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mamlakhtiyout

Une étincelle d’hébreu : La mamla’htiyout et le conflit intérieur à Israël

October 8 2024, 07:41am

Posted by Pierre Lurçat

La cérémonie nationale non officielle de commémoration du 7 octobre

La cérémonie nationale non officielle de commémoration du 7 octobre

 

Une petite phrase entendue ce matin sur Galei Tsahal, la radio publique israélienne, permet de saisir un des aspects les plus significatifs du conflit intérieur à Israël. Parlant des cérémonies qui se sont tenues hier dans tout le pays, le présentateur des informations a eu cette phrase étonnante : “Hier ont eu lieu la cérémonie nationale de commémoratio, et la cérémonie officielle du gouvernement…

 

Ce qui est stupéfiant dans cette façon de présenter les choses est d'opposer d'un côté une cérémonie non officielle "nationale" et de l'autre, la cérémonie officielle, abusivement présentée comme relevant "du gouvernement". Le mot mamlakhti (ממלכתי), forgé sur la racine melekh (מ.ל.ך.), le Roi, désigne en effet ce qui relève de la "mamlakha", à savoir le royaume, et par extension l'État ou le pouvoir. David Ben Gourion*, premier dirigeant de l'état d'Israël, avait forgé la doctrine de la "mamlahktiyout" pour glorifier le sentiment national et celui de la souveraineté retrouvée après deux mille ans d'exil.

 

Mamlakhti ne signifie donc pas, contrairement à ce que laissait entendre le titre de Galei Tsahal, ce qui relève du gouvernement, désigné en hébreu comme "memshalti", mais bien ce qui relève de l'État et du peuple qu'il incarne… Mais, dans le vocabulaire politique de l'opposition actuelle et de ceux qui la soutiennent – y compris sur la radio publique – le terme de mamlakhti a été vidé de sa substance.

 

Non contents de décrire le Premier ministre comme avide de pouvoir et cynique, les représentants de la minorité kaplaniste contestent en fait l'idée même que le gouvernement puisse organiser une cérémonie officielle au nom de l'État et du peuple tout entier ! Ce faisant, ils scient la poutre maîtresse sur laquelle repose tout l'édifice politique de l'État d'Israël. Cette attitude participe d’un mouvement général de désaveu de la démocratie, déjà observé dans d’autres pays.

 

Les journalistes, écrivains et artistes israéliens qui contestent la légitimité du pouvoir élu en Israël sont comme ces petits enfants qui, faisant la grimace en goûtant leur soupe, jettent leur cuillère en s’exclamant " c'est pas bon"! Tout comme on apprend aux petits enfants à ne pas dire "c'est pas bon" mais "je n'aime pas", il faut que les opposants au gouvernement de B. Netanyahou – surtout ceux qui se parent du titre de “politistes” – (ré)apprennent la règle élémentaire de la démocratie.

 

Au lieu de cracher dans la soupe et sur leur gouvernement, ils seraient bien inspirés de remercier D.ieu pour notre souveraineté retrouvée, pour notre armée qui, sous la direction de notre gouvernement, est en passe de remporter une victoire historique sur nos ennemis. Gmar Hatima tova!

P. Lurçat

 

NB La vision sioniste de D. Ben Gourion et sa dimension messianiste sont le thème du cinquième volume de la Bibliothèque sioniste qui vient de paraître, En faveur du messianisme, l’Etat d’Israël et l’avenir du peuple Juif.

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Le dernier livre de la bibliothèque sioniste consacré à David Ben Gourion est désormais disponible à la librairie du Foyer de Tel-Aviv et peut être commandé dans toutes les librairies de France (en précisant qu’il est publié sur B.O.D.)

 

 

Pierre Lurçat nous fait découvrir une facette méconnue du fondateur de l’Etat d’Israël

Antoine Mercier, Mosaïque

 

Le passionnant texte de Ben Gourion a presque 70 ans, mais les questions qu’il pose sont toujours d’actualité et ses réponses donnent encore à réfléchir.

 

Liliane Messika, Mabatim

 

Pierre Lurçat montre avec brio que la crise politique et judiciaire qu’Israel a traversé avant la guerre déclenchée par le Hamas en octobre 2023 a à voir avec le messianisme et la rédemption.

Yves Mamou, Revue politique et parlementaire

 

 

Une étincelle d’hébreu :  La mamla’htiyout et le conflit intérieur à Israël

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Yom Ha’Atsmaout 5783 : Retrouver le sens de la Mamlakhtiyout, Pierre Lurçat

April 23 2023, 09:14am

Posted by Pierre Lurcat

Yom Ha’Atsmaout 5783 : Retrouver le sens de la Mamlakhtiyout, Pierre Lurçat

 

Comme l’a écrit le professeur Israël Auman, qui fait partie de la « famille du deuil »[1], dans les colonnes de Makor Rishon, quelques jours avant le 5 Iyar 5783 – Jour de l’Indépendance – depuis les débuts de l’histoire de l’Etat d’Israël, « les dirigeants et les ministres de toutes tendances politiques ont pris part aux cérémonies du Yom Hazikaron (Jour du Souvenir) » et « les règles de la cérémonie ont été observées avec une constance officielle ». Ce dernier mot employé par Israël Auman est difficilement traduisible en français : « mamlakhti ». Le dictionnaire Larousse le traduit par « officiel » ou « étatique », mais aussi par « majestueux ».

 

Or c’est précisément ce concept difficilement traduisible qui est aujourd’hui menacé par le conflit intérieur qui divise Israël depuis quelques mois. Ainsi, quand le chef de l’opposition Yaïr Lapid annonce publiquement qu’il ne prendra pas part aux cérémonies du Jour de l’Indépendance, ou quand un groupe de familles endeuillées (qui ne représentent qu’une infime partie de la grande « famille du deuil », comme le rappelle le professeur Aumann) demandent aux hommes politiques (de la coalition) de s’abstenir de venir dans les cimetières le Jour du Souvenir, c’est la Mamlahktiyout qu’ils contestent et qu’ils foulent aux pieds.

 

Pour comprendre ce qui est en jeu dans cette dernière manche du conflit intérieur israélien, dont j’ai décrit depuis quelques semaines plusieurs aspects[2], je voudrais proposer plusieurs manières de traduire et d’expliquer le mot hébreu difficilement traduisible de « Mamlakhtiyout ». La première traduction, conforme à l’esprit de David Ben Gourion, qui parlait souvent de l’impératif de la Mamlakhtiyout – dont il avait fait un pilier de sa politique – est celle du « sens de l’Etat »[3]. Si le premier Premier ministre d’Israël l’utilisait souvent, c’est parce que cette notion était étrangère à l’éthos du peuple Juif en exil, habitué à vivre sous la souveraineté de peuples étrangers.

 

La deuxième traduction, moins littérale, est celle de « sens du bien commun ». La Mamlakhtiyout désigne en effet ce qui transcende tous les clivages politiques ou sociaux, et qui appartient à l’ensemble de la nation israélienne. Si les jours solennels du Yom Hazikaron et du Yom Ha’atsmaout sont emplis de cérémonie et de faste, c’est précisément parce qu’ils expriment ce qui dépasse tous les clivages – et ils sont nombreux – qui divisent la société israélienne. Devant les tombes de nos soldats et de nos civils tombés pour défendre notre pays ou victimes du terrorisme arabe, tous sont égaux, Juifs laïcs et religieux, druzes et bédouins, etc.

 

La troisième traduction, plus éloignée encore, pourrait être celle de « sens de la démocratie ». Paradoxalement, ceux qui manifestent depuis des mois en scandant « Démocratie ! » ont en effet oublié un des éléments fondateurs du régime démocratique, celui de la représentativité politique. En prétendant exclure des cérémonies du Yom Hazikaron les élus du peuple, qualifiés de manière péjorative de « politiciens » (comme si la fonction même d’homme politique était à leurs yeux entachée d’infamie !), ils contestent fait le fondement du régime démocratique, à savoir l’idée de représentation politique.

 

En effet, lorsqu’un ministre se rend au Mont Herzl le Jour du Souvenir ou le Jour de l’Indépendance, il ne le fait pas en tant que membre d’un parti politique, ni même en tant que représentant du gouvernement dont il fait partie stricto sensu. Il vient incarner, au nom du gouvernement, la volonté populaire (la fameuse Vox Populi), qui s’est exprimée lors des élections et qui a porté au pouvoir une certaine coalition. Celle-ci gouverne le pays en tant que représentante et que mandataire de l’ensemble du peuple et de la nation israélienne. C’est précisément cette notion – pourtant familière à tout Juif à travers le concept ancien de « shalia’h tsibbour ») – qui est aujourd’hui remise en cause par les opposants au gouvernement, lorsqu’ils prétendent interdire aux ministres de participer aux cérémonies des jours sacrés que nous allons vivre cette semaine.

 

Comme je le montre dans mon livre Quelle démocratie pour Israël ? qui paraît ces jours-ci, l’enjeu du débat actuel en Israël – débat qu’on retrouve ailleurs dans le monde démocratique – dépasse de loin la seule question de la réforme judiciaire, car il porte en fait sur la nature même du régime démocratique. Paradoxalement, les partisans d’un « gouvernement des juges », en Israël comme ailleurs, contestent en fait l’idée classique de la démocratie représentative et du pouvoir politique. Voilà, en quelques mots, l’enjeu fondamental de l’idée de Mamlakhtiyout qu’il s’agit de retrouver cette semaine, pendant les jours sacrés du Yom Hazikaron et du Yom Ha’Atsmaout.

Pierre Lurçat

 

N.B. Je donnerai une conférence en Zoom dimanche 30 avril à 19h30 sur le thème « Quelle démocratie pour Israël ».

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Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? vient de paraître aux éditions L’éléphant. Il est disponible sur Amazon, B.o.D. et dans toutes les bonnes librairies.


Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.

Liliane Messika, écrivain, Mabatim

 Dans ce petit livre très dense et très pédagogique, Pierre Lurçat nous éclaire sur la crise actuelle que traverse Israël”.

Evelyne Tschirhart, écrivain, Dreuz

On ne peut imaginer ouvrage plus clair et plus adéquat pour comprendre quel est l’enjeu de ce qui s’est passé dans le pays”.

Rav Kahn, Kountrass

 

 

 

[1] Son fils Shlomo est mort lors de l’opération « Paix en Galilée » en 1982.

[2] Voir ma série d’articles sur « Le conflit identitaire israélien ».

[3] Selon Danny Trom, c’est Ben Gourion qui aurait créé l’expression de Mamlakhtiyout, qu’il traduit par étatisme ou par sens civique.

Yom Ha’Atsmaout 5783 : Retrouver le sens de la Mamlakhtiyout, Pierre Lurçat

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