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Face à la guerre en Israël : Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

November 16 2023, 15:55pm

Posted by Pierre Lurçat

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

 

1.

« J’ai tout de suite vu le visage du Christ et quelque chose de sombre comme de la cendre dans les yeux », relate Arielle Dombasle en évoquant sa rencontre avec Bernard Henri Lévy. L’anecdote relève de la presse « People », mais elle en dit long sur le regard que les chrétiens portent sur les Juifs. Or celui-ci a des conséquences qui vont bien au-delà des relations interpersonnelles, et qui concernent la politique et la géopolitique. Le « visage du Christ » ne désigne pas seulement à cet égard la manière dont le Juif est perçu physiquement, encore aujourd’hui, mais également celle dont est perçu l’Etat d’Israël et dont ses actions sont appréciées, et soutenues ou critiquées dans l’ensemble du monde occidental, chrétien et post-chrétien.

 

Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter l’interview sidérante donnée par le président français Emmanuel Macron à la BCC le 11 novembre, dans laquelle il « exhortait Israël » à « cesser de bombarder des civils » à Gaza. Au-delà de la versatilité et de l’hypocrisie du discours, déjà relevées dans ces colonnes et largement condamnées, il y a ici la manifestation d’une incapacité de juger l’événement autrement qu’à travers le regard du téléspectateur, c’est-à-dire du spectateur abreuvé d’images, qui ne peut que « condamner », « réprouver » ou « s’indigner », sous le coup de l’émotion, sans être capable de s’extraire de ce jugement émotionnel à l’emporte-pièce pour analyser l’événement.

 

2.

C’est précisément cette propension de l’homme contemporain à ne juger l’événement qu’à travers des images et les émotions qu’elles suscitent qui permet au Hamas de marquer des points dans l’opinion publique et de capitaliser sur chaque mort de civil à Gaza. Paradoxalement, c’est donc le Hamas qui a intérêt à maximiser le nombre de victimes civiles dans la population de Gaza, alors qu’Israël a intérêt à minimiser le nombre de victimes civiles (et fait tout son possible pour). Ce paradoxe tient aussi au fait que le Hamas (comme les autres organisations djihadistes) sanctifie la mort, alors qu’Israël sanctifie la vie.

 

Et le monde chrétien ? Il est apparemment encore et toujours tenté de porter sur Israël un regard déformé par deux mille ans de préjugés et « d'enseignement du mépris », comme disait Jules Isaac. Comment expliquer autrement l'attitude d'un Jospin, évoquant la « Loi du Talion » pour décrire la riposte israélienne, ignorant apparemment que la loi du Talion est en réalité une règle de proportionnalité (la fameuse proportionnalité!), qui a représenté un immense progrès par rapport aux habitudes de vengeance sans limite qui avaient cours dans le monde avoisinant de l’Israël antique, et qui sont encore usitées chez les ennemis d’Israël[1]. On reproche ainsi à Israël sa propension à la « vengeance » et au « Talion », au lieu d’apprécier son sens de la justice et de la retenue jusque dans la guerre.

 

3.

La persistance d’un regard chrétien déformé sur les Juifs dans un monde largement laïcisé montre que les préjugés ont la vie dure. Le fameux « dialogue judéo-chrétien » aurait-il échoué ? Cinquante ans après le décès de Jules Isaac, dont l’anniversaire est célébré ces jours-ci, la question mérite d'être posée. Mais en vérité, la réponse à cette question appartient aux chrétiens bien plus qu'aux Juifs. Car la question cruciale qui se pose aujourd'hui à Israël n'est pas celle de nos relations avec le monde chrétien (ou encore avec le monde musulman opposé à l'axe du Mal Iran-Hamas). Elle est celle de savoir qui nous sommes et pourquoi nous combattons.

 

            Or ces deux questions sont liées. C’est précisément lorsqu’Israël se refuse à assumer sa propre identité, celle du peuple de Dieu combattant pour la justice et pour le bien absolu, que les chrétiens et les musulmans contestent son identité et son droit sur la terre d’Israël. Quand Israël aura pleinement assumé – comme il commence à le faire ces dernières semaines – sa vocation de « Peuple Saint » et de « Peuple de Dieu », alors les autres peuples finiront par le reconnaître, et selon la prophétie d’Isaïe, « La montagne de la maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et toutes les nations y afflueront ».

 

P. Lurçat

 

NB Mon nouveau livre, Face à l’opacité du monde, paraît ces jours-ci aux éditions l’éléphant. Il est disponible sur Amazon, B.O.D et dans les bonnes librairies. Je l’ai évoqué à l’antenne d’Antoine Mercier sur sa chaîne Youtube Mosaïque.

 

[1] Sur la déformation de la Loi du Talion dans l’Occident chrétien, voir Rafael Drai, Le mythe de la loi du Talion, éditions Hermann.

 
Face à la guerre en Israël :   Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

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Une étincelle d’hébreu : “Shok Al-Yarekh”, à plate couture

November 15 2023, 08:43am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu : “Shok Al-Yarekh”, à plate couture

“Nous allons vaincre le Hamas à plate couture”. De telles déclarations abondent dans les médias israéliens depuis le 7 octobre. L’expression employée en hébreu, “Shok al-yarekh”, mérite qu’on s’y arrête. On la trouve pour la première fois au Livre des Juges (15-9), dans le récit de la guerre menée par Samson contre les Philistins. “Et il les battit dos et ventre” (Shok al-Yarekh). La traduction du rabbinat rend de manière plaisante l’original, qui signifie mot à mot “cuisse sur le jarret”.

 

D’où vient cette expression ? Selon de nombreux commentateurs, elle signifie que les cavaliers (désignés de manière métaphorique par la cuisse) triomphent des fantassins (désignés par le jarret). Nous n’avons plus de cavaliers aujourd’hui, pourtant l’expression est demeurée bien vivante. Mais pour qu’Israël batte le Hamas et ses autres ennemis à plate couture, il ne suffit pas de faire montre de sa force militaire.

 

Comme l’a dit hier soir le ministre de la Défense, Yoav Galant, qui porte le prénom d’un chef de l’armée du roi David, “nous vaincrons avec l’aide de D.”. Il est frappant de constater que des soldats, des officiers et des dirigeants de plus en plus nombreux prennent aujourd’hui conscience de ce “secret” qui accompagne le peuple Juif depuis les débuts de son histoire : la victoire appartient à l’Eternel. Que l’Eternel protège nos soldats et qu’il nous donne la victoire, “Shok al-Yarekh”!

P. Lurçat

NB J'ai donné une interview à Antoine Mercier sur la chaîne Mosaïque, sur le sujet "La guerre du bien absolu contre le mal absolu".

 

Pierre Lurçat - Israël face à l'opacité du monde - La guerre du bien absolu contre le mal absolu - YouTube

 

Une étincelle d’hébreu : “Shok Al-Yarekh”, à plate couture

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Pourquoi combattons-nous ? (II): Rétablir la souveraineté juive sur le Mont du Temple

November 12 2023, 09:16am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi combattons-nous ? (II): Rétablir la souveraineté juive sur le Mont du Temple

Pourquoi combattons-nous ? (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Dans le supplément Shabbat du journal Makor Rishon, Ronen Shoval livre une analyse intéressante, sous le titre « Retour à 1948 ». Partant du constat que les événements de Simhat Torah sont de portée biblique, il explique pourquoi il convient d’abandonner la morale d’Oslo et du retrait de Gaza pour retrouver la morale de 1948, celle de Ben Gourion et de la génération de la Guerre d’Indépendance. L’analyse est intéressante, mais elle ne suffit pas. En effet, si le 7 octobre marque un tournant majeur de notre histoire nationale, il doit aussi signifier une nouvelle étape dans l’édification de notre État, et pas seulement un retour au sionisme de 1948. 

Une fois que la guerre à Gaza sera gagnée, nous devrons passer à la seconde étape du sionisme. Le but ne sera pas seulement cette fois-ci d’assurer la sécurité de notre État (objectif initial du sionisme politique), mais d’ajouter un nouvel étage au projet initial. Passer d’un sionisme de subsistance (Tsionout shel Kiyoum) à un sionisme de vocation (Tsionout shel Yioud). Quelle est notre vocation ? Comme beaucoup d’Israéliens – civils et soldats – l’ont compris depuis le 7 octobre, la meilleure réponse à l’attaque du Hamas est l’instauration d’un État plus juif – dans l’esprit de la tradition de nos Prophètes – et plus conforme à notre vocation de « peuple Saint ». 

Une réponse adaptée à l’attaque meurtrière, lancée sous le slogan « Déluge d’Al-Aqsa », aurait ainsi pu consister à restreindre l’accès des musulmans au Mont du Temple, tant que les otages ne seront pas libérés. Israël aurait ainsi signifié qu’il se battait lui aussi pour Jérusalem et pour le Temple. Ce geste symbolique n’aurait pas seulement permis de répondre à la provocation du Hamas, mais aussi de réaffirmer notre souveraineté sur le lieu le plus saint du peuple Juif, qui a été malheureusement délaissé et quasiment livré à l’ennemi en 1967, lorsque Moshé Dayan a déclaré que nous n’avions « que faire de ce Vatican » (sic). 

Comme je l’écrivais en 2017, l’attitude d’Israël sur le Mont du Temple est une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des « dhimmis ». Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. 

Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam précisément en raison de son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des envahisseurs potentiels.

“Celui qui contrôle le Mont du Temple contrôle le pays”

L’alternative à cette situation inextricable et mortifère consisterait, comme l’avait bien vu l’écrivain et poète Ouri Zvi Greenberg, à asseoir notre souveraineté entière et sans partage sur le Mont du Temple, car « celui qui contrôle le Mont contrôle le pays ». Ce faisant, Israël signifierait au monde musulman que sa présence sur sa terre est permanente et non pas provisoire, et que les Juifs revenus sur leur terre ne sont pas des « croisés », destinés à être chassés à plus ou moins longue échéance : ils sont les maîtres et les souverains à Jérusalem, comme à Hébron et ailleurs, et ils sont là pour y rester. 

Une telle attitude pourrait libérer les musulmans de leur complexe d’infériorité-supériorité en leur signifiant que Jérusalem est hors de portée pour leurs aspirations de faire renaître un hypothétique Califat et que leur seul choix est d’accepter la coexistence pacifique avec un Israël fort et souverain. Ce faisant, Israël montrerait à l’ensemble du monde musulman que nous ne sommes plus des dhimmis (comme a pu le croire le Hamas, lorsqu’Israël a cru « acheter sa sécurité » en laissant passer à Gaza l’argent du Qatar), mais des Juifs fiers et sûrs de leurs droits, revenus sur leur terre pour édifier un Etat souverain et fort. Le « Mur de fer » préconisé par Jabotinsky passe par le Mont du Temple.

P. Lurçat

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Pourquoi combattons-nous ? (II): Rétablir la souveraineté juive sur le Mont du Temple

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Non Monsieur Macron, ne venez plus jamais pleurer sur nos morts!

November 12 2023, 07:28am

Posted by Pierre Lurçat

Non Monsieur Macron, ne venez plus jamais pleurer sur nos morts!

Monsieur le Président de la République française,

 

Vous ne viendrez donc pas à la manifestation contre l'antisémitisme qui se tiendra aujourd'hui à Paris. Contrairement à François Mitterrand – qui avait bien des choses à se reprocher à l'endroit du Peuple Juif – mais qui défila pourtant contre l'antisémitisme après Carpentras. Contrairement à Nicolas Sarkozy et à d'autres anciens présidents qui seront cet après-midi dans les rues de Paris, pour dire non à l'antisémitisme qui insulte, qui agresse et qui tue des Juifs français.

 

Vous ne viendrez pas et nous ne vous regretterons pas !

En effet, vos dernières déclarations contre Israël ont révélé au grand jour ce que vous pensez et à qui vont votre sympathie et votre compassion. Après avoir retardé votre visite en Israël, toujours au nom de cette hésitation permanente et de cette incapacité de trancher qui sont les marques de fabrique de votre personnalité et de votre politique, vous avez fini par trancher… et vous avez tranché contre Israël !

 

Votre petite phrase assassine, dans laquelle vous « exhortez Israël à cesser de bombarder des civils » palestiniens à Gaza, a montré aux yeux du monde entier dans quel camp vous êtes désormais. Ces mots indignes seront inscrits en lettres d'airain dans l'histoire des peuples, aux côtés d'autres petites phrases comme celle du général De Gaulle sur le « peuple juif sûr de lui et dominateur » ou comme celle de Raymond Barre sur les « Français innocents »... Vous êtes ainsi entré dans l'Histoire par la petite porte, celle des dirigeants français qui ont pris fait et cause contre Israël, aux moments les plus difficiles de son histoire.

 

Votre attitude ne fait pas honneur à la France, mais nous savons, nous Israéliens, qu'elle ne représente pas l'ensemble des Français.  Nous savons que la France profonde ne se confond pas avec ses dirigeants et que, même aux moments les plus noirs de la collaboration, de simples citoyens se sont levés contre la barbarie et contre l'occupant. Ce sont ces Français qui manifesteront contre l'antisémitisme et qui, pour beaucoup d'entre eux, ont compris que le combat d'Israël était juste, totalement juste, car Israël se bat pour sa survie et pour celle du monde civilisé contre la barbarie.

 

Alors, Monsieur le président de la République, ne venez plus jamais pleurer sur nos morts, ni dans nos synagogues, ni à Yad Vashem. Ne venez plus jamais verser des larmes de crocodile sur les victimes juives, israéliennes et françaises, de la barbarie du Hamas et des Palestiniens que vous soutenez. Gardez vos larmes et gardez votre fausse commisération. Le peuple de France mérite d'autres dirigeants. Le peuple d'Israël lui, se souviendra de votre trahison. Nous n’oublierons pas et nous ne pardonnerons pas.

P. Lurçat, Jérusalem

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Non Monsieur Macron, ne venez plus jamais pleurer sur nos morts!

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COMMUNIQUÉ: PARUTION DU LIVRE “FACE A L’OPACITÉ DU MONDE”

November 9 2023, 10:46am

Posted by Pierre Lurçat

COMMUNIQUÉ:  PARUTION DU LIVRE “FACE A L’OPACITÉ DU MONDE”

 

Éditions L’éléphant

Paris-Jérusalem, le 7/11/2023

 

COMMUNIQUÉ:

PARUTION DU LIVRE “FACE A L’OPACITÉ DU MONDE”

 

L’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre est le résultat de la combinaison  entre l’archaïque et le numérique, entre une idéologie barbare et une technologie moderne (celle qui a permis de tromper les renseignements militaires israéliens). Or, cette combinaison n’est pas un élément isolé; elle décrit très bien la réalité de notre monde au XXIe siècle, où le développement technologique se déploie de manière concomitante avec un abêtissement généralisé et une incapacité de distinguer entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

 

Ce n’est pas seulement le rêve illusoire de la «paix maintenant » qui a volé en éclats le 7 octobre, mais aussi, sans doute, celui d’une certaine intelligibilité du monde. L’ère de la surinformation qui est la nôtre est aussi celle d’une opacité grandissante des événements, face à la multiplicité des interprétations et des opinions individuelles, érigées en vérités. Comment comprendre l’attitude de ces étudiants juifs américains manifestant contre la riposte israélienne à Gaza, sur les campus des universités les plus prestigieuses et, plus généralement, de tous ceux qui établissent une équivalence morale entre les victimes des exactions du Hamas et les victimes civiles à Gaza? Comment expliquer que des gens intelligents croient à des idées folles?

 

Contrairement à la promesse mensongère de plus grande accessibilité du monde, sur laquelle repose toute l’industrie des nouveaux médias, le monde n’a jamais été aussi opaque et insaisissable qu’il ne l’est devenu aujourd’hui. C’est précisément parce que nous sommes submergés d’informations que nous ne savons plus qui croire, entre les médias traditionnels et leurs concurrents numériques, entre la multitude d'opinions et d'analyses qu'aucun critère ne permet de différencier, dans l’océan d’Internet dont aucune balise ne permet de déchiffrer la cartographie invisible.

 

L’auteur

Né à Princeton, Pierre Lurçat a grandi à Paris et vit à Jérusalem. Il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes tirés de la sagesse juive (Presses du Chatelet), Israël, le rêve inachevé (éditions de Paris), et Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Il a fondé en 2021 la Bibliothèque sioniste.



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Les demandes de service de presse (papier ou numérique) doivent être adressées à editionslelephant@gmail.com

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Comprendre le langage de l’ennemi (II) : le Hamas parle-t-il au nom de l’islam ?

November 8 2023, 10:18am

Comprendre le langage de l’ennemi (II) : le Hamas parle-t-il au nom de l’islam ?

Une pétition signée par une poignée d’intellectuels musulmans de langue française déplore que le slogan « Not in my name » n’ait pas suffisamment retenti lorsque la barbarie a frappé Israël. Leur texte est courageux et révélateur : aux yeux de la majorité des musulmans, en France et ailleurs, la barbarie du Hamas n’est pas condamnable. Ce constat terrible, qu’on préfère souvent passer pudiquement sous silence (à l’instar du rabbin Haïm Korsia), a des explications multiples, tant sociopolitiques que culturelles. Mais la première explication tient au fait très simple que les exactions du Hamas s’inscrivent dans une longue tradition, que l’islam n’a jamais été capable de répudier : la tradition du djihad.

 

Comme l’explique l’historienne Bat Ye’or dans une récente interview, « l’agression du Hamas contre l’Etat d’Israël et ses civils » est « un acte s’inscrivant dans la tradition juridique djihadiste, son éthique, sa stratégie et ses tactiques. L’histoire des conquêtes islamiques sur trois continents regorge de tels récits ». Ce constat d’une historienne qui a consacré sa vie à l’étude du djihad et de son pendant, la dhimmitude, est tellement aveuglant qu’on préfère généralement s’en détourner, pour se persuader qu’il existe une autre « version » de l’islam, qu’on dénomme tantôt « islam quiétiste », « islam spirituel » ou « islam des lumières ». Mais cela relève malheureusement de l’auto-intoxication, car cet autre islam n’existe le plus souvent que dans l’imagination des Occidentaux.

 

Si la barbarie du Hamas (similaire à celle de l’Etat islamique et des autres mouvements djihadistes contemporains) n’est pas condamnée par les représentants officiels de l’islam, en France et dans le monde, c’est pour la raison à la fois simple et profonde, que cette barbarie ne constitue pas un « écart », une transgression ou une violation des principes de l’islam. Elle constitue tout au plus l’application la plus rigoriste et la plus sanguinaire des principes du djihad, tels qu’ils ont été codifiés et appliqués pendant des siècles de conquête musulmane.

 

C’est ce qui rend le combat contre le Hamas si difficile : les terroristes du Hamas se fondent en effet dans la population de Gaza comme un « poisson dans l’eau », pour reprendre l’image du président Mao Zedong. Ils sont chez eux à Gaza, et leurs exactions sont acceptées comme conformes à la culture ambiante. Les civils de Gaza qui ont pris part aux viols, aux tueries et aux actes barbares commis le 7 octobre dans les kibboutz frontaliers de Gaza n’étaient pas entraînés, ou appelés en renfort par le Hamas : ils se sont joints spontanément à la « razzia » contre l’ennemi juif.

 

Le Hamas parle le langage de l’islam

 

Le Hamas n’est pas seulement au pouvoir à Gaza depuis le retrait désastreux orchestré par Ariel Sharon en 2005, il est également présent en Judée-Samarie. Mais sa présence ne repose pas seulement sur la domination politique et sur la terreur qu’il exerce régulièrement contre ses opposants. Elle s’appuie également sur la porosité entre son discours et les thématiques de l’islam traditionnel. Le Hamas parle le langage de l’islam, celui que tous les musulmans pratiquants dans le monde entier connaissent et dans lequel ils ont grandi.

 

Nous en donnerons un seul exemple : celui du Hadith de la pierre et de l’arbre. Ce hadith (dire attribué au prophète) est cité à l’article 7 de la Charte du Hamas. « L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le ! »

 

Ce hadith a été récemment invoqué par l’imam de Beaucaire, petite ville du département du Gard, dans le sud de la France. Lorsque l’imam a été inculpé et poursuivi devant le tribunal correctionnel, il a déclaré pour sa défense : « C’est le récit de ce qui va se passer à la fin des temps ». Cette réponse exprime en toute simplicité ce que pensent des millions de musulmans à travers le monde. Elle signifie que la guerre contre le Hamas n’est pas seulement une guerre contre le terrorisme, ou contre un territoire (Gaza) : elle est aussi, comme l’ont bien compris les amis d’Israël dans le monde, une guerre de civilisation. C’est ce qui la rend difficile et longue. Mais « le peuple éternel n’a pas peur d’un long chemin ». Jusqu’à la victoire ! Ad hanitsahon!

P. Lurçat

 

Comprendre le langage de l’ennemi (I) : Les Juifs et Israël dans la vision du monde de l’islam et du Hamas, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

 

Éditions L’éléphant

Paris-Jérusalem, le 7/11/2023

 

COMMUNIQUÉ:

PARUTION DU LIVRE “FACE A L’OPACITÉ DU MONDE”

 

L’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre est le résultat de la combinaison  entre l’archaïque et le numérique, entre une idéologie barbare et une technologie moderne (celle qui a permis de tromper les renseignements militaires israéliens). Or, cette combinaison n’est pas un élément isolé; elle décrit très bien la réalité de notre monde au XXIe siècle, où le développement technologique se déploie de manière concomitante avec un abêtissement généralisé et une incapacité de distinguer entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

 

Ce n’est pas seulement le rêve illusoire de la «paix maintenant » qui a volé en éclats le 7 octobre, mais aussi, sans doute, celui d’une certaine intelligibilité du monde. L’ère de la surinformation qui est la nôtre est aussi celle d’une opacité grandissante des événements, face à la multiplicité des interprétations et des opinions individuelles, érigées en vérités. Comment comprendre l’attitude de ces étudiants juifs américains manifestant contre la riposte israélienne à Gaza, sur les campus des universités les plus prestigieuses et, plus généralement, de tous ceux qui établissent une équivalence morale entre les victimes des exactions du Hamas et les victimes civiles à Gaza? Comment expliquer que des gens intelligents croient à des idées folles?

 

Contrairement à la promesse mensongère de plus grande accessibilité du monde, sur laquelle repose toute l’industrie des nouveaux médias, le monde n’a jamais été aussi opaque et insaisissable qu’il ne l’est devenu aujourd’hui. C’est précisément parce que nous sommes submergés d’informations que nous ne savons plus qui croire, entre les médias traditionnels et leurs concurrents numériques, entre la multitude d'opinions et d'analyses qu'aucun critère ne permet de différencier, dans l’océan d’Internet dont aucune balise ne permet de déchiffrer la cartographie invisible.

 

L’auteur

Né à Princeton, Pierre Lurçat a grandi à Paris et vit à Jérusalem. Il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes tirés de la sagesse juive (Presses du Chatelet), Israël, le rêve inachevé (éditions de Paris), et Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Il a fondé en 2021 la Bibliothèque sioniste.



 

Les demandes de service de presse (papier ou numérique) doivent être adressées à editionslelephant@gmail.com

 

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Dôme d’acier ou mur de fer? Conférence Zoom à l'occasion des 100 ans du “Mur de fer” de Zeev Jabotinsky

November 7 2023, 08:07am

Dôme d’acier ou mur de fer?  Conférence Zoom à l'occasion des 100 ans du “Mur de fer” de Zeev Jabotinsky

Dôme d'acier ou mur de fer? - מרכז מורשת מנחם בגין (begincenter.org.il)

Prochain évènement Zoom du Centre Begin -100 ans du "Mur de Fer" de Zeev Jabotinsky

Avec Pierre Lurcat

 

📰 Il y a 100 ans, le 4 novembre 1923, Zeev Jabotinsky publiait son article "Le Mur de fer".

️ Dans cet article, toujours d'actualité, Jabotinsky exposait son point de vue sur la stratégie à adopter face à l'opposition arabe quant à l'implantation juive en Erets Israël.

🦾 Selon lui, "tant qu’il existera chez les Arabes le moindre espoir de se débarrasser de nous, ils ne renonceront pas à cet espoir". Il faut donc ériger un "mur de fer", c'est à dire une force armée, qui dissuadera nos voisins de toute tentative d'éliminer le sionisme.

🤝🏼 Alors, seulement, ils accepteront notre présence, et un accord pourra être conclu.

 ▪️Israël est-il fidèle à cette stratégie?

▪️L'a-t-il été un jour?

▪️Ou en est le Mur de fer aujourd'hui?

🎙️ Pour répondre à toutes ces questions nous recevrons Me Pierre Lurçat, expert dans la pensée de Jabotinsky et traducteur de ses écrits.

🖥️ ZOOM

🗓️ Mardi 7 novembre 2023

🕣 20h30 heure d'Israël (19h30 heure de Paris)

LIEN ZOOM POUR VOUS CONNECTER

https://us02web.zoom.us/j/89460563733

 

🔗 Lien d'inscription pour recevoir le lien Zoom: https://did.li/Mn6w5

🪀 Rejoignez le groupe WhatsApp du Centre Begin en français: https://did.li/noiIw

🔗🇬🇧 Lien en anglais si vous ne lisez pas l’hébreu: https://did.li/VpmIw

Dôme d’acier ou mur de fer?  Conférence Zoom à l'occasion des 100 ans du “Mur de fer” de Zeev Jabotinsky

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Une étincelle d’hébreu : Kitour, l’encerclement

November 6 2023, 08:22am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu : Kitour, l’encerclement

Alors que nos valeureux soldats se battent autour de la ville de Gaza, arrêtons-nous sur un mot qu’on entend beaucoup ces derniers jours dans les médias israéliens : Kitour. La racine K-T-R est celle du mot Keter, bien connu de tout Juif qui a entendu parler des dix Sephirot. Keter, c’est la couronne, au sens classique et également dans celui plus moderne, de couronne d’une dent. C'est aussi la  première Sephira et la plus élevée. Forgé sur la même racine, le mot Kitour désigne le fait de couronner, et au sens militaire, d’encercler. Mais quel rapport entre l’encerclement de Gaza par Tsahal et la “couronne”, Keter ?

 

Le pogrome du 7 octobre a été un immense “Hilloul Hachem”, une profanation du Nom divin. Le but de la guerre actuelle n’est pas seulement d’éliminer le Hamas et de reconquérir Gaza (bH) mais il est aussi de restaurer la force de dissuasion de Tsahal et, au-delà, la dignité et l’honneur d’Israël. C’est donc bien la “Couronne” (Keter) qu’il faut rétablir, celle de la royauté d’Israël et celle de la Royauté divine, du “Dieu des armées” qui guide nos soldats et leur donne la victoire.

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Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (III) : entre mobilisation et “business as usual”

November 5 2023, 13:46pm

Posted by Pierre Lurçat

BHL en reportage en Israël

BHL en reportage en Israël

 

Histoire juive de la France : le titre peut intriguer, à l’heure où les Juifs se sentent de moins en moins chez eux en France. Il s’agit d’une somme de plus de mille pages, réalisée par cent cinquante auteurs provenant de six pays différents, sous la direction de Sylvie Anne Goldberg, qui vient de paraître aux éditions Albin Michel. La date de parution fait frémir : le 6 octobre, veille du massacre commis par le Hamas à la frontière de Gaza. La coïncidence incite à la réflexion. Elle m’a personnellement fait penser à la floraison intellectuelle pendant la République de Weimar, durant laquelle les Juifs allemands se croyaient encore chez eux dans la patrie de Goethe et de Schiller.

 

Et les Juifs de France ? S’ils savent – dans leur immense majorité – que leur avenir en France n’est pas assuré et qu’ils sont, tout comme les Juifs allemands dans les années 1920, assis sur un volcan, qu’en est-il de leurs intellectuels et dirigeants communautaires ?

Troisième volet de notre série d’articles sur les intellectuels juifs face à la guerre en Israël.

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (II) Biais cognitifs, préjugés et présupposés idéologiques - VudeJerusalem.over-blog.com

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (I) : le serment solennel d’André Neher - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Dans une grande interview au Monde des Livres, parue vendredi 3 novembre, deux auteurs de l’Histoire juive de la France évoquent le sentiment de solitude des Juifs, alors qu’Israël vient de subir la pire attaque terroriste de son histoire. Mais ils ne semblent pas mesurer l’écart entre leur projet éditorial (soutenu par la Fondation pour la mémoire de la Shoah et d’autres acteurs institutionnels) et la réalité de l’existence juive en France aujourd’hui. Face à ce gouffre, qui n’a cessé de croître depuis le début des années 2000, comment ont réagi les intellectuels juifs en France ?

 

On peut classer leurs attitudes, grosso modo, en deux catégories : celle des intellectuels qui se sont mobilisés séance tenante, se rendant parfois sur place pour mesurer l’étendue de l’horreur, à l’instar de Bernard-Henri Lévy, qui a été le premier à publier un reportage éloquent depuis le sud d’Israël. Et puis, de l’autre côté, celle d’intellectuels et de représentants des institutions qui, au-delà du soutien verbal, ont préféré faire comme si la vie continuait comme avant… « Business as usual ».

 

Dans cette seconde catégorie, on peut nommer le grand-rabbin de France Haïm Korsia, qui a surtout cherché à « apaiser » les « tensions entre communautés » – selon l’expression consacrée – en se montrant aux côtés du recteur de la Grande Mosquée de Paris. On a appris par la suite que ce dernier avait, dans la meilleure tradition du double discours arabe et de la taqqiya, adressé un message virulent à ses ouailles, en dénonçant les « crimes de guerre » israéliens et en exprimant un soutien sans faille à l’entité terroriste de Gaza.

 

Autre exemple de « business as usual » : le site juif Akadem, dont la lecture depuis le 7 octobre donne la pénible impression qu’il ne s’est rien passé en Israël… La page d’accueil, consultée le 3.11.23, ne laisse apparaître presqu’aucune référence explicite aux terribles événements survenus en Israël ! On y parle de littérature, de politique et d’histoire, mais les pogromes de Kfar Azza et du kibboutz Be’eri y sont quasiment absents, sinon dans un ou deux articles… Cette attitude de la part du site vitrine du FSJU et de la communauté juive organisée est difficile à comprendre, d’autant que les responsables du FSJU se sont rendus en Israël (pour un voyage éclair de 24 heures) depuis le 7 octobre. Elle participe apparemment de la tendance des Juifs à faire « profil bas » en France…

 

Ajoutons qu’il ne s’agit pas d’un simple phénomène politique lié au clivage droite-gauche, mais du symptôme d’un mal plus profond. On en donnera pour preuve que la revue juive de gauche K-la revue, animée par un petit groupe d’intellectuels de l’EHESS, a publié des textes très intéressants depuis le 7 octobre et que ses dirigeants ont tous fait part publiquement de leurs sentiments de choc et d’effroi.

 

Ainsi, dans un texte passionnant intitulé « La vengeance en miroir », Danny Trom analyse avec lucidité l’attitude des médias français qui, tout en dénonçant une soi-disant « volonté de vengeance » de la part d’Israël, se montrent compréhensifs avec l’identification presque totale du public musulman avec la population de Gaza… Et Trom de conclure par ces mots éloquents : « nous assistons au spectacle des défilés en soutien au Hamas un peu partout dans le monde, y compris dans les rues d’Europe où des pans entiers de la gauche clament appartenir au « sud global ». Pour elle, Israël, son existence, est une humiliation. La passion exterminatrice y est reconduite, par-delà la Shoah. Le front s’est mondialisé. L’Europe, non pas le continent, mais l’idée de l’Europe, tremble sous les pieds des juifs et de ceux pour qui ils importent encore ».

 

Il faut rendre hommage à la lucidité de ceux qui, comme BHL ou Danny Trom, ont vécu les événements terribles du 7 octobre comme une injonction de s’identifier avec Israël et de mettre leur intelligence au service de la compréhension de la nouvelle réalité – en remettant parfois en cause leurs propres convictions bien ancrées. Leur courage intellectuel dénote avec la pusillanimité de ceux qui préfèrent continuer de s’adonner à leur train-train quotidien, comme si rien – ou presque – ne s’était passé.

P. Lurçat

 

Les intellectuels juifs face à la guerre en Israël (III) : entre mobilisation et “business as usual”

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Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

November 3 2023, 07:57am

Posted by Pierre Lurçat

Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

Pourquoi Israël est-il sans cesse vilipendé et accusé de « crimes de guerre » à Gaza, alors même qu’il fait tout pour éviter les victimes civiles palestiniennes ou pour réduire leur nombre, face à un ennemi qui fait tout, de son côté, pour les multiplier ? Pour comprendre ce paradoxe, un détour par l’histoire de l’antisémitisme de l’Antiquité à nos jours est nécessaire.  Extrait de mon livre, Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain, paru en 2021.

Bernard Lazare, auteur d’un ouvrage devenu classique sur l’antisémitisme1, s’est interrogé sur la perpétuation à son époque (celle de l’Affaire Dreyfus) de l’accusation de crime rituel. Son interrogation portait plus précisément sur le paradoxe de cette accusation visant les Juifs, connus pour ne pas consommer de sang et pour avoir « horreur du sang ». Comment les Juifs, opposés aux sacrifices humains, ont-ils pu malgré cela être accusés de crimes rituels ? La réponse paradoxale à cette question est que ce n’est pas malgré, mais bien en raison de leur opposition aux sacrifices – que le judaïsme a été le premier à rejeter dans le monde antique – que les Juifs ont été vilipendés et accusés de crimes rituels. Comme l’explique Pierre-André Taguieff2:

« Tout se passe comme si l’opposition du judaïsme aux sacrifices humains, et en particulier aux sacrifices d’enfants, loin de calmer les passions antijuives, les avait exacerbées. Poliakov a formulé l’hypothèse selon laquelle la haine antijuive proviendrait du scandale provoqué par l’opposition du judaïsme aux sacrifices d’enfants. C’est précisément le respect de la vie humaine qui, chez les Juifs, ferait scandale, comme l’atteste ce passage de Tacite :
‘’Ils ont un grand soin de l’accroissement de la population. Ils regardent comme un crime de tuer un seul des enfants qui naissent ; ils croient immortelles les âmes de ceux qui meurent dans les combats ou les supplices ; de là leur amour d’engendrer et leur mépris de la mort’’ ».

La réponse donnée par Poliakov, qui a consacré sa vie à l’étude de l’antisémitisme à toutes les époques, consiste donc à dire, en s’appuyant sur une réflexion de l’historien romain Tacite, que c’est précisément le respect des Juifs pour la vie humaine qui fait scandale. Nous avons sans doute là une des clés de la compréhension de ce paradoxe : pourquoi Israël est-il sans cesse vilipendé et accusé de « crimes de guerre » à Gaza, alors même qu’il fait tout pour éviter les victimes civiles palestiniennes ou pour réduire leur nombre, face à un ennemi qui fait tout, de son côté, pour les multiplier ?

 

Léon Poliakov au procès Barbie, Lyon 1987

Le « scandale » du respect des Juifs pour la vie humaine

Si nous transposons l’explication très éclairante de Poliakov à l’antisionisme contemporain, nous pouvons proposer l’hypothèse suivante. Plus Israël fait preuve de retenue face aux terroristes du Hamas, plus il se montre soucieux de la vie humaine, plus le scandale du respect juif pour la vie éclate au grand jour. Rappelons ici la déclaration saisissante, faite à de nombreuses reprises par des dirigeants et membres du Hamas et d’autres mouvements islamistes contemporains :

« Nous aimons la mort plus que vous (les Juifs) aimez la vie !3 »

Selon ce discours, l’amour des Juifs pour la vie est perçu comme le signe incontestable de leur faiblesse, mais aussi comme un symptôme de leur morale scandaleuse.

Ce qui fait scandale chez les Juifs, c’est donc leur amour pour la vie et leur valorisation permanente de la vie (affirmée dans le verset du Deutéronome : « Et tu choisiras la vie ». Face à une culture mortifère comme celle des mouvements islamistes, qui valorisent la mort et la sanctifient, l’affirmation de la vie par Israël est perçue comme incongrue et révoltante. Cette opposition frontale entre deux conceptions radicalement opposées de la vie (et de la mort) permet aussi de comprendre le soutien paradoxal dont bénéficient en Occident les ennemis d’Israël.

Le paradoxe réside ici dans le fait, peu souvent remarqué, que le discours anti-israélien ou antisioniste continue d’accuser Israël, même lorsqu’il fait le bien (par exemple, lorsqu’il approvisionne en médicaments les habitants de Gaza), ou encore qu’il désigne Israël comme le Mal, tout en lui reconnaissant sa qualité de Bien. Comme l’écrit Éric Marty,

« si Sabra et Chatila fait scandale, c’est qu’il s’agit d’un crime qui a quelque chose à voir avec le Bien »,

précisant :

« Qu’est-ce qu’un crime qui a à voir avec le Bien ? C’est le crime qu’on impute au bouc émissaire…4 »[.

C’est sans doute une des raisons pour lesquelles la position morale israélienne est très souvent inopérante, face aux populations arabes soumises à la main de fer du Hamas à Gaza, ou de l’Autorité palestinienne en Judée-Samarie. Ce n’est pas parce qu’Israël approvisionne les habitants de Gaza en électricité ou en denrées alimentaires, ou qu’il laisse entrer l’argent du Qatar à Gaza, que les habitants de la bande de Gaza (ou les médias occidentaux) lui voueront une quelconque reconnaissance. Une telle conséquence impliquerait en effet au préalable que les deux parties partagent les mêmes critères moraux, et plus précisément, la même conception du Bien et du Mal, ce qui est loin d’être le cas. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain aux éditions l’éléphant, Jérusalem 2021)


1 Lazare, Bernard, L’antisémitisme, son histoire et ses causes, Chailley, Paris 1894.
2 P.A. Taguieff, « Un exemple d’inversion victimaire : l’accusation de meurtre rituel et ses formes dérivées »,https://journals.openedition.org/aad/3500#bodyftn11
3 Voir par exemple, « Des Brigades Izz ad-Din al-Qassam aux soldats sionistes : Les Brigades Al-Qassam aiment la mort plus que vous aimez la vie », Palestinian Media Watch, Rapport spécial n°5 sur l’opération Pilier de Défense, 20 novembre 2012, https://palwatch.org/page/4286
4 Bref séjour à Jérusalem, Gallimard p. 167.

Du « crime rituel » aux « crimes de guerre à Gaza » : une explication historique

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