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bibliotheque sioniste

À l’occasion de la Semaine du livre en Israël, découvrez LA BIBLIOTHEQUE SIONISTE !

June 12 2022, 09:22am

 

Les grands textes des pères fondateurs du sionisme politique, inédits ou épuisés en français, mis à la disposition du public francophone.

DÉJÀ PARUS

JABOTINSKY, La rédemption sociale. Eléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque.

JABOTINSKY, Questions autour de la tradition juive. Etat et religion dans la pensée du Rosh Betar.

GOLDA MEIR, La maison de mon père, fragments autobiographiques.

À PARAITRE :

JABOTINSKY, Les Arabes et nous, le mur de fer.

 

EN VENTE SUR AMAZON et dans les librairies françaises d’Israël, 

ou après de l’éditeur editionslelephant@gmail.com

 

 

 A l’occasion de la semaine du livre en Israël*, les ouvrages de la Bibliothèque sioniste sont vendus au prix promotionnel de 10 EUR / 35 NIS


*Offre valable jusqu’au 20 juin 2022

 

Dernier titre paru : JABOTINSKY, Questions autour de la tradition juive

Il faut être infiniment reconnaissant à Pierre Lurçat de nous permettre, par le biais de ce petit livre, de mieux connaître celui qui fut le créateur du mouvement sioniste révisionniste, celui qu’on désignait comme le « Roch Betar ». On découvre ainsi l’attachement de ce grand leader à la religion juive.

Impressionnant. À découvrir !

Jean-Pierre Allali, CRIF.ORG

 

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“L’homme de l’avenir sera religieux” : Jabotinsky, visionnaire du réveil spirituel de l’humanité

May 19 2022, 13:39pm

 

On a toujours tort d’avoir raison avant son époque… Jabotinsky, l’enfant terrible du sionisme russe, a eu raison avant sur ses contemporains sur de multiples sujets : sionisme, enseignement de l’hébreu, importance de l’auto-défense, etc. Sur la plupart de ces sujets, ses opposants ont fini par lui donner raison, parfois à titre posthume.

Mais il est un sujet peu connu  sur lequel il s’est également montré visionnaire : celui des rapports entre l’Etat et la religion et sur la place que la tradition juive devait occuper dans le futur Etat juif à l’édification duquel il a consacré sa vie, et dont il n’a pas vu le jour, étant comme Moïse, resté sur l’autre rive… Extrait du recueil “Etat et religion, Questions autour de la tradition juive” que j’ai récemment publié aux éditions de l’éléphant.

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 Ce petit livre permet de mieux connaître celui qui fut le créateur du mouvement sioniste révisionniste... On découvre ainsi l’attachement de ce grand leader à la religion juive. Impressionnant !

Jean-Pierre Allali (Crif.org)

 

“La génération à laquelle j’appartiens – fruit de l’assimilation russe dans le sud du pays, région où il n’existait aucune localité juive ancienne possédant une tradition bien établie – cette génération n’était pas, en réalité, “athée”. L’athéisme consiste en effet à professer une opinion, à soutenir une conception, même négative : “J‘affirme qu’il n’existe pas de Dieu”. Ma génération ne soutenait plus aucune conception en la matière. “Il se peut que Dieu existe, et il se peut que non, en quoi cela me concerne-t-il ?” Indifférence totale, dénuée de toute amertume, de toute colère ; sentiment comme celui qu’on éprouve pour la neige de l’an passé.

            Personne ne pourra dire qu’une telle génération est nécessairement une génération de voleurs et de criminels. Il se peut que ma génération ait donné au peuple Juif un pourcentage d’honnêtes gens qui n’est pas inférieur à celui des générations précédentes. Il existe des personnes, pour lesquelles la musique ou la poésie “n’existent pas”. Elles peuvent être des personnes tout à fait intelligentes, pourtant la question est de savoir, si le développement de telles personnes est achevé ? Est-ce que leur esprit est achevé, mûr et parfait à tous égards – du fait qu’il est incapable de saisir la magie des notes de musique, ou du fait qu’à leurs yeux, le plus beau poème n’est qu’une suite de mots rimés ?

     

“L’homme de l’avenir sera religieux” : Jabotinsky, visionnaire du réveil spirituel de l’humanité

       La musique et la poésie sont deux émotions considérables ; l’homme auquel une des deux fait défaut, ou même les deux, est un homme pauvre et défavorisé. Et pourtant, que sont la musique et la poésie, en comparaison de cette émotion dont la musique et la poésie sont peut-être la conséquence ? Elles expriment la nostalgie de l’âme humaine, qui nous a contraints, depuis l’époque du premier homme, à peupler les cieux et la terre, le fleuve, la mer et la forêt des secrets de la vie. Nostalgie, qui nous a contraints à plier le genou devant une force que nous n’avons jamais vue ; qui a engendré des guerres, qui a formé des bourreaux et des héros, a donné naissance à l’architecture et à la peinture, la sculpture et la philosophie. De tous les éléments spirituels de l’histoire mondiale, la religion a toujours été le plus puissant. Au Moyen-Âge – elle était sans doute l’élément le plus puissant de tous, spirituels ou “matériels”. Et voici qu’au terme de tout cela, apparaît une génération pour laquelle “il n’existe aucun problème”, et aux yeux de laquelle la question de la religion tout entière est en fait un malentendu. Comme la neige de l’an passé… Cela est quelque peu étonnant. C’est comme si l’on venait nier l’existence de l’océan, ou de l’Amérique et de l’Australie, ou de la stratosphère, du système des constellations – on ne les voit pas et on n’a aucune envie de la voir.

            Chez l’homme qui est pleinement évolué, il n’est pas possible qu’une émotion aussi considérable fasse défaut. L’homme de l’avenir, l’homme entier, auquel aucun sens ne manquera, sera “religieux”. Je ne sais pas quel sera le contenu de sa religion ; cependant il sera porteur du lien vivant entre son âme et l’infini, qui l’accompagnera partout où il ira… »

Etat et religion – Éditions L’éléphant (editions-elephant.com)

“L’homme de l’avenir sera religieux” : Jabotinsky, visionnaire du réveil spirituel de l’humanité

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Juifs et Ukrainiens (III) : un pogrom à Kiev raconté par Golda Meir

March 16 2022, 07:45am

Posted by Pierre Lurçat

Dans les pages suivantes, extraites de ses Souvenirs de jeunesse récemment traduits en français, Golda Meir relate les jours d’angoisse dans l’attente d’un pogrome, dans sa ville natale de Kiev. Troisième volet de notre série d’articles consacrés aux relations entre Juifs et Ukrainiens. P. Lurçat

 

Je suis née à Kiev. Mon père était menuisier, et la situation économique de la famille était plutôt mauvaise. Il décida de déménager à Kiev afin d’améliorer leur situation. Kiev était située en dehors de la Zone de résidence , mais mon père, en tant qu’artisan qualifié, avait reçu l’autorisation d’y habiter. Il obtint même un travail pour le gouvernement. Il avait alors été décidé de construire des bibliothèques pour les écoles et mon père fut chargé de fabriquer le mobilier. Il savait fabriquer des meubles de belle apparence et décorés. Pour pouvoir accomplir son travail, il ouvrit un atelier et embaucha des salariés. Il avait bien entendu reçu pour cela un acompte et avait même investi des fonds qu’il avait empruntés. Mais en fin de compte – mon père disait que c’était par antisémitisme – ils ne voulurent pas accepter ses meubles, et nous fûmes plongés dans les dettes, sans rien pour subsister, et il partit travailler loin de la maison.

 

Je n’ai pratiquement aucun souvenir de la ville de Kiev, pas même celui de la cour de la maison. Mes trois souvenirs datant de cette époque sont: tout d’abord, la mort de ma grand-mère du côté paternel – le même jour où naquit ma sœur cadette, qui réside jusqu’à ce jour en Amérique. Deuxièmement, la rumeur d’un pogrom qui devait frapper Kiev. Et l’attitude caractéristique de mon père, qui ne fit aucun préparatif pour emmener sa famille et se cacher quelque part. Nous habitions au premier étage. Je me souviens de m’être tenue à l’entrée – sur les escaliers menant au deuxième étage, vers l’appartement du voisin – avec sa fille, qui devait avoir mon âge, et d'avoir regardé comment mon père et ma mère tentaient de barricader l’entrée de la maison, en disposant des planches conte la porte. Pour notre chance, il n’y eut pas de pogrom, mais je n’ai pas oublié l’atmosphère régnant dans l’attente de celui-ci.

 

Victimes d’un pogrom à Kiev, 1919

 

La troisième chose que je me rappelle de notre séjour à Kiev est la gêne et la faim. Ma sœur aînée, qui a neuf ans de plus que moi, peut en dire bien plus que moi, mais une image est restée gravée dans ma mémoire : notre sœur cadette, plus jeune que moi de quatre ans et demi, qui était alors un bébé âgé de six mois ou moins, et ma mère préparant sa bouillie. C’était de toute évidence un aliment de luxe à cette période. Elle donna un peu de bouillie à ma sœur et un peu à moi. Celle-ci finit sa part avant moi, et ma mère lui donna encore un peu de ma bouillie. Je me souviens de l’émotion que j’ai ressentie – voilà qu’on me privait de ce met que je ne recevais que si rarement…

 

Je ne revis jamais, hélas, les lieux où j’avais passé mon enfance en Russie, Kiev et Pinsk. J’eus pourtant à deux reprises l’occasion de me rendre à Pinsk, mais cela ne se réalisa pas. La première occasion se déroula en 1939, lors de ma première visite en Pologne pour le compte du parti. J’entamai mon voyage et j’arrivai jusqu’à Lodz, mais je tombai malade. Je restai alitée pendant deux semaines, et entretemps mon visa devint périmé et les Polonais n’acceptèrent pas de le renouveler. Aussi je ne pus me rendre à Pinsk. 

Cependant, même si j’avais pu me rendre à Pinsk lors de ma mission en Russie, je n’y aurais plus trouvé aucun des membres de ma famille – sauf peut-être une personne – le petit-fils du frère de ma grand-mère. Tous les autres avaient été exterminés pendant la Shoah. Malgré cela, je voulais m’y rendre et je regrettai que la chose ne fut pas possible. 

Extrait de Golda Meir, La maison de mon père, éditions l’éléphant/Books on Demand 2022.

 

 

 

“La biographie la plus précoce de la « grand-mère d’Israël »

Liliane Messika, Causeur

 

“Un personnage fascinant”

Sandrine Szwarc

Radio Shalom

 

“Une des plus grandes dames de la scène politique israélienne…”

Ilana Ferhadian, Radio J

 

Pierre Lurçat présente le livre au micro de Cathy Choukroun sur 

Radio QUALITA



 

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Conférence sous l'égide de l'OSM : Golda Meir, la femme et la légende - Dimanche 23 janvier à 19h00

January 20 2022, 18:56pm

Posted by Pierre Lurçat

J'aurai le plaisir d'évoquer la figure de Golda Meir, dans le cadre des conférences organisées par l'Organisation sioniste mondiale - département de la promotion de l'alyah - et de présenter le livre nouvellement traduit en français, La maison de mon père, troisième volume de la Bibliothèque sioniste.

La conférence  a lieu sur Zoom à 19h00 heure de Paris / 20h00 heure de Jérusalem.

Inscriptions en ligne ici

https://bit.ly/Golda_femme_et_legende

Conférence sous l'égide de l'OSM : Golda Meir, la femme et la légende - Dimanche 23 janvier à 19h00

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Parution d’un livre autobiographique inédit de Golda Meir

January 11 2022, 09:36am

Posted by Pierre Lurçat

 Parution d’un livre autobiographique inédit de Golda Meir

Éditions L’éléphant - La Bibliothèque sioniste

Paris-Jérusalem

Le 11 janvier 2022

 

 

COMMUNIQUÉ - Parution d’un livre autobiographique inédit de Golda Meir

 

En 1972 paraissait en Israël le premier livre autobiographique rédigé par Golda Meir, qui était alors Premier ministre depuis plusieurs années. Ce texte, publié en français pour la première fois, couvre la partie de la vie de l’auteur qui s’étend de son enfance en Russie et de sa jeunesse en Amérique, à son séjour au kibboutz Merhavia, dans les années 1920. On y découvre, outre l’autoportrait de celle qui allait devenir la première femme Premier ministre de l’État d’Israël, la description fidèle et sans fioritures d’une génération tout entière, celle des pionniers de la Troisième Alyah (1921-1924). 

 

La maison de mon père, traduction et présentation de Pierre Lurçat

 

Les demandes de service de presse (papier ou numérique) doivent être adressées à 

editionslelephant@gmail.com

 

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"Tout le contraire d'un fasciste" : (re)découvrir Jabotinsky, Pierre Lurçat

December 26 2021, 09:05am

Posted by Pierre Lurçat

A l'occasion de la "Conférence Jabotinsky sur le sionisme" qui aura lieu cet après-midi à Jérusalem, en présence du Président de l'Etat Itshak Herzog, je publie l'interview que j'ai accordée à BokerTov Yeroushalayim.

 

Aujourd’hui je poste une interview de Pierre Lurçat qui nous fait découvrir dans son dernier ouvrage la pensée de Jabotinsky sur le rapport entre le Judaïsme et l’Etat. Pour ce faire Pierre Lurçat a traduit ses textes : Questions autour de la tradition juive, et  Etat et religion. Pierre Lurçat a fait précéder sa traduction d’une importante préface Etat et religion dans la pensée du Rosh Betar*, préface bien nécessaire pour aborder la pensée complexe de Vladimir Zeev Jabotinsky, qui fut une figure des plus marquantes du sionisme et que très peu connaissent réellement.

 

Hanna :
Pierre Lurçat, pourriez-vous tout d’abord vous présenter et nous dire comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la pensée de Jabotinsky ?

Pierre Lurçat :
Je vis depuis 1994 à Jérusalem, où ma mère était née en 1928. Mes grands-parents venaient de Cracovie et de Bialystok, et mon grand-père a fait partie du Gdoud ha-Avoda et des Chomrim. Mon histoire familiale me prédisposait donc à monter en Israël. De plus, j’ai milité au Tagar, mouvement sioniste étudiant jabotinskien, pendant plusieurs années avant mon alyah. Mais je n’ai vraiment découvert la pensée de Jabotinsky que bien plus tard, à l’occasion d’une conférence donnée par son petit-fils à Jérusalem.
C’est alors que j’ai entamé la traduction de son autobiographie. Plus tard, j’ai découvert ses écrits et entrepris leur traduction, dans le cadre de la Bibliothèque sioniste que j’ai fondée l’an dernier, dans le but de mettre à la disposition du public francophone les grands textes des principaux théoriciens et dirigeants sionistes. J’ai déjà publié deux recueils de textes de Jabotinsky, consacrés à sa pensée sociale et à ses conceptions en matière de religion.

Hanna :
Pourriez-vous nous décrire les principales étapes de la vie de Jabotinsky?

Pierre Lurçat :
Enfant terrible du sionisme russe, il a – un peu comme Theodor Herzl – renoncé à une carrière littéraire pour se consacrer entièrement à la cause juive découverte à l’occasion des pogromes de Kichinev. Plus tard, à l’orée de la Première Guerre mondiale, il a eu l’intuition géniale qu’il fallait que le mouvement sioniste – et à travers lui, le peuple Juif – prenne une part active à la guerre, et qu’il devait s’allier aux Puissances alliées (Grande-Bretagne et Russie) et non pas aux Empires centraux.
C’est ainsi qu’il a été amené à créer la Légion juive, première force armée se battant sous un drapeau juif depuis l’époque des Makabim. Le corps des Muletiers de Sion puis les bataillons juifs (Gdoudim ha-Ivriim) qui se sont battus à Gallipoli et en Eretz Israël (campagne à laquelle Jabotinsky a lui-même participé en tant que lieutenant) ont joué un rôle important dans l’obtention de la Déclaration Balfour.
Plus tard, Jabotinsky a fondé le Betar, mouvement de jeunesse et incarnation de son idéal du “Nouveau Juif”, puis le mouvement sioniste révisionniste, qui entendait revenir aux principes fondamentaux du sionisme, qui avaient été selon lui délaissés par l’exécutif sioniste depuis la mort de Herzl. Dans la dernière période de sa vie, “Jabo” a parcouru inlassablement les bourgades juives de Pologne, en exhortant les Juifs à partir avant qu’il ne soit trop tard… Lui-même est décédé à New York, en 1940, à l’âge de 60 ans.

 

Jabotinsky's Lost Moment: June, 1940 - The Tower - The Tower

Jabotinsky passant en revue un Misdar du Betar, NY 1940

Hanna :
Jabotinsky est né à Odessa, ville ouverte, et non pas dans un shtetl de la zone de résidence où étaient assignés les Juifs. Pensez-vous que le caractère cosmopolite de cette ville a joué dans son approche du sionisme mais aussi peut-être dans sa conception des relations entre le peuple juif et les autres peuples? 

Pierre Lurçat :
Effectivement, il a été marqué de manière très durable par l’atmosphère très particulière d’Odessa, comme il le raconte dans son autobiographie et aussi dans son roman Les cinq. Odessa était une ville portuaire, ouverte à toutes sortes d’influences étrangères, et une ville cosmopolite. Jabotinsky a conservé toute sa vie l’amour de sa ville natale, dans laquelle il n’est pas revenu à l’âge adulte, tout comme il a été influencé par sa période italienne, qualifiant l’Italie de “patrie spirituelle”.
A la différence des dirigeants sionistes issus de la “Zone de résidence” et du shtetl, Jabotinsky avait une conception beaucoup plus simple des rapports entre le peuple Juif et les autres nations. C’est ainsi qu’il a pu se lier d’amitié avec des dirigeants anglais, français ou ukrainiens, entretenant des relations d’égal à égal, sans aucun “complexe juif galoutique”…

 

Ryanair to hit the tarmac in Odessa

Odessa

Hanna :
Dans sa jeunesse, Jabotinsky est influencé par les idées socialistes. Il prône lui aussi une nécessité de la réparation du monde, le tikoun olam. A-t-il été en contact avec Théodore Herzl, lui aussi mû par l’impératif de mettre fin au malheur des Juifs? Bien que ce ne soit pas le sujet de ce livre, pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce qu’il appelait la rédemption sociale?

Pierre Lurçat :
Sa brève rencontre avec Herzl, lors du 6e Congrès sioniste, a plutôt été une rencontre manquée, même s’il reconnaît être tombé en admiration devant le fondateur du mouvement sioniste. Effectivement, il partage avec Herzl l’idée qu’il faut normaliser la condition juive pour mettre fin au “Judennot”, le malheur juif ancestral.
Ses idées sociales et économiques, auxquelles j’ai consacré le premier volume de la Bibliothèque sioniste (La rédemption sociale), sont inspirées de la Bible hébraïque, dont il était un lecteur assidu et qu’il considérait comme le trésor national du peuple Juif et pas seulement comme un texte “religieux”. A l’instar de Herzl ou de Moïse, il avait été frappé par la misère du peuple Juif et son programme sioniste visait non seulement à régénérer le peuple Juif sur le plan national, mais aussi sur le plan économique et social. Dans ses “éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque”, il soutient ainsi l’idée qu’il faut remettre en vigueur le concept biblique du Yovel (Jubilé) afin de réduire les inégalités et de mettre fin à la pauvreté.

Hanna :
Pourriez-vous nous parler de sa rupture avec les idées de Marx et de cet élément spirituel primordial qu’il ajoute aux fameux moyens de production de Marx?

Pierre Lurçat :
A Rome, où il avait étudié le droit dans sa jeunesse, Jabotinsky avait été un temps inspiré par les théories marxistes, dont certains de ses professeurs étaient partisans. Plus tard, il a compris que la doctrine du matérialisme historique comportait une lacune énorme, du fait qu’elle négligeait totalement l’élément spirituel. Comme il l’explique dans son Exposé sur l’histoire d’Israël, “de tous les moyens de production, le premier et le plus important est le mécanisme spirituel”.
Jabotinsky entend par cette expression ce qui donne à chaque peuple sa spécificité, sa “ségoula” pour employer la notion de la Bible. A cet égard, et de manière très caractéristique de sa pensée, “Jabo” ne considère pas le peuple Juif comme étant “supérieur”, puisqu’il affirme que chaque peuple possède sa propre “ségoula”, son propre mécanisme spirituel qui lui donne son caractère unique et qui lui permet de contribuer à la richesse de l’humanité, constituée de peuples multiples et divers. Nous sommes ici très éloignés des utopies actuelles concernant une humanité délivrée des nations…

Hanna :
 Pour beaucoup Jabotinsky est assimilé à un fasciste. Sachant qu’un état fasciste est un état dictatorial qui ne laisse aucune place à la liberté humaine, comment Jabotinsky voit-il l’état idéal?

Pierre Lurçat :
Jabotinsky est tout le contraire d’un fasciste ! En effet, comme je l’explique dans le recueil État et religion, son idéal est un “État minimaliste”, qui se contenterait d’offrir à ses citoyens les services et les protections sociales indispensables, tout en laissant à l’individu la liberté maximale. Comme l’explique Jabotinsky : “Au commencement, Dieu a créé l’individu…. La société a été créée pour le bien des individus et non le contraire…” Ceux qui le qualifient de “fasciste” ou de partisan d’un État autoritaire n’ont rien compris à sa pensée, ou ne l’ont tout simplement pas lu.

Hanna :
Dans sa jeunesse, sa compréhension du judaïsme est très claire. Il écrit à l’âge de 25 ans que : l’exil a fait mourir le judaïsme…Le judaïsme a permis de conserver en vie l’identité nationale mais ce trésor caché n’est pas la religion elle-même. Mais dans les années 30, il a complètement changé. Il veut introduire la tradition juive dans la sphère publique. Parlez-nous de ses rapports avec le rav Kook…

Pierre Lurçat :
Effectivement, le changement d’attitude de Jabotinsky envers la religion est étroitement lié à ses rencontres et notamment à l’influence du rabbin Kook, qu’il n’a pas rencontré en personne mais par lequel il a été marqué au moment de l’affaire Stavsky. Quand le rabbin Kook a pris publiquement la défense des trois jeunes militants du Betar – injustement accusés du meurtre de Hayim Arlosoroff – Jabotinsky a compris que le judaïsme était une “force vive”, comme il l’a écrit, et non pas une “momie”. Son admiration pour le rav Kook (qu’il qualifie de “Cohen Gadol”) s’est accompagnée d’une évolution considérable de ses conceptions concernant la religion, que je décris en détail dans le livre État et religion.

Rav Kook Archives – Tradition Online

Le rav Kook

Hanna :
Bien que ce ne soit pas le sujet de ce livre, vous écrivez que Jabotinsky s’est montré très lucide sur le sujet crucial des relations avec les Arabes. Il a compris très tôt qu’on ne pourrait parvenir à un règlement qu’en nous montrant inflexibles, mais en prenant aussi au sérieux les revendications et l’identité arabe. Donc, pour ceux qui rêvent encore aux accords d’Oslo, pourriez-vous expliquer en quoi ils furent une erreur tragique ? Et en quoi les accords d’Abraham sont différents ?

Pierre Lurçat :
L’idée fondamentale développée par Jabotinsky, notamment dans son fameux article sur le “Mur de fer”, est que la paix ne pourra venir tant que nos ennemis caresseront l’idée de nous expulser ou de nous anéantir militairement (ou conjointement par des moyens politiques et militaires, comme le souhaitait Arafat à l’époque des accords d’Oslo). Ainsi, le rêve de la paix est conditionné par la capacité d’endurance et de dissuasion d’Israël…
Ce réalisme pessimiste s’accompagne d’un profond respect de Jabotinsky pour l’identité nationale arabe, conforme à sa conception de la nation que nous avons évoquée plus haut. A cet égard, toute notion d’un compromis territorial est illusoire, parce qu’elle méconnaît l’idée essentielle que le peuple Juif est revenu sur sa terre et qu’il n’est pas un intrus en Eretz Israël. J’ajoute que, si la doctrine du “Mur de fer” est souvent considérée comme l’inspiratrice de la doctrine stratégique de Tsahal, les développements actuels et la construction d’un mur autour de Gaza, tout comme le “Dôme d’acier” me semblent éloignés des idées de Jabotinsky, en ce qu’ils sont des mécanismes purement défensifs, qui empêchent Tsahal de reprendre l’offensive. Comme l’avait écrit Jabotinsky, le peuple Juif n’a pas encore atteint le stade du militarisme… Nous sommes encore empreints de la mentalité galoutique et du désir de vivre en paix à tout prix.

Hanna :
Dans son article du 25/6/1937, Jabotinsky écrit que la question essentielle est : de distinguer qu’est ce qui est sacré et qu’est ce qui n’est que l’enveloppe du sacré ?
Pensez-vous que nos sages d’aujourd’hui se préoccupent assez de séparer le sacré de son enveloppe sans craindre le libre exercice de la pensée du chercheur ?

Pierre Lurçat :

C’est une question complexe… Effectivement, Jabotinsky a développé une conception des rapports entre État et religion dans laquelle l’affirmation du caractère juif de l’État dans la sphère publique s’accompagne de la plus grande liberté individuelle dans la sphère privée. La citation à laquelle vous faites référence, qui clôt son article “La tradition religieuse juive” et que j’ai placée en conclusion du recueil État et religion, exprime en quelque sorte le “testament spirituel” de Jabotinsky sur ce sujet.
Il est évidemment demeuré loin de toute orthodoxie religieuse, fidèle à l’esprit libéral “odessite” dans lequel il a grandi, mais cela ne l’empêche nullement d’écrire, dans le même article, que le futur “État idéal, lumière pour les nations” aura trois piliers, sur lesquels seront gravés respectivement la Bible hébraïque, la Michna et le Rambam*… Ceux qui présentent Jabotinsky comme un Juif assimilé, voire comme un ennemi de la religion, n’ont décidément rien compris !
Pour en revenir à votre question, je dirai que le débat public en Israël demeure encore trop focalisé sur de vaines oppositions et simplifications, et que les partisans d’un “État de tous ses citoyens” coupé de ses racines nous empêchent parfois de nous occuper de la tâche essentielle, celle de faire revivre et de développer la Tradition d’Israël, en l’adaptant à la vie nationale.

J’ai lu le livre de Pierre Lurçat d’une traite et puis je l’ai repris doucement car chaque phrase me parlait

Je vous souhaite une bonne lecture!

EN VENTE SUR AMAZON ET DANS LES LIBRAIRIES FRANCAISES D'ISRAEL

A bientôt,

*Le Rambam: Maimonide

https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/12/25/vladimir-zeev-jabotinsky/

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Jabotinsky et le rav Kook : la “rencontre” de deux géants, Pierre Lurçat

August 22 2021, 11:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

A l’occasion du Yahrzeit du rabbin Avraham Itshak Hacohen Kook, qui a été célébré le 3 Eloul, je publie ici un extrait inédit du nouveau livre de Jabotinsky, Questions autour de la tradition juive, qui paraît ces jours-ci. J’y évoque l’influence décisive qu’a eue sur Jabotinsky la prise de position courageuse du rav Kook dans l’affaire Arlosoroff. P. Lurçat

 

 

L’homme de l’avenir, l’homme entier, auquel aucun sens ne manquera, sera “religieux”. Je ne sais pas quel sera le contenu de sa religion ; cependant il sera porteur du lien vivant entre son âme et l’infini qui l’accompagnera partout où il ira”. (Jabotinsky, De la religion)

 

Le pronostic formulé par Jabotinsky selon lequel “l’homme entier sera religieux”, marque une évolution marquante de sa pensée, depuis celle exprimée trente ans plus tôt dans son article Le sionisme et Eretz Israël. Que s’est-il passé entretemps ? Comment le jeune dirigeant sioniste russe, convaincu que la religion n’est plus aujourd’hui qu’un “cadavre embaumé”, en est-il venu à y voir une dimension importante de la personnalité humaine, aux côtés de la musique et de l’art ? Les raisons de cette évolution radicale sont multiples. Mentionnons tout d’abord le cheminement personnel de Jabotinsky, qui a mûri et a eu le temps d’approfondir sa réflexion sur de multiples domaines. Le leader sioniste endurci qui s’exprime en 1935 n’est évidemment pas le jeune homme fougueux de 25 ans.

 

Le second facteur est celui des rencontres qu’il a faites et des personnes qui l’ont marqué, parmi lesquelles on peut mentionner le rabbin Falk, qui servit comme aumônier militaire dans les rangs des Muletiers de Sion, mais aussi et surtout le grand-rabbin Avraham, qui exerça une influence importante sur l’idée que Jabotinsky se faisait du judaïsme et de la religion. Dans une lettre adressée en juin 1934 à Nathan Milikovsky, qui n’est autre que le grand-père de Benjamin Nétanyahou, Jabotinsky parle en ces termes du rabbin Kook : “Le nom du rabbin K. est devenu en l’espace d’une nuit un symbole sublime dans le cœur des foules. Et moi-même, en toute humilité, si je n’étais pas totalement ignorant des choses de la Tradition, craignant de m’exprimer sur les sujets religieux, je choisirais précisément cet instant pour lancer publiquement un appel dont je rêve depuis l’époque de ma jeunesse : renouveler, de nos jours, le titre de « Cohen Gadol » (Grand-Prêtre)”.



 

 

Le rav Kook : le “Cohen Gadol”

Jabotinsky : un “ange descendu du ciel”



 

De son côté, le rabbin Kook, selon certains témoignages, aurait qualifié Jabotinsky “d’ange de Dieu” . Les deux qualificatifs sont assez forts et inhabituels, tant dans la bouche de Jabotinsky que dans celle du rabbin Kook, pour mériter qu’on y prête attention. Comment ces deux hommes, que tout séparait en apparence et qui ne se sont selon toute évidence jamais rencontrés, en sont-ils venus à se porter une telle estime réciproque ? La réponse à cette question est liée à un événement qui a joué un rôle important non seulement dans l’histoire politique du Yishouv, l’affaire Arlosoroff, mais aussi dans l’évolution des conceptions de Jabotinsky  concernant la place de la religion juive dans le futur État juif, et des rapports entre État et religion en général. 

 

Lorsque le dirigeant sioniste travailliste Haïm Arlosoroff est assassiné sur une plage de Tel-Aviv le 16 juin 1933, la presse et les dirigeants du Yishouv accusent immédiatement – et sans la moindre preuve – le Betar. Trois militants sont arrêtés, sur la base d’un témoignage obscur de la veuve d'Arlosoroff et l’un d’eux, Avraham Stavsky, est condamné à mort. Jabotinsky  est d’emblée convaincu qu’il s’agit d’une fausse accusation et il œuvre sans relâche pour obtenir l’acquittement de Stavsky, qu’il compare dans des articles à Mendel Beilis (Juif ukrainien accusé de crime rituel en 1911). Dans ce combat, Jabotinsky  reçoit le soutien décisif du grand-rabbin de Palestine mandataire, Avraham I. Hacohen Kook. Ce dernier prend courageusement la défense des accusés, s’exposant à la vindicte des journaux et partis de gauche, qui l’insultent et dont certains (comme l’Hashomer Hatzaïr) n'hésitent pas à couvrir le pays d’affiches proclamant “Honte au pays dont les rabbins soutiennent des assassins”!  

 

 

Très impressionné par l’intervention du rabbin Kook, Jabotinsky  écrira plus tard, dans une lettre adressée au rabbin Milikowski, organisateur du comité de défense des accusés, “Vous ne pouvez pas estimer la valeur de cette action… Outre son rôle décisif pour faire triompher la justice dans l’affaire Stavsky, elle aura des conséquences profondes et essentielles sur l’orientation politique et spirituelle du public hébreu en Eretz-Israël et en diaspora. Un exemple : j’ai déjà reçu plusieurs lettres demandant que je propose, lors de notre prochain Congrès mondial, une motion spéciale concernant les rapports entre l’Hatsohar (Organisation sioniste révisionniste) et la tradition religieuse”.

 

Ainsi, de l’aveu même de Jabotinsky, c’est l’intervention du rabbin Milikovsky qui suscita le changement d’orientation de son mouvement, attaché à une laïcité militante, et son évolution vers une attitude plus favorable à la tradition juive. Un an plus tard, en 1935, lors du Congrès fondateur de la Nouvelle Organisation sioniste, Jabotinsky accueille avec sympathie “l’Alliance de Yéchouroun”, courant sioniste-religieux qui vient de s’intégrer au sein du parti révisionniste, malgré la vive opposition de plusieurs membres de la Vieille Garde du parti, au rang desquels figurent Adia Gourevitz (fondateur du mouvement cananéen) et son propre fils, Eri Jabotinsky. 

 

Dans son discours prononcé devant le Congrès de la N.O.S., Jabotinsky  déclare : “Bien entendu, la religion est l’affaire privée de chacun… Dans ce domaine doit régner la liberté absolue, héritée de l’ancien libéralisme sacré… Mais ce n’est pas une question privée de savoir si le Mont Sinaï, les prophètes sont des fondements spirituels ou une momie dans une vitrine de musée, comme le corps embaumé de Pharaon…” Et il poursuit : “C’est une question essentielle et supérieure pour un État et pour notre nation, de veiller à ce que le feu sacré perpétuel ne s’éteigne pas… pour que soit préservée, au milieu du tumulte des innombrables influences qui entraînent la jeunesse de nos jours, et qui la trompent parfois et l’empoisonnent, cette influence qui est une des plus pures – l’esprit de Dieu ; pour qu’un espace subsiste pour ses partisans et une tribune pour ses promoteurs”...

 

Pierre Lurçat

 

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Quand “Jabo” lisait la Bible : La pensée économique et sociale du fondateur du sionisme révisionniste

March 7 2021, 11:00am

Posted by Pierre Lurçat

Il y a de nombreuses manières de lire la Bible hébraïque, le Tanakh, mais on peut les regrouper toutes dans deux catégories. La première est celle des lecteurs qui la considèrent comme un livre décrivant des événements du passé. L’Ancien Testament des catholiques, la Bible des tenants de la “Science du judaïsme” où celle des rabbins réformés participent de cette tendance, mais également celle de certains Juifs orthodoxes qui s’abstiennent de toute joie en souvenir des victimes de l’épidémie à l’époque de Rabbi Aqiba (après la destruction du Second Temple), mais qui mettent leur vie et celle des autres en danger, en négligeant les mesures de protection contre la pandémie du Covid-19… La seconde manière de lire la Bible est celle de ceux qui y voient un Livre vivant (Torat Haïm), qui s’adresse au lecteur de chaque génération et dont les prescriptions sont toujours actuelles, plus de 3300 ans après le don de la Torah sur le Mont Sinaï. 

 

Jabotinsky - tout comme Herzl avant lui - appartient à cette seconde catégorie. Il lit la Bible hébraïque non comme un livre d’histoire ou comme un récit mythique, mais “comme le livre de l’Histoire nationale juive par excellence, et il en fait une source d’inspiration essentielle de ses idées politiques”. Je publie ici les premières pages du livre inédit de Jabotinsky, La rédemption sociale, que j’ai le plaisir et l’honneur de publier en français ces jours-ci. Ce livre, premier tome de la Bibliothèque sioniste, est dédié à la mémoire de Jacques Kupfer. Je l’ai connu à la fin des années 1980, au siège du Betar, boulevard de Strasbourg. C’est de lui que j’ai entendu pour la première fois le nom de Jabotinsky. J’étais déjà trop âgé pour appartenir au Betar et porter la Tilboshet, même si j’ai milité pendant plusieurs années au Tagar, branche étudiante du Betar. 

 

Je me souviens avec émotion des réunions avec Jacques, de la rédaction du journal Alerte auquel je participais comme lui sous différents nom de plume.. Comme tous ceux qui ont croisé son chemin, j’étais impressionné par ses multiples talents d’orateur, d’écrivain, de dirigeant et d’organisateur. Mais je me souviens en particulier qu’il nous donnait l’impression de vivre en compagnie des héros du sionisme, qui n’étaient pas pour nous des noms sur le papier, mais de véritables compagnons de lutte… Comme l’écrit Jabotinsky au sujet du colonel Patterson, qui “se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque”, Jacques se sentait chez lui dans le monde du Tanakh, dans le monde de Jabotinsky, des premiers Betari, des Olei hagardom, de Shlomo ben Yossef et des martyrs du Lehi et de l’Irgoun… 

 

Le secret du Betar que Jacques nous a transmis résidait à mes yeux dans cela: nous vivions avec ces héros. Mon militantisme sioniste a pris fin avec mon alyah en 1993, mais je revoyais Jacques régulièrement, au Yom Hébron ou ailleurs, sur le mont Herzl à l’occasion du Yahrzeit de Jabotinsky. Ce n’est que bien plus tard que je me suis intéressé plus sérieusement aux écrits de Jabotinsky, après avoir entendu son petit-fils à Jérusalem, et que j’ai entamé leur traduction en français. Mais je n’ai jamais oublié à qui je devais mon sionisme jabotinskien. Je dédie ce livre à Jacques Kupfer. Que sa mémoire soit bénie.

 

Jacques Kupfer z.l.

 

La pensée économique et sociale de Jabotinsky occupe une place particulière dans son œuvre, consacrée essentiellement aux questions politiques et à la situation du peuple Juif en Eretz-Israël et en exil. Elle n’est exposée de manière exhaustive et systématique dans aucun livre, ni même dans un recueil. On la trouve éparse dans quelques discours et articles, et notamment dans les Éléments de philosophie sociale de la Bible, dans La rédemption sociale et dans L’idée du Yovel, trois textes regroupés dans le livre que je viens de publier (1). Considéré dans sa prime jeunesse comme un écrivain prometteur (Maxime Gorki avait dit que sa conversion au sionisme fut une perte irréparable pour la littérature russe), Jabotinsky n’a guère eu le loisir de mettre à profit ses talents d’homme de lettres, sinon pour aborder les nécessités impérieuses de l’actualité, même s’il a publié - outre ses nombreux articles - deux romans et une autobiographie inachevée (2). 

 

Le “Saint des Saints” de l’univers de Jabotinsky

 

Le fondateur du Betar et de la Légion juive a littéralement donné sa vie au mouvement sioniste et à l’édification de l’État juif dont il n’a pas vu le jour, étant resté comme Moïse, sur l’autre rive…(3)  Et pourtant, les questions sociales et économiques n’ont cessé de le préoccuper. Son traducteur Moshé Bella pose la question de savoir ce qui motivait le plus Jabotinsky, du “pathos politique” ou du “pathos social”, et il observe que la question de la “réparation de la société” (Tikkoun ha-hévra) n’a jamais laissé de répit à l’âme sensible de Jabotinsky (4). Effectivement, dans le Panthéon intérieur du Roch Betar et dans son univers intime, la question de la justice sociale et de la réforme économique - à laquelle il n’a guère pu consacrer tout le temps qu’il aurait souhaité - occupait une place centrale. Elle était, selon ses propres termes, le “Saint des Saints” de son Temple intérieur. 


 

Avant d’aborder succinctement la pensée économique et sociale de Jabotinsky, il convient de faire une remarque préliminaire concernant la place qu’occupe la Bible dans la pensée sioniste moderne. Beaucoup a été dit sur le caractère utopique de la société juive décrite par Herzl, le “Visionnaire de l’État”, dans son ouvrage programmatique, L’État juif et dans son roman politique Altneuland. Homme du dix-neuvième siècle, Herzl croyait au progrès nécessaire de l’humanité, et son utopie est le fruit des conceptions de son époque (Paul Giniewski le compare judicieusement à Jules Verne, autre grand utopiste). Le rapprochement entre Herzl et Jabotinsky est instructif, à cet égard comme à beaucoup d’autres. Si le premier est un homme du siècle du Progrès et de la Science, le second (né en 1880) est bien un homme du vingtième siècle, celui des guerres meurtrières et des totalitarismes. (Il faut cependant nuancer l’idée d’un Herzl totalement optimiste, car lui aussi a eu la prescience d’une catastrophe à venir (5)). 

 

Partisan d’un retour à Herzl – dont il se considéra toute sa vie comme le continuateur – Jabotinsky a apporté à l’idée sioniste la dimension militaire qui faisait défaut à la pensée du “Visionnaire de l’État”. Mais les deux grands théoriciens du sionisme ont aussi lu la Bible, et tous deux l’ont prise au sérieux. Contrairement aux rabbins réformés (qui furent, avec beaucoup de rabbins orthodoxes, les pires adversaires du sionisme au sein du monde juif) et à beaucoup d’autres lecteurs de la Bible à leur époque, Jabotinsky, comme Herzl, lit la Torah non comme un récit mythique, mais comme le livre de l’Histoire nationale juive par excellence, et il en fait une source d’inspiration essentielle de ses idées politiques. Ces dernières s’expriment ainsi dans son roman Samson, où il fait une lecture audacieuse des événements de la période des Juges. Mais c’est surtout sa pensée économique et sociale qui est très largement fondée sur sa lecture de la Bible hébraïque, le Tanakh.

 

 

La pensée sociale biblique de Jabotinsky

 

Jabotinsky avait passé ses années de jeunesse à Rome, où il fut exposé aux conceptions socialistes, notamment par le biais de son professeur Antonio Labriola (6), comme il le relate dans son autobiographie : “Toutes mes conceptions relatives aux problèmes nationaux, de l'État et de la société se sont forgées au cours de ces années, sous l'influence italienne ; c'est là-bas que j'ai appris à aimer l'architecture, la sculpture et la peinture... À l'université, mes maîtres étaient Antonio Labriola et Enrico Feri (7). J'ai conservé la croyance en la justesse du régime socialiste, qu'ils ont semée dans mon cœur, comme quelque chose allant de soi, jusqu'à ce qu'elle soit détruite de fond en comble par l'expérience rouge en Russie”. 

 

L’influence socialiste exercée par ses professeurs de l’université de Rome s’est prolongée durant son activité de journaliste, alors qu’il couvrait l’actualité parlementaire en assistant aux séances de la Chambre des députés, au Palais Montecitorio (8). “A la tête de la gauche se trouvait le groupe parlementaire socialiste, auquel je me joignis en pensée, même si je n’y suis jamais entré de manière officielle, ni en Italie, ni en Russie. Son programme final, la nationalisation des moyens de production - me semblait alors comme une conclusion logique et souhaitable du développement de la société” (9). Comme d’autres dirigeants et intellectuels juifs russes à son époque (10), Jabotinsky avait été durablement marqué par le spectacle de la misère des Juifs en Russie, qu’il décrit dans son roman Les Cinq, en partie autobiographique. 

 

Ses articles concernant la question sociale été écrits dans les années 1930, au lendemain de la grande crise de 1929, qui avait conduit Jabotinsky à réfléchir aux questions économiques et sociales. Il avait lui-même connu de près, non certes la pauvreté, mais une vie de gêne, après le décès de son père - sa mère s’étant privée pour offrir à ses deux enfants des études supérieures - et bien plus tard, dans sa vie adulte, quand il donnait une partie conséquente de ses revenus de journaliste au mouvement sioniste révisionniste. C’est donc tout naturellement qu’il avait pu penser que la “classe ouvrière” serait le porte-drapeau des pauvres et qu’elle pourrait parler en leur nom et améliorer leur sort. 

 

Mais cet espoir fut déçu et Jabotinsky dut vite déchanter, sur ce sujet comme sur d’autres points clés de la doctrine marxiste, après la Révolution d’octobre en Russie, en découvrant ce qu’il a appelé le “contenu égoïste du concept de classe”. L’évolution qu’a connue Jabotinsky sur ce point - et son rejet définitif de toute conception socialiste - tiennent tout autant à sa réflexion sur les questions économiques et politiques qu’à sa conviction, profondément ancrée, que tous les hommes naissent et demeurent égaux. Brièvement séduit par les idées socialistes et pacifistes dans sa jeunesse, il en est très vite revenu pour élaborer sa doctrine sioniste, marquée par le concept de ‘Hadness (« un seul drapeau »), qu’il oppose au Sha’atnez (mélange de laine et de lin proscrit par la Bible) que représente à ses yeux le sionisme socialiste. 

 

 

C’est en effet dans la Bible hébraïque que Jabotinsky trouve le fondement de toute sa philosophie économique et sociale, qu’il résume dans la notion de Tikkoun Olam (réparation du monde) (11). Comme il l’explique, “Dieu a certes créé le monde tel qu’il est, mais que l’homme se garde bien de se satisfaire que le monde reste toujours “tel qu’il est” - car il est tenu de s’efforcer à tout moment de le perfectionner… car si Dieu y a laissé de si nombreuses lacunes – c’est précisément pour que l’homme lutte et aspire à la “réparation du monde” . L’idée de Tikkoun Olam vue par Jabotinsky trouve son application dans l’impératif de combattre la pauvreté, qui est à ses yeux non pas tant un mal inévitable qu’un mal inutile, qu’il incombe de faire disparaître en “réparant” le monde. 

 

L’extrême sensibilité du “Roch Betar” à la misère sociale l’amène à élaborer le programme des “Cinq Mem”, exposé dans son article La rédemption sociale et inspiré en partie d’un Juif viennois, Joseph Popper-Lynkeus (12), auteur d’un livre intitulé L’obligation alimentaire générale. D’après le programme de Popper-Lynkeus, l’État a l’obligation de libérer les citoyens, riches ou pauvres, de trois obligations essentielles : l’alimentation, l’habillement et l’habitation. Jabotinsky reprend ce programme à son compte, en y ajoutant l’éducation et la santé. C’est en cela qu’on a pu dire que Jabotinsky était le précurseur de l’État-providence moderne. (A suivre…)

Pierre Lurçat

 

(1) Extrait de ma préface au livre de Jabotinsky, La rédemption sociale, que je viens de publier en français. Disponible uniquement sur Amazon.

(2) Les Cinq, éditions des Syrtes 2006, Samson le Nazir, éd. des Syrtes 2008, Histoire de ma vie, Les provinciales 2011, traduction et présentation de Pierre Lurçat.

(3) Il est mort en 1940 à New-York.

(4) M. Bella,  Jabotinsky, ha-Ish oumishnato, Misrad Habitahon 1980 p. 253.

(5) Voir sur ce sujet, Y. Nedava “Les fondateurs du sionisme et la vision de la Shoah”, in Between the Visions, Rafael Hacohen éd. (hébreu).

(6) Philosophe et homme politique italien (1843-1904), contribua à diffuser le marxisme en Italie.

(7) Criminologue et homme politique italien (1856-1929).

(8) Il est intéressant de noter que Herzl avait lui aussi été correspondant parlementaire, au Palais Bourbon, comme il le relate dans son livre Le Palais Bourbon, tableaux de la vie parlementaire. Ainsi, les deux grands théoriciens du sionisme politique ont tous deux été marqués par la vie politique de deux grandes démocraties de l’époque.

(9) Histoire de ma vie, op. cit. page 32.

(10) Voir notamment la description faite par Zalman Shazar, Etoiles du matin, Albin Michel.

(11) Jabotinsky emploie ici la notion de Tikkoun Olam, qui a depuis lors été souvent utilisée à des fins politiques, notamment au sein de la gauche juive radicale aux Etats-Unis. Voir mon article “ Ruth Bader Ginsburg, Israël et le “Tikkun Olam” : la falsification d'un concept juif”.

(12) Ingénieur et écrivain autrichien (1838-1921).

 

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