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Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat

May 8 2025, 07:20am

Posted by Liliane Lurçat

Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat

A l’occasion du sixième Yahrzeit de ma mère, Liliane Lurçat, je publie ici un extrait de son livre autobiographique, qui vient d’être réédité. On y découvre l’enfance et la jeunesse de la future psychologue et aussi l’évocation du Paris de l’avant guerre, de l’Occupation et de l’après-guerre. Que son souvenir soit bénédiction! P. Lurçat

 

Des Juifs qui partent pour la Palestine, il y en a beaucoup. Certains d’entre eux repartent, et qui ne l’auraient pas désiré. C’est ce qui arriva à mes parents. C’est pourquoi je peux raconter cette histoire en français, ma langue presque maternelle. Presque, parce que j’ai eu la chance d’entrer à l’école maternelle à l’âge de vingt mois. On ne l’accorde pas à tout le monde, mais moi, j’avais des circonstances atténuantes. Ces circonstances, elles ont débuté après la guerre de quatorze quand, en même temps mais sans se connaître, les parents décidèrent de partir pour la Palestine. Il quitte Cracovie en Pologne, et elle quitte Bialystok en Russie, pour la même raison : les pogromes en Europe centrale. Ils se marient à Jérusalem, et ils y eurent deux enfants, mon frère Menahem et moi. Elle parle russe et yiddish, et il parle allemand, polonais et yiddish. Le yiddish devient la langue du ménage.

          

Le père a des sympathies pour les idées de gauche et il travaille dans un kibboutz. Il ne trouve plus de travail, quand ses amis décident de repartir en Géorgie, attirés par le communisme, pour y fonder un kolkhoze. Le père est alors mis sur la liste noire, il est chômeur, il n’a plus guère de chance de trouver un emploi. Il passe ses longues journées à la bibliothèque de Jérusalem. Mais la loi anglaise est dure. En particulier, lorsqu’on ne peut plus payer son loyer, on risque la prison pour dette. Le père se rappelle alors qu’un de ses frères, qu’une de ses sœurs, ont quitté Cracovie pour Paris, quand lui choisissait la Palestine. Il embarque avec sa famille au cours de l’hiver 1930, dans l’espoir de trouver à gagner son pain en France.

 

           Au cours de cette traversée, mon frère aîné, âgé de quatre ans, apprend auprès des matelots, les premiers rudiments de français, qui feront de lui l’interprète de la famille. Le premier hiver parisien semble rude, après dix ans de vie au soleil. La quête du travail est difficile aussi. Les parents trouvent à se loger dans un hôtel de la rue des Carmes, où habitent déjà la sœur du père, Minnie, et sa famille. Elle n’a pas eu de chance. Son mari est repasseur de chapeaux, excellent ouvrier et bon travailleur. Mais il passe tout son temps libre au café et y joue tout ce qu’il gagne. Si elle se plaint trop, il est atteint de crises d’épilepsie. La mère prétend qu’il simule. Mais de l’argent, il n’en rapporte guère et les siens vivent misérablement.

Mes parents, eux, ont besoin de gagner des sous. Ils partent dès le matin à la recherche d’un emploi. Minnie nous garde, Menahem et moi, pendant qu’on joue sur le trottoir. Pas très attentivement, sans doute, puisqu’on disparaît un jour. Les parents nous retrouvent le soir, après une course affolée jusqu’au commissariat, installés confortablement tous les deux. Mon frère mange des chocolats, et moi je dors sur un banc. Le commissaire engage vivement les parents à nous mettre à l’école. L’école maternelle de la rue du Sommerard, c’est ma première école. On descend la rue des Carmes, en tenant la petite mallette du goûter d’une main, et en tendant l’autre au grand cousin qui vous y conduit. Je m’arrête longuement devant le magasin de farces et attrapes. On tourne dans la rue du Sommerard, et c’est l’école. On entre par la petite porte, qui ressemble à une chatière. Dans le préau, les bancs sont soigneusement rangés pour l’attente du soir. Au milieu, il y a un énorme poêle à charbon, entouré d’une grille. Tout autour du préau, se trouvent les classes, et dans chaque classe une maîtresse. Mais celle qui règne sans partage sur le préau, c’est madame Jamart, la femme de service. Elle a un long visage aux lignes verticales, des yeux noirs et doux, de longues oreilles tirées par des boucles noires qui ont creusé, sous leur poids, une fente verticale. Ses mains sont rêches, elles sentent l’eau de javel. Madame Jamart a dans sa poche la clé de l’armoire. Une énorme armoire qui monte très haut, où elle range tout : les balais, les pelles, les bouteilles d’eau de javel. Elle y accroche son manteau, ses tabliers bleus. Elle y garde aussi une inépuisable boîte de bonbons. Elle en offre aux enfants, elle en suce aussi. Madame Jamart m’élève un peu, elle m’apprend à parler, elle me fait manger et me donne mes derniers biberons. Assise sur ses genoux, devant la porte du préau, je regarde les marronniers de la cour. L’école maternelle, c’est une longue récréation qui dure pendant les quatre saisons...

Un parapluie pour monter jusqu'au ciel, éditions L'éléphant 2020 réédition 2025. 

“Ce livre vous donne un coup dans l’estomac. C’est un document extraordinaire, avec une grande force littéraire”.

Michel Gurfinkiel

 

“Un très beau livre”.

 

Monique Naccache, Times of Israel

 

“Il y a dans ce livre de Liliane Lurçat une acuité du regard qui le rapproche des caricaturistes… et les portraits qu’elle fait défiler en quelques coups de crayon alertes sont hauts en couleurs. Les portraits de ses parents sont des petits chefs-d’œuvre qui intègrent le physique, le psychologique et le sociologique, un peu comme Honoré Daumier”.

 

Olivier Ypsilantis, Zakhor Online

 

“Les souvenirs de Liliane Lurçat sont écrits au présent, ce qui leur donne un rythme rapide et presque haletant…”

 

Liliane Messika, Mabatim.info

 

“Très beau récit auto-biographique, d'une époque où de nombreux quartiers de Paris étaient encore populaires. Petite histoire qui s'inscrit dans la grande, on rit volontiers à des situations décrites avec simplicité. Même dans une époque très compliquée, il reste toujours de l'espoir. A lire absolument…"

Dominique Pulejo, Amazon 

 

Ce récit, sobre et dénué de sentimentalisme, d’une jeune Juive née en Palestine, mais dont la famille a dû s’installer à Paris, faute de travail à Jérusalem, est un témoignage, à la fois réaliste et émouvant. un très beau texte à l’écriture incisive et enlevée”. 

 

Evelyne Tschirhart, Lettres d’Israël


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Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, Souvenirs de jeunesse de Liliane Lurçat
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