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elections israeliennes

Après le pogrome de Lod : Repenser le statut de la minorité arabe en Israël * Pierre Lurçat

May 18 2021, 06:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

 

Les images terrifiantes des pogromes anti-juifs à Lod, Acco et ailleurs ont ramené Israël un siècle en arrière : au temps du Yishouv, la collectivité juive pré-étatique en Eretz-Israël. En 1921, puis en 1929 et en 1936, ce sont les mêmes scènes d’attaques anti-juives menées sous le regard passif de la police britannique qui ont durablement marqué les habitants du Yishouv, et que l’historiographie sioniste désigne par l’euphémisme d’”événements”. Ce retour en arrière, cette terrible régression politique pour le peuple Juif, interroge les fondements du projet imaginé par les pères fondateurs du sionisme moderne, à savoir un Etat juif, dans lequel pourraient coexister une majorité juive et des minorités non juives.

 

“KristallNacht in Lod” (titre du Jewish Journal)

 

Les pogromes perpétrés par des citoyens arabes israéliens contre des citoyens juifs à Lod et ailleurs n’ont en fait pas seulement fait voler en éclats, selon le raccourci journalistique, la “coexistence judéo-arabe” au sein de l’Etat d’Israël. Ce qui a été détruit dans le feu des incendies de synagogues et de maisons juives, rappelant aux Israéliens - toutes origines confondues - les souvenirs sinistres des pogromes d’Europe de l’est, d’Afrique du Nord et d’ailleurs, c’est aussi et surtout l’idée même que la plupart d’entre nous se faisaient, jusqu’à ce jour, de la possibilité de faire exister une minorité arabe dans un Etat à majorité juive. Est-ce que les pères fondateurs du sionisme politique se sont trompés, comme l'écrit Sammy Ghozlan (1)? En réalité, ce n'est pas le modèle de l’Etat juif des pères fondateurs qui s'est écroulé sous nos yeux, mais bien son antithèse, à savoir l’Etat post-sioniste “de tous ses citoyens”. 

 

Rappelons que la précédente vague de violences du secteur arabe israélien s’était produite au paroxysme de la vague post-sioniste, en octobre 2000, sous le mandat d’Ehoud Barak. Celui-ci est en effet le Premier ministre qui a été le plus loin dans l’application des idées post-sionistes consacrées par les accords d’Oslo. C’était alors, rappelle Emmanuel Shiloh dans les colonnes de Besheva (2), pour attirer les voix arabes et remporter ainsi les élections que Barak avait désigné la fameuse commission Or, dont le rapport a fait porter aux chefs de la police la responsabilité des événements sanglants déclenchés par des Arabes israéliens. C’est à ce moment que la police a été littéralement émasculée, avec les conséquences dramatiques auxquelles on assiste aujourd’hui.

 

Dès lors, ces événements dont la gravité dépasse peut-être celle des missiles tirés sur Tel-Aviv et Jérusalem, placent devant un choix fatidique tant la minorité arabe que la majorité juive d’Israël. Aux Arabes, il appartient de choisir s’ils veulent rester des citoyens d’un Etat à majorité juive, avec les droits dont ils bénéficient déjà et les obligations - dont certaines leur ont été jusqu’alors évitées, pour de multiples raisons. Aux Juifs, il revient de redéfinir le fondement de l’identité nationale israélienne - comme avait tenté de le faire la Loi sur “Israël Etat-nation du peuple Juif”, de manière prémonitoire, et de redéfinir surtout ce qu’ils attendent des minorités non-juives vivant dans l’Etat d’Israël.

 

Concernant les Arabes israéliens tout d’abord : ceux qui ont participé aux pogromes anti-juifs doivent payer les conséquences de leurs actes. Ils doivent être identifiés, jugés et lourdement condamnés. Si l’arsenal juridique existant ne le permet pas, il pourrait être opportun d’y ajouter une peine de déchéance de nationalité, pour les atteintes aux personnes et aux biens juifs à caractère antisémite avéré. Israël a été créé pour que le peuple Juif échappe à tous les pogromes et farhoud consubstantiels à l’existence exilique, et il ne peut abriter en son sein des pogromistes, fussent-ils détenteurs d’une carte d’identité. 

 

Mais au-delà de leur cas, c’est l’ensemble de la minorité arabe qui doit choisir son identité. Ses membres doivent choisir entre devenir des Israéliens de culture arabe, ou bien rester des “Palestiniens vivant en Israël”. Le choix de l’identité israélienne ne se résume pas à une question administrative. Ils doivent assumer jusqu’au bout les contradictions de leur double identité, et les résoudre de manière non équivoque. Rester Israéliens implique qu’ils renoncent à toute identification publique à la cause palestinienne, sous peine de devenir la “cinquième colonne” des ennemis d’Israël. Ce choix leur appartient en définitive, et c’est à eux qu’il incombe de tracer leur avenir.

 

Ahmad Tibi : représentant d’Arafat à la Knesset

 

Mais ce choix crucial concerne également la majorité juive en Israël. Celle-ci a en effet, surtout depuis les années 1990 et la vague montante du post-sionisme, oublié les droits et les obligations afférentes au statut de majorité. Sous les coups de boutoir de l’idéologie post-sioniste - véhiculée par la Cour suprême et par de larges fractions de l’université et des médias - Israël a oublié les fondements du sionisme politique et a permis à ses ennemis de venir se nicher au cœur même de sa représentation politique, à la Knesset. L’autorisation donnée à des partis arabes niant le caractère juif de l’Etat et soutenant ouvertement le Hamas, l’OLP et les autres ennemis d’Israël de siéger à la Knesset a sapé le fragile équilibre sur lequel reposait l’existence d’une minorité arabe en Israël. 

 

La faute en incombe non seulement aux électeurs arabes qui ont élu ces représentants, mais aussi aux institutions juives qui ont permis à ces partis arabes de prospérer - alors même que la Loi israélienne contenait les instruments pour interdire de tels partis (chaque mesure d’interdiction prononcée par la Commission électorale à leur encontre ayant été annulée par la Cour suprême). Le summum de l’absurde  a été atteint à au moins deux reprises : la première, quand le conseiller spécial d’Arafat, Ahmad Tibi, est devenu député à la Knesset. La seconde, quand  le fondateur du parti Balad, Azmi Bishara,  a été accusé d’espionnage en faveur du Hezbollah en pleine guerre du Liban, et a quitté Israël pour échapper à la justice, trouvant refuge à Doha.

 

Le cas Bishara est sans doute plus révélateur encore que celui de Tibi. Cet intellectuel formé à l’université berlinoise (où il a étudié aux frais du parti communiste israélien), est rapidement devenu la coqueluche de certains médias israéliens, qui voyaient en lui un intellectuel brillant, parlant le même langage qu’eux. Voici le portrait que dressait de lui le journaliste Nahum Barnéa, dans le quotidien Yediot Aharonot (3) : “Il était devenu le gourou des cercles intellectuels... comme l’institut Van Leer de Jérusalem. A leurs yeux, il était un philosophe combattant. Les femmes tombaient amoureuses de lui. Les hommes lui ouvraient les portes de l’académie….”. 

 

Azmi Bishara, la coqueluche des médias israéliens

 

Selon Barnéa, qui appartient à la gauche israélienne, Bishara s’est servi du cheval de Troie du “rapprochement judéo-arabe” et de “l’État de tous ses citoyens” pour pénétrer les cercles d’influence, alors qu’il n’a en fait jamais renoncé à son credo politique nationaliste arabe. Le jugement de Barnéa est d’autant plus instructif qu’il fait lui-même partie de ceux qui se sont laissé abuser par la rhétorique de Bishara. Si l’exemple de Bishara doit nous enseigner une chose, c’est que la ‘houtspa des députés arabes israéliens radicaux se nourrit de la naïveté et de la cécité politique de ceux qui ont apposé un tampon de “cacherout” politique sur leurs opinions anti-israéliennes extrémistes.

 

Rien ne sera plus comme avant dans les rapports entre Juifs et Arabes en Israël. Mais cela n’est pas forcément une mauvaise chose; car la fin d’un mensonge peut aussi inaugurer de nouvelles relations plus vraies. Aux Arabes, il faudra apprendre à vivre comme une minorité assumant pleinement ses obligations civiques (y compris celle d’accomplir un service national - militaire ou civil, à eux de choisir - et de respecter l’hymne national et les autres symboles de l'Etat juif). Aux Juifs, il appartiendra de savoir se comporter en majorité digne et de ne pas brader ses droits et son identité nationale. 

 

La question du caractère juif de l’Etat d’Israël n’était pas, comme nous avons pu le croire pendant trop longtemps, un luxe réservé aux débats intellectuels et médiatiques. Elle est lourde de conséquences pour notre existence même. Soit Israël restera un Etat juif, à condition de se défendre à l’extérieur et à l’intérieur de ses frontières, soit il deviendra “l’Etat de tous ses citoyens”, prélude à la guerre civile et à la fin du rêve sioniste.

Pierre Lurçat

1. https://www.cjfai.com/fwd-les-peres-fondateurs-de-letat-disrael-seseraient-ils-trompes/

2. E. Shilo, “Le natsea’h bé-Azza vegam bé-Lod”, Besheva 13.5.2021. https://www.inn.co.il/news/492487 

3. https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3399642,00.html

 

Article paru initialement sur le site Menora.info

 

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Quel Etat pour Israël aujourd’hui et demain? La question de l’identité au coeur du débat politique

September 18 2019, 17:40pm

En écho à la campagne électorale qui vient de s'achever dans l'incertitude, je publie ici la conclusion de mon dernier livre, Israël le rêve inachevé. Elle traite de la question de l'identité d'Israël, question qui était sans doute l'enjeu essentiel de ces élections et que j'aborderai demain soir à 20H00, dans une conférence au Farband, sous l'égide de la Loge Ben Gourion du Bnai-Brith, sur le sujet "Israël a-t-il vocation à être un Etat juif?". P.L.

La question de l’identité d’Israël est à la fois très actuelle et très ancienne : elle remonte aux origines mêmes du projet sioniste moderne, dont elle constitue un aspect fondamental. La crise de l’Ouganda, dont nous avons décrit les tenants et les aboutissants, a constitué à cet égard une « crise d’adolescence » du sionisme politique, qu’elle a placé devant un dilemme crucial : à travers le choix tactique entre l’asile de nuit de l’Ouganda et l’objectif final d’Eretz-Israël, c’est la question de l’orientation essentielle du sionisme – au sens géographique, mais aussi spirituel – qui s’est posée dans toute son acuité dramatique. Mais le choix en faveur de la terre d’Israël n’a pas résolu de manière définitive la question ; il n’a fait que la repousser. Celle-ci ressurgit en effet régulièrement et continue depuis lors d’agiter le débat interne sioniste, puis israélien, jusqu’à nos jours. 

 

 

Cette interrogation cruciale, qui traverse toute l’histoire moderne d’Israël, dépasse pourtant de loin les enjeux politiques quotidiens du mouvement sioniste, du Yichouv puis de l’État d’Israël après 1948. Elle prend tantôt l’aspect d’une question culturelle (celle de la culture juive profane, que les premiers théoriciens du sionisme entendaient créer), tantôt celui d’une question linguistique (la langue de l’État juif sera-t-elle l’hébreu ou l’allemand, comme l’avait envisagé un temps Herzl?), parfois encore celui d’une question religieuse et politique (quelle place doit être dévolue à la religion juive au sein de l’État?). Mais en réalité, sous ses formes multiples et diverses, c’est au fond la même question qui se pose toujours : celle de l’identité de l'État et du peuple d’Israël. On la retrouve tant chez Herzl que chez Ben-Yehuda (dont le premier article, qui s’intitulait de manière éloquente, « Une question importante », portait sur la résurrection de la nation juive), tant chez Ben Gourion (lecteur assidu de la Bible et d’Homère) que chez Jabotinsky (lui aussi nourri à la double source de la culture juive et européenne).


 

Les nécessités impérieuses de l’heure, qui ont souvent imposé l’ordre du jour des dirigeants du mouvement sioniste, puis de ceux du Yichouv et de l’État d'Israël, n’ont jamais totalement fait disparaître cette question essentielle. En réalité, celle-ci a souvent été déterminante dans leurs choix, tout autant, sinon plus que les considérations de Realpolitik. N’est-ce pas ce que les délégués sionistes russes ont voulu signifier à Herzl, lorsqu’ils ont pris avec une ostentation sincère le deuil de Sion, lors du Congrès sioniste de Bâle en 1903? La nécessité de l’auto-défense, et plus tard celle de l’édification d’une armée juive, sont apparues comme une tragique évidence aux yeux des différents témoins, sionistes ou non, du terrible pogrome de Kichinev. C’est à partir de cet événement que le jeune Jabotinsky a élaboré la dimension militaire du sionisme, absente de la doctrine du fondateur du sionisme politique.

 

Jabotinsky

 

Mais, en même temps que son combat pour la création d’un bataillon ou d’une Légion juive, qui a occupé Jabotinsky entre 1914 et 1940, jusqu’à son dernier souffle, celui qu’on a souvent décrit de manière caricaturale comme un militariste pur et dur n’a en réalité jamais négligé la dimension culturelle du sionisme. Il a notamment consacré de nombreux articles et discours au problème de l’enseignement de l’hébreu en diaspora - rédigeant un atlas, élaborant une méthode d’apprentissage de « l’hébreu facile » ou défendant une écriture hébraïque en caractères latins ! Mais il s’est aussi interrogé sur la question de l’identité en décelant, derrière la crise de l’éducation vécue par sa génération (arrivée à l’âge adulte au tournant du vingtième siècle), une interrogation essentielle sur le but ultime de l’enseignement juif. Aux yeux de Jabotinsky, ce dernier devait en effet opérer un virage à cent quatre-vingt degrés : si, pendant la période de la Haskala, il visait à fondre les juifs dans l’humanité (selon le modèle de l’émancipation-assimilation), à son époque, il s’agissait non plus de faire des Juifs des hommes à part entière, mais de leur permettre de rester juifs…


 

On mesure combien le diagnostic établi par Jabotinsky il y a plus d’un siècle était, sur ce point comme sur d’autres, en avance sur son temps. Car c’est précisément dans ces termes que se pose aujourd’hui le débat scolaire et culturel en Israël ! Faut-il permettre aux jeunes Israéliens de devenir avant tout des hommes éclairés et des bons « citoyens du monde » (thèse défendue par les tenants de l’éducation humaniste), ou bien mettre plutôt l’accent sur le contenu spécifiquement juif de l’enseignement? La question est évidemment politique, et on sait que les coalitions en Israël se font et se défont souvent autour des questions de l’enseignement, de l’armée et du respect du shabbat dans l’espace public : en d’autres termes, autour de la question de l’identité.

 

 

Le sujet par lequel nous avons choisi de clore ce livre, celui du Mont du Temple, est emblématique à cet égard, car il constitue la pierre de touche du sionisme politique et l’un des sujets les plus brûlants du débat interne à Israël aujourd’hui. Plusieurs des pères fondateurs du sionisme et de l’État juif - Herzl, Jabotinsky ou Avraham Kook - partageaient, au-delà de leurs conceptions très différentes de l’État et de la place que la tradition juive devait y occuper, une conception commune de la nécessité de reconstruire le Temple de Jérusalem, symbole et centre de l’existence juive renouvelée en terre d’Israël. Ainsi, dans son roman programmatique Altneuland, Theodor Herzl imagine et décrit avec une précision étonnante la ville sainte, capitale du futur État juif. La lecture de ce roman de politique fiction écrit en 1902 montre que l’État envisagé par Herzl était marqué par une double influence occidentale et juive, qui s’exprime notamment dans les deux édifices qu’il envisage au cœur de la Nouvelle Jérusalem, capitale du futur État juif : le Palais de la paix et le Temple. 


 

Si le Palais de la Paix exprime la dimension universaliste très présente chez Herzl, et ses conceptions progressistes marquées par l’optimisme caractéristique du dix-neuvième siècle (que l'on peut rapprocher de celui d’un Jules Verne), le Temple exprime la continuité juive et l’enracinement de l’État juif dans l’histoire et la tradition juive bimillénaire. Altneuland est ainsi, conformément à son titre, un pays à la fois ancien et nouveau. L’extrait suivant permet d’apprécier la place que Herzl attribue au Temple dans la Jérusalem reconstruite : 

 

« Ils étaient montés directement de Jéricho au mont des Oliviers, d’où le regard embrasse un vaste panorama circulaire, qui incite au rêve. Jérusalem était restée la Sainte. Elle resplendissait toujours des monuments érigés dans ses murs par les religions au cours des siècles et par des peuples divers. Mais quelque chose de neuf, de vigoureux, de joyeux s’y était ajouté : la vie ! Jérusalem était devenu un corps gigantesque et respirait. La vieille ville, ceinte de ses murailles respectables, n’avait que peu changé, pour autant qu’on pouvait en juger du haut du mont. Le Saint-Sépulcre, la mosquée d’Omar, les coupoles et les toits de jadis étaient les mêmes. Toutefois, mainte merveille les complétait. Le palais de la Paix, par exemple, un vaste édifice neuf, étincelait au soleil. Un grand calme régnait sur la vieille ville.

 

Hors les murs, Jérusalem offrait un autre spectacle. Des quartiers neufs avaient surgi, traversés de rues plantées d’arbres, une épaisse forêt de maisons entrecoupée d’espaces verts, où circulaient des tramways électriques, des boulevards et des parcs, des écoles, des bazars, des bâtiments publics somptueux, des théâtres et des salles de concert. David nomma les bâtiments les plus importants. C’était une métropole du vingtième siècle.

 

Mais on ne pouvait détacher son regard de la Vieille ville, au centre du panorama. Elle s’étendait de l’autre côté de la vallée du Kidron, dans la lumière de l’après-midi, et une atmosphère de solennité flottait sur elle. Kingscourt avait posé toutes les questions possibles, et David y avait répondu. Mais quel était ce palais gigantesque, blanc et or, dont le toit reposait sur des colonnes de marbre, sur une forêt de colonnes à chapiteaux dorés ? Friedrich ressentit une profonde émotion quand David répondit : ‘C’est le Temple’…

 

 

Ainsi, le fondateur du sionisme politique décrit une Jérusalem moderne, métropole du vingtième siècle reconstruite autour du Temple et du Palais de la paix, symbolisant la double aspiration à la continuité et au renouveau, à la perpétuation de la tradition juive et à l’ouverture vers l’universel qui doivent toutes deux guider, selon Herzl, le projet sioniste. Cette idée apparaît également dans un paragraphe de son livre L’État juif consacré à l’architecture : « La nature même de la région inspirera le génie aimable de nos jeunes architectes… Le Temple continuera d’être bien visible, puisque seule l’ancienne foi nous a maintenus ensemble ». Dans son Journal également, il évoque en ces termes sa visite à Jérusalem en 1898 : « A travers la fenêtre, je contemple Jérusalem qui s’étend devant moi. Même délabrée, c’est toujours une belle ville. Quand nous nous y installerons, elle redeviendra peut-être une des plus belles villes du monde ». 


 

Cent-vingt ans après la visite en Terre Sainte du fondateur du mouvement sioniste, la prophétie de Zeev Binyamin Herzl s’est accomplie. L’État juif est une réalité, et Jérusalem est effectivement devenue une ville moderne, qui s’étend bien au-delà de la Vieille Ville et des ruelles malodorantes qu’il a parcourues à l’automne 1898. Loin de s’abandonner au sentiment de désespoir que la vue de la ville sainte dans sa désolation avait suscité en lui, Herzl a su décrire et imaginer ce qu’elle pourrait devenir, dans le futur État juif à la construction duquel il a donné sa vie. « Ce pourrait être une cité comme Rome et le Mont des Oliviers offrirait un panorama comparable à celui du Janicule. Je sertirais comme un écrin la Vieille Ville avec tous ses restes sacrés. Sur le flanc des collines, qui auraient verdi par notre labeur, s’étalerait la nouvelle et splendide Jérusalem ».


 

L’État d’Israël lui-même, ce « corps gigantesque » qui respire et qui vit, pour reprendre l’image de Herzl, ressemble beaucoup aujourd'hui au pays imaginé par celui-ci dans Altneuland et dans l’État juif, mélange de tradition et de modernité, au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Jérusalem, ville où ma mère est née en 1928 et où j'habite depuis plus de vingt-cinq ans, est bien devenue une des plus belles villes du monde, comme l'avait prédit Herzl. Depuis le quartier où je vis, on peut apercevoir en même temps, en regardant vers le Sud, les murailles de la Vieille Ville et l'emplacement du Temple et, en portant le regard vers l'Ouest, à l'horizon, le pont des cordes, gigantesque monument qui orne depuis dix ans l'entrée de la ville nouvelle, œuvre de l'architecte espagnol Santiago Calatrava. J'aime ce pont ultra-moderne qui s'intègre pourtant parfaitement dans le paysage de Jérusalem, avec ses cordes évoquant la harpe du Roi David et sa pointe tendue vers le ciel. Il est, à l'image de notre capitale et de notre pays, à la fois futuriste et ancré dans la tradition, ouvert sur l'avenir sans renier le passé.


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Le piéton qui emprunte le pont en venant du Palais de la Nation, à l'entrée de la ville, peut enjamber en quelques minutes plusieurs artères très fréquentées, et rejoindre le quartier de Kyriat Moshé, bastion du sionisme religieux. En levant les yeux au ciel, le regard est attiré par les immenses cordes métalliques qui s'élancent vers les hauteurs. Au crépuscule – qui n'est jamais un moment de tristesse, car il marque dans la tradition juive le début d'un jour nouveau – on peut voir scintiller les premières étoiles, au-dessus de l'armature immense du pont. Celui-ci ressemble alors, dans la nuit tombante, à un navire géant qui vient de jeter l'ancre à Jérusalem, ville de montagne bâtie en bordure du désert, « ville portuaire sur les rives de l'éternité » (Yehouda Amihaï). Les Juifs venus du monde entier descendent sur le quai de la Ville sainte, unis dans l'allégresse et dans l'espoir, chacun ajoutant sa voix à la partition encore inachevée du rêve d'Israël devenu réalité.

 

(Extrait d'Israël, le rêve inachevé, éditions de Paris 2018)

 

 

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Avocat, essayiste et auteur de 6 ouvrages
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Le nouveau Premier ministre d’Israël s’appelle… Binyamin Nétanyahou par Pierre Lurçat

April 10 2019, 11:50am

Posted by Pierre Lurcat

 

Le 9 avril 2019, Daleth bé-Nissan 5778, restera un jour marqué d’une pierre blanche pour le peuple d’Israël. La démocratie israélienne s’y est en effet montrée sous son meilleur jour. Au terme de longues semaines d’une campagne électorale virulente, marquée par des échanges d’insultes, des arguments démagogiques, une désinformation sans précédent et des calomnies quotidiennes, le peuple s’est prononcé. Son verdict est sans appel : il a redonné mandat à Binyamin Nétanyahou pour présider au destin d’Israël. Rappelez-vous bien cette date: elle marque sans doute le début d’une nouvelle ère pour Israël.

 

 

Rappelez-vous bien cette date, car les médias - en France et ailleurs - vont dès demain reprendre leur litanie anti-israélienne, en prétendant que Nétanyahou n’est pas l’élu du peuple et le représentant de la seule démocratie du Moyen-Orient, mais qu’il est un “populiste nationaliste” représentant “l’extrême-droite nationaliste et religieuse”, pour citer un ancien ministre des Affaires étrangères français. L’intervention grossière du président Emmanuel Macron dans la campagne électorale israélienne n’aura été que la partie visible de l’iceberg de la diplomatie française qui s’efforce depuis des lustres, par des moyens visibles ou cachés, d’affaiblir l’Etat juif, au nom d’une politique hostile traditionnelle remontant aux années 1930, que le regretté Michel Darmon qualifiait avec raison de “croisade”, aux relents prononcés d’antisémitisme (1).

 

Rappelez-vous bien cette date, car en Israël même, les médias et les vieilles élites de la gauche vont très vite entamer à nouveau le refrain qu’elles ne cessent de déclamer depuis des mois et des années : “Nétanyahou n’est pas capable de gouverner Israël. Il doit être jugé et condamné”. Après avoir perdu tout espoir de faire tomber Nétanyahou par la voie démocratique, ils vont reprendre leurs manigances pour priver le peuple israélien du résultat de son vote. La Cour suprême - qui est devenue depuis trois décennies le premier pouvoir en Israël - les médias majoritairement acquis à l’opposition, les “élites” des mondes des arts, de la culture et de l’université qui n’ont jamais accepté le “Ma’apa’h” - l’arrivée au pouvoir de la droite en 1977 et surtout celle du successeur de Menahem Begin et d’Itshak Shamir, Binyamin Nétanyahou - vont reprendre leur travail de sape.

 

Mais rien de tout cela ne pourra changer cette réalité simple et dérangeante, que ses ennemis à l’extérieur, et ses adversaires à l’intérieur ont beaucoup de mal à accepter: Nétanyahou est le Premier ministre d’Israël! Il est, comme je l’écrivais il y a quelques semaines, le seul candidat qui peut aujourd’hui diriger Israël. Et ses accomplissements politiques et diplomatiques en font un des meilleurs Premiers ministres qu’a connus Israël depuis 1948. Il est le digne fils du professeur Bentsion Nétanyahou (2).


 

Bentsion Netanyahou et son fils, lors d’une cérémonie en souvenir de Yoni

 

Comme l’écrit avec clairvoyance Caroline Glick, il existe un écart considérable entre l’image de Nétanyahou véhiculée par les médias israéliens et sa personnalité véritable. C’est en effet Binyamin Nétanyahou qui a “transformé Israël en puissance économique et militaire” et a utilisé cette puissance économique pour “asseoir une nouvelle stratégie diplomatique”. Nétanyahou, conclut Glick (4), est le “dirigeant le plus important qu’a connu Israël depuis Ben Gourion” et aussi le plus sous-estimé. Je partage sans réserve le jugement de Caroline Glick, candidate sur la liste de la Nouvelle Droite israélienne, dont on ne sait pas à l’heure où j’écris ces lignes si elle entrera à la Knesset.

 

Mais j’ajouterai à ces mots une chose - cruciale à mes yeux. Si Nétanyahou a montré sa dimension de dirigeant et d’homme politique sur le plan de la diplomatie et de la politique étrangère, tissant des relations d’égal à égal avec les chefs des plus grandes puissances et hissant de fait Israël au rang qui lui revient de puissance sur la scène des nations, il lui reste à accomplir la même chose sur le plan intérieur.

 

Nétanyahou deviendra un des grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Rappelez-vous bien la date du 9 avril 2019. Nétanyahou a été réélu pour la cinquième fois à la tête d’Israël. Le petit-fils du rav Nathan Milikovsky, qui adopta le nom de plume de “Nétanyahou” - qui signifie “Dieu nous a donné”, est d’ores et déjà entré dans l’histoire d’Israël.

Pierre Lurçat

NB j'ai commenté les résultats des élections ce matin sur Studio Qualita

https://www.youtube.com/watch?v=KfBnI6rOiVA

Nétanyahou et sa femme Sarah, montrant le sceau biblique qui porte son nom

 

(1) Voir sur ce sujet le livre indispensable de David Pryce-Jones, Un siècle de trahison, La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007, Denoël 2007.

(2) Je consacre un chapitre de mon dernier livre à la figure marquante de Bentsion Nétanyahou.

(3) Je renvoie sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris 2018.

 

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Pour comprendre Benjamin Nétanyahou : sans fard ni caricature : Quelques liens sur la famille sioniste révisionniste, de Jabotinsky à Nétanyahou, Pierre Lurçat

April 8 2019, 14:06pm

J’ai répondu il y a quelques semaines au livre-brûlot de l’arabisant Jean-Pierre Filiu contre Nétanyahou et contre Israël, qui dresse un portrait caricatural du Premier ministre de l’Etat d’Israël. Entre-temps,  l’actualité nous a rappelé que le “Bibi-bashing” (dénigrement de Bibi) n’était pas l’apanage des ennemis d’Israël. La campagne électorale israélienne, qui touche à sa fin, a débordé hors des frontières de notre pays, y compris dans la communauté juive de France.

 

J’ai été un peu (mais pas trop) surpris de constater que le site Akadem, le “campus numérique juif”, venait ainsi de mettre en ligne une “conférence” (qui est en réalité une courte interview) de l’écrivain israélien A.B. Yehoshua, sous le titre racoleur “Nétanyahou, le Berlusconi israélien”. Que M. Yehoshua n’aime pas Nétanyahou (avec lequel il affirme ne pas vouloir “se trouver dans la même pièce”), c’est son droit le plus strict. Mais pourquoi le Fonds Social Juif unifié et son site Akadem ont-ils trouvé opportun de mettre en ligne ces propos à quelques semaines des élections?


 

Nétanyahou : le “Berlusconi israélien” ou le “refondateur du sionisme”?


 

J’ai proposé au nouveau dirigeant du FSJU, Richard Odier, de mettre en ligne une interview sur le même sujet, dans laquelle j’apporterai un autre son de cloche. En attendant de savoir si ma demande sera entendue, je propose ci-dessous quelques liens concernant Nétanyahou, son père et sa famille politique, et le père fondateur du sionisme de droite, Zeev Jabotinsky. Mon intention n’étant pas d’appeler à voter pour Nétanyahou, mais simplement, comme je l’ai fait récemment dans une série de conférences organisée à l’oulpan Névé Tsedek de Tel-Aviv, de donner aux électeurs - et aux juifs francophones en général, un autre point de vue sur la politique israélienne que celui - biaisé et caricatural - des grands médias, en France et ailleurs.

Pierre Lurçat

 

1) Sur Jabotinsky, le fondateur du sionisme de droite

 

L’excellente émission “Histoires” que Valérie Perez a consacrée à Jabotinsky

https://video.i24news.tv/details/_5857975342001

 

Ma conférence “Qui est Vladimir Jabotinsky?” donnée au centre Émouna à Jérusalem

https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=-jvmZjiSD88

 

“Jabotinsky, pionnier de l’antiracisme en Amérique”

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/01/jabotinsky-pionnier-de-l-antiracisme-en-amerique-pierre-lurcat.html

 

http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2012/05/11/reflexions-sur-l-idee-du-yovel-dans-la-pensee-sociale-de-zee.html


 

Le compte-rendu de l’autobiographie de Jabotinsky traduite en français sur le site du CRIF

http://www.crif.org/fr/alireavoiraecouter/Vladimir-Zeev-Jabotinsky-Histoire-de-ma-vie-Editions-les-Provinciales-traduit-de-l-hebreu-par-Pierre-I-Lur

 

 

2) Sur la famille Nétanyahou et sur le professeur Bentsion Nétanyahou

 

“Bentsion Nétanyahou et le combat politique pour la création de l’État juif”

http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2013/04/18/bentsion-netanyahou-et-le-combat-politique-pour-la-creation1.html#more

 

“Une lettre de Jabotinsky au rav Milikovski, grand-père de Nétanyahou”

http://www.terredisrael.com/infos/une-lettre-de-jabotinsky-au-rav-milikovski-grand-pere-de-netanyahou-par-pierre-itshak-lurcat/

 

Bentsion Netanyahou et son fils, lors d’une cérémonie en souvenir de Yoni

 

3) Sur Benjamin Nétanyahou et la politique israélienne

 

“Qui est véritablement Benjamin Nétanyahou?” - Recension du livre d’Anshel Pfeffer,

http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/qui-est-veritablement-binyamin-netanyahou-par-pierre-lurcat-bibi-la-vie-et-l-epoque-turbulente-de-benjamin-netanyahou.html

 

“Nétanyahou et l’Iran : le secret d’un combat pour la survie d’Israël”

http://frblogs.timesofisrael.com/netanyahou-et-liran-le-secret-dun-combat-pour-la-survie-disrael/

“Droit, morale et politique : Trois réflexions sur Binyamin Nétanyahou et l’avenir d’Israël”

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/03/droit-morale-et-politique-trois-reflexions-sur-binyamin-netanyahou-et-l-avenir-d-israel-pierre-lurcat.html

 

Je renvoie également aux livres suivants

 

Bensoussan, Georges. Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, Fayard

 

Eytan, Freddy. Bibi, le réveil du faucon : Portrait biographique de Benjamin Netanyahou, Editions Alphée 2011.

 

Jabotinsky, Histoire de ma vie, Les provinciales

 

Nétanyahou, Yoni. Les lettres de Yoni Netanyahu: Le commandant de l'Opération Entebbe

et à mon dernier livre :

Lurçat, Pierre. Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris 2018.


 


 

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Conférence exceptionnelle le 17/2/19 - Elections israéliennes 2019: Connaître le passé, comprendre le présent et réflechir au futur

February 13 2019, 14:40pm

Posted by Pierre Lurçat

Conférence exceptionnelle le 17 février 2019 à Tel-Aviv:


Elections israéliennes 2019: Connaître le passé, comprendre le présent et réfléchir au futur

 

 

9 avril 2019

?

 

Une conférence pour tout savoir des institutions israéliennes, du sionisme politique, des grands hommes à l’origine de ce projet (Herzl, J‎abotinsky, Ben Gourion…) et de l'histoire des partis politiques israéliens de 1920 à aujourd’hui.


Une conférence animé par Pierre Lurçat, essayiste et traducteur, auteur de plusieurs essais sur le sionisme, Israël et l'islam radical.

Son dernier ouvrage "Israël, le rêve inachevé" est paru en novembre 2018 aux Editions de Paris.

Date : 17 février 2019
Horaire : 20h - 22h
Lieu : Ulpan Neve Tzedek, 7 Lilienblum Tel Aviv


Entrée : 20 shekels


Inscriptions auprès de Déborah Pewzer : 052 67 69 746



Cette conférence sera le premier volet d'un cycle de trois conférences :

24/02/19 - 2e conférence : "Le Débat constitutionnel, de la Déclaration d’Indépendance à la loi sur Israël Etat Nation du peuple juif”


03/03/19 - 3e conférence : “La contestation de l'Etat juif par les élites israéliennes”

 

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