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droit de la guerre

Comment gagner la guerre selon la Torah? Tsahal, le droit juif et la guerre, P. Lurçat

October 15 2023, 16:26pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment gagner la guerre selon la Torah? Tsahal, le droit juif et la guerre, P. Lurçat

Le principe fondamental du droit juif de la guerre est celui énoncé dans la Torah, selon lequel « celui qui vient pour te tuer, devance-le et tue-le ». Il s’applique en temps de paix, et à plus forte raison en temps de guerre. Ce principe fondamental, qui constitue une des bases du droit à l’autodéfense dans la loi juive, a des conséquences très concrètes. Ainsi, expliquent les auteurs du livre Torat Hamele’h, « celui qui vient pour te tuer » n’est pas forcément un soldat en uniforme portant une arme. La situation est souvent plus complexe, comme lorsque les soldats de Tsahal se trouvent en territoire ennemi, pour neutraliser des missiles dirigés vers les villes d’Israël et qu’un berger arabe aperçoit la patrouille de soldats et va informer les terroristes de sa présence… Dans cette situation, le berger est lui aussi considéré comme « celui qui vient pour te tuer ».

 

Un exemple concret d’une telle situation m’a été relaté par un jeune parachutiste, qui était en première ligne pendant la guerre contre le Hamas à Gaza en 2009. Les consignes officielles, inspirées par le Code éthique de Tsahal et le principe de « pureté des armes », étaient de ne pas tirer sans sommation sur des civils, mais les soldats de Tsahal ne les ont pas toujours respectées, car ils savaient pertinemment que ces civils représentaient parfois un danger réel pour leur vie. Dans ce cas précis, la loi juive, telle que l’expose La Loi du Roi, est beaucoup plus claire que le Code éthique de Tsahal. La loi juive interdit en effet à un soldat juif de mettre sa vie en danger pour éviter de tuer un civil ennemi, comme cela est arrivé très souvent à Gaza ou au Sud-Liban. L’exemple concret relaté ci-dessus permet de mesurer toute la distance entre la loi juive et le Code éthique de Tsahal, rédigé par des gens qui n’ont apparemment aucune connaissance du droit juif de la guerre.

La loi juive est beaucoup plus claire que le Code éthique de Tsahal

En effet, comme l’explique le rabbin et mathématicien Eliahou Zini [1], Tsahal agit souvent selon un code éthique et un principe de « pureté des armes », qui s’inspirent de règles morales étrangères (lesquelles ne sont pas toujours appliquées par les autres armées occidentales). Lorsque treize soldats israéliens ont été tués à Djénine en 2002, pour ne pas employer l’artillerie contre la population civile ennemie, c’était en raison de ce fameux code éthique [2]. Cette morale d’inspiration étrangère, qui préfère la vie de civils ennemis à celles des soldats de Tsahal, n’a rien à voir avec la morale juive authentique, celle de la Torah et des prophètes. Eliahou Zini souligne aussi que le Code éthique de Tsahal, rédigé par une commission nommée par l’armée et dirigée par un professeur de philosophie, Asa Kasher, fait tantôt référence à la « tradition du peuple Juif » et tantôt aux « valeurs universelles », mais qu’en cas de contradiction entre ces deux sources, ce sont les valeurs universelles (non juives) qui prévalent. Le Code éthique, poursuit Zini, affirme encore que l’objectif de Tsahal est de « faire entrave aux efforts de l’ennemi visant à perturber le cours normal de la vie », comme si la « défense d’Israël se réduisait à la mise en place d’un abri pour sa population ».

 

On comprend alors pourquoi le livre La Loi du Roi est considéré comme « séditieux » par les médias de gauche et par le pouvoir judiciaire. Ceux-ci sont en effet impliqués, à des degrés divers et avec des motivations différentes, dans le combat mené – avec l’appui et le financement d’ONG et de pays étrangers – pour entraver les mains de Tsahal dans sa guerre contre le terrorisme arabe. Le rapport Goldstone, on s’en souvient, reposait entièrement sur les accusations mensongères de « crimes de guerre » qui provenaient d’associations israéliennes d’extrême-gauche financées par l’Union européenne. Dans ce contexte, le débat légitime sur les normes éthiques et morales que doivent suivre les soldats israéliens devrait viser à redonner à Tsahal, face aux efforts répétés pour lui lier les mains dans la guerre contre le Hamas, les moyens juridiques, fondés sur le droit juif, d’affronter ses ennemis et de les vaincre.

(Extrait de mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016).

 

[1] Eliahou Zini, « Code éthique ou matraquage politique », in Forum-Israël Nº 3, « Le temps de la guerre », éditions Ivriout 2006.

[2] « Depuis trop longtemps, des soldats de Tsahal ont été assassinés en vain dans la bande de Gaza, en Judée-Samarie, au Liban, uniquement afin de ne pas porter atteinte aux familles de terroristes, à leurs voisins, ou aux citoyens de peuples étrangers… Où est le respect de la vie de nos soldats, le respect de leurs familles, le respect de tout un peuple qui les a envoyés en première ligne ? ». Eliahou Zini, « Code éthique ou matraquage politique », art. cit.

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Penser la guerre de Gaza (I) :  sortir de l'illusion technologique et retrouver les valeurs de Tsahal, Pierre Lurçat

May 23 2021, 07:37am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le dernier round des hostilités à Gaza s’est terminé comme les précédents, en queue de poisson. La “victoire” tactique et ponctuelle de l’élimination de plusieurs chefs du Hamas et du Djihad islamique est largement effacée et rendue dérisoire par la défaite stratégique à long terme, que constitue la transformation de la moitié du territoire d’Israël et de sa population en vaste champ de bataille, offert aux missiles tirés de Gaza, sans riposte effective, sinon la protection du Dôme d’acier. Dans cette série d’articles, nous voudrions esquisser une réflexion approfondie pour penser la guerre à Gaza, en la resituant dans le contexte de l’évolution de la doctrine militaire israélienne et des valeurs qui la sous-tendent.

 

Dans leur livre sur la guerre d’Indépendance, publié en 1960 (1), Jon et David Kimhi ont cette remarque éclairante, au sujet de l’issue de la guerre de 1948. “A bien des égards, les combats eux-mêmes n’ont joué qu’un rôle secondaire dans la guerre de Palestine. Ce qui a été le plus important, c’est l’affrontement des volontés”. Cette phrase semble faire écho à un verset bien connu du prophète Zachariah : “Ni par la force, ni par la puissance, mais bien par mon esprit”. Pendant des décennies, les dirigeants de l’armée et de l’Etat d’Israël avaient bien conscience que le principal élément de la force de Tsahal, face à des ennemis plus nombreux et souvent mieux armés, était l’esprit combatif, la motivation et la conscience de ses soldats qu’ils étaient obligés de vaincre. “Eyn brera!”


 

Le drapeau israélien hissé à Eilat

 

Paradoxalement, cette force intérieure a décru, au fur et à mesure que se développait la puissance technologique de Tsahal (2). Nous sommes arrivés aujourd’hui à un stade où les prouesses technologiques pallient difficilement l'effritement de la volonté de vaincre, et ne sont parfois plus un élément de la force de Tsahal, mais bien plutôt un élément de sa faiblesse… Un des premiers à avoir compris ce paradoxe est un chercheur du Centre d’études moyen-orientales de l’université d’Ariel, Eyal Levin, dont les travaux portent sur la “résilience nationale” (‘hossen léoumi) : “Le système Dôme d’acier n’exprime pas notre résilience nationale, mais au contraire notre faiblesse”, disait-il en substance, au lendemain de l’opération “Colonne de nuée” (Amoud Anan) de novembre 2012. Ce constat de faiblesse est toujours aussi valable, neuf ans plus tard, après d’innombrables rounds d’hostilités à la frontière de Gaza.

 

Le système de défense antimissiles “Kippat Barzel”, comme nous l’écrivions dans ces colonnes (3), ressemble à un immense parapluie troué, qui constitue une arme défensive très insuffisante et comporte des effets pervers, en dispensant Tsahal d’une contre-attaque authentique, comme l’a montré l’amère expérience des dernières années. Plus la prouesse technologique qu’il constitue est réussie (empêcher les missiles de l’ennemi d’atteindre le sol israélien), plus son effet pervers s’accroît : priver Israël d’une indispensable offensive préventive, pour interdire à l’ennemi d’essayer même de l’attaquer. A cet égard, Kippat Barzel est en réalité la négation du Kir Habarzel - la muraille d’acier - concept développé par Jabotinsky dans son fameux article de 1923, qui est au fondement de la doctrine stratégique de Tsahal (4). 

 

La muraille d’acier signifie en effet qu’il faut dissuader l’ennemi de nous attaquer, et pas seulement se défendre contre ses attaques incessantes. Selon cette conception,  la paix et la sécurité ne viendront pas en élaborant des systèmes de défense de plus en plus perfectionnés, pour intercepter les missiles du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Elles ne viendront qu’en ripostant avec toute la force nécessaire et en attaquant les ennemis qui nous menacent, portant la guerre sur leur territoire - comme l’a fait Tsahal lors des guerres victorieuses de 1948, 1956, 1967 et 1973, jusqu’à ce qu’ils demandent grâce et renoncent à leurs intentions belliqueuses.

 

Une défaite morale et psychologique


Mais il faut aller plus loin encore. La réussite technologique (toute relative) de Kippat Barzel n’est pas seulement une défaite sur le plan militaire et psychologique, en empêchant Tsahal de riposter et en portant ainsi un coup fatal à notre capacité de dissuasion. Elle incarne aussi l’inversion et l’oubli des valeurs sur lesquelles reposait jadis la force de Tsahal. Un des exemples les plus frappants de cet oubli des valeurs fondatrices de l’armée de Défense d’Israël nous est donné par le cas tragique du soldat Hadar Goldin, capturé et tué par le Hamas le dernier jour de l’opération Tsouk Eytan à Gaza, et dont la dépouille est toujours détenue par le Hamas, sept ans plus tard.

 

Hadar Goldin z.l.

 

Comme l’a déclaré le père de Hadar, le Dr Simha Goldin, en août 2019 : “Hadar a été abandonné à trois reprises par la lâcheté de nos dirigeants. La première fois, sur le champ de bataille, lorsqu’ils ont empêché son officier de pénétrer dans l’hôpital du Hamas où il était apparemment détenu et blessé. La deuxième fois, à la fin de l’opération Tsouk Eytan, lorsque les dirigeants israéliens ont négocié (un cessez-le-feu) au Caire avec le Hamas, sans exiger la restitution des deux soldats Oron Shaul et Hadar Goldin. Et la troisième fois, pendant les cinq dernières années…” Simha Goldin a aussi déclaré, lors du congrès annuel du mouvement Im Tirtsu, que pour la première fois dans l’histoire de Tsahal, un soldat avait été déclaré “tombé au combat” en pleine guerre, alors qu’il était disparu et que son sort n’était pas encore connu avec certitude. 

 

Ce précédent dangereux a été fixé en contradiction avec la tradition remontant aux débuts de Tsahal, de ne jamais abandonner un soldat sur le champ de bataille et de ne pas le considérer comme mort, tant que sa dépouille n’avait pas été récupérée. L’exemple tragique de Hadar Goldin devrait susciter un vaste mouvement de réflexion et une prise de conscience au sein de la population israélienne, et surtout de sa jeunesse, dont la motivation pour servir dans les rangs de Tsahal n’a pas faibli. Car ce sont les valeurs fondatrices de Tsahal qui ont permis, jusqu’à ce jour, que des jeunes Israéliens s’engagent dans les rangs des unités combattantes. Si l’esprit de fraternité combattante (Reout) - immortalisé par les paroles du Chir HaReout, rédigé par Haïm Gouri durant la guerre d’Indépendance - devait s’estomper, comment pourra-t-on demain appeler des jeunes soldats à risquer leur vie pour leur pays? 

 

Simha Goldin devant le Lion de Tel Haï

 

Hadar Goldin portait un nom plein de signification. “Hadar” signifie “splendeur” et il fait référence au Chir Betar, l’hymne du mouvement de jeunesse sioniste créé par Zeev Jabotinsky, qui fut aussi le fondateur de la Légion juive, ancêtre de Tsahal. Puissent les mots du Chir Betar inspirer les dirigeants qui se considèrent comme les héritiers de Jabotinsky. “Hébreu, dans la misère même tu es Prince, Dans la lumière ou l’obscurité. Souviens toi de cette couronne”. Qu’ils se souviennent, eux aussi, du Keter. Qu’ils se souviennent du Hadar et du Tagar. Et qu’ils n’oublient pas non plus les paroles du Chir HaReout, rédigé par Haïm Gouri, de “l’amour consacré dans le sang” des soldats tombés dans les guerres d’Israël.

Pierre Lurçat

 

NB Je commente la fin de l'opération "Gardiens des murailles" au micro de Daniel Haïk sur Radio Qualita

https://www.youtube.com/watch?v=qlBysShmoYE&t=7s

 

Dans la suite de cet article, nous verrons comment la guerre asymétrique contre Gaza a fait perdre de vue la notion de guerre juste et quelles en sont les conséquences.

(1) La première guerre d’Israël, Arthaud 1969.

(2) Sur l’évolution de l’ethos de Tsahal et de la société israélienne en général, voir Oz Almog, Farewell to Srulik - Changing Values Among the Israeli Elite (Zmora Bitan and Haifa University Press, 2004).

(3) http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/israel-gaza-accepter-la-pax-islamica-du-hamas-par-pierre-lurcat.html?fbclid=IwAR3BG1p7wyMDw5sdwIW_YODWeVPCCzVbVP1f0sdXKLpMSXYDkeRAopTARAU

(4) Sur la “muraille d’acier” et l’héritage politique et militaire de Jabotinsky, je renvoie à ma postface à son autobiographie, que j’ai eu le plaisir de traduire en français.


 

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