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quelle democratie pour israel?

Aharon Barak, bouclier d’Israël? Réflexions sur la procédure contre Israël devant la Cour de La Haye

January 11 2024, 15:39pm

Posted by Pierre Lurçat

Aharon Barak, bouclier d’Israël? Réflexions sur la procédure contre Israël devant la Cour de La Haye

“Israël mobilise un vieux juge de gauche en soutien de l’armée” : le titre (et le contenu) de l’article du quotidien Le Monde publié hier en dit long sur le mépris affiché du quotidien de référence français pour Israël, mépris qui s’étend au juge Aharon Barak, qualifié par le correspondant du Monde en Israël Louis Imbert de “vieux juge” “auréolé d’une réputation de progressiste”. Aux yeux du quotidien de l’intelligentsia progressiste en France, il ne saurait en effet y avoir de “progressiste” authentique en Israël, pays "colonialiste" qui mène actuellement une guerre sans merci au Hamas, pour lequel la gauche française progressiste a les yeux de Chimène. Pour le journaliste du Monde, comme pour le Hamas, il n’y a apparemment pas de bon Israélien.

 

Le quotidien français pousse le cynisme jusqu’à citer un avocat israélien d’extrême-gauche, Michael Sfard, accusant le juge Barak d’avoir “usé de sa réputation pour approuver et blanchir chaque mesure draconienne introduite par l’occupant israélien…”  Mais tout cela n’est que “patûre de vent”. La vraie question que se pose chaque Israélien aujourd’hui, à la veille de l’audience devant la Cour de La Haye, est de savoir si notre Premier ministre a eu raison de dépêcher Aharon Barak en tant que juge israélien. Nous serons fixés très bientôt à cet égard.

 

L’ancien président de la Cour suprême, qui a toute sa vie œuvré au renforcement sans limite de la Cour suprême, au point de la transformer en premier pouvoir israélien et de lui donner des pouvoirs exorbitants qu’aucune Cour équivalente ne détient dans le monde démocratique, saura-t-il, au crépuscule de sa vie, user de ses talents rhétoriques pour défendre Israël accusé à tort de “génocide”, alors qu’il mène la guerre la plus juste qu’il soit? Si le calcul de Nétanyahou s’avère judicieux, alors le juge Barak démontrera au monde entier que les accusations de génocide sont non seulement infondées juridiquement, mais qu’elles sont en réalité une calomnie moralement ignoble.

 

Au passage, Aharon Barak pourra aussi, ironie de l'histoire, démontrer en direct au peuple d'Israël la validité, ou au contraire, l'inanité d'un des principaux arguments des opposants à la réforme judiciaire dont il fait partie : celui selon lequel le système judiciaire actuel offre à l'état d'Israël, à ses dirigeants et à ses officiers une protection contre les poursuites judiciaires devant des tribunaux étrangers. Si la cour de justice rejette les demandes de l'Afrique du Sud, alors le juge Aharon Barak pourrait bien devenir, après avoir contribué à la division de la société israélienne et à l’affaiblissement d’Israël face à ses ennemis, le bouclier d’Israël.

Pierre Lurçat

 

NB Ma conférence donnée dans le cadre de la Midreshet Yehuda sur le thème “Comment restaurer la capacité de dissuasion d’Israël” à la lumière du Mur de Fer de Jabotinsky est en ligne ici. Abonnez-vous à ma chaîne YouTube pour être informé de mes dernières conférences et interviews!

 

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Cour suprême d'Israël : nouvelle victoire du “Deep State” contre le peuple et ses représentants

January 5 2024, 14:32pm

Posted by Pierre Lurçat

Cour suprême d'Israël : nouvelle victoire du “Deep State” contre le peuple et ses représentants

Israël : nouvelle victoire du “Deep State” contre le peuple et ses représentants

 

La décision scandaleuse rendue par la Cour suprême cette semaine a une double signification, politique et juridique. Juridiquement, elle signifie pas moins qu’une “Deuxième Révolution constitutionnelle”, dont les conséquences sont encore plus étendues que celles de la première, menée par le juge Aharon Barak dans les années 1990 (que j’ai relatée dans mon livre Quelle démocratie pour Israël ?). A l’époque, il s’agissait de faire de la Cour suprême le “premier pouvoir” en Israël, en lui donnant un pouvoir d’annulation des lois et actes de l’administration et une compétence de contrôle constitutionnel la plus large possible, qu’aucune loi ne lui avait jamais conférés, et en la plaçant ainsi au-dessus de la loi et de la Knesset.

 

La Deuxième révolution constitutionnelle – celle de la juge Esther Hayot, qui marche dans les pas de son maître Barak dont elle est la fidèle disciple – va encore plus loin. Elle donne en effet à la Cour suprême un pouvoir sans équivalent dans aucune démocratie au monde, celui d’invalider des Lois fondamentales, ayant une valeur supra-législative et quasi-constitutionnelle. En termes simples, la Cour suprême devient ainsi un “super-législateur” et un pouvoir supra-législatif et supra-exécutif, qui peut désormais annuler toute décision, toute loi et toute Loi fondamentale: son pouvoir est sans aucune limite. Le gouvernement des juges atteint un niveau sans précédent, au détriment du pouvoir des élus, réduit à la portion congrue.

 

Politiquement, cette monstruosité juridique signifie que le “Deep state” israélien vient de porter - en plein milieu d’une guerre existentielle dont l’enjeu est la survie de l’Etat juif, un coup sans précédent à la démocratie et à l’équilibre des pouvoirs. La seule considération qui a guidé la juge Hayot et les 12 juges qui ont voté en faveur du pouvoir théorique d’annulation de Lois fondamentales – était celle d’accroître encore les pouvoirs déjà exorbitants de la Cour suprême. Comme l’écrivait la commentatrice israélienne Caroline Glick, “l’usurpation du pouvoir des élus par “l’État profond” au cours des trois dernières décennies est la question politique la plus brûlante en Israël aujourd’hui”. Ce diagnostic toujours actuel revêt une gravité décuplée alors que les ennemis extérieurs menés par l’Iran et la Russie ont imposé à Israël la guerre la plus longue de son existence depuis 1948. La Cour suprême s’est ainsi rangée définitivement dans le camp de ceux qui affaiblissent Israël face à ses ennemis.

 

Pierre Lurçat

 

NB J’ai évoqué la décision de la Cour suprême au micro de Daniel Haïk sur Radio Qualita

 

 

ILS ONT LU “QUELLE DÉMOCRATIE POUR ISRAEL?”

 

“Une étude magistrale et édifiante!” 

Jean-Pierre Allali, Crif.org

 

Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.

 

Liliane Messika, écrivain Mabatim

 

“Pierre Lurçat balaye en quelques pages les slogans de la gauche israélienne qui manifeste aujourd’hui massivement au nom de la « défense de la démocratie » contre le « coup d’Etat ». “ 

 

Yves Mamou, Revue politique et parlementaire

 

 

Cour suprême d'Israël : nouvelle victoire du “Deep State” contre le peuple et ses représentants

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Pourquoi combattons-nous ? (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par Pierre Lurçat

October 29 2023, 18:50pm

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi combattons-nous ?  (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par  Pierre Lurçat

L’échec de Tsahal à anticiper et à empêcher l’attaque meurtrière du 7 octobre revêt une dimension bien plus profonde que la seule dimension des renseignements militaires… Cet échec interroge en réalité la capacité de notre armée et de nos dirigeants à comprendre qui sont nos ennemis et qui nous sommes. Premier volet d’une réflexion sur la dimension identitaire de la guerre actuelle.

 

            « Notre deuxième guerre d’Indépendance » : cette expression a été entendue à maintes reprises depuis le 7 octobre. Hier matin, pourtant, un journaliste de Galé Tsahal, Rino Tsror, contestait sa pertinence et ironisait sur le fait que le Hamas n’était qu’un groupe terroriste primitif armé de bulldozers… Cette remarque atteste à la fois d’une totale incompréhension et de la condescendance que certains médias israéliens continuent d’exprimer, tant à l’égard de l'ennemi que des sentiments ressentis par une large partie de la population d’Israël. En réalité, si le Hamas a été capable de commettre ce massacre avec des moyens aussi primaires en apparence (mais avec le soutien de l’Iran, que le journaliste de Galé Tsahal avait apparemment oublié), cela atteste non pas de sa faiblesse, mais de la nôtre.

 

            Mais l’expression de « Deuxième Guerre d’Indépendance » signifie quelque chose de bien plus profond, qui échappe de toute évidence à Rino Tsror, à Nahum Barnéa et à beaucoup de leurs confrères – hélas surtout occupés à poursuivre leur combat politique contre B. Nétanyahou et contre le gouvernement. Ce que signifie cette expression, c’est que le peuple d’Israël – dans son immense majorité – a ressenti de nouveau, dans sa chair, le même sentiment d'un combat existentiel, qui l’animait en 1948. Ce combat existentiel peut se résumer à trois questions essentielles, que l’on croyait résolues depuis longtemps, et qui ressurgissent aujourd’hui dans toute leur acuité.

 

Contre qui combattons-nous ?

 

            La première de ces questions est celle de savoir contre qui nous nous battons. Contre le seul Hamas et ses exactions ? Contre Gaza, ou contre l’axe du mal Iran-Hamas-Qatar (soutenu par la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdogan) ? Contre le « mal absolu » et contre une nouvelle forme de nazisme ? Toutes ces réponses se valent apparemment et se rejoignent, mais elles ne sont pas entièrement équivalentes. De la réponse à cette question dépendent en effet les réponses à deux autres questions, tout aussi fondamentales. Il ne s’agit pas seulement en effet de terminologie, ni même de politique et de stratégie militaire.

 

Car derrière la question de la définition de l’ennemi se profile celle des objectifs de la guerre. Si notre ennemi n’est que le Hamas et ses infrastructures, alors il « suffit » de le détruire militairement, comme Tsahal s’apprête à le faire. Or, cela suffira-t-il ? Non, si l’on considère que le Hamas n’est qu’un élément de « l’axe du mal » et que le problème de Gaza n’est qu’un élément de la sécurité d’Israël. En d’autres termes : une fois le Hamas annihilé, il restera encore à détruire le Hezbollah, le Djihad islamique et sans doute aussi (même si le consensus est beaucoup moins large à son égard) le Fatah de Mahmoud Abbas (sans parler du régime iranien, pour la destruction duquel l’intervention militaire des Etats-Unis est indispensable).

 

Mais on peut également soutenir que notre combat ne vise pas seulement ces ennemis implacables, mais aussi, à travers eux, le nouveau visage de l’Ennemi éternel d’Israël, celui que la tradition juive désigne comme Amalek. Si nous désignons le Hamas comme Amalek, cela signifie qu’il convient non seulement de le détruire militairement, mais d’extirper aussi toute racine de son engeance qui cherche, à chaque génération (comme le dit la Haggadah de Pessah), à nous anéantir. 

 

Pourquoi combattons-nous et dans quels buts ?

 

            La question de la définition de l’ennemi n’est ainsi pas seulement militaire et politique ; elle entraîne des conséquences philosophiques et existentielles. D’aucuns affirment d’ores et déjà que le combat contre l’axe du mal et contre le Hamas est voué à l’échec, parce qu’on « ne peut pas faire disparaître une idéologie ». L’argument n’est pas infondé, mais il risque d’aboutir, si on le prend pour argent comptant, à ne rien faire. Or, le recours aux concepts de la tradition d’Israël permet d’apporter une réponse différente à cette question cruciale.

 

            Si notre ennemi est la figure moderne d’Amalek (et je rappellerai ici que durant plusieurs décennies, des intellectuels et des rabbins israéliens se sont évertués à prétendre qu’Amalek n’avait plus aucune signification pour Israël aujourd’hui et qu’il ne désignait surtout pas l’ennemi palestinien…), alors l’injonction de le combattre doit être renouvelée à chaque génération. C’est sans doute l’oubli de cette injonction – pour des raisons multiples qu’il faudra d’analyser ailleurs[1] – qui a aussi permis au Hamas de mener son attaque et de surprendre Israël. Or, cette injonction vise précisément à nous rappeler à chaque instant que l’ennemi est là et que notre existence n’est nullement garantie, quelle que soit notre puissance militaire et technologique.

 

            Et si l’on accepte que le Hamas est la figure contemporaine d’Amalek, cela veut dire que notre combat est aussi d’essence religieuse, morale et spirituelle, et point seulement militaire. Cette précision est capitale, car elle seule permet d’armer Israël pour affronter un ennemi qui, lui, définit son combat dans des termes religieux. Une des erreurs fondamentales de l’establishment sécuritaire d’Israël depuis des décennies est justement d’avoir cru qu’on pouvait affronter l’ennemi arabe en se définissant uniquement comme un Etat occidental et non comme l’incarnation politique du peuple d’Israël, c’est-à-dire le peuple élu par Dieu pour appliquer sa Torah.

 

Qui sommes-nous et au nom de quoi combattons-nous ?

 

            Ainsi, la définition de l’ennemi est liée non seulement à celle de nos objectifs de guerre, mais aussi à celle de notre identité propre et de ce à quoi nous aspirons. Nous touchons ici à un point crucial, qui permet de comprendre (sans prétendre évidemment entrer dans les calculs de la Providence…) pourquoi la guerre de Simhat Torah intervient précisément après des mois d’une lutte fratricide, dont l’enjeu essentiel était précisément de savoir qui nous sommes et quelle est l’essence profonde de l’Etat d’Israël !

 

            L’échec de Tsahal à anticiper et à empêcher l’attaque meurtrière du 7 octobre revêt ainsi une dimension bien plus profonde que la seule dimension des renseignements militaires… Cet échec touche en réalité à l’incapacité presque congénitale de notre armée à comprendre qui sont nos ennemis et qui nous sommes. (J’ajoute immédiatement que cette incapacité concerne en fait les échelons les plus élevés, car au niveau du simple soldat et des officiers de terrain, beaucoup ont compris depuis longtemps ce dont il est ici question).

 

            Face à un ennemi qui veut nous annihiler au nom de sa religion (l’islam) et qui veut nous annihiler en tant que peuple Juif, porteur de la parole divine (qu’il prétend que nous avons falsifiée), la riposte véritable n’est pas – comme l’ont cru et affirmé des générations de « clercs » israéliens – de dire que nous ne sommes pas animés d'un projet religieux et que nous sommes venus ici uniquement pour créer un Etat refuge, afin d'échapper à l’antisémitisme…

 

La réponse consiste bien au contraire à revendiquer notre identité véritable et à affirmer haut et fort que nous avons, nous, pour objectif, non seulement de détruire le Hamas et tous les autres représentants d’Amalek qui se trouvent à nos frontières et au sein même de notre pays[2], mais aussi d’édifier un Etat juif qui sera, selon l’expression du rabbin Abraham Itshak Hacohen Kook, le « siège de la royauté divine », Kissé Malhout Shamayim. Seule une telle affirmation nous permettra d’asseoir à long terme notre présence sur cette petite portion de terre que le monde entier nous dispute et que Dieu nous a confiée pour y faire régner sa Parole (à suivre…).

P. Lurçat

 

NB Je donnerai une conférence en ligne sous l’égide du centre Menahem Begin, à l’occasion du centième anniversaire de la parution du « Mur de Fer », le mardi 7 novembre à 20h30, sur le thème « Dôme d’acier ou Mur de Fer ? » Comment assurer la sécurité d’Israël selon Jabotinsky.

 

 

[1] Une hypothèse est que nous avons cultivé l’injonction de nous souvenir de la Shoah, mais n’avons pas su l’actualiser, en croyant que le nazisme en tant que mal absolu relevait d'un passé aboli.

[2] Précisons sur ce point que selon les informations les plus récentes, les Arabes israéliens n’ont pas pris fait et cause pour le Hamas à ce jour.

Pourquoi combattons-nous ?  (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par  Pierre Lurçat

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Après l’audience devant la Cour suprême : Quel statut pour la Déclaration d’Indépendance ?

September 18 2023, 07:20am

Posted by Pierre Lurçat

Après l’audience devant la Cour suprême :  Quel statut pour la Déclaration d’Indépendance ?

1.

 

Au lendemain de l’audience dramatique devant la Cour suprême qui s'est tenue la semaine dernière, certains médias israéliens, dans une tentative pusillanime pour faire le “buzz”, ont prétendu que l’avocat du gouvernement, Me Ilan Bombach, avait “exprimé son mépris envers la Déclaration d’Indépendance”, en affirmant que celle-ci avait été adoptée “dans la précipitation, par 37 signataires non élus”. Par-delà le “spin” médiatique, on ne peut que donner raison à Me Bombach. La Déclaration d’Indépendance a été signée dans la précipitation, à la veille de shabbat, tout comme la Sortie d’Egypte s’est faite, selon la Tradition, dans la précipitation (“be-Hipazon”)… Ce n’est pas manquer de respect au texte fondateur de notre Etat que de le rappeler.

 

La tentative de la Cour suprême, avec le soutien unanime des médias “mainstream” (qui n’ont jamais été aussi peu objectifs que depuis l’intronisation du gouvernement Nétanyahou), et l’appui des manifestants de Kaplan à Tel-Aviv[1], de transformer la Déclaration d’Indépendance en texte constitutionnel est cousue de fil blanc. Cette invention récente porte la signature du juge Aharon Barak, promoteur de la première Révolution constitutionnelle (au début des années 1990) et inspirateur de la Seconde Révolution constitutionnelle (dont nous voyons aujourd’hui les prémisses).

 

2.

 

Au-delà du débat technique sur le statut juridique de la Déclaration d’Indépendance, cette tentative s’inscrit en effet dans le droit fil de l’entreprise menée par Aharon Barak depuis trois décennies, pour affaiblir le caractère juif de l’Etat au nom de la préservation de son caractère démocratique. Ainsi écrivait-il en 1992 que les valeurs fondamentales du judaïsme sont “les valeurs fondamentales de l’Etat… que le judaïsme a léguées à l’humanité tout entière”, évacuant par un tour de passe-passe sémantique toute dimension particulariste du judaïsme. C’est exactement le même exercice auquel se livre aujourd’hui la président de la Cour suprême, Esther Hayout, dans le droit fil d’Aharon Barak dont elle est l’élève disciplinée, avec le soutien des grands médias et d’une partie de l’establishment judiciaire et académique.

 

Pour résumer, il s’agit de prétendre que l’amendement à la Loi fondamentale sur la Justice (“Loi sur le critère de raisonnabilité”) porterait atteinte au caractère démocratique de l’Etat d’Israël, inscrit dans la Déclaration d’Indépendance, laquelle aurait une valeur supra-constitutionnelle. Ce raisonnement est évidemment très critiquable, dans chacun de ses axiomes. Premier axiome : la Déclaration d’Indépendance aurait valeur constitutionnelle, voire “supra-constitutionnelle” (en ce qu’elle traduirait ce que Barak appelle les “valeurs supérieures du système juridique" israélien). Deuxième axiome : le caractère démocratique serait plus important que le caractère juif de l’Etat (rappelons que le mot “démocratique” ne figure pas dans la Déclaration d’Indépendance). Troisième axiome : seule la Cour suprême serait habilitée à évaluer la conformité des lois (y compris fondamentales) à la Déclaration d’Indépendance, transformée pour l’occasion en super-instrument de contrôle de constitutionnalité.

 

3.

 

Ce qui nous ramène à la question essentielle et au débat fondamental, qui n’est apparu qu’à de rares moments au cours de l’audience fleuve devant la Cour suprême la semaine dernière : celui qui oppose deux conceptions radicalement opposées et inconciliables de la démocratie. Est-elle le gouvernement du peuple, comme l’ont rappelé les représentants du gouvernement et de la Knesset ? Ou bien a-t-elle laissé la place à un “gouvernement des juges”, qui n’a jamais été aussi évident que ces derniers mois ?

 

Comme l'explique Gadi Taub, la question cruciale qui permet de distinguer les différents régimes politiques est celle de savoir qui détient le pouvoir de décision ultime. Dans un régime démocratique – "le plus mauvais de tous les régimes à l'exception de tous les autres" selon l'expression de Churchill – c'est le peuple qui détient le pouvoir de décision ultime. Si ce dernier appartient à un aéropage de juges non élus, fussent-ils les plus "libéraux" et les plus intelligents, cela ne s'appelle plus un régime démocratique… A tous mes lecteurs et au peuple d'Israël, שנה טובה ומבורכת כתיבה וחתימה טובה 

P. Lurçat

 

ILS ONT LU “QUELLE DEMOCRATIE POUR ISRAEL?”

 

“Une étude magistrale et édifiante!” 

Jean-Pierre Allali, Crif.org

 

Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.

Liliane Messika, écrivain Mabatim

 

“Pierre Lurçat balaye en quelques pages les slogans de la gauche israélienne qui manifeste aujourd’hui massivement au nom de la « défense de la démocratie » contre le « coup d’Etat ». “ 

 

Yves Mamou, Revue politique et parlementaire

 

Dans ce petit livre très dense et très pédagogique, Pierre Lurçat nous éclaire sur la crise actuelle que traverse Israël”.

Evelyne Tschirhart, écrivain

 

On ne peut imaginer ouvrage plus clair et plus adéquat pour comprendre quel est l’enjeu de ce qui s’est passé dans le pays”.

Henri Kahn, Kountrass

 

“Un livre clair, intelligent et magnifiquement documenté et argumenté dans un texte court, pour en finir avec les manipulations médiatiques sur le sujet”

Monique Atlan, Amazon.fr

 


[1] La “coordination” entre Ehoud Barak et Aharon Barak sur ce sujet n’est évidemment pas fortuite.

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Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

September 8 2023, 09:40am

Posted by Pierre Lurçat

Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

 

Il n’aura pas échappé au lecteur attentif du magazine en ligne Causeur que depuis six mois, le sujet d’Israël est quasiment absent de ses colonnes… Ce média qui était un des rares à défendre Israël dans le paysage médiatique français a choisi de se taire. Pourquoi ? Parce que le directeur de la rédaction de Causeur, Gil Mihaely, est opposé au gouvernement israélien. Mihaely vient ainsi de publier une tribune virulente, expliquant que le gouvernement de B. Nétanyahou “s’en prend aux deux socles de la société libérale, la Cour constitutionnelle et la société civile” et que “la base [électorale] de Nétanyahou préfère la synagogue aux llibertés”. 

 

Il est affligeant à mes yeux de voir un journaliste français donner des leçons de démocratie à Israël depuis la France, tout en soutenant ouvertement des régimes aussi peu démocratiques que ceux du Qatar ou de l’Azerbaïdjan… L’attitude actuelle de Causeur à l’égard d’Israël est d’autant moins logique que ce journal affiche ouvertement des opinions proches de Marine Le Pen en France, et prétend soutenir la “gauche” (caviar il est vrai) en Israël. On peut ainsi être à droite de la droite en France et faire la fine bouche avec la droite israélienne ! Causeur, comme d’autres médias, n’est pas à une contradiction près.

 

M. Mihaely, qui est un Israélien installé en France depuis longtemps, est libre d’avoir ses opinions comme chacun. Mais la moindre des choses aurait été, pour un média qui a pour slogan “Surtout si vous n’êtes pas d’accord”, de permettre à ses lecteurs d’entendre un autre son de cloche… Ayant longtemps contribué à son magazine, je me suis permis de lui adresser la réponse ci-dessous. M. Mihaely a refusé de la publier. Les lecteurs de Causeur ne connaîtront donc que le “point de vue officiel” du directeur de Causeur, devenu pour l’occasion l’émule de la Pravda… Je le regrette évidemment, pour eux comme pour Causeur dont j’ai apprécié jadis la liberté de ton. P.L.

 

En tant que contributeur régulier du magazine en ligne Causeur depuis plusieurs années, je souhaite répondre à l'article de Gil Mihaely, intitulé « Israël, des Jours redoutables ». Tout d'abord, il est très délicat d'affirmer que la crise politique actuelle en Israël serait due à la volonté du Premier ministre Binyamin Netanyahou d'échapper à une condamnation judiciaire. La simple chronologie dément cette explication simpliste. Le projet de réforme entamé par le gouvernement actuel est en effet bien plus ancien que le procès intenté à Nétanyahou… Le ministre de la justice Yariv Levin m'en avait ainsi exposé les grandes lignes dans une interview pour Israël Magazine parue en… 2011.

 

Venons-en au fameux risque de « crise constitutionnelle » que ferait peser la réforme judiciaire. L'expression même de « crise constitutionnelle » est problématique, s'agissant d'un pays qui n'a pas de véritable constitution, mais seulement un ensemble de « Lois fondamentales ». En réalité, c'est précisément l'absence de Constitution – définissant clairement la place de chaque institution et ses prérogatives – qui a permis à la Cour suprême, sous la houlette du juge Aharon Barak, de s'ériger en premier pouvoir depuis trois décennies, comme je l'ai relaté dans un livre récent.

 

S'il y a aujourd'hui une profonde crise politique en Israël, c'est surtout du fait du refus de l'actuelle opposition d'accepter le résultat des élections de novembre dernier et de sa volonté de faire tomber le gouvernement à tout prix, y compris celui d'un appel au refus de servir dans Tsahal et d'une atteinte possible à l'économie et à la cohésion sociale. Imputer la responsabilité de cette crise au seul Netanyahou et à sa coalition relève d'une lecture partisane de l'actualité israélienne. 

 

Ce qui m'amène au dernier point, celui de la coalition au pouvoir et de son caractère soi-disant extrémiste. Le magazine Causeur, auquel j'ai eu plaisir à contribuer pendant plusieurs années, est bien placé pour savoir combien il est facile de délégitimer un homme ou un parti politique, en arguant de ses opinions « extrémistes ». Le gouvernement israélien actuel repose sur une large coalition et réunit en son sein des partis très différents. Le présenter comme étant « ultra-orthodoxe » ou comme « d'extrême droite » ne correspond pas à la réalité socio-politique de la coalition actuelle et de l'électorat qui l'a portée au pouvoir. La majorité de 64 députés sur 120 qui a voté la Loi sur le critère de raisonnabilité était tout à fait fondée à le faire.

 

La question cruciale qui se pose aujourd'hui est de savoir si les juges de la Cour suprême, qui représentent sociologiquement les mêmes anciennes élites (laïques ashkénazes de gauche, pour simplifier) qui manifestent dans les rues depuis huit mois, respecteront le vote de la Knesset et sa compétence. Si la Cour suprême choisit l'affrontement, alors la crise se poursuivra, sans que cela remette en cause le caractère démocratique d'Israël et de ses institutions. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'un gouvernement démocratique devra imposer ses choix, contre l'avis de juges non élus…

 

Quant au scénario catastrophe d'une situation dans laquelle l'armée et le Mossad décideraient de ne plus obéir au gouvernement, mais plutôt à la Cour suprême, érigée en dernier bastion d'un contre gouvernement des juges, il relève de la politique fiction. Depuis 1948, l'armée d'Israël n'a jamais obéi à personne d'autre qu'au gouvernement élu par le peuple et cela ne va pas changer. Israël a traversé d'autres crises tout aussi graves que celle qu'il traverse aujourd'hui. La nécessaire clarification du rôle des institutions et la réaffirmation de la primauté de la Knesset et du gouvernement face au pouvoir non élu des juges et des médias renforceront à terme le caractère démocratique de l'état juif.

 Pierre Lurçat

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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Crise constitutionnelle ou conflit de pouvoirs ? (I) La seconde phase de la “Révolution constitutionnelle” a commencé

September 1 2023, 09:33am

Posted by Pierre Lurçat

Crise constitutionnelle ou conflit de pouvoirs ? (I) La seconde phase de la “Révolution constitutionnelle” a commencé

Depuis plusieurs semaines, l’expression de « crise constitutionnelle » ne cesse d’être employée et brandie comme un épouvantail, ou parfois comme une menace. A l’approche de l’audience de la Cour suprême sur la Loi supprimant le critère de raisonnabilité, il importe de définir ce que signifie cette expression et de se demander en quoi elle est ou non pertinente pour décrire le débat politique et juridique actuel en Israël.

 

Traditionnellement, l’expression de « crise constitutionnelle » désigne une situation dans laquelle la Constitution ne prévoit aucune solution pour résoudre une crise politique. Parmi les exemples classiques de crise constitutionnelle, on peut citer les cas de sécession d’États de l’Union aux États-Unis (avant la guerre de Sécession), ou le mariage du roi Edouard VIII avec Wallis Simpson en Angleterre, en 1936. Ces deux exemples mettent en évidence la différence fondamentale avec le cas d’Israël aujourd’hui : contrairement aux États-Unis et à l’Angleterre, Israël ne possède en effet pas de Constitution, au sens précis du terme. On ne peut donc employer le terme de « crise constitutionnelle » à proprement parler, mais plutôt celui de « crise politique », ou de conflit institutionnel.

 

Il s’agit en effet avant tout d’un conflit de pouvoir, qui connaît actuellement un nouveau climax, avec la possible annulation par la Cour suprême de l’amendement à la Loi fondamentale sur le critère de raisonnabilité. En apparence, la décision de la Cour suprême de juger recevables les multiples recours formés contre l’amendement à la Loi sur le pouvoir judiciaire adopté le mois dernier n’avait rien d’exceptionnel. A peine la loi était-elle votée que – quelques minutes plus tard seulement – les premiers recours affluaient au secrétariat de la Cour suprême. Les acteurs habituels – Mouvement pour la qualité du gouvernement, etc. – avaient préparé leurs recours bien avant le vote de la Knesset…

 

Mais derrière cette apparence de « normalité », quelque chose d’inhabituel – et même d’extraordinaire – est en train de se jouer. Car la loi votée le mois dernier n’est pas une loi ordinaire, mais un amendement à une Loi fondamentale. Rappelons qu’une Loi fondamentale (Hok Yessod) a une valeur supra-législative, ou quasi-constitutionnelle. Comme je l’explique dans mon livre sur le sujet*, les Lois fondamentales sont les chapitres d’une future Constitution, dont l’adoption formelle a été empêchée jusqu’à ce jour pour de multiples raisons. Profitant de ce vide constitutionnel, le président de la Cour suprême Aharon Barak a depuis les années 1990 initié une « Révolution constitutionnelle », par laquelle il a prétendu faire de la Cour suprême un véritable « Conseil constitutionnel », c.-à-d. un juge de la constitutionnalité des lois et des actes du gouvernement et de l’administration.

 

Le raisonnement du juge Aharon Barak, devenu depuis une théorie admise par une majorité des membres de l’establishment judiciaire, est que les deux lois fondamentales de 1992 (Loi sur la dignité de l’homme et sur la liberté professionnelle) sont la « Déclaration des droits de l’homme » d’Israël et qu’à ce titre, elles doivent être respectées par tous, sous le contrôle de la Cour suprême. Le « hic » de cette théorie est qu’elle a été élaborée de manière unilatérale par le juge Barak et par ses partisans, sans avoir été jamais validée par la Knesset ou par le peuple, et ce en l’absence de Constitution véritable.

 

Si la Cour suprême devait – comme cela est de plus en plus probable – annuler une Loi fondamentale, il y aurait là une deuxième étape de la « Révolution constitutionnelle », ou même une « deuxième Révolution constitutionnelle », encore plus dramatique que la première de l’avis de certains commentateurs. Dans la première “Révolution constitutionnelle » de 1992, en effet, la Cour suprême s’était placée au-dessus de la Knesset en tant que pouvoir législatif, en s’autorisant de manière unilatérale à annuler des lois. Si elle annulait une Loi fondamentale, cela voudrait dire qu’elle est aussi désormais au-dessus de la Knesset en tant que pouvoir constituant (ou quasi-constituant), puisqu’elle s’arrogerait le droit d’annuler une loi à valeur quasi-constitutionnelle (ou constitutionnelle de l’avis de ceux qui considèrent que les Lois fondamentales ont une valeur constitutionnelle).

 

C’est donc une décision dramatique qui risque d’être prise dans les prochaines semaines, dont l’enjeu concerne le fragile équilibre des pouvoirs – déjà menacé par la première Révolution constitutionnelle – et le bon fonctionnement de la jeune démocratie israélienne. Dans la suite de cet article, nous verrons pourquoi il est problématique pour la Cour suprême de se prononcer sur la Loi fondamentale restreignant le critère de raisonnabilité. (à suivre…)

P. Lurçat

 

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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Démocratie ou oligarchie ? Pourquoi la réforme judiciaire doit se poursuivre, Pierre Lurçat

July 31 2023, 08:41am

Posted by Pierre Lurçat

Manifestation contre l’expulsion du Goush Katif

Manifestation contre l’expulsion du Goush Katif

« Les différends publics doivent être réglés dans le cadre des institutions existantes… Aucun Etat démocratique ne peut accepter ceux qui utilisent la rhétorique de la démocratie et des droits de l’homme, tout en agissant pour semer l’anarchie ».

 

A. Barak, Bagatz S. Malka et A. Vangrover c. Etat d’Israël, 2005)[1]

 

 

Dans un éditorial surprenant, publié vendredi dans Makor Rishon, Haggai Segal dresse un réquisitoire cinglant contre la politique du gouvernement concernant la réforme judiciaire, qu’il conclut par un appel à licencier le ministre de la Justice Yariv Levin. L’argument principal de Segal est que la tentative de faire passer la réforme coûte que coûte équivaut à rentrer dans le mur et que le prix à payer ne justifie pas de poursuivre dans cette voie. Il faut donc reléguer au placard la réforme pour se consacrer à d’autres sujets plus importants… Cet avis est partagé par d’autres commentateurs, au sein du monde sioniste religieux et également au sein du Likoud.

 

Or, en réalité, la réforme judiciaire n’est pas seulement un dossier parmi d’autres. Elle conditionne l’exercice du pouvoir par le gouvernement actuel et par la coalition élue en novembre dernier. L’expérience amère des huit derniers mois montre en effet que le vote d’une majorité d’Israéliens – la plus stable depuis cinq élections – est vide de sens, s’il ne s’accompagne pas d’un retour du pouvoir au peuple et à la Knesset, qui en ont été dépossédés depuis plusieurs décennies par un gouvernement des juges, soutenu par les médias et par l’establishment, comme je l’ai montré dans un livre récent*.

 

Plus encore, la crise actuelle démontre – si besoin était – que la justice fonctionne actuellement en Israël selon le modèle de l’ex-URSS ou de l’Ancien Régime français d’avant 1789. Elle a un double visage et utilise des normes différentes, selon que les justiciables font partie des anciennes élites (celles qui manifestent chaque semaine à Kaplan et ailleurs), ou du « petit peuple » de droite, qui a porté Nétanyahou au pouvoir. Ce « deux poids deux mesures » est particulièrement flagrant dans la manière dont la justice israélienne considère les manifestations, le blocage de route et les appels à la sédition et au refus de servir dans Tsahal. La citation en exergue du juge Barak montre comment la justice israélienne considère les manifestants appartenant au « mauvais camp » idéologique…

 

Dix-huit ans après le désastreux retrait du Goush Katif et l‘expulsion de ses habitants, les témoignages de ceux qui se sont alors opposés à cette décision fatidique affluent ces dernières semaines. Des centaines de manifestants arrêtés et incarcérés pour avoir seulement « projeté » de bloquer des routes ou pour avoir effectivement bloqué la circulation d‘axes routiers secondaires… Des jeunes filles et garçons mineurs de 14 et 15 ans emprisonnés pendant plusieurs semaines, avec l’aval de la Cour suprême (qui sait par ailleurs faire preuve de clémence envers les terroristes arabes et leurs familles… vérifiant l’adage du Talmud, « celui qui a pitié du méchant est inique envers le Juste ») Des officiers de Tsahal démis de leurs fonctions pour avoir simplement exprimé des doutes sur la justesse de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif et avoir refusé de participer à cette mission pour laquelle l’armée n’était pas qualifiée….

 

Cette injustice et ce « deux poids deux mesures » flagrants montrent que le système judiciaire – et au-delà de lui, l’ensemble des pouvoirs non élus et de l’establishment israélien – fonctionnent largement selon le modèle de la justice de Sodome, ou selon celui de l’Ancien régime en France : « Selon que vous serez puissant ou misérable… » C’est cette injustice flagrante et cette inégalité intolérable, lovées au cœur des institutions israéliennes (justice, armée, université, etc.) qu’il appartient aujourd’hui au gouvernement de réparer, pour faire d’Israël une démocratie authentique, et non une oligarchie judiciaire. Il est frappant de constater que tous les groupements qui prétendent aujourd’hui imposer leur point de vue à la Knesset et au gouvernement (médecins, pilotes, universitaires, etc.) le font au nom de leur statut de privilégiés, tout en scandant le mot « démocratie », qui a été vidé de son sens authentique.

 

Le chantage intolérable (et souvent illégal, dans le cas des médecins par exemple) qu’ils prétendent exercer est une raison supplémentaire pour refuser tout compromis avec eux. En définitive, Haggai Segal se trompe. De même qu’on ne négocie pas avec des terroristes,  on ne cède pas au chantage de castes privilégiées anti-démocratiques, prêtes à mettre le pays à feu et à sang pour imposer leur point de vue. La réforme doit se poursuivre, pour mettre fin aux privilèges des castes oligarchiques et rétablir les droits de la majorité et ceux du peuple d’Israël, afin que notre pays devienne enfin une démocratie authentique et octroie des droits égaux à tous.

P. Lurçat

 

* Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? est publié aux éditions l’éléphant, disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur (editionslelephant@gmail.com)

 

[1] Ces propos du juge Barak concernaient des manifestants opposés au retrait du Goush Katif…

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Lectures de Jean-Pierre Allali : Quelle démocratie pour Israël? par Pierre Lurçat

July 19 2023, 06:46am

Posted by Jean-Pierre Allali, Crif.org

Lectures de Jean-Pierre Allali : Quelle démocratie pour Israël? par Pierre Lurçat

NB Je reproduis la belle recension qu'a consacrée J.P. Allali à mon dernier livre. P.L.

Quelle démocratie pour Israël ? - Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ?, par Pierre Lurçat  (*)

 

Depuis plusieurs mois, à l’appel d’organisations de gauche et d’opposants à Benyamin Netanyahu, des milliers de personnes manifestent en Israël aux cris de « Demokratia, demokratia ! ». Le Premier ministre, malgré certains succès politiques, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, est voué aux gémonies. On murmure qu’Israël, jusqu’ici montré en exemple comme pays de libertés, est en passe de devenir une dictature. Un éclairage objectif et argumenté devenait nécessaire. C’est pourquoi on sera infiniment reconnaissant au juriste, essayiste et traducteur israélien, Pierre Lurçat, de nous éclairer sur ce sujet sensible et controversé.

Comme le dit le titre de l’ouvrage, la question centrale est simple : qui détient le pouvoir ? Les élus du peuple, issus d’élections ou les juges ? Et, comme on va le voir, en Israël, ce n’est pas si simple ! Les choses ont commencé à se compliquer en 1990 avec la « Révolution constitutionnelle » initiée par le juge Aharon Barak, un véritable « putsch judiciaire ». C’est en effet à cette occasion qu’a été instauré un système judiciaire et politique sans équivalent dans le monde démocratique. Dès lors, la Cour suprême la plus activiste du monde s’est arrogé un droit de regard sur la quasi-totalité des décisions et des actes du gouvernement, de l’armée ou encore de l’administration. Il faut dire que l’absence de constitution a facilité grandement cette situation. Eh oui, Israël n’a toujours pas, soixante-quinze ans après sa renaissance, de constitution et se contente de lois dites « fondamentales ». En 1948, David Ben Gourion avait préféré temporiser et, entre 1958 et 1992, neuf lois fondamentales ont été adoptées ; la loi fondamentale sur la Knesset, celle sur les terres de l’État, celle sur le gouvernement, celle sur le budget, celle sur l’armée, celle sur Jérusalem, capitale d’Israël, celle sur le pouvoir judiciaire et celle sur le contrôleur de l’État. Plus tard, viendront s’ajouter la loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaine et sur la liberté professionnelle.

 

Pierre Lurçat nous explique comment le juge Aharon Barak, lui-même d’origine lituanienne a réussi, petit à petit au fil des ans, à rogner sur les pouvoirs des élus au profit des juges. Et c’est ainsi qu’un groupe minoritaire de « Juifs d’origine ashkénaze, laïcs et de gauche » a littéralement pris le pouvoir. Lurçat ne mâche pas ses mots parlant de « conception totalitaire et quasi-religieuse du droit » ou encore de « fondamentalisme juridique ».

 

Dès lors, le projet de réforme judiciaire proposé par Benyamin Netanyahu, n’a comme objectif que de redonner à la Knesset plus de pouvoir et à limiter celui des juges devenus envahissant. Une réforme du système de nomination des juges fait partie des pistes de réflexion. Comme aussi, l’idée de réformer les pouvoirs du conseiller juridique du gouvernement.

Une étude magistrale et édifiante !

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions L’Éléphant, avril 2023, 132 pages

Lectures de Jean-Pierre Allali - Quelle démocratie pour Israël ?, par Pierre Lurçat | Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

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Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

July 11 2023, 08:03am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

 

Une fois de plus, des milliers d’Israéliens manifestent dans les rues, bloquent les autoroutes et l’aéroport et crient à la « Dictature ». Savent-ils seulement pourquoi ? Dans les lignes qui suivent, j’explique comment le critère de « raisonnabilité » a été élargi depuis 1992 et permet aujourd’hui à la Cour suprême d’annuler n’importe quelle loi ou décision gouvernementale ou administrative. C’est cette situation que la loi adoptée hier par la Knesset entend réformer pour revenir au statu quo ante et à une véritable séparation des pouvoirs.

La loi adoptée hier par la Knesset consiste à restreindre le critère de « raisonnabilité » (Ilat ha-svirout). Observons d’emblée que ce critère n’a pas été inventé par le juge Aharon Barak, et qu’il existait avant 1992. Dans le common law (droit des États-Unis et du Royaume-Uni), le critère de raisonnabilité (« the reasonable person standard ») peut se résumer de la façon suivante : il désigne un acte approprié, ou une personne qui agit de façon rationnelle, habituelle et ordinaire en fonction de circonstances précises.

Mais c’est la manière dont ce critère est utilisé par la Cour suprême qui a grandement évolué depuis lors. Comme le rappelle l’ancien ministre de la Justice Daniel Friedmann, avant la Révolution constitutionnelle, la Cour suprême utilisait le critère de raisonnabilité pour intervenir dans des domaines très étroits, notamment en matière d’arrêtés municipaux ou de réglementation d’application de la loi.

            Ainsi, en 1959, la Cour suprême invalida une ordonnance prise en 1952 concernant les compagnies de services portuaires, en jugeant que « la question du caractère raisonnable est un aspect de l’excès de pouvoir et, par conséquent, il peut et devrait y avoir un parallèle étroit dans la manière dont l’examen judiciaire de tous les types de législation déléguée est possible ». Cette décision illustre de manière frappante la différence entre la conception du rôle de la Cour suprême dans la période dite « classique » (jusqu’aux années 1980) et dans sa période activiste. En 1959, le critère de « raisonnabilité » n’était utilisé que pour sanctionner un excès de pouvoir, conformément à la théorie de l’excès de pouvoir qui est un fondement classique du contrôle de la légalité des actes administratifs, en France comme en Israël.

            Aharon Barak, de son côté, a élargi sans aucune limite l’application du critère de raisonnabilité, en le transformant en moyen de contrôle par la Cour suprême de n’importe quel acte ou décision de l’administration, mais aussi du gouvernement et des ministres, de l’armée, etc. Cet élargissement disproportionné est non seulement contraire à la conception classique du contrôle des actes administratifs, mais il est aussi contraire au principe de séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, le critère de raisonnabilité permet ainsi à la Cour suprême de remettre en question n’importe quel acte ou décision de n’importe quelle personne physique ou morale, à tous les échelons, en disant ce qui est « raisonnable » et ce qui ne l’est pas.

 

            Parmi les nombreuses critiques qui ont été formulées contre cet élargissement du critère de raisonnabilité, citons celle du juge Asher Grunis, qui est devenu par la suite le dixième président de la Cour suprême : « L’expertise du tribunal concerne les questions de compétence et de vices de procédure… Par contre, le tribunal n’a aucun avantage ou expertise supplémentaire sur le sujet du caractère raisonnable ». Cette appréciation, formulée dans le jugement sur le recours formé contre la nomination de Haïm Ramon au poste de vice-Premier ministre en 2007, met l’accent sur un élément important de l’extension du domaine du justiciable concomitant à l’élargissement de l’emploi du critère de raisonnabilité.

            C’est cette situation inédite et sans équivalent dans aucun pays du monde que la réforme vient rectifier, en ramenant l’utilisation du critère de raisonnabilité à des dimensions plus… raisonnables. En annulant (ou en restreignant drastiquement) le recours au critère de raisonnabilité, la réforme judiciaire entend mettre fin non seulement à la compétence exorbitante et au droit de regard que la Cour suprême s’est arrogés sur l’ensemble des décisions et actes publics ou privés, mais aussi à l’incertitude juridique que le recours constant au critère de raisonnabilité, devenu entièrement subjectif, a introduite dans le droit israélien.

P. Lurçat

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. En vente sur Amazon, B.o.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

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Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

May 31 2023, 07:14am

Posted by Pierre Lurçat

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

 

La reculade du gouvernement israélien sur la loi pour lutter contre les ONG étrangères antisionistes met sur le devant de la scène la question cruciale de la souveraineté de l’Etat d’Israël, face aux menées subversives de l’Union européenne, des Etats-Unis et d’autres acteurs menant une politique hostile à Israël, par le biais d’un bataillon d’ONG qu’ils financent. Or cette question est étroitement liée à celle de la réforme judiciaire et de la Cour suprême.

 

C’est en effet cette dernière qui, en ouvrant ses portes aux ONG antisionistes dans les années 1990, a permis à celles-ci de devenir un véritable Cheval de Troie et un acteur hostile au sein même de la société et de la vie publique israéliennes. Dans les lignes suivantes, extraites de mon livre Quelle démocratie pour Israël ?, j’explique comment est apparu le “contentieux anti-israélien” devant la Cour suprême, de manière concomitante à l’extension de son domaine de compétence :

 

« Nous allons illustrer par quelques exemples cette extension du domaine de compétence de la Cour suprême théorisée et mise en œuvre par le juge Barak. Dès lors que la distinction entre domaine justiciable et domaine non justiciable et que la séparation entre droit et politique ont été abolies, la Cour suprême est intervenue de manière grandissante dans quasiment tous les domaines de la vie publique : État et religion, éducation, politique étrangère et sécurité, nominations de haut-fonctionnaires et de ministres, etc. On aurait peine à trouver un seul domaine dans lequel elle n’intervient pas aujourd’hui.

En ouvrant largement ses portes à des acteurs hostiles à Israël et à des ONG souvent financées par des pays étrangers – promouvant un agenda « progressiste » et antisioniste plus ou moins radical – la Cour suprême a permis l’émergence d’un « contentieux anti-israélien », qui représente aujourd’hui une part importante de son activité.

A titre d’exemples de ce contentieux, citons notamment les recours formés régulièrement contre les décisions de l’échelon sécuritaire et militaire en matière de lutte contre le terrorisme, telles que les destructions des maisons des terroristes (mesure qui remonte en fait à la période de Mandat britannique), les « assassinats ciblés » de chefs terroristes, les procédures militaires telles que la « procédure du voisin » et d’autres décisions prises par Tsahal, y compris en temps de guerre[1].

Des ONG telles que B’Tselem, Adalah ou le « Comité contre la destruction de maisons » se sont ainsi spécialisées dans le dépôt de recours récurrents devant la Cour suprême pour contester les décisions de l’armée israélienne. De ce fait, l’armée a dû parfois modifier celles-ci sur des sujets aussi cruciaux que le choix des cibles militaires pendant les opérations contre le Hamas à Gaza, ou le tracé de la barrière de sécurité protégeant le territoire israélien contre les intrusions de terroristes.

Un autre arrêt très remarqué a été l’arrêt Qa’adan de 1995[2]. Dans cette affaire emblématique, un requérant arabe de Galilée, soutenu par l’Association des droits civiques, a contesté devant la Cour suprême le refus de l’Agence juive de laisser sa famille s’installer dans le village de Qatzir, construit par l’Agence juive. Dans sa décision, le juge Barak a expliqué que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres publiques à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ».

Ce faisant, la Cour suprême déclarait « illégale » la politique d’implantation juive qui a permis le peuplement de régions entières et qui constitue un des piliers du projet sioniste. Au lendemain de cette décision très polémique, le ministre de la Justice d’alors, Yossi Beilin, en tirait la conclusion logique en réclamant le démantèlement pur et simple de l’Agence juive ». (à suivre...)

P. Lurçat


[1] Voir concernant la « procédure du voisin », Human Shields | B'Tselem (btselem.org)

[2] Bagatz 6698/95, Qa’adan v. Administration of Israel Lands et al.

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. Disponible sur Amazon, Fnac, B.O.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Je donnerai une conférence sur ce sujet lundi 5 juin à 19h00 à l’espace francophone d’Ashdod

 

J’ai présenté mon livre au micro de Cathy Choukroun sur Studio Qualita, ici.

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

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