Une étincelle d’hébreu : “Ikoun”, de la Genèse à la géolocalisation
Un mot d’hébreu relativement récent, qui se trouve aujourd’hui au coeur de l’actualité israélienne, nous permet de comprendre le lien entre l’hébreu de la Bible et celui de la “Start-up nation”. Ikoun (אכון): ce mot désigne la localisation, et plus particulièrement la géolocalisation (c’est-à-dire la capacité de savoir où se trouve un objet ou une personne au moyen d’un satellite qui le localise). En abrégé, la GPS.
Or la racine de ce mot récent est aussi ancienne que le récit de la Genèse. Il provient en effet du mot Ayeka (אייכה), qui veut dire tantôt “où”, tantôt “hélas”. On le trouve notamment au chapitre 3 du livre de Berechit, quant Dieu appelle Adam - caché dans le jardin d’Eden - et lui demande: “Ayeka?” “Où es-tu?”. Selon Elie Munk, cette polysémie (ou cette “consonance égale”, selon ses termes) exprime l’idée que le fait même que Dieu doive interroger l’homme pour savoir où il se trouve est une source d’affliction.
Cette question, selon Munk, est en effet “la question éternelle posée par Dieu à l’homme : où es-tu, où en es-tu dans l’existence? Combien d’années as-tu vécu et qu’as-tu fait pendant ces années?” (Elie Munk, La voix de la Torah). Shuli Rand a fait de cette question une chanson, qui est une de ses plus poignantes et qui a connu un grand succès.
Shuli Rand
Mais revenons à Ikoun et à ses développements récents. Des citoyens israéliens se sont plaints d’avoir reçu un SMS des services de sécurité intérieure, le fameux Shabak (mot sur lequel nous reviendrons, bli neder), les avertissant de se confiner après avoir été en contact avec un malade du Corona. Or ces messages étaient erronés!
Quel est donc le lien entre l’Ikoun actuel et l’Ayeka de la Genèse? Pour les tenants de la liberté à tout prix, la géolocalisation des citoyens par un Etat soucieux de leur santé est une atteinte injustifiée à leurs droits. Mais les récentes erreurs du Shabak montrent qu’aucun service de sécurité, aucune technologie ne permettent vraiment de répondre à la question “Ayeka?”, “Où es-tu?” Seul Celui qui voit tout peut savoir où se cache l’homme.
Pierre Lurçat