Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

dissuasion

5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

October 1 2024, 06:43am

Posted by Pierre Lurçat

5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

 

Seder hadash” (“nouvel ordre”) : jamais une opération militaire n’aura aussi bien porté son nom. L’opération magistrale menée par Tsahal au cœur de Beyrouth, qui a permis l’élimination du chef du mouvement islamiste chiite et principal “proxy” de l’Iran, a en effet de grandes chances de marquer l’aube d’une ère nouvelle au Moyen-Orient et d’un nouvel ordre régional. En supprimant méthodiquement les dirigeants du Hezbollah, Israël n’est pas seulement en train d’écarter la menace sur sa frontière Nord – préparant ainsi le retour dans leurs foyers des dizaines de milliers d’habitants déplacés au début de la guerre, il y a tout juste un an – mais il est aussi en passe de remodeler la carte de la région tout entière.

 

            La longue attente des habitants du nord d’Israël aura donc fini par être récompensée. Car il est clair aujourd’hui que la guerre au Liban ne s’arrêtera pas, tant que la sécurité n’aura pas été rétablie sur la frontière Nord. Mais au-delà de cette première victoire sur le front libanais, c’est en réalité tout l’équilibre stratégique qui est en train d’être modifié radicalement. Il faut se souvenir, pour comprendre l’étendue de ce changement, du fameux discours prononcé par Hassan Nasrallah en 2006, dans lequel il comparait Israël à une toile d’araignée.

 

Le plus grave n’était pas cette croyance – bien ancrée parmi les ennemis d’Israël – qu’ils allaient finir par réaliser leur projet génocidaire envers l’Etat juif honni (croyance qui n’est évidemment pas étrangère à l’attaque du 7 octobre). Non, le plus grave était sans doute que certains dirigeants et membres de l’establishment militaire israélien ont eux aussi fini par voir Israël – à travers le regard de ses ennemis – comme un Etat faible, et par redouter le Hezbollah, devenu à leurs yeux un ennemi invincible, face auquel l’armée israélienne n’avait aucune chance de vaincre.

 

Ainsi, paradoxalement, ce n’est pas seulement le “complexe de supériorité” souvent évoqué, au sein de Tsahal, qui a mené au 7 octobre, mais c’est en fait un double complexe d’infériorité-supériorité : supériorité technologique indéniable, accompagnée d’un sentiment d’infériorité morale. La stratégie offensive mise en œuvre depuis plusieurs semaines sur le front Nord – au terme de longs mois de guerre à Gaza – est ainsi en train de porter ses fruits, non seulement en remodelant la carte de la région, mais aussi et surtout, en rétablissant l’élément essentiel de la sécurité d’Israël : sa capacité de dissuasion.

 

La dissuasion de Tsahal restaurée

 

La notion de dissuasion est multiforme et difficile à appréhender, mais on peut la définir succinctement en disant qu’elle repose sur deux éléments : les capacités militaires, et la volonté de les utiliser. Dans le cas d’Israël, le premier élément était bien présent, mais c’est le second qui faisait défaut, surtout depuis les retraits successifs du Sud-Liban et de Gaza, qui ont contribué à faire croire à nos ennemis que nous étions affaiblis au point de nous retirer derrière des barrières et des “murs de sécurité”, attitude qui a toujours été interprétée comme un signe infaillible de la faiblesse de l’ennemi, depuis l’époque de la Bible.

 

            Depuis lors, c’était en réalité Israël qui était dissuadé face au Hamas et au Hezbollah, cas classique de ce qu’on appelle la dissuasion du faible au fort. Or, c’est précisément cet élément moral de la dissuasion qui a été rétabli en l’espace de quelques semaines, face au Hezbollah – et face à l’Iran son patron. Ce faisant, Israël a accompli un progrès décisif en direction de la restauration du “Mur d’acier” – concept créé par Jabotinsky il y a un siècle et devenu le pilier de la doctrine stratégique d’Israël. Contrairement aux fausses idées, devenues monnaie courante à partir des années 1990, la sécurité d’Israël ne repose en définitive pas seulement sur la supériorité technologique, ni sur la conclusion d’accords de paix – par définition réversibles et provisoires – mais avant tout sur la volonté démontrée d’assurer à tout prix notre existence, sans craindre la guerre. “Ni par la puissance ni par la force, mais bien par mon esprit”, selon les mots du prophète Zachari. Chana tova à tous mes lecteurs, que l’année 5785 soit celle de la victoire totale sur nos ennemis !

P. Lurçat

5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

See comments

"Dôme d'acier" ou "Mur de fer?" Comment rétablir la sécurité d'Israël face à Gaza

October 9 2023, 10:33am

Posted by Pierre Lurçat

"Dôme d'acier" ou "Mur de fer?" Comment rétablir la sécurité d'Israël face à Gaza

 

(Dans les lignes suivantes, extraites de ma présentation du livre Le Mur de fer de Jabotinsky, j'explique en quoi le "Dôme d'acier" constitue en réalité la négation du "Mur de fer" et des principes d'une véritable dissuasion face au Hamas et aux ennemis d'Israël en général).

Le « dôme d’acier », malgré toute sa perfection technologique, ne vise en effet pas à assurer une quelconque dissuasion pour Israël, face aux tirs de roquette incessants venant de Gaza, mais plutôt à protéger les civils israéliens, sans aucunement empêcher les groupes terroristes palestiniens de poursuivre leurs attaques. De ce fait, il illustre le paradoxe d’une armée toujours plus intelligente, mais de moins en moins audacieuse. Comme le savent bien les dirigeants de l’armée israélienne, seule une offensive terrestre au cœur de la bande de Gaza permettrait de démanteler les lanceurs de missiles, voire de mettre fin au pouvoir du Hamas, installé depuis le retrait de l’armée israélienne en 2006. Or, la protection toute relative offerte par le dispositif du « dôme d’acier » empêche en fait Tsahal de mener une telle offensive, en la dissuadant d’adopter une logique militaire plus coûteuse en vies humaines. La dissuasion s’exerce donc envers Israël et non envers ses ennemis.

 

         Le « dôme d’acier » n’est donc aucunement l’application de la doctrine du « Mur de fer » élaborée par Jabotinsky il y a près de cent ans : il en est la négation. Cet exemple ne signifie toutefois pas que le « Mur de fer » aurait été totalement oublié, mais que cette notion est appliquée de manière variable, selon les circonstances et les différents fronts. Israël fait ainsi preuve depuis plusieurs années d’une audace impressionnante face à l’Iran, multipliant les opérations et les éliminations ciblées en territoire ennemi, tandis que sur le front de Gaza, Tsahal se montre beaucoup plus timorée, restant sur la défensive la plupart du temps. Cette disparité montre que l’éthos défensif – qui remonte aux débuts de Tsahal et avant encore, à l’époque du Yishouv – s’avère insuffisant, face à des ennemis farouchement déterminés.

 

        

Toute l’histoire de la stratégie de défense d’Israël, depuis la Haganah et les premiers efforts d’auto-défense à l’époque de Jabotinsky et jusqu’à nos jours, est marquée par une oscillation permanente entre deux pôles opposés : celui de l’éthos purement défensif, largement prédominant d’une part, et celui d’un éthos offensif, celui de l’unité 101 dans les années 1950 et de la « Sayeret Matkal » (unité d’élite de l’état-major), d’autre part. De toute évidence, c’est cet esprit offensif qui a permis à Tsahal de connaître ses victoires les plus éclatantes, celle de juin 1967 ou celle de l’opération Entebbe, pour ne citer que deux exemples. Malgré cela, l’armée israélienne demeure attachée à l’éthos purement défensif, pour des raisons complexes liées à son histoire et à ses valeurs fondatrices. La doctrine du « Mur de fer » demeure ainsi d’actualité, un siècle après avoir été formulée par Jabotinsky. 

 

Les récents événements violents survenus en mai 2021 dans les villes mixtes d’Israël, et la persistance d’une opposition radicale à l’existence de l’Etat hébreu dans la région – malgré les avancées remarquables des accords Abraham – montrent que la dissuasion demeure une nécessité impérieuse, tant sur le front intérieur que sur les différents fronts extérieurs. L’aspiration à la paix qui caractérise le peuple Juif et l’Etat d’Israël ne doit pas éluder cette nécessité. Le pacifisme aveugle, il y cent ans comme aujourd’hui, menace la pérennité de l’existence d’un Etat juif souverain, au milieu d’un environnement encore largement hostile. Aujourd’hui comme hier, la paix repose sur la préparation à d’éventuels conflits, selon l’adage latin toujours actuel (« Si vis pacem, para bellum »), ou selon les mots de Jabotinsky : « le seul moyen de parvenir à un accord [de paix] est d’ériger un mur de fer ».

Pierre Lurçat

NB Je renvoie sur tous ces sujets à l’émission que j’avais consacrée aux erreurs israéliennes face au Hamas, au micro de Richard Darmon sur Studio Qualita

See comments