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sionisme

Une page d'histoire - Israël et la Turquie... en 1914, le regard de Jabotinsky

October 21 2018, 08:14am

Posted by Jabotinsky

Une page d'histoire - Israël et la Turquie... en 1914, le regard de Jabotinsky

Dans l'extrait qu'on lira ci-dessous de son Autobiographie, que j'ai eu le plaisir de traduire en français il y a quelques années (1), Jabotinsky raconte comment il changea d'avis sur l'attitude que le mouvement sioniste devait adopter envers la Turquie à une époque où les autres dirigeants sionistes - et Ben Gourion le premier - étaient encore tous favorables à une attitude de loyauté envers la "Sublime Porte". Jabotinsky fut le premier à comprendre que la libération d'Eretz Israël passait par le démembrement de l'empire ottoman.

Outre son intérêt historique, ce récit est riche de réflexions qui montrent la grande intelligence politique de Jabotinsky - intelligence politique qui faisait cruellement défaut à notre peuple à son époque (et encore aujourd'hui) - comme l'illustre la réflexion qu'il rapporte dans la bouche de Max Nordau : "Le Juif n'apprend pas par des raisonnements rationnels : il apprend par les catastrophes. Il n'achètera pas un parapluie « simplement » parce que des nuages s'amoncellent à l'horizon : il attendra d'être trempé et atteint de pneumonie.." P.L

 

Cette situation fut soudain modifiée en l'espace d'une nuit. Je me trouvai alors à Bordeaux – je m'y étais rendu pour voir ce que ferait le gouvernement en exil, et c'est là-bas que j'appris la nouvelle que la Turquie s'était alliée à l'Allemagne et à l'Autriche, pour combattre à leurs côtés l'Angleterre, la France et la Russie.

 Jabotinsky.jpgJe dois l'avouer : jusqu'à ce matin, à Bordeaux comme partout ailleurs, je m’étais considéré comme un simple observateur, sans la moindre raison particulière de souhaiter le triomphe d'un côté et la défaite de l'autre. Mon unique souhait, à cette époque, était que la paix revienne dès que possible. La décision turque fit de moi, en l'espace d'une courte matinée, un partisan fanatique de la guerre jusqu'à la victoire ; cette guerre était devenue « ma guerre ». En 1909, à Constantinople, j'avais été rédacteur en chef de quatre journaux sionistes en même temps (le genre de choses qui ne se produisent que lorsqu'on est jeune) ; les Jeunes Turcs régnaient sur la Sublime Porte, et c'est alors que j'acquis la ferme conviction que, là où les Turcs régnaient, le soleil ne pouvait pas briller ni l'herbe pousser, et que le seul espoir de reconquérir la Palestine résidait dans le démembrement de l'Empire ottoman. Ce matin-là, à Bordeaux, après avoir lu l'affiche encore humide sur le mur, j'en tirai la seule conclusion possible – et jusqu'à ce jour je ne comprends pas pourquoi tellement de mes amis ont mis autant d'années à parvenir à la même conclusion. Telles que je les voyais désormais, les choses étaient claires comme du cristal : le destin des Juifs de Russie, de Pologne et de Galicie était sans le moindre doute, pour important qu’il soit et envisagé dans une perspective historique, un facteur provisoire par rapport à la révolution dans la vie nationale juive que le démembrement de la Turquie allait entraîner.

 

Je n'ai jamais douté du fait qu'une fois la Turquie entrée en guerre, elle serait vaincue et taillée en pièces : là encore, je suis incapable de comprendre comment on pouvait éprouver le moindre doute à ce sujet. Il ne s'agissait pas de suppositions, mais d'une question de calculs objectifs. Je suis heureux de pouvoir en faire état ici, ayant été accusé d'avoir parié sur le vainqueur de la guerre à cette époque. J'ai longtemps été correspondant en Turquie. Je tiens le métier de journaliste en la plus haute estime : un correspondant consciencieux en sait bien plus sur le pays où il se trouve que n'importe quel ambassadeur – et selon ma propre expérience, souvent plus qu'un professeur autochtone. Mais dans ce cas particulier, non seulement les professeurs, mais aussi les ambassadeurs étaient avertis de cette vérité évidente concernant la Turquie. Aucun journaliste ne pouvait évidemment prédire, à cette époque, que l'Allemagne subirait la défaite et la reddition sans condition. Mais je n'ai jamais douté du fait que la Turquie, plus que tout autre pays, devrait payer le prix de cette guerre. La pierre et le fer peuvent supporter le feu ; une hutte en bois brûlera, et aucun miracle ne pourra la sauver...

 PHOTO : MAX NORDAU

max-nordau.jpgJe demandai à Nordau son avis sur le programme de bataillon hébraïque, et il me fit une réponse sceptique. Pourquoi nous allier à un camp avant même d'avoir obtenu la moindre promesse concernant l'avenir d'Eretz-Israël ? Et où trouverons-nous des soldats ? Dans la partie neutre de l'Europe, les communautés juives sont restreintes, l'Amérique est trop éloignée ; et le point principal est la relation sentimentale et absurde des sionistes envers « notre frère Ismaël ». Il n'existe pourtant aucun savant au monde pour expliquer comment et quand les Ottomans, de race touranienne, étaient devenus membres de la famille d'Ismaël le sémite ; et pourtant cette relation était telle, et Nordau lui-même en avait souffert après son discours au Congrès de Hambourg, en 5670 [1909], dirigé contre les intentions des Jeunes Turcs.

 

– Je me rappelle parfaitement votre discours, - lui dis-je – vous aviez déclaré : « On nous propose d'aller nous assimiler en Turquie ? Das haben wir näher, billiger und besser – nous pouvons trouver cela ici, plus près, moins onéreux et mieux ». Je venais alors de Constantinople et je vous applaudis, ivre de joie.

 

- Mais combien de disputes j'eus ensuite avec les idiots de mon entourage ! – me répondit-il.

 

Doktor, - lui dis-je – on ne peut pas conduire notre barque selon les instructions de ces idiots. Non, le Turc n'est pas « notre frère », et même avec le véritable « Ismaël » lui-même, nous n'avons aucune proximité spirituelle. Nous sommes, grâce à Dieu, des Européens, et nous sommes mêmes les constructeurs de l'Europe depuis deux mille ans. Je me souviens d'un autre point de vos discours : « Nous allons en Eretz-Israël pour élargir les frontières de l'Europe jusqu'à l'Euphrate ». Et l'obstacle est la Turquie. A présent, sa dernière heure est venue : allons-nous rester les bras croisés ?

Ben_Gourion.jpg

BEN GOURION EN HABIT TURC

 

Le vieux chercheur me fit une réponse riche de contenu et profonde : c'est seulement des années plus tard que je compris toute sa profondeur :

 

- Ce sont, mon jeune ami, des paroles logiques : or la logique est la sagesse des Grecs, que notre peuple abhorre. Le Juif n'apprend pas par des raisonnements rationnels : il apprend par les catastrophes. Il n'achètera pas un parapluie « simplement » parce que des nuages s'amoncellent à l'horizon : il attendra d'être trempé et atteint de pneumonie...

 

(1) éditions les Provinciales.

 

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L’attentat de Barkan et le mythe de la coexistence pacifique, Pierre Lurçat

October 10 2018, 11:41am

Posted by Pierre Lurçat

 

A nouveau cette semaine, Israël s’est réveillé sous le choc d’un horrible attentat. Les journaux se sont remplis de photos poignantes et de titres accrocheurs sur “l’enfant qui grandira sans sa mère”, les médias ont diffusé en boucle les mêmes informations, publié des images et des interviews, frôlant parfois la limite de l’indécence, avec les proches des victimes. Puis, quand les mots se sont fait trop lourds et insupportables, les radios ont diffusé des chansons en hébreu de ce genre bien particulier, réservé au Yom Hazikaron et aux jours d’attentats. Avant de changer de sujet, pour que la “vie continue”, selon l’expression consacrée… Mais pour les familles endeuillées, la vie ne continuera plus jamais comme avant.

 

 

Kim Levengrond et Ziv Hajbi z.l.

 

Pourquoi acceptons-nous cette réalité comme allant de soi ? Sommes-nous condamnés à vivre sous la menace permanente des attaques terroristes et à ne trouver un semblant de vie “normale” qu’entre deux attentats? Est-ce pour cela que nous avons créé un Etat et mis fin aux siècles de l’exil ? Etait-ce pour subir à nouveau des pogromes, comme dans la Russie des tsars ou dans l’Algérie coloniale? Puah Rakovski, militante sioniste et pour les droits des femmes, raconte dans son très beau livre autobiographique, Mémoires d’une révolutionnaire juive, le sentiment de désespoir qui l’envahit après le pogrome de 1921 à Jaffa, qui fit plusieurs dizaines de mort, parmi lesquels l’écrivain Yossef Haïm Brenner.

 

Terriblement désespérée, moralement abattue, je me sentais absolument incapable d’accepter l’idée que je venais de vivre un pogrome en terre d’Israël… J’en avais vu de nombreux dans ma ville natale de Bialystok, et à Varsovie et à Siedlce ; mais un pogrome qui se déroulait ici, en Eretz-Israël? Comment était-ce possible? Il ne pouvait rien arriver de pire! C’était le massacre de nos rêves et de nos espoirs, le massacre de nos années d’efforts et du mouvement sioniste dans son intégralité que ce pogrome”.

 


 

La première nécessité, face au crime antijuif, c’est comme l’a bien compris Puah Rakovski, de rétablir la réalité des mots. Les “émeutes de 1921”, que l’historiographie sioniste désigne pudiquement par l’expression d’”événements de 1921” (tout comme les “événements de 1929”) sont en réalité de véritables pogromes. Cet emploi euphémistique du mot “événements” pour décrire les pogromes de 1921 et de 1929 tient sans doute au fait que ceux-ci ont fait voler en éclats plusieurs mythes de l’histoire du Yishouv - la collectivité juive pré-étatique. Le premier était celui d’un changement radical de la condition juive, et le second celui de la “coexistence” judéo-arabe. (1)

 

Le sentiment de désespoir et de révolte exprimé il y a bientôt un siècle par une femme juive courageuse, qui refuse la fatalité de l’assassinat de Juifs en terre d’Israël, doit nous servir d’inspiration face à la réalité dérangeante à laquelle nous nous sommes trop facilement habitués depuis lors. “Il y a pire qu’une âme perverse”, écrivait Péguy, “c’est une âme habituée”. Il nous est interdit de nous “habituer” à voir des Juifs - femmes, enfants, vieillards, hommes, civils ou militaires - assassinés en terre d’Israël parce qu’ils sont Juifs. Non seulement parce que cela heurte notre sentiment moral immanent, mais aussi et surtout, parce que cela atteint l’image de Dieu en nous, le “Tselem”.

 

Incitation arabe et appels à “sauver Al-Aqsa” pendant les émeutes de 1929

(photo Jerusalem Post)


 

Le terrorisme arabe et la Profanation du Nom

 

Le sentiment de révolte exprimé par Puah Rakovski après les pogromes arabes de 1921 n’était pas seulement celui d’une femme sioniste, qui a consacré sa vie à la construction de notre pays. Il était avant tout celui d’une Juive élevée dans la tradition, saisie d’effroi devant la “Profanation du Nom” (Hilloul ha-Shem) que représentait à ses yeux un pogrome en terre d’Israël. Que dirait-elle aujourd’hui, quand le Yishouv est devenu un Etat moderne et fort, disposant de la “plus puissante armée du Moyen-Orient”, capable d’affronter la menace nucléaire de l’Iran des Ayatollahs, mais souvent incapable de protéger ses citoyens dans leurs maisons et sur leurs lieux de travail?

 

Le mythe de la coexistence pacifique judéo-arabe est le pendant - ou l’envers - d’un autre mythe, tout aussi mensonger et potentiellement destructeur : celui de la séparation. “Eux là-bas et nous ici”, comme affirment les partisans d’un Etat palestinien judenrein. Du point de vue politique et militaire, les deux mythes sont tout aussi dangereux. Nous ne pouvons pas nous “séparer” des Arabes, et chaque retrait unilatéral fondé sur l’idée de séparation, à Gaza comme au Sud-Liban, se traduit par le renforcement de nos pires ennemis (le Hamas dans le premier cas, le Hezbollah dans le second). Nous sommes condamnés à vivre au milieu d’eux, ilôt juif dans un océan arabe.

 

Mais nous ne pouvons pas non plus promouvoir l’idée de coexistence, comme un principe abstrait, en oubliant qui sont nos voisins. C’est sans doute la leçon essentielle, terrible et amère, de l’attentat de Barkan. La zone industrielle de Barkan était certes un modèle, économique et humain, fondé sur l’idée que Juifs et Arabes pouvaient travailler côte à côte, en partageant la même aspiration à gagner leur vie. Ce modèle a fonctionné pendant trente-cinq ans. Jusqu’au jour où un employé arabe palestinien est venu un matin, armé d’un fusil automatique, et a tiré à bout portant sur deux de ses collègues, aux côtés desquels il avait travaillé jusqu’à la veille.

 

Comme l’écrit justement Freddy Eytan, “Comment ne pas être révolté par l’ingratitude mortelle de ces ouvriers qui tuent de sang-froid leurs propres employeurs ? Comment pouvoir gérer l’emploi de dizaines de milliers de Palestiniens dans des entreprises israéliennes en risquant quotidiennement des actes terroristes ? Refuser un travail à un père de famille pourrait peut-être l’inciter à la haine et au désespoir, mais l’embaucher en risquant sa propre vie serait-ce une meilleure solution ?” (2)

 

Cet attentat tragique ressemble à des milliers d’autres attaques commises par des Arabes contre leurs voisins juifs, en Algérie, en Eretz-Israël (avant et après 1948) et même en France, où la plupart des attentats antijuifs des dernières années sont le fait de voisins des victimes. A Barkan, l’attentat horrible qui a coûté la vie à Kim Levengrond et Ziv Hajbi n’a pas seulement tué deux personnes - deux mondes - fauchées au seuil de leur vie adulte, laissant derrière eux des enfants orphelins, des conjoints et des familles éplorées, à jamais meurtries. C’est aussi un mythe politique qui a volé en éclats dans le feu et le sang : celui de la coexistence pacifique.


Pierre Lurçat

 

(1) Sur les pogromes de 1921, 1929 et 1936, voir notamment le bon article (en anglais) de R. Hollander, https://www.camera.org/article/anti-jewish-violence-in-pre-state-palestine-1929-massacres/

(2) Freddy Eytan, « La coexistence avec les Palestiniens et une interview manipulée », Le CAPE de Jérusalem, publié le 8 octobre 2018 : http://jcpa-lecape.org/la-coexistence-avec-les-palestiniens-et-une-interview-manipulee/

____________________________________(ANNONCE)______________________________

Prochaine formation à l'examen d'agent immobilier à Jérusalem / Tel-Aviv

Formation à l’examen d’agent immobilier israélien

Session décembre 2018 – Tel Aviv 

La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du  19 au 26 décembre à Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 29 janvier 2019. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, les élèves pourront obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à leur compte. * Une formation est également prévue à Jérusalem, me contacter.

J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !

Niveau d'hébreu exigé

Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir un très bon niveau de lecture pour suivre le cours. Un niveau moyen est suffisant, à condition de fournir un travail personnel en plus des cours de préparation.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 050 286 5143 ou 06 80 83 26 44  (France).

       

  Pierre Lurçat, avocat au barreau israélien,

spécialiste de la formation aux examens de droit

 

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Les années parisiennes de Vladimir Zeev Jabotinsky, Pierre I. Lurçat

September 4 2018, 21:04pm

Posted by Pierre Lurçat


Jabotinsky, Paris, sionisme, traductionOn connaît l'épisode fameux de la dégradation du capitaine Dreyfus, en 1895, et le rôle central qui lui est généralement attribué dans l'élaboration de la doctrine du fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl, alors correspondant à Paris de la Neue Freie Presse. Beaucoup moins connu, en revanche, est le séjour parisien du célèbre dirigeant sioniste, Vladimir Jabotinsky. C'est en effet à Paris que celui-ci fonda l'Union sioniste révisionniste (Hatzohar) – ancêtre du Likoud – dans l'arrière-salle du café du Panthéon. Paris fut le siège de l'Union sioniste révisionniste entre 1925 et 1935, et la France occupa aussi une place centrale dans l'activité politique, journalistique et littéraire du dirigeant sioniste.

 Deux remarques préliminaires : la première est que Jabotinsky a passé presque toute sa vie à voyager, non pas pour son plaisir, mais pour son travail de journaliste, puis de dirigeant sioniste. Il était, observe Joseph Nedava, un "citoyen du monde" au plein sens du terme, parvenant à se sentir chez lui dans tous les pays qu'il visitait, notamment grâce à ses prodigieuses capacités linguistiques. Cette description doit être tempérée, en ajoutant que Jabotinsky ne se reconnaissait qu'une "patrie spirituelle" – l'Italie, pays où se forma sa conscience politique – et que ses regards furent toute sa vie tournés vers Sion, même s'il n'y vécut que quelques années. D'autre part, il avait appris le français dans sa jeunesse, grâce à un cousin, comme il le confie dans son autobiographie.

 

Dans quelles circonstances s'installe-t-il à Paris ? Les raisons sont à la fois politiques et familiales, comme on le comprend en lisant ses différents biographes (son Autobiographie, rédigée en hébreu, s'interrompt malheureusement après la Première Guerre mondiale, Jabotinsky n'ayant pas eu le loisir de l'achever, puisqu'il est décédé subitement aux États-Unis en 1940). Après son arrestation par les autorités britanniques, en raison de son rôle dans la défense du yichouv contre les pogromes arabes de 1920, il est emprisonné à la forteresse d'Acco. Mais la vague de protestations, en Eretz-Israël (où les prisonniers juifs reçoivent notamment le soutien du grand rabbin Abraham Itshak Hacohen Kook) et dans le monde, contraint les Anglais à libérer Jabotinsky, qui est expulsé d'Israël. Il décide alors de s'installer en Europe, avec sa femme et son fils Eri.

La famille Jabotinsky se fixe tout d'abord à Londres, puis à Paris où Eri entame des études d'ingénieur à l'École centrale (d'où il sortira en 1933). Entre 1924 et 1934, Paris est donc le port d'attache du dirigeant sioniste, même s'il continue de voyager sans cesse (il revient ainsi en Eretz-Israël entre 1928 et 1930). C'est à Paris que siège l'Union mondiale des sionistes révisionistes, entre 1925 et 1935 (avec quelques intermèdes londoniens). C'est aussi à Paris qu'est publié le journal sioniste-révisionniste Rassviet(L'Aube), auquel Jabotinsky apporte une contribution décisive *.

 

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Jabotinsky et la redaction du "Rassviet"

 

Avant d'être un dirigeant sioniste, on le sait, Jabotinsky fut en effet un journaliste de talent et un écrivain fameux, au point que sa conversion au sionisme fut qualifiée par Maxime Gorki de "perte irrémédiable" pour la littérature russe... Mais "Jabo" ne renonça jamais à écrire, même lorsqu'il devint un militant et qu'il passa sa vie à voyager à travers le monde, de l'Afrique du Sud aux États-Unis et des quatre coins de l'Europe à l'Afrique du Nord (où il fut envoyé comme correspondant de guerre au début de la Première Guerre mondiale). Les pages de son Autobiographie – rédigées le plus souvent dans les cabines de bateaux, pendant ses fréquentes traversées de l'océan et de la Méditerranée – témoignent de son grand talent littéraire.

Paris devient donc au milieu des années 1920 le siège de l'activité politique et journalistique dejabotinsky,paris,sionisme,traduction Jabotinsky. Il y trouve – et c'est sans doute une des raisons du choix de la capitale française – un vaste public juif russophone, constitué notamment de Juifs ayant fui la Révolution et ses contrecoups. Pendant les premières années, la rédaction du journal Rassviet est hébergée dans son propre appartement, 71 rue de la Tombe-Issoire (derrière le Parc Montsouris). A partir de janvier 1928, l'Union révisionniste loue des locaux rue Blanche, qui abriteront la rédaction du journal jusqu'en 1934, date à laquelle elle s'installe définitivement à Londres.

Malgré ses nombreux séjours en France et sa connaissance intime de la vie politique française (il se lia d'amitié avec plusieurs homme politiques français, comme Gustave Hervé et Anatole de Monzie), Jabotinsky n'eut jamais avec ce pays les relations de proximité intellectuelle qu'il ressentit à l'égard de l'Italie, sa "seconde patrie". Il fut aussi déçu par l'attitude des Juifs de France à plusieurs reprises, en particulier à l'occasion du pogrome de Constantine en 1935. Cela ne l'empêcha pas d'y passer de rares vacances, notamment en Provence (où il séjourna, un an avant son décès, avec sa femme et son fils).

 

jabotinsky,paris,sionisme,traductionLa rencontre Jabotinsky-Delcassé : une occasion manquée pour la France

Doué d'une intelligence hors du commun, Jabotinsky possédait aussi une grande pénétration psychologique, comme en atteste l'épisode suivant, rapporté dans son Autobiographie.  "[Gustave] Hervé me présenta au ministre des Affaires étrangères – le grand et célèbre Delcassé... Cette conversation m'a révélé pour la première fois un secret, qui s'est confirmé plusieurs fois par la suite lors de mes rencontres avec les grands de ce monde : chez les peuples bienheureux, qui ont un pays, des frontières et un gouvernement, il n'est pas besoin d'être un génie pour atteindre le sommet de l'échelon politique. Mais cela est autrement plus difficile chez nous, au sein du mouvement sioniste...

Ce Delcassé était resté fidèle à l'ancienne école de la diplomatie : celle des adeptes du secret et du mystère, dont Talleyrand a résumé la doctrine dans une formule immortelle – "la parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée". Peut-être cette doctrine avait quelque fondement dans le passé : mais en 1915, cet usage était déjà considéré comme infantile, et chacun sait que les meilleurs diplomates le tournaient en ridicule et se paraient, au contraire, d'un masque de sincérité artificielle. Mais la France, à cette époque, croyait encore à Racine et à Corneille...

Je ne voudrais pas exagérer le rôle que je jouai alors, rôle qui fut sans aucun doute de peu de valeur ; mais je suis absolument certain que ce matin-là, la France perdit, par la faute de ce même Delcassé, une chance qui, à ses propres yeux, n'était pas du tout dénuée de valeur. Je veux parler non seulement de la possibilité de créer une légion hébraïque dans le cadre de son armée, mais d'une chose encore bien plus importante..."

Cet entretien, dont Jabotinsky donne un compte-rendu fidèle avec une pointe d'ironie, a un intérêt historique évident. On y apprend en effet que le mouvement sioniste, dont Jabotinsky était à l'époque un des principaux dirigeants aux côtés de Weizmann, était à la recherche d'un allié européen, rôle qui aurait pu échoir à la France plutôt qu'à l'Angleterre, si Delcassé avait été plus intelligent... Mais on y trouve aussi une illustration du regard perçant avec lequel "Jabo" savait juger les grands de ce monde. Comme Herzl, qui vécut lui aussi à Paris des années décisives pour son entreprise politique, Jabotinsky avait la clairvoyance et la modestie de ceux qui œuvrent entièrement au service d'une idée. Tous deux donnèrent leur vie à l'idéal du Retour à Sion.

 

* Voir l'article de Simon Markish, Quand Vladimir Jabotinsky était parisien. Le Rassviet, revue sioniste-révisionniste en langue russe, Archives juives 2003.

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La contestation de l’État juif par les élites israéliennes, par Pierre Lurçat

August 26 2018, 13:11pm

Posted by Pierre Lurçat

Yom Yeroushalayim (photo P. Lurçat)

Yom Yeroushalayim (photo P. Lurçat)



 

La polémique actuelle autour de l’adoption par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël État-nation du peuple juif” ne peut être comprise sans la replacer dans le contexte de l’intervention grandissante de la Cour suprême dans la vie publique au cours des trois dernières décennies, et de la contestation du caractère juif de l’État par les membres des élites israéliennes post-sionistes. Le présent article, extrait de mon nouveau livre (Israël, le rêve inachevé, à paraître aux Editions de Paris / Max Chaleil), expose le contexte historique de cette controverse.

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La récente polémique déclenchée par le vote à la Knesset de la Loi fondamentale définissant Israël comme “l’État-nation du peuple Juif” est une conséquence directe de l’affaiblissement de la notion d’État juif par la Cour suprême. Cette notion était en effet inscrite dans la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël de 1948, qui mentionnait explicitement le droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain”. L’idée que le nouvel État d’Israël était l’État-nation du peuple Juif était considérée comme une évidence incontestable par ses fondateurs, et elle a été acceptée par la communauté des nations, lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1947.


 

Comment cette évidence a-t-elle été progressivement remise en question, au point que l’adoption par le parlement israélien de la Loi fondamentale sur l’État juif est aujourd’hui largement dénoncée comme “polémique” ou anti-démocratique ? La réponse à cette question est étroitement liée à l’interventionnisme judiciaire de la Cour suprême, depuis le début des années 1990. C’est en effet cette dernière qui a ébranlé le large consensus qui existait en Israël en 1948, lors de la proclamation d’Indépendance, signée par des représentants de tous les partis, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. En faisant du caractère juif de l’État un sujet polémique et en opposant “État juif” et “État démocratique” - deux réalités qui avaient coexisté sans problème majeur pendant quatre décennies - la Cour suprême a ouvert la boîte de Pandore.


 

Proclamation de l'Etat d'Israël :

la Loi sur l'Etat-nation est conforme à la Déclaration d'Indépendance de 1948

 

 

Dans l’esprit des pères fondateurs du sionisme politique et des premiers dirigeants de l’État d’Israël - au premier rang desquels David Ben Gourion - le caractère juif de l’État n’était en effet nullement contradictoire avec son caractère démocratique. C’est dans cet esprit qu’il a élaboré le fragile équilibre sur lequel ont reposé l’État et ses institutions après 1948. Ben Gourion a fait preuve à cet égard d’une volonté de compromis inhabituelle, qu’il justifie ainsi dans ses écrits : “Sauver la nation et préserver son indépendance et sa sécurité prime sur tout idéal religieux ou antireligieux. Il est nécessaire, dans cette période où nous posons les fondations de l’État, que des hommes obéissant à des préoccupations et à des principes différents travaillent ensemble… Nous devons tous faire montre d’un sage esprit de compromis sur tous les problèmes économiques, religieux, politiques et constitutionnels qui peuvent supporter d’être différés”(1).


 

En totale contradiction avec cet esprit de compromis, qui a permis aux différentes composantes de la nation israélienne de coexister pendant les premières décennies de l’État, le juge Aharon Barak a adopté une démarche partisane et défendu des positions radicales sur le sujet crucial de l’identité de l’État d’Israël. Sous couvert de concilier les valeurs juives et démocratiques de l’État d’Israël, Barak a en effet mené un véritable combat contre tout particularisme juif de l’État. Au nom d’une conception bien particulière des “valeurs universelles” (“les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif sont les valeurs universelles communes aux membres d’une société démocratique” (2)), la Cour suprême a pris toute une série de décisions marquantes, dont le point commun était de réduire à néant le caractère juif et sioniste de l’État.

 

 

Aharon Barak : un “fondamentalisme juridique”

Ces décisions ont tout d’abord concerné principalement des questions religieuses, comme les conversions non orthodoxes (effectuées par les mouvements juifs réformés et « conservative »), ou bien le respect du shabbat sur la voie publique. Sur toutes ces questions, le juge Barak a fait preuve d’un esprit antireligieux militant, qui a suscité, en réaction, d’immenses manifestations contre la Cour suprême, organisées par le public juif orthodoxe au milieu des années 1990. Mais il s’est avéré par la suite que la doctrine Barak n’était pas dirigée uniquement contre le judaïsme orthodoxe, mais tout autant contre les valeurs fondamentales du sionisme politique.

 

La décision la plus marquante à cet égard a été celle de la Cour suprême dans l’affaire Kaadan. Il s’agissait d’une famille arabe qui avait voulu acheter une parcelle de terrain dans le village juif de Katzir, créé par l’Agence juive sur des terres domaniales appartenant à l’État. Dans cette affaire, le juge Barak a pris le contre-pied de la politique traditionnelle d’implantation juive en Israël, qui remonte aux débuts du sionisme, bien avant la création de l’État. L’arrêt de la Cour suprême, rédigé par Barak, affirmait ainsi que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres domaniales à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ». En d’autres termes, la Cour suprême prétendait disqualifier toute l’entreprise de peuplement juif menée par l’Agence juive depuis les débuts du sionisme politique, au nom de sa conception de l’égalité.

 

C’est dans ce contexte de remise en cause progressive des fondements du sionisme par la Cour suprême - et plus largement, par une partie des élites israéliennes dont elle est représentative - qu’il faut comprendre la récente polémique autour de la Loi fondamentale sur l’État-nation. En réalité, celle-ci n’ajoute rien de nouveau à la Déclaration d’Indépendance. L’opposition virulente qu’elle a suscité s’explique surtout par l’effritement progressif du consensus sioniste, mis à mal par l’assaut de l’idéologie post-moderne et post-sioniste qui a triomphé à l’époque des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette période a été marquée par une véritable “révolution culturelle” (3) - concomitante à la “révolution constitutionnelle” que nous avons décrite plus haut - qui a vu les notions fondamentales du sionisme politique remises en cause par une large partie des élites intellectuelles de l’État d’Israël, dans le monde universitaire, celui de l’art et de la culture, les médias, etc.

 

Un de ceux qui a le mieux exprimé cette révolution culturelle a été l’écrivain David Grossman, qui écrivait dans un article publié en septembre 1993, intitulé “Imaginons la paix” (4) : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” - voire un retrait total - de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”... Comme être un “peuple spécial”... Renoncer au pouvoir en tant que valeur. A l’armée elle-même en tant que valeur…” Ce que nous dit Grossman - et ce qu’ont exprimé à l’époque des dizaines d’autres intellectuels partageant la même idéologie - c’est qu’il était prêt à renoncer à tous les éléments essentiels de l’ethos sioniste (ou “régions de notre âme”), pour transformer l’État juif en État de tous ses citoyens, c’est-à-dire en État occidental dans lequel les Juifs n’auraient plus aucune prérogative nationale.

 

“Renoncer aux territoires de notre âme” - David Grossman

 

C’est au nom de la même idéologie radicale que d’autres intellectuels ont prétendu abroger la Loi du Retour, fondement de l’immigration juive en Israël et pilier de l’existence nationale dans l’esprit de David Ben Gourion, son principal artisan, qui la considérait comme “la quintessence de notre État”. Mais la révolution culturelle entreprise à l’époque des accords d’Oslo a échoué. Elle a doublement échoué : une première fois, dans le feu et le sang du terrorisme palestinien, qui a anéanti les espoirs chimériques de mettre fin au conflit par des concessions territoriales. Et une seconde fois, lorsque les Israéliens ont rejeté par les urnes, à une large majorité, l’idéologie post-sioniste qui avait brièvement triomphé lors de la révolution culturelle menée par les opposants de l’État juif.

 

Les citoyens israéliens ont en effet exprimé, à de nombreuses reprises, leur attachement aux valeurs fondamentales du sionisme politique et à la notion d’État juif, décriée par une partie des élites intellectuelles. Le “retrait total des régions de notre âme” promu par David Grossman n’a pas eu lieu, parce que les Israéliens ont refusé, dans leur immense majorité, cette entreprise d’auto-liquidation nationale. Ils ont signifié qu’ils étaient attachés à la Loi du Retour et aux notions de ‘pureté des armes’ et de ‘peuple spécial’ tournées en ridicule par Grossman, et que leur âme juive vibrait encore. Ils ont signifié leur attachement indéfectible aux valeurs juives traditionnelles, à l’armée d’Israël (où le taux d’engagement dans les unités combattantes n’a pas faibli, malgré l’idéologie pacifiste) et à “l’espoir vieux de deux mille ans d’être un peuple libre sur sa terre”, selon les mots de l’hymne national.

Pierre Lurçat

Notes

(1) David Ben Gourion, in Hazon ve-Derekh, cité par Avraham Avi-Hai, Ben Gourion bâtisseur d’État, p. 120.

(2)  A. Barak, “The constitutional Revolution : Protected Human Rights”, Mishpat Umimshal, cité dans La trahison des clercs d’Israël, La Maison d'Edition 2016 p. 131.

(3) J’emprunte cette idée et d’autres au livre très riche de Yoram Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007.

(4)  Cité par Y. Hazony, op. cit. p.113.

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L'affaire du Kottel - Le Rav Kook et le combat pour les droits des Juifs, Pierre Lurçat

August 14 2018, 12:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Le Rav Kook (1865-1935)

Le Rav Kook (1865-1935)

 

La politique de la Kedousha : le Rav Kook et le mouvement sioniste révisionniste (I)

Le Yahrzeit du Rav Avraham Itshak Hacohen Kook - grand-rabbin de la Palestine mandataire et figure de proue du sionisme religieux - est l’occasion de nous pencher sur un sujet rarement évoqué : celui de l’engagement politique du Rav Kook. On connaît bien les positions politiques du Rav Tsvi Yehouda, fils du Rav Kook, associé au mouvement des implantations et plus précisément au Goush Emounim, fondé par plusieurs de ses élèves en 1974. Mais le Rav Kook père fut lui aussi un rabbin engagé politiquement, qui n’hésita pas à laisser de côté ses livres et l’étude de la Torah, pour prendre parti dans des causes politiques brûlantes, à plusieurs moments déterminants de l’histoire du Yishouv. C’est sur un de ces épisodes, aujourd’hui largement oublié, que nous voudrions revenir, en nous attachant plus particulièrement aux liens tissés entre le Rav Kook et des membres du mouvement sioniste révisionniste et de la mouvance sioniste de droite en Eretz-Israël.

 

Le Rav Kook à Jérusalem, 1925


 

L’affaire du Kottel et les sonneurs de choffar du Betar

 

Le premier épisode se déroule au mois d’Av 5690 (1930). A l’époque, les Arabes de Jérusalem et de Palestine mandataire, incités par le tristement célèbre mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini (qui allait s’allier avec Hitler quelques années plus tard et participer activement à la Shoah), avaient décidé de contraindre les Juifs à renoncer au Kottel, le mur occidental du Temple. A cette fin, ils menacèrent de renouveler les violences anti-juives, qui avaient fait des dizaines de victimes l’année précédente, lors des pogromes de 1929 (1). Durant la même période, le mufti Al-Husseini développa, en étroite collaboration avec le mouvement des Frères musulmans, qui venait tout juste d’être créé en Egypte, la thématique de propagande meurtrière autour de la mosquée Al-Aqsa, exprimée dans le slogan mensonger “Al-Aqsa en danger”, qui allait devenir un élément essentiel de la propagande islamiste jusqu’à nos jours (2) .

 

C’est dans ce contexte explosif que le Rav Kook s’engagea avec force dans le combat pour protéger les droits des Juifs sur le Kottel, prenant position publiquement et témoignant devant la Commission spéciale créée par le gouvernement britannique, sous l’auspice de la Ligue des nations, pour “examiner les droits des juifs et des musulmans sur le Mur des lamentations”. Le Rav Kook, invité à témoigner devant la Commission, proteste avec véhémence contre la prétention de celle-ci de déterminer à qui appartient le Kottel. “Cette Commission de la Ligue des Nations est-elle la propriétaire du Kottel?” s’exclame-t-il avec force. “Qui vous a donné l’autorisation de décider à qui il appartient? Le monde entier appartient au Créateur et Il a transféré la propriété de la Terre d’Israël tout entière - y compris le Kottel - au peuple Juif (Rachi sur Genèse 1.1). Aucune puissance au monde, pas même la Ligue des nations, ni la présente commission, ne peut nous retirer ce droit”.

 

Malgré les protestations du Rav Kook, le rapport de la Commission conclut que la propriété du Mur appartient exclusivement aux musulmans (!) mais que les juifs ont cependant le droit de prier au Kottel, sous certaines restrictions, et sans que cela leur confère aucun droit de propriété. Parmi les restrictions apportées au droit de culte des Juifs figure l’interdiction de sonner du Shoffar, pour ne pas “causer de perturbation aux musulmans”. Cette dernière interdiction est particulièrement insupportable pour les Juifs de Jérusalem et du Yishouv, qui ont l’habitude de sonner du Shoffar au Kottel lors des grandes fêtes, et notamment à Yom Kippour.

 

Le jour de Kippour 1930, un jeune élève de l’école des cadres du Betar, le rav Moshé Segal, décide de braver l’interdiction et sonne du Shoffar pendant les prières de ce jour sacré, devant le Kottel. Il est immédiatement arrêté par la police britannique et conduit à la prison de Kishlé, dans la Vieille Ville. Informé de ces événements, le Rav Kook intervient immédiatement, sans attendre la fin du jeûne, auprès du secrétaire du gouvernement du mandat, en exigeant la libération de Segal. Il prévient son interlocuteur qu’il ne mettra pas fin à son jeûne, tant que le jeune Juif ne sera pas libéré. Face à la fermeté du Rav, le représentant du gouvernement anglais cède et ordonne de libérer Moshé Segal.

 

Moshé Segal sonnant du Shoffar au Kottel, 1930


 

Quelques semaines auparavant, le 15 août 1929, lors du jeûne de Tisha Be’Av, des centaines de jeunes Juifs appartenant au Betar et au “Comité pour le Mur” créé par le professeur Yossef Klausner se rendent en procession vers le Kottel, brandissant le drapeau national juif et chantant l’hymne national, Hatikva. En réaction, les Arabes incités par le Mufti déclenchent des émeutes, brûlant des livres de prières et objets du culte juifs. Les jeunes Juifs du Betar, arrivés au Kottel, s’écrient à voix haute : “Shema Israël, le Kottel est à nous, le Kottel est un”. Ils se rendent ensuite vers la yeshiva Mercaz Harav pour y rencontrer le Rav Kook. Le récit de cette rencontre nous a été transmis par le rabbin Shlomo Zalman Sonnenfeld .

 

“Le Rav Kook était très ému.. Il se leva de son siège, se pencha vers les jeunes Juifs et leur dit d’une voix étranglée d’émotion : “La fierté nationale qui anime vos coeurs est l’expression de la sainteté de l’âme divine qui appartient à tout Juif. Par votre zèle en faveur des lieux saints de la nation, vous êtes semblables aux Maccabim.. Nous avons l’obligation de faire savoir au monde entier, qu’il n’est pas possible qu’un Lieu saint comme le Mur occidental reste entouré de ruelles pestilentielles. Nous exigeons la justice et nous n’en démordrons pas. Que D.ieu vous bénisse de Sion!”.

 

(à suivre...)

Pierre Lurçat

Notes

(1) Pogromes que l’historiographie juive désigne plus sobrement par l’euphémisme “d’événements de 1929”.

(2) C’est Amin Al-Husseini qui a convaincu le mouvement des Frères musulmans égyptiens – matrice de l’islamisme contemporain – de faire de la guerre contre les Juifs et de la question de Jérusalem un élément central de leur propagande, à une époque où ils ne manifestaient aucun intérêt pour ce qui se passait dans la Palestine mandataire voisine. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur sympathie pour le mouvement sioniste, à l’instar du célèbre penseur musulman Rashid Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar. Voir Paul Landau, Le Sabre et le Coran, éditions du Rocher 2006.

(3) Rapporté par Simha Raz, Mala’him kibné Adam, éd. Kol Mevasser, Jérusalem 1993. Voir également sur cet épisode http://www.ravkooktorah.org/YOM_KIPPUR_66.htm.  Lire aussi l’article intéressant du Blog BokerTovYérushalayim, https://bokertovyerushalayim.wordpress. com/2015/09/25/le-groupe-clandestin-des-souffleurs-de-shofar/

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Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

August 6 2018, 16:20pm

Posted by Pierre Lurçat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

 

“Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

Isaïe 49, 17

 

Depuis le vote par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël Etat-nation du peuple Juif”, les opposants à la loi en Israël, relayés par certains médias internationaux hostiles à Israël, propagent de nombreuses contre-vérités à son sujet, par ignorance ou par malveillance. Le présent article vise à rétablir certaines vérités fondamentales sur ce sujet important.

 

Une “loi controversée”, partisane et “contraire aux principes fondateurs de l’Etat d’Israël?”

 

Loi controversée” : par cette expression, les médias entendent discréditer le contenu de la loi avant même de l’avoir exposé. En réalité, cette loi fondamentale a été adoptée par une majorité absolue de 62 députés de la Knesset contre 55. (A titre de comparaison, la “Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaine” avait été adoptée en 1992 à une majorité de 32 voix contre 21). A noter : le principal artisan de la Loi, Avi Dichter, était au moment où il a entamé le travail législatif, il y a huit ans, membre du parti centriste Kadima, aux côtés de Tsippi Livni, qui mène aujourd’hui la campagne de l’opposition contre la Loi, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas d’un texte partisan ou “d’extrême-droite”...

 

Une loi qui bouleverse le statu-quo, et transforme Israël en Etat-nation du peuple Juif?

 

Selon certains de ses opposants, cette loi serait contraire aux “fondements d’un Etat juif et démocratique” (selon les termes de la pétition signée par plusieurs centaines d’intellectuels israéliens, qui ne l’ont apparemment pas bien lue). En réalité, la Loi fondamentale s’inscrit dans la suite logique de la Déclaration d’indépendance de 1948, dont elle reprend les éléments essentiels. Elle ne “transforme” pas Israël en Etat-nation du peuple Juif, ce qu’il a toujours été conformément aux principes du sionisme politique et à la volonté de ses pères fondateurs. La loi se contente, plus modestement, de réaffirmer le caractère juif de l’Etat et le droit à l’autodétermination du peuple Juif dans le cadre d’un Etat-nation, deux notions essentielles qui étaient largement considérées comme acquises depuis 1948 et faisaient depuis toujours partie du consensus à l’intérieur d’Israël.

 

Une loi contraire à la Déclaration d’indépendance de 1948?

 

C’est sans doute la contre-vérité la plus flagrante. Non seulement la Loi fondamentale n’est pas contraire à la Déclaration d’Indépendance, mais elle vient en réalité réaffirmer les principes essentiels de cette dernière. Pourquoi? Parce que le consensus exprimé dans la Déclaration d’indépendance de 1948 a été largement érodé au cours des dernières années, et notamment depuis que la Cour suprême a entrepris de porter atteinte au caractère juif de l’Etat d’Israël, depuis le début des années 1990, en prétendant remplacer l’Etat juif par un “Etat de tous ses citoyens”, selon la volonté affichée de son président, le juge Aharon Barak (1).

 

 

David Grossman, emporté par l’excès et l’emphase

 

Une loi excluant les minorités non juives de la pleine citoyenneté = une loi d’apartheid?

 

Cette accusation est la plus dangereuse de toutes, car elle accrédite la notion d’un “Etat d’apartheid” utilisée depuis des décennies par les ennemis d’Israël, notion à laquelle des intellectuels israéliens renommés apportent aujourd’hui leur caution morale. C’est ainsi que l’écrivain David Grossman écrit, dans les colonnes de Ha’aretz (repris et traduit intégralement par Libération), que “le Premier ministre d’Israël s’est déterminé à ne pas mettre fin à l’occupation et à la situation d’apartheid dans les Territoires occupés, mais, au contraire, à les intensifier et à les transférer de ces territoires au cœur de l’Etat d’Israël”. Ce faisant, il commet une double erreur. Erreur historique et politique tout d’abord, car il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de situation d’apartheid en Israël, ni à l’intérieur de la “ligne verte”, ni dans les territoires de Judée-Samarie (2).

 

Erreur morale ensuite, parce qu’en accusant le gouvernement de vouloir instaurer un régime d’apartheid à l’intérieur d’Israël, Grossman n’efface pas seulement la frontière physique entre le “petit Israël” d’avant 1967 et les territoires bibliques de Judée et de Samarie. Il abolit aussi et surtout la mince frontière rhétoriquequi séparait encore, jusqu’à hier, la gauche sioniste de l’extrême-gauche antisioniste. En considérant désormais que la “réalité d’apartheid” - qu’il avait auparavant cru déceler dans les “territoires occupés” - menace l’ensemble de l’Etat d’Israël, David Grossman laisse sa pensée dériver, emporté par l’excès et l’emphase, au point de rejoindre dans son discours les contempteurs les plus radicaux du sionisme. Sa dénonciation de “l’apartheid” est désormais reprise par les médias du monde entier, et pas seulement par ceux qui ont fait de la détestation d’Israël leur marque de fabrique.

 

La dérive de la gauche israélienne

 

Entraînés par le courant de leur détestation envers B. Nétanyahou, les intellectuels de la gauche israélienne sont en train de franchir allègrement toutes les lignes rouges et de détruire les derniers éléments restés encore intacts du consensus national, déjà largement effrité par les accords d’Oslo et par le retrait de Gaza. Cette fuite en avant de la gauche israélienne se traduit notamment par son jeu dangereux à l’égard de la minorité druze, dont elle incite certains éléments radicaux (qui sont loin de représenter l’ensemble du public druze), en risquant de mettre à mal l’alliance scellée dans le sang des soldats de Tsahal, établie depuis 70 ans entre druzes et Juifs en Israël.

 

 

L’alliance scellée dans le sang entre Juifs et druzes


 

Comme l’écrit dans les colonnes d’Israel Hayom l’éditorialiste Amnon Lord, observateur attentif de la vie politique israélienne, et notamment de la gauche dont il est lui-même issu, “un grand écrivain israélien (3) a affirmé autrefois que “l’histoire juive tout entière nous montre que l’élite juive a toujours été en danger de faillite morale, alors que le petit peuple (N.d.T. “Am’ha” en hébreu) a constitué la colonne vertébrale du peuple Juif. Il en a été ainsi à l’époque du Premier et du Deuxième Temple, et aussi à la veille de la Shoah. L’élite a toujours été encline à l’auto-destruction. L’identité juive a été préservée par le petit peuple”. Et Amnon Lord conclut: “La Loi sur l’Etat-nation a été conçue pour le petit peuple. L’Etat juif a été fondé pour que des brutes - intellectuelles et physiques - ne viennent plus menacer les Juifs”. Ou pour dire les choses en d’autres termes, ceux du prophète Isaïe que nous avons lus samedi dernier dans la Haftara, “Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

 

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Je renvoie à ce sujet à mon article “Comment la gauche israélienne est devenue une minorité tyrannique”, Vu de Jérusalem, 5 février 2018.

2. Dans un discours prononcé à l’occasion du Jour des soldats tombés en Israël, David Grossman avait déjà dénoncé la “réalité d’apartheid dans les territoires occupés” (thème devenu son cheval de bataille depuis son livre Le vent jaune paru en 1988).

3. J’invite mes lecteurs perspicaces à trouver le nom de cet écrivain, qui n’est pas mentionné par Amnon Lord, et à me soumettre leurs suggestions à pierre.lurcat@gmail.com

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Prochaine formation à l'examen d'agent immobilier à Jérusalem / Tel-Aviv

Formation à l’examen d’agent immobilier israélien

Session août-septembre 2018 – Tel Aviv 

La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du 28 août au 5 septembre à Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 23 octobre 2018. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, les élèves pourront obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à leur compte. * Une formation est également prévue à Jérusalem, me contacter.

J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !

Niveau d'hébreu exigé

Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir un très bon niveau de lecture pour suivre le cours. Un niveau moyen est suffisant, à condition de fournir un travail personnel en plus des cours de préparation.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 050 286 5143 ou 06 80 83 26 44  (France).

 

Pierre Lurçat, avocat au barreau israélien, spécialiste de la formation aux examens de droit

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Atta Farhat : “la Loi sur Israël-Etat nation du peuple Juif est nécessaire et juste”

July 29 2018, 06:57am

Posted by Pierre Lurçat

Atta Farhat : “la Loi sur Israël-Etat nation du peuple Juif est nécessaire et juste”

 

Le président du Conseil sioniste druze, Atta Farhat, déclare : “La Loi fondamentale Israël-Etat nation du peuple juif traite du statut des différentes communautés et pas des droits des personnes. Cette loi vient parachever la définition de l’identité de l’Etat d’Israël, et elle s’ajoute à un ensemble de lois fondamentales sur la liberté professionnelle et la dignité humaine. Israël, Etat-nation du peuple Juif, ce n’est pas nouveau, cela figurait déjà dans la Déclaration Balfour, dans la résolution sur le partage de la Palestine des Nations Unies (de 1947) et dans la Déclaration d’Indépendance. Cette loi ne contient aucun élément nouveau”.

 

“En tant que druze, je préfère vivre dans un Etat juif, plutôt que comme protégé de la Oumma musulmane. La loi sur Israël Etat-nation stipule que les droits nationaux en Israël n’appartiennent qu’aux Juifs… Elle ne dit pas que l’Etat n’appartient qu’au peuple Juif. Cette loi vise à freiner les aspirations nationales des Arabes, qui veulent créer ici un Etat musulman ou binational”.

 

 

Pourquoi les druzes protestent-ils contre cette loi?

 

“Certaines personnes qui sont désespérées tentent de faire porter la responsabilité de leurs problèmes au gouvernement… La gauche israélienne, encouragée et soutenue par le New Israel Fund, a trouvé un secteur [de la population] par le biais duquel elle peut attaquer le gouvernement de droite. C’est encore plus confortable pour eux de s’en prendre au gouvernement en utilisant les druzes, qui servent dans l’armée et sont loyaux envers l’Etat. L’incitation qu’ils ont menée en utilisant les Arabes n’a pas réussi, alors ils tentent d’inciter les druzes…”

 

 

Tsippi Livni avec un dirigeant druze

 

“C’est l’hypocrisie de la gauche. Je n’ai jamais vu un groupe de gens prêts à rejeter leurs propre identité et à porter atteinte à leur Etat uniquement pour obtenir un bénéfice politique, comme le fait la gauche [israélienne]. Ils sont prêts à tout, même au détriment de l’Etat d’Israël, du sionisme et du judaïsme”.

 

“Nous bénéficions ici de l’indépendance en tant que communauté, et sous un gouvernement musulman cela n’aurait jamais pu arriver. Les druzes qui vivent ici ne comprennent pas quelle est l’alternative… On incite la population druze en se servant des députés druzes, qui sont financés par le New Israel Fund.

 

Atta Farhat conclut : “Cette loi [sur Israël Etat-nation du peuple Juif] est nécessaire et juste, et même si ma vie est menacée, il est bon de mourir pour sa patrie [N.d.T. Il cite les mots fameux attribués à Yossef Trumpeldor] et je continuerai de porter son drapeau. Ceux qui s’opposent à la Loi se trompent. Les députés druzes font à présent le travail des Arabes, qui sont la cinquième colonne de l’Etat d’Israël, au lieu de faire leur travail et de représenter les habitants druzes pour résoudre les problèmes du secteur”.

 

Makor Rishon, 27.7.2018. Traduction P.Lurçat

 

 

Atta Farhat

 

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Comprendre le débat autour de la Loi fondamentale sur l’Etat-nation, par Pierre Lurçat

July 22 2018, 10:06am

Posted by Pierre Lurçat

Comprendre le débat autour de la Loi fondamentale sur l’Etat-nation, par Pierre Lurçat

Pour comprendre les tenants et les aboutissants du débat actuel sur la nouvelle “Loi fondamentale - Israël Etat-nation du peuple Juif”, il est essentiel de s’arrêter tout d’abord sur ses aspects juridiques et constitutionnels, avant d’envisager l’aspect politique de ce débat. Cette loi s’inscrit en effet dans la droite ligne de plusieurs autres textes fondamentaux, sur lesquels l’Etat d’Israël fonde son existence juridique en droit international. L’idée d’un “Etat-nation pour le peuple Juif” n’est pas une invention récente, motivée par d’étroites considérations politiciennes, comme voudraient le faire croire les opposants à la loi. Cette notion est un des fondements du sionisme politique et de l’existence de l’Etat d’Israël.

 

D’emblée, le mouvement sioniste a en effet revendiqué la création d’un foyer national, ou d’un Etat (la formule exacte ayant varié au fil du temps) pour le peuple Juif. Cette revendication a reçu un début de consécration avec la Déclaration Balfour en 1917, puis avec le mandat sur la Palestine, avant même la création de l’Etat d’Israël et le vote historique des Nations unies le 29 novembre 1947.

 

 

La déclaration Balfour


 

Comme le rappelle la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël, “En 1897, inspiré par la vision de l'État juif qu'avait eue Theodor Herzl, le premier congrès sioniste proclama le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays. Ce droit fut reconnu par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 et réaffirmé par le mandat de la Société des Nations qui accordait une reconnaissance internationale formelle des liens du peuple juif avec la terre d'Israël, ainsi que de son droit d'y reconstituer son foyer national…

 

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies adopta une résolution prévoyant la création d'un État juif indépendant dans le pays d'Israël et invita les habitants du pays à prendre les mesures nécessaires pour appliquer ce plan. La reconnaissance par les Nations Unies du droit du peuple juif à établir son État indépendant ne saurait être révoquée. C'est de plus, le droit naturel du peuple juif d'être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain”. (C’est nous qui soulignons).

 

La notion d’un Etat-nation pour le peuple Juif n’est donc nullement une invention du gouvernement actuel, motivée par des considérations politiques : elle a été réclamée par le mouvement sioniste depuis 1897, acceptée par le concert des nations en 1917 et en 1947 et consacrée par la proclamation de cet Etat le 14 mai 1948. Elle est juridiquement fondée, selon les termes de la Déclaration d’indépendance, tant sur le droit historique et naturel que sur le droit international.

 

 

La Déclaration d’Indépendance d’Israël


 

Pourquoi une Loi fondamentale sur l’Etat-nation du peuple Juif?

 

Dans ces circonstances, demandera-t-on, pourquoi était-il nécessaire de réaffirmer une réalité juridique et politique qui existe déjà, avec la sanction du droit international ? La réponse est double. Sur le plan international tout d’abord, la légitimité de l’Etat d’Israël a été remise en cause à de nombreuses reprises depuis 1947, au sein de l’ONU et des autres instances internationales. Rappelons la sinistre résolution “Sionisme = racisme” de 1975, de triste mémoire, et les multiples autres résolutions du même acabit, votées par l’Assemblée générale des Nations unies et par d’autres forums internationaux, comme l’UNESCO. Ces résolutions n’ont certes pas atteint la légitimité de l’Etat juif sur le plan du droit international, mais elles ont fragilisé son statut politique. Mais c’est aussi et surtout sur le plan interne à l’Etat d’Israël que la notion même d’Etat juif a été érodée au cours des dernières décennies.

 

C’est en effet la Cour suprême, instance judiciaire suprême de l’Etat d’Israël, qui s’est employée depuis le début des années 1990 et notamment depuis 1992 (date de la “Révolution constitutionnelle” initiée par le juge Aharon Barak), à porter atteinte au caractère juif de l’Etat d’Israël, pour le transformer en “Etat de tous ses citoyens”, au nom d’une conception partisane et radicale de l’égalité des droits de la minorité arabe. C’est ainsi que le consensus sioniste sur lequel reposait le fragile équilibre politique et social, à l’intérieur de la société israélienne a été remis en cause, au nom de cette idéologie d’inspiration post-sioniste et post-moderne.

 

Contrairement à une conception largement répandue, en effet, la nouvelle Loi ne vient pas bouleverser un équilibre existant, mais rétablir le statu quo ante : elle vient réaffirmer la notion d’Etat juif, contestée et fragilisée par ses adversaires au sein même de la société israélienne. C’est là que réside toute l’importance de cette Loi fondamentale sur Israël Etat-nation du peuple Juif. En vérité, comme nous le montrerons dans la suite de cet article, cette loi ne fait que réaffirmer, en grande partie, des principes qui figuraient déjà en toutes lettres dans la Déclaration d’indépendance de 1948. Mais cette réaffirmation est un acte juridique qui revêt une grande importance, à la fois symbolique et concrète.

 

Réaffirmer les principes de la Déclaration d’Indépendance

 

Dès lors que le consensus national autour des valeurs fondamentales du sionisme, exprimées dans la Déclaration d’indépendance, a été érodé et contesté de manière grandissante au cours des 25 dernières années, au point que de larges parties des élites médiatiques, juridiques ou universitaires israéliennes ne croient plus à ces valeurs, il importait que la Knesset réaffirme de manière forte ces valeurs essentielles, sans lesquelles l’existence d’Israël en tant qu’Etat juif est menacée. A quoi bon, en effet, réclamer de nos ennemis arabes qu’ils reconnaissent notre existence en tant qu’Etat juif, si cette même reconnaissance est contestée à l’intérieur même de l’Etat d’Israël et de la société juive?


La nécessité d’une réaffirmation des principes de la Déclaration d’indépendance par la Knesset est devenue une nécessité impérieuse, qui permettra à la majorité silencieuse de retrouver confiance en ses élus et en ses institutions. Face à la Cour suprême, qui s’est érigée ces dernières années en “pouvoir suprême” anti-démocratique, par un véritable putsch judiciaire, la Knesset se devait de reprendre la place qui lui revient dans le débat public : celle de représentant du peuple et de la vox populi. C’est la signification du vote de la Loi fondamentale sur Israël, Etat-nation du peuple juif. Elle vient redire, de la manière la plus solennelle et la plus incontestable, ce que chaque Juif sioniste, israélien ou non, ressent intimement dans son for intérieur : le peuple d’Israël est souverain sur sa terre.

 

Pierre Lurçat

 

NB Dans la suite de cet article, nous examinerons le statut juridique de la Loi fondamentale et montrerons comment elle réaffirme pratiquement les principes essentiels de la Déclaration d’indépendance.

 

Mon interview sur Radio Qualita au sujet de la Loi fondamentale "Israël Etat-nation"

https://www.youtube.com/watch?v=pH14MqX_0J8

 



 

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