gouvernement des juges…

Or c’est bien ce qui est arrivé avec la Révolution constitutionnelle. La Cour suprême israélienne est devenue non seulement un pouvoir judiciaire, mais elle exerce aussi ce pouvoir sans aucun contre-pouvoir, et donc sans aucune limite.

 

Le langage du droit au service d’une oligarchie

La grande supercherie des tenants de la Révolution constitutionnelle consiste à parler sans cesse le langage du droit. Ils n’ont que ce mot à la bouche : l’État de droit (Shilton ha-Hok). Que veut dire au juste cette expression ? Selon Naomi Levitsky, « aux yeux de Barak, les dirigeants n’ont pas de pouvoir en eux-mêmes, ils ne l’acquièrent que du peuple et de la loi. Les dirigeants sont au service du peuple dans les limites de la loi ». Mais comme toujours, il faut lire entre les lignes ce que Barak ne dit pas.

En réalité, le peuple n’a pas de légitimité dans la conception juridico-politique de Barak. Seule la loi est légitime. Mais encore faut-il qu’elle soit interprétée par le juge qui seul est capable de la comprendre et de la « dire » au peuple ignorant… Comme il l’explicite dans ses écrits sur le rôle du juge en démocratie, le juge ne doit pas seulement appliquer ou interpréter la loi. Il est créateur de droit… En vérité, dans la conception  du droit de Barak, le juge a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation, puisque la Cour suprême israélienne s’est arrogé le pouvoir exorbitant (qui ne lui a jamais été conféré légalement) d’annuler toute loi de la Knesset, y compris des Lois fondamentales (affaire en cours concernant la Loi sur l’État nation).

 

La régression antidémocratique de la Révolution constitutionnelle

Dans une démocratie, la loi exprime la volonté populaire et la souveraineté du peuple. Dans la conception de Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité « éclairée », seule capable et méritoire de l’interpréter et de la comprendre. Il y a là une immense régression anti-démocratique, passée inaperçue en 1992 et dont nous voyons aujourd’hui les fruits. Ce n’est pas seulement que la loi soit devenue trop « technique », comme on l’entend souvent dire dans les pays occidentaux, c’est aussique le peuple est par nature incapable de comprendre et de faire la loi!

On mesure ici combien la Loi juive, révélée par Moïse au peuple tout entier, est infiniment plus démocratique que le droit israélien réinterprété par Aharon Barak lors de la Révolution constitutionnelle : la loi révélée au Sinaï était accessible au plus élevé des Prophètes comme à la dernière des servantes, comme l’enseigne la Tradition juive. Chez Barak et ses partisans, au contraire, seul le « juge éclairé » est capable de comprendre la Loi…

Aharon Barak est, on le voit, le contraire d’un démocrate. Il revendique ouvertement une conception élitiste et oligarchique, et presque monarchique de la politique. À ses yeux, un « souverain éclairé » vaut mieux qu’une majorité aveugle (En cela, il a été un précurseur… Que nous disent en effet aujourd’hui les manifestants anti-Nétanyahou, avec leur slogan « Tout sauf Bibi », sinon que la majorité se trompe et qu’elle n’a pas le droit d’imposer ses vues à une minorité éclairée ?).

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël, paru dans la revue Pardès, no. 67 2021).

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Pierre Lurçat

 

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