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droit et politique

Kafka et Orwell au pays des Hébreux : Trois réflexions sur l’affaire Eli Feldstein

November 19 2024, 18:14pm

Posted by Pierre Lurçat

Eli Feldstein (photo Sraya Diamant/Flash90)

Eli Feldstein (photo Sraya Diamant/Flash90)

1.

Par-delà toute considération de politique politicienne, “l’affaire” Eli Feldstein devrait faire frémir toute personne sincèrement attachée au caractère démocratique de notre Etat et au bon fonctionnement des institutions en Israël. De quoi s’agit-il en effet ? Lorsqu’un officier israélien est incarcéré sans pouvoir rencontrer d’avocat, mis au secret dans une cellule aux côtés de terroristes arabes et soumis à d’intenses pressions psychologiques, au point d’envisager le suicide, en vue de lui faire avouer un “crime” dont il n’a pas la moindre idée, nous sommes plus proches du Procès de Kafka ou de L’aveu d’Arthur London que de la démocratie israélienne, telle que nous croyions la connaître et telle que nous la chérissons tous.

 

Que ceux qui ont initié cette procédure aient à la bouche les mots d’Etat de droit, ou qu’ils invoquent pour la justifier une “grave atteinte à la sécurité” de l’Etat ne change rien à l’affaire. Il est trop facile de dissimuler sous l’étiquette de la “sécurité de l’Etat” les pires atteintes aux droits de la personne humaine, pratique qu’on pouvait espérer révolue dans l’Etat d’Israël en 2024.

 

2.

Je n’ai évidemment pas la naïveté de croire que le Shin-Beth – le service de sécurité intérieure israélien – soit un parangon de vertu et de respect des droits de l’homme. Il a tendance, comme ses homologues du monde entier, à considérer que la fin justifie les moyens et que tous les moyens sont bons, dès lors qu’il s’agit des intérêts supérieurs de l’Etat et de sa sécurité. L’argument est discutable et il a souvent été discuté dans l’histoire du jeune Etat d’Israël. Le problème, dans le cas présent, est que le Shin-Beth n’a même pas "l’excuse" de la raison d’Etat, ou de la lutte contre les ennemis d’Israël.

 

Dans l’affaire Feldstein, en effet, il s’agit apparemment (car nous sommes loin de savoir à l’heure actuelle de quoi il retourne exactement) d’une tentative visant à “retourner” un proche collaborateur du Premier ministre, en vue d’en faire un témoin clé de l’accusation, dans le prolongement des nombreux procès intentés à B. Nétanyahou, qui n’ont à cette heure abouti à aucune accusation fondée et avérée. C’est donc d’une manipulation politique et policière qu’il est question – derrière le masque très contestable de la “sécurité de l’Etat” et de la protection de ses secrets.

 

3.

Le document incriminé, qui aurait été transmis au Bild allemand par Eli Feldstein, traite apparemment de la stratégie du Hamas dans la négociation sur la libération des otages et établit précisément que ce sont les chefs de l’opposition et leurs soutiens qui ont fait depuis un an le jeu du Hamas, en faisant monter le prix des otages et en semant la division interne en Israël. Tout cela confirme l’idée que l’arrestation de Feldstein vise, une fois de plus, à faire de Nétanyahou un commode bouc émissaire, en détournant l’attention du public des véritables coupables du 7 octobre et de ses suites.

 

Mais, comme le Premier ministre l’a déclaré lundi dernier, “le peuple d’Israël n’est pas idiot”. Ou, pour dire les choses autrement, on ne peut pas mentir tout le temps et à tout le monde. Le jeu dangereux auquel se livrent le Shin-Beth et les grands médias anti-Bibi depuis quelques semaines risque fort de se retourner contre eux, en montrant de manière éclatante qu’ils ont confondu leurs étroits intérêts politiques avec ceux de l’Etat et que le Shin-Beth est devenu – avec l’aval de la Cour suprême et de l’establishment judiciaire actuel – un outil politique et une sorte de “police politique”, qui n’a plus rien à voir avec l’Etat de droit et la démocratie. Comme le disait lundi le commentateur chevronné Amnon Lord, le Shin-Beth a été trop loin et il faut qu’il soit remis à sa place et encadré par la loi. Il est grand temps que le législateur se penche sur le cas du Shin-Beth et nettoie une fois pour toutes les écuries d’Augias des services de sécurité israéliens.

P. Lurçat

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Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (II): Les normes perverties de la justice israélienne

July 30 2024, 16:34pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (II):  Les normes perverties de la justice israélienne

 

A ceux qui pensaient que le 7 octobre avait rendu obsolète le débat sur la réforme judiciaire, les événements des derniers jours apportent un démenti cinglant, et une preuve concrète que celle-ci n’a jamais été aussi actuelle qu’aujourd’hui. La décision scandaleuse du procureur de l’armée de poursuivre et d’arrêter des soldats réservistes, soupçonnés d’avoir commis des “actes illégaux” à l’encontre de terroristes de la Nuhba se trouvant sous leur garde, a placé sous les feux de l’actualité la question lancinante des normes que la justice israélienne prétend imposer à Tsahal, dans son combat existentiel contre le Hamas et les autres ennemis d’Israël. Deuxième volet de notre série d’articles consacrée à la responsabilité de l’establishment judiciaire dans la tragédie du 7 octobre.

Lire la 1e partie : Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (I) La Cour suprême et la première brèche dans la barrière autour de Gaza - VudeJerusalem.over-blog.com

Comme l’a déclaré avant-hier (lundi) la mère d’un des réservistes poursuivis par la justice militaire, “la justice n’est pas capable de faire la distinction entre un frère et un ennemi”. C’est précisément, résumé de manière lapidaire, le cœur du problème. Aux yeux du procureur militaire, comme des juges de la Cour suprême et de l’establishment judiciaire dans son ensemble, il n’y a pas de différence fondamentale entre un soldat de Tsahal qui risque sa vie pour défendre son peuple et sa terre, et un terroriste du Hamas ! Les deux sont des “sujets de droit” et la même justice abstraite et coupée des réalités doit s’appliquer à eux. L’anecdote suivante permettra de le comprendre.

 

Une des informations les plus scandaleuses publiées cette semaine en Israël fait état d’appels téléphoniques réalisés sur l’initiative du cabinet du procureur à destination de terroristes du 7 octobre qui ont été depuis relâchés et renvoyés à Gaza, pour savoir “Quelle était leur impression après leur détention en Israël” ! Vous avez bien lu ! Aux yeux de certains membres haut placés de l’establishment judiciaire israélien, il est important de savoir si les terroristes relâchés sont satisfaits de leurs conditions de détention… On croit rêver ! Ce même cabinet du procureur qui considère les valeureux soldats de Tsahal qui risquent leur vie chaque jour comme des criminels en puissance traite les terroristes du Hamas comme des consommateurs du système pénitentiaire israélien et s’enquiert de leur “satisfaction”…

 

Pour comprendre cette information hallucinante, il faut essayer de se mettre dans la tête du procureur militaire, du procureur de l’Etat et de l’ensemble des membres de l’establishment judiciaire actuel en Israël. Essayer d’oublier toutes les valeurs que nous partageons communément – amour du peuple Juif, de la terre d’Israël et de sa Torah – pour tenter d’adopter par la pensée un système de valeurs très différent. Dans ce système, seule la loi compte. Comme l’a dit un jour le juge Aharon Barak, “grand-prêtre” du système judiciaire depuis quatre décennies et mentor des élites israéliennes en général, seule la loi est légitime, et seul le juge est habilité à comprendre la loi et à la “dire” au peuple ignorant[1].

 

Le mépris et la condescendance inhérents à une telle conception sont encore apparus récemment, lors de l’audience de la Cour suprême au cours de laquelle le juge Fogelmann a consenti à “expliquer” aux familles de victimes présentes pourquoi l’Etat d’Israël était un “Etat de droit” et comment cela l’obligeait à approvisionner les habitants de la bande de Gaza… Il fallait voir la mine satisfaite et le regard condescendant et légèrement amusé avec lesquels Sa Majesté le Juge s’adressait au “petit peuple”, pour comprendre combien la caste à laquelle il appartient méprise le peuple d’Israël.

 

La loi dans son acception occidentale, qui est celle adoptée sans réserve par le juge Barak – ou le “légalisme” comme l’explique le rabbin Léon Ashkénazi dans son commentaire sur la parashat Matot – a pour particularité d’être entièrement dissociée de la morale. S’il est “légal” d’arrêter un soldat israélien accusé d’avoir “maltraité” un terroriste du Hamas, alors pourquoi ne pas le faire ? S’il est “légal” de nourrir les habitants de la bande de Gaza, quitte à renforcer le Hamas qui a la haute main sur la distribution de nourriture, alors c’est une obligation pour Tsahal de le faire ! Et tous les citoyens israéliens qui tentent d’empêcher l’approvisionnement de Gaza par Israël sont eux, des “délinquants”, qui doivent être empêchés de nuire, si besoin est au moyen de lourdes sanctions financières imposées par l’administration américaine, avec la collaboration active des banques et des autorités israéliennes…

 

Dans le monde du juge Barak, de la procureure de l’Etat Baharav-Myara et de leurs collègues, aucune norme morale ne permet de mettre en cause la “légalité”, dont ils détiennent seuls les clés d’interprétation. “Il n’existe aucun domaine de la vie qui échappe au droit”, explique doctement Barak, et seule la Cour suprême est habilitée à dire le droit, y compris en se plaçant au-dessus et à la place de la Knesset (qui ne représente que le “petit peuple”, ignorant et incapable de comprendre ce que signifie un Etat de droit). Voilà, en quelques mots, ce qui permet de comprendre pourquoi il est “légal” – et donc “légitime” et normal – de fournir les meilleures mangues, produites en Israël, à la population de Gaza et d’incarcérer les soldats de Tsahal qui n’ont pas fait preuve de suffisamment d’humanité envers les bêtes humaines qui ont commis les crimes du 7 octobre. (à suivre…)

P. Lurçat

 

 

[1] Sur ce sujet, je renvoie le lecteur à mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023.

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (II):  Les normes perverties de la justice israélienne

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Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

September 8 2023, 09:40am

Posted by Pierre Lurçat

Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

 

Il n’aura pas échappé au lecteur attentif du magazine en ligne Causeur que depuis six mois, le sujet d’Israël est quasiment absent de ses colonnes… Ce média qui était un des rares à défendre Israël dans le paysage médiatique français a choisi de se taire. Pourquoi ? Parce que le directeur de la rédaction de Causeur, Gil Mihaely, est opposé au gouvernement israélien. Mihaely vient ainsi de publier une tribune virulente, expliquant que le gouvernement de B. Nétanyahou “s’en prend aux deux socles de la société libérale, la Cour constitutionnelle et la société civile” et que “la base [électorale] de Nétanyahou préfère la synagogue aux llibertés”. 

 

Il est affligeant à mes yeux de voir un journaliste français donner des leçons de démocratie à Israël depuis la France, tout en soutenant ouvertement des régimes aussi peu démocratiques que ceux du Qatar ou de l’Azerbaïdjan… L’attitude actuelle de Causeur à l’égard d’Israël est d’autant moins logique que ce journal affiche ouvertement des opinions proches de Marine Le Pen en France, et prétend soutenir la “gauche” (caviar il est vrai) en Israël. On peut ainsi être à droite de la droite en France et faire la fine bouche avec la droite israélienne ! Causeur, comme d’autres médias, n’est pas à une contradiction près.

 

M. Mihaely, qui est un Israélien installé en France depuis longtemps, est libre d’avoir ses opinions comme chacun. Mais la moindre des choses aurait été, pour un média qui a pour slogan “Surtout si vous n’êtes pas d’accord”, de permettre à ses lecteurs d’entendre un autre son de cloche… Ayant longtemps contribué à son magazine, je me suis permis de lui adresser la réponse ci-dessous. M. Mihaely a refusé de la publier. Les lecteurs de Causeur ne connaîtront donc que le “point de vue officiel” du directeur de Causeur, devenu pour l’occasion l’émule de la Pravda… Je le regrette évidemment, pour eux comme pour Causeur dont j’ai apprécié jadis la liberté de ton. P.L.

 

En tant que contributeur régulier du magazine en ligne Causeur depuis plusieurs années, je souhaite répondre à l'article de Gil Mihaely, intitulé « Israël, des Jours redoutables ». Tout d'abord, il est très délicat d'affirmer que la crise politique actuelle en Israël serait due à la volonté du Premier ministre Binyamin Netanyahou d'échapper à une condamnation judiciaire. La simple chronologie dément cette explication simpliste. Le projet de réforme entamé par le gouvernement actuel est en effet bien plus ancien que le procès intenté à Nétanyahou… Le ministre de la justice Yariv Levin m'en avait ainsi exposé les grandes lignes dans une interview pour Israël Magazine parue en… 2011.

 

Venons-en au fameux risque de « crise constitutionnelle » que ferait peser la réforme judiciaire. L'expression même de « crise constitutionnelle » est problématique, s'agissant d'un pays qui n'a pas de véritable constitution, mais seulement un ensemble de « Lois fondamentales ». En réalité, c'est précisément l'absence de Constitution – définissant clairement la place de chaque institution et ses prérogatives – qui a permis à la Cour suprême, sous la houlette du juge Aharon Barak, de s'ériger en premier pouvoir depuis trois décennies, comme je l'ai relaté dans un livre récent.

 

S'il y a aujourd'hui une profonde crise politique en Israël, c'est surtout du fait du refus de l'actuelle opposition d'accepter le résultat des élections de novembre dernier et de sa volonté de faire tomber le gouvernement à tout prix, y compris celui d'un appel au refus de servir dans Tsahal et d'une atteinte possible à l'économie et à la cohésion sociale. Imputer la responsabilité de cette crise au seul Netanyahou et à sa coalition relève d'une lecture partisane de l'actualité israélienne. 

 

Ce qui m'amène au dernier point, celui de la coalition au pouvoir et de son caractère soi-disant extrémiste. Le magazine Causeur, auquel j'ai eu plaisir à contribuer pendant plusieurs années, est bien placé pour savoir combien il est facile de délégitimer un homme ou un parti politique, en arguant de ses opinions « extrémistes ». Le gouvernement israélien actuel repose sur une large coalition et réunit en son sein des partis très différents. Le présenter comme étant « ultra-orthodoxe » ou comme « d'extrême droite » ne correspond pas à la réalité socio-politique de la coalition actuelle et de l'électorat qui l'a portée au pouvoir. La majorité de 64 députés sur 120 qui a voté la Loi sur le critère de raisonnabilité était tout à fait fondée à le faire.

 

La question cruciale qui se pose aujourd'hui est de savoir si les juges de la Cour suprême, qui représentent sociologiquement les mêmes anciennes élites (laïques ashkénazes de gauche, pour simplifier) qui manifestent dans les rues depuis huit mois, respecteront le vote de la Knesset et sa compétence. Si la Cour suprême choisit l'affrontement, alors la crise se poursuivra, sans que cela remette en cause le caractère démocratique d'Israël et de ses institutions. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'un gouvernement démocratique devra imposer ses choix, contre l'avis de juges non élus…

 

Quant au scénario catastrophe d'une situation dans laquelle l'armée et le Mossad décideraient de ne plus obéir au gouvernement, mais plutôt à la Cour suprême, érigée en dernier bastion d'un contre gouvernement des juges, il relève de la politique fiction. Depuis 1948, l'armée d'Israël n'a jamais obéi à personne d'autre qu'au gouvernement élu par le peuple et cela ne va pas changer. Israël a traversé d'autres crises tout aussi graves que celle qu'il traverse aujourd'hui. La nécessaire clarification du rôle des institutions et la réaffirmation de la primauté de la Knesset et du gouvernement face au pouvoir non élu des juges et des médias renforceront à terme le caractère démocratique de l'état juif.

 Pierre Lurçat

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

July 11 2023, 08:03am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

 

Une fois de plus, des milliers d’Israéliens manifestent dans les rues, bloquent les autoroutes et l’aéroport et crient à la « Dictature ». Savent-ils seulement pourquoi ? Dans les lignes qui suivent, j’explique comment le critère de « raisonnabilité » a été élargi depuis 1992 et permet aujourd’hui à la Cour suprême d’annuler n’importe quelle loi ou décision gouvernementale ou administrative. C’est cette situation que la loi adoptée hier par la Knesset entend réformer pour revenir au statu quo ante et à une véritable séparation des pouvoirs.

La loi adoptée hier par la Knesset consiste à restreindre le critère de « raisonnabilité » (Ilat ha-svirout). Observons d’emblée que ce critère n’a pas été inventé par le juge Aharon Barak, et qu’il existait avant 1992. Dans le common law (droit des États-Unis et du Royaume-Uni), le critère de raisonnabilité (« the reasonable person standard ») peut se résumer de la façon suivante : il désigne un acte approprié, ou une personne qui agit de façon rationnelle, habituelle et ordinaire en fonction de circonstances précises.

Mais c’est la manière dont ce critère est utilisé par la Cour suprême qui a grandement évolué depuis lors. Comme le rappelle l’ancien ministre de la Justice Daniel Friedmann, avant la Révolution constitutionnelle, la Cour suprême utilisait le critère de raisonnabilité pour intervenir dans des domaines très étroits, notamment en matière d’arrêtés municipaux ou de réglementation d’application de la loi.

            Ainsi, en 1959, la Cour suprême invalida une ordonnance prise en 1952 concernant les compagnies de services portuaires, en jugeant que « la question du caractère raisonnable est un aspect de l’excès de pouvoir et, par conséquent, il peut et devrait y avoir un parallèle étroit dans la manière dont l’examen judiciaire de tous les types de législation déléguée est possible ». Cette décision illustre de manière frappante la différence entre la conception du rôle de la Cour suprême dans la période dite « classique » (jusqu’aux années 1980) et dans sa période activiste. En 1959, le critère de « raisonnabilité » n’était utilisé que pour sanctionner un excès de pouvoir, conformément à la théorie de l’excès de pouvoir qui est un fondement classique du contrôle de la légalité des actes administratifs, en France comme en Israël.

            Aharon Barak, de son côté, a élargi sans aucune limite l’application du critère de raisonnabilité, en le transformant en moyen de contrôle par la Cour suprême de n’importe quel acte ou décision de l’administration, mais aussi du gouvernement et des ministres, de l’armée, etc. Cet élargissement disproportionné est non seulement contraire à la conception classique du contrôle des actes administratifs, mais il est aussi contraire au principe de séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, le critère de raisonnabilité permet ainsi à la Cour suprême de remettre en question n’importe quel acte ou décision de n’importe quelle personne physique ou morale, à tous les échelons, en disant ce qui est « raisonnable » et ce qui ne l’est pas.

 

            Parmi les nombreuses critiques qui ont été formulées contre cet élargissement du critère de raisonnabilité, citons celle du juge Asher Grunis, qui est devenu par la suite le dixième président de la Cour suprême : « L’expertise du tribunal concerne les questions de compétence et de vices de procédure… Par contre, le tribunal n’a aucun avantage ou expertise supplémentaire sur le sujet du caractère raisonnable ». Cette appréciation, formulée dans le jugement sur le recours formé contre la nomination de Haïm Ramon au poste de vice-Premier ministre en 2007, met l’accent sur un élément important de l’extension du domaine du justiciable concomitant à l’élargissement de l’emploi du critère de raisonnabilité.

            C’est cette situation inédite et sans équivalent dans aucun pays du monde que la réforme vient rectifier, en ramenant l’utilisation du critère de raisonnabilité à des dimensions plus… raisonnables. En annulant (ou en restreignant drastiquement) le recours au critère de raisonnabilité, la réforme judiciaire entend mettre fin non seulement à la compétence exorbitante et au droit de regard que la Cour suprême s’est arrogés sur l’ensemble des décisions et actes publics ou privés, mais aussi à l’incertitude juridique que le recours constant au critère de raisonnabilité, devenu entièrement subjectif, a introduite dans le droit israélien.

P. Lurçat

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. En vente sur Amazon, B.o.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

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Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

May 31 2023, 07:14am

Posted by Pierre Lurçat

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

 

La reculade du gouvernement israélien sur la loi pour lutter contre les ONG étrangères antisionistes met sur le devant de la scène la question cruciale de la souveraineté de l’Etat d’Israël, face aux menées subversives de l’Union européenne, des Etats-Unis et d’autres acteurs menant une politique hostile à Israël, par le biais d’un bataillon d’ONG qu’ils financent. Or cette question est étroitement liée à celle de la réforme judiciaire et de la Cour suprême.

 

C’est en effet cette dernière qui, en ouvrant ses portes aux ONG antisionistes dans les années 1990, a permis à celles-ci de devenir un véritable Cheval de Troie et un acteur hostile au sein même de la société et de la vie publique israéliennes. Dans les lignes suivantes, extraites de mon livre Quelle démocratie pour Israël ?, j’explique comment est apparu le “contentieux anti-israélien” devant la Cour suprême, de manière concomitante à l’extension de son domaine de compétence :

 

« Nous allons illustrer par quelques exemples cette extension du domaine de compétence de la Cour suprême théorisée et mise en œuvre par le juge Barak. Dès lors que la distinction entre domaine justiciable et domaine non justiciable et que la séparation entre droit et politique ont été abolies, la Cour suprême est intervenue de manière grandissante dans quasiment tous les domaines de la vie publique : État et religion, éducation, politique étrangère et sécurité, nominations de haut-fonctionnaires et de ministres, etc. On aurait peine à trouver un seul domaine dans lequel elle n’intervient pas aujourd’hui.

En ouvrant largement ses portes à des acteurs hostiles à Israël et à des ONG souvent financées par des pays étrangers – promouvant un agenda « progressiste » et antisioniste plus ou moins radical – la Cour suprême a permis l’émergence d’un « contentieux anti-israélien », qui représente aujourd’hui une part importante de son activité.

A titre d’exemples de ce contentieux, citons notamment les recours formés régulièrement contre les décisions de l’échelon sécuritaire et militaire en matière de lutte contre le terrorisme, telles que les destructions des maisons des terroristes (mesure qui remonte en fait à la période de Mandat britannique), les « assassinats ciblés » de chefs terroristes, les procédures militaires telles que la « procédure du voisin » et d’autres décisions prises par Tsahal, y compris en temps de guerre[1].

Des ONG telles que B’Tselem, Adalah ou le « Comité contre la destruction de maisons » se sont ainsi spécialisées dans le dépôt de recours récurrents devant la Cour suprême pour contester les décisions de l’armée israélienne. De ce fait, l’armée a dû parfois modifier celles-ci sur des sujets aussi cruciaux que le choix des cibles militaires pendant les opérations contre le Hamas à Gaza, ou le tracé de la barrière de sécurité protégeant le territoire israélien contre les intrusions de terroristes.

Un autre arrêt très remarqué a été l’arrêt Qa’adan de 1995[2]. Dans cette affaire emblématique, un requérant arabe de Galilée, soutenu par l’Association des droits civiques, a contesté devant la Cour suprême le refus de l’Agence juive de laisser sa famille s’installer dans le village de Qatzir, construit par l’Agence juive. Dans sa décision, le juge Barak a expliqué que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres publiques à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ».

Ce faisant, la Cour suprême déclarait « illégale » la politique d’implantation juive qui a permis le peuplement de régions entières et qui constitue un des piliers du projet sioniste. Au lendemain de cette décision très polémique, le ministre de la Justice d’alors, Yossi Beilin, en tirait la conclusion logique en réclamant le démantèlement pur et simple de l’Agence juive ». (à suivre...)

P. Lurçat


[1] Voir concernant la « procédure du voisin », Human Shields | B'Tselem (btselem.org)

[2] Bagatz 6698/95, Qa’adan v. Administration of Israel Lands et al.

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. Disponible sur Amazon, Fnac, B.O.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Je donnerai une conférence sur ce sujet lundi 5 juin à 19h00 à l’espace francophone d’Ashdod

 

J’ai présenté mon livre au micro de Cathy Choukroun sur Studio Qualita, ici.

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

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Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

April 28 2023, 08:16am

Posted by Pierre Lurçat

Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

J'aurai le plaisir de présenter mon nouveau livre, "Quelle démocratie pour Israël?", dimanche 30 avril à 19h30 (heure d'Israël) en Zoom (lien ci-dessous).

Lancer la réunion - Zoom

Merci de vous connecter un peu avant pour être certain de pouvoir y assister (places limitées)

 

La violente polémique et les manifestations publiques incessantes suscitées depuis quelques mois en Israël par le projet de réforme judiciaire posent une question essentielle. Comment expliquer que des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent en scandant « Démocratie ! », alors même que l’objectif affiché de la réforme judiciaire est précisément de renforcer la démocratie et l’équilibre des pouvoirs ? Il y a là, de toute évidence, deux conceptions opposées de la nature du régime démocratique.

Pour comprendre les enjeux de ce débat fondamental, il est nécessaire de revenir en arrière, aux débuts de la « Révolution constitutionnelle » menée par le juge Aharon Barak dans les années 1980 et 1990. C’est depuis lors que la Cour suprême s’est octroyée la compétence de dire le droit à la place du législateur, d’annuler les décisions du gouvernement et de l’administration, les nominations de fonctionnaires et de ministres et les décisions des commandants de l’armée, etc. Aucun domaine n’échappe plus à son contrôle omniprésent.

Dans son nouveau livre, Pierre Lurçat retrace l’histoire de cette Révolution passée inaperçue du grand public et explique les enjeux du projet de réforme actuel, en la replaçant dans son contexte historique. Il rappelle ainsi pourquoi Israël ne possède pas de Constitution et montre comment l’extension du domaine de la compétence de la Cour suprême a affaibli les pouvoirs exécutif et législatif, en la transformant de facto en premier pouvoir.

Replaçant la problématique israélienne dans un contexte plus vaste – celui de la montée en puissance d’un « gouvernement des juges » dans la plupart des pays occidentaux, il s’interroge également sur les causes profondes de l’engouement pour la notion d’un pouvoir des juges et du rejet concomitant de la démocratie représentative et du pouvoir politique en général.

Quelle démocratie pour Israël : Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions L'éléphant 2023. Disponible sur Amazon, B.o.D et dans les bonnes librairies (sur commande).

Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

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Le conflit identitaire israélien (VI) : Fondamentalisme juridique contre démocratie juive?

April 10 2023, 16:48pm

Posted by Pierre Lurçat

Le conflit identitaire israélien (VI) :  Fondamentalisme juridique contre démocratie juive?

Les visuels utilisés dans les manifestations contre la réforme judiciaire, tout comme la distribution de “Haggadot” alternatives (comme la “Haggada de la protestation”) indiquent que l’opposition au gouvernement n’est pas seulement politique, mais qu’elle prend des apparences quasi-religieuses. Comme souvent dans l’histoire du peuple Juif, l’opposition au judaïsme revêt ainsi la forme d’une nouvelle religion, ou tout au moins d’une nouvelle forme de judaïsme. Dans les pages qui suivent, extraites de mon nouveau livre, je montre comment le juge Aharon Barak a fondé sa “Révolution constitutionnelle” sur une conception quasi-religieuse du droit. P.L.

 

                    Cette vision totalitaire d’un droit omniprésent procède en fait, comme l’ont fait remarquer plusieurs observateurs, d’un esprit révolutionnaire et quasiment religieux. Ainsi, pour le juge Menahem Elon, spécialiste du droit hébraïque qui a longtemps été l’adversaire le plus résolu d’Aharon Barak au sein de la Cour suprême : « Il n’existe pas aux yeux de A. Barak de vide juridique, et toute action que nous menons comporte selon lui un aspect juridique. Cette conception correspond à une vision du monde religieuse, et non à une conception juridique. L’expression employée par Barak, “Le monde entier est empli de droit”, est calquée sur l’expression de la prière juive, “Le monde entier est empli de Sa gloire”. Selon Barak, le système judiciaire présente un caractère religieux, qui intègre toute l’expérience humaine [1]».

                    L’appréciation de Menahem Elon est confirmée par Aharon Barak lui-même, qui a confié à l’avocat Yaakov Weinroth qu’il se considérait comme un homme possédant un « sentiment intérieur religieux très profond ». Et de fait, commente Weinroth, « le droit occupe chez lui un statut tellement central, que cela fait penser au comportement d’un homme très religieux[2] ». Aryeh Edrei, professeur de droit à l’université de Tel-Aviv, aboutit lui aussi à la même conclusion que Weinroth, en établissant une comparaison saisissante entre la conception du droit omniprésent du juge Aharon Barak et celle de la halakha (loi juive) développée par le parti juif orthodoxe Agoudath Israël au début du vingtième siècle, à travers la notion de « Daat Torah[3] », littéralement l’avis de la Torah.

 

                    Ce dernier, explique Edrei, a ainsi étendu le champ d’application de la halakha, en considérant que les Sages de la Torah avaient leur mot à dire sur toutes sortes de questions qui ne relèvent pas à première vue du domaine de la loi juive, comme l’économie ou la politique. La loi juive se préoccupe en effet traditionnellement de dire ce qui est obligatoire (commandements positifs) et ce qui est interdit (commandements négatifs). Mais il subsiste entre les deux un immense domaine dans lequel la loi juive n’a rien à dire et qui relève entièrement de la liberté individuelle.

C’est cette conception traditionnelle que la notion de « Daat Torah » a remis en question, en élargissant considérablement le « domaine de compétence » de la loi juive au sein du public représenté par l’Agoudath Israël. Or, poursuit Edrei, c’est la même démarche qui a guidé le juge Barak, dans le domaine du droit israélien. Ainsi, conclut-il, « on peut décrire le conflit actuel en Israël comme opposant deux organes qui s’affrontent au nom de doctrines étonnamment similaires. D’un côté, le “Daat Torah” du “Conseil des Sages de la Torah”, et de l’autre, la Cour suprême et sa doctrine de tout est justiciable ». Cette notion d’un droit « religieux », aussi étonnante qu’elle puisse paraître à première vue, est en fait assez courante dans le monde contemporain, comme l’explique Menahem Mautner, ancien doyen de la faculté de droit de Tel-Aviv.

Un « fondamentalisme juridique »

Dans son livre Le déclin du formalisme et l’essor des valeurs dans le droit israélien, Mautner établit ainsi une comparaison entre le droit aujourd’hui et l’église dans la société catholique autrefois. « Le droit dans les sociétés laïcisées, écrit-il, remplit la même fonction que remplissait l’église dans les sociétés religieuses ». Selon Mautner, le conflit culturel interne à Israël n’est plus ainsi, comme on le décrit souvent, un conflit entre les tenants du « fondamentalisme religieux » et les partisans d’une démocratie laïque et éclairée. Il est devenu ces dernières décennies un conflit entre deux fondamentalismes : un « fondamentalisme religieux » et un « fondamentalisme juridique » laïc.

C’est bien une telle vision fondamentaliste et quasi-religieuse du droit qui a permis au juge Barak de remodeler le système démocratique israélien, en plaçant le juge au-dessus des lois, de la Knesset et du gouvernement. Dans sa vision, en effet, le juge ne fait pas partie du commun des mortels (auquel il a fait référence dans une maxime célèbre, en utilisant le nom de famille Bouzaglou). Il est de par sa fonction le seul habilité à lire, à interpréter et même à modifier la loi. Dans une telle conception, le peuple lui-même perd toute légitimité. Seule la loi est légitime.

Mais, à la différence de la Loi du Sinaï – qui a été donnée au peuple tout entier et que celui-ci est capable de comprendre et d’appliquer – aux yeux d’Aharon Barak, le juge est seul compétent pour comprendre la loi et la “dire” au peuple ignorant. Le juge est véritablement créateur de droit et il a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation. En effet, la Cour suprême israélienne s’est arrogée lors de la Révolution constitutionnelle le pouvoir exorbitant (qui ne lui a jamais été conféré légalement) d’annuler toute loi de la Knesset, y compris des Lois fondamentales.

                    Dans la conception classique de la démocratie, la loi exprime la volonté populaire (Vox populi) et la souveraineté du peuple. Aux yeux d’Aharon Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité « éclairée », seule habilitée à la comprendre et à l’interpréter. C’est au moyen du concept de « public éclairé » qu’il a forgé que Barak interprète la loi dans ses jugements, et qu’il revendique pour la Cour suprême et pour lui-même un statut totalement inédit dans une démocratie, celui de « juge éclairé » créateur de droit. (Dans une interview récente à la chaîne de télévision israélienne Kan 11, Aharon Barak a déclaré regretter avoir employé l’expression de « public éclairé » et celle de « Révolution constitutionnelle »)[4].

                    Pour décrire la conception bien particulière du juge et de la démocratie d’Aharon Barak, telle qu’elle est exposée notamment dans son livre Le rôle du juge en démocratie[5], le juge américain Richard Posner a employé l’expression de « despote éclairé[6] ». C’est en effet un juge « éclairé » aux pouvoirs quasi-despotiques que décrit Barak dans ses écrits théoriques et qu’il appelle de ses vœux. Et c’est bien en « despote éclairé » qu’il s’est comporté, en mettant en application la Révolution constitutionnelle qu’il avait patiemment théorisée bien des années avant 1992. Cette révolution qui a bouleversé l’équilibre des pouvoirs en Israël est ainsi, dans une très large mesure, l’œuvre d’un seul homme.

Pierre Lurçat

Extrait de mon nouveau livre, Quelle démocratie pour Israël : gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions L’éléphant 2023.

 

Un ouvrage de droit qui se lit comme un roman policier

Liliane Messika

 

Le livre à lire impérativement pour comprendre le projet de réforme judiciaire en Israël

Albert Lévy


1. Menahem Elon, cité par A. Bendor et Z. Segal, The Hat Maker [hébreu], Kinneret Zmora-Bitan 2009.

2. Cité par Naomi Levitsky, Kevodo (Your Honor), Keter 2001, p. 233.

3. Aryeh Edrei, « Le conseil des Grands de la justice », Makor Rishon 10.3.23, supplément Shabbat.

4. "Rencontre avec Roni Koban », 13.2.23, אהרן ברק | כאן (kan.org.il)

5. The Judge in a Democracy, Princeton University Press 2006.

6. R. Posner, « Enlightened Despot », The New Republic 23.4.2007.

 

Le conflit identitaire israélien (VI) :  Fondamentalisme juridique contre démocratie juive?

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COMMUNIQUÉ - Parution du livre “Quelle Démocratie pour Israël ?”

April 4 2023, 13:24pm

Posted by Pierre Lurçat

COMMUNIQUÉ - Parution du livre “Quelle Démocratie pour Israël ?”

J'ai présenté mon livre dans le cadre d'une conférence donnée par Raison Garder

La violente polémique et les manifestations publiques incessantes suscitées depuis quelques mois en Israël par le projet de réforme judiciaire posent une question essentielle. Comment expliquer que des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent en scandant « Démocratie ! », alors même que l’objectif affiché de la réforme judiciaire est précisément de renforcer la démocratie et l’équilibre des pouvoirs ? Il y a là, de toute évidence, deux conceptions opposées de la nature du régime démocratique.

Pour comprendre les enjeux de ce débat fondamental, il est nécessaire de revenir en arrière, aux débuts de la « Révolution constitutionnelle » menée par le juge Aharon Barak dans les années 1980 et 1990. C’est depuis lors que la Cour suprême s’est octroyée la compétence de dire le droit à la place du législateur, d’annuler les décisions du gouvernement et de l’administration, les nominations de fonctionnaires et de ministres et les décisions des commandants de l’armée, etc. Aucun domaine n’échappe plus à son contrôle omniprésent.

Dans son nouveau livre, Pierre Lurçat retrace l’histoire de cette Révolution passée inaperçue du grand public et explique les enjeux du projet de réforme actuel, en la replaçant dans son contexte historique. Il rappelle ainsi pourquoi Israël ne possède pas de Constitution et montre comment l’extension du domaine de la compétence de la Cour suprême a affaibli les pouvoirs exécutif et législatif, en la transformant de facto en premier pouvoir.

Replaçant la problématique israélienne dans un contexte plus vaste – celui de la montée en puissance d’un « gouvernement des juges » dans la plupart des pays occidentaux, il s’interroge également sur les causes profondes de l’engouement pour la notion d’un pouvoir des juges et du rejet concomitant de la démocratie représentative et du pouvoir politique en général.

Quelle démocratie pour Israël : Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions L'éléphant 2023. Disponible sur Amazon et bientôt dans les librairies françaises d'Israël.

L’auteur

Né à Princeton, Pierre Lurçat a grandi à Paris et vit à Jérusalem. Il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes tirés de la sagesse juive (Presses du Chatelet), Israël, le rêve inachevé (éditions de Paris), et Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain (éditions L’éléphant). Il a fondé en 2021 la Bibliothèque sioniste, qui vise à mettre à la portée du lectorat francophone les grands textes des fondateurs du mouvement sioniste et dirigeants de l’Etat d’Israël.

 

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