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mensonge politique

Le mythe du “génocide du peuple palestinien”, Pierre Lurçat

January 8 2024, 16:55pm

Posted by Pierre Lurçat

Le mythe du “génocide du peuple palestinien”, Pierre Lurçat

 

Alors que la Cour de justice de La Haye s'apprête à examiner la plainte pour génocide de l'Afrique du Sud contre Israël, je publie ici un extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, consacré au mythe du “génocide du peuple palestinien”. A travers les accusations récurrentes de génocide portées contre Israël et son armée, c’est en effet le discours mythique de l’antisémitisme séculaire qui se perpétue. P.L.

 

 

La présentation constante d’Israël et de son armée comme “tuant des Palestiniens” n’est pas une simple accusation polémique. Derrière l’accusation de meurtre délibéré, de “crimes de guerre” et de “génocide”, il y a un véritable discours mythique. Lisons à ce propos les remarques éclairantes de Pierre-André Taguieff, au sujet de l’affaire Al-Dura[1] :

 

Dans la construction du sionisme comme une entreprise génocidaire, les propagandistes font feu de tout bois : après avoir transformé les Palestiniens en symboles des pauvres, des humiliés et des offensés, puis en victimes de “l’impérialisme d’Israël”, ou plus largement d’un “complot américano-sioniste”, ils leur donnent le visage de prétendus “enfants-martyrs”. C’est en effet par assimilation avec la légende du crime rituel juif “que s’est opérée l’exploitation internationale, par toutes les propagandes antisionistes, du prétendu “assassinat par l’armée israélienne du jeune Palestinien Mohammed Al-Dura”.

 

Cette analyse relie de manière très significative l’affaire du petit Mohammed Al-Dura à l’accusation séculaire du “crime rituel”, qui est une des thématiques les plus anciennes de l’antisémitisme. La propagande contemporaine n’a en l’occurrence rien inventé : elle ne fait que recycler constamment des thèmes anciens, qu’elle puise dans l’imaginaire collectif et dans l’arsenal de la propagande antisémite, développé au cours des siècles.

 

Ajoutons qu’on ne saurait comprendre l’acharnement avec lequel les médias français et occidentaux présentent chaque Palestinien tué dans un “affrontement” (le plus souvent alors qu’il était lui-même l’assaillant) comme une “victime innocente”, si on ne tient pas compte de ce ‘subtexte’, ou fondement sous-jacent - conscient ou non - du mythe du crime rituel, à travers le prisme duquel le conflit israélo-arabe est constamment présenté. Ce mythe ancien est apparemment resté présent dans l’inconscient collectif occidental. C’est en faisant cette hypothèse et en gardant à l’esprit ces remarques préliminaires, que nous allons analyser le mythe du “génocide du peuple palestinien”. (...)

 

La filiation historique entre l’antisionisme et l’antijudaïsme

 

En réalité, ce mécanisme d’inversion permanent consistant à vouloir détruire l’adversaire tout en l’accusant de ses propres intentions n’a rien de nouveau. L’historien Georges Bensoussan écrit à ce propos que “tout discours meurtrier impute en effet à sa victime le dessein qu’il nourrit à son endroit[2]”. Pierre André Taguieff analyse également ce mécanisme, auquel il a donné le nom, que nous lui empruntons, d’inversion victimaire, dans ses “trois grands moments historiques”[3] : celui de l’antijudaïsme antique et médiéval, celui de l’antisémitisme moderne, et enfin celui de l’antisionisme contemporain. Cette perspective historique plus large nous permet de comprendre comment le mythe du “génocide du peuple palestinien” s’inscrit dans le droit fil de l’accusation de crime rituel, qu’il reprend à son compte et auquel il donne des formes nouvelles.

 

Un élément essentiel à la compréhension du mythe du génocide et des autres mythes de l’antisionisme contemporain est en effet celui de la filiation historique qui relie ce dernier à l’antisémitisme moderne et à l’antijudaïsme de l’Antiquité et du Moyen-Âge. Ce n’est pas par hasard que les analyses les plus éclairantes de l’antisionisme contemporain ont été faites par des historiens, comme Pierre-André Taguieff, souvent cité dans le cadre de notre ouvrage, et l’historien de l’antisémitisme Léon Poliakov, dont il poursuit les travaux. Un exemple récent nous est donné par le discours de Mahmoud Abbas en décembre 2019, dans lequel il a accusé Israël d’être responsable de la diffusion de drogues au sein de la société palestinienne[4]. En juin 2016, Abbas avait déjà accusé Israël d’empoisonner les puits et l’eau potable bue par les Palestiniens[5].

 

 
Le mythe du “génocide du peuple palestinien”, Pierre Lurçat

Cette accusation était de toute évidence la remise au goût du jour d’un thème antisémite ancien, largement répandu au Moyen-Age. La légende des “Juifs empoisonneurs” réapparaît ensuite au 16e siècle, sous la plume de Martin Luther, qui affirmait que “si les Juifs pouvaient nous tuer tous, ils le feraient volontiers, certes, spécialement ceux qui exercent la médecine[6]. Plus tard, cette accusation revient sur le devant de la scène à l’époque contemporaine, lors de la tristement célèbre affaire du “complot des Blouses blanches”, orchestré par Staline en janvier 1953. Plus récemment encore, l’accusation d’empoisonnement est formulée à l’encontre d’Israël, lors du décès de Yasser Arafat en novembre 2004, dans un hôpital français.

 

Cet exemple - parmi beaucoup d’autres - permet de comprendre comment fonctionne le discours antisioniste, et plus précisément comment il s’alimente à la source de l’antijudaïsme antique et de l’antisémitisme moderne. Il le fait en puisant dans l’éventail de stéréotypes négatifs concernant les Juifs, qui s’est constitué depuis des siècles. Le discours antisioniste radical, comme le discours antisémite “classique”, fait feu de tout bois : il puise indistinctement dans les accusations antijuives d’origine religieuse, chrétienne notamment. Citons encore Taguieff : “La sécularisation des accusations contre les Juifs, à l’exception de celle de déicide, n’a nullement interrompu, à partir du 18e siècle, le processus de transmission de leurs formes religieuses”[7].

 

De même, pourrait-on dire en extrapolant cette remarque, la sécularisation des accusations contre Israël dans l’antisionisme contemporain n’a pas interrompu le processus de transmission de thèmes antijuifs anciens, comme on le voit dans le discours d’un Mahmoud Abbas accusant Israël (et les rabbins) d’empoisonner les puits des Palestiniens.

 

(Extrait de P. Lurçat, Les Mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éditions l’éléphant 2021. En vente sur Amazon).

Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain – Éditions L’éléphant

 

 

[1] La Judéophobie des Modernes, op. cit. p. 300. Le 30 septembre 2000, la chaîne France 2 diffusait des images d’un échange de tirs au carrefour Netsarim, dans la bande de Gaza. Le correspondant Charles Enderlin affirmait que le jeune Mohammed Al-Dura avait été tué par des tirs israéliens. Cette affirmation qui ne reposait sur aucun élément incontestable donna lieu à des accusations contre Tsahal d’avoir délibérément tué Al-Dura. 

[2] In “Antisémitisme et négationnisme dans le monde musulman”, Revue d’histoire de la Shoah no. 180, janv-juin 2004. p. 12.

[3] Pierre-André Taguieff, « Un exemple d’inversion victimaire : l’accusation de meurtre rituel et ses formes dérivées », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne] 18/10/2019. http://journals.openedition.org/aad/3500

[4]Abbas accuse Israël d'être à l'origine de la corruption chez les Palestiniens”, i24news.tv, 20/12/2019

https://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/1576834118-abbas-accuse-israel-d-etre-a-l-origine-de-la-corruption-chez-les-palestiniens

[6] Trachtenberg, Joshua. 1983 [1943]. The Devil and the Jews : The Medieval Conception of the Jew and Its Relation to Modern Antisemitism (New Haven : Yale U. P.) Cité par Taguieff 2019.

[7] Pierre-André Taguieff, « Un exemple d’inversion victimaire : l’accusation de meurtre rituel et ses formes dérivées », 2019 https://journals.openedition.org/aad/3500#bodyftn11

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« La démocratie c’est la dictature » : Le moment orwellien de la politique israélienne, Pierre Lurçat

March 16 2023, 05:47am

Posted by Pierre Lurçat

« La démocratie c’est la dictature » :  Le moment orwellien de la politique israélienne, Pierre Lurçat

N.B En qualifiant de "compromis du peuple" sa proposition, le président Itshak Herzog participe de la propagande que j'analyse ci-dessous. "Compromis du peuple" ou "compromis des élites"? P.L

Dans la gigantesque campagne de désinformation à laquelle se livrent les médias « mainstream » israéliens et les chefs de l’opposition, avec l’appui – entre  autres – de la Cour suprême, du parti démocrate et du département d’Etat américains et d’ONG financées par des Etats étrangers (tous ces acteurs constituant ce que certains qualifient de « Deep State »), je voudrais m’arrêter ici sur deux mensonges particulièrement efficaces.

 

Le premier consiste à qualifier la Loi sur le contournement (« Hok ha-Hitgabrout ») qui a été votée cette semaine et les autres volets de la réforme judiciaire de « lois personnelles », « Loi Dery », « Loi Bibi », etc. comme si l’objet principal de toute cette réforme était de « sauver » le Premier ministre et d’autres de la rigueur de la justice israélienne, laquelle serait mue par des motivations pures et intègres. L’histoire politique des deux ou trois dernières décennies en Israël montre que c’est précisément le contraire qui est vrai.

 

La réforme en cours – que les médias israéliens qualifient de « putsch » ou de « révolution judiciaire », dans leur Novlangue orwellienne –  n’a rien de nouveau. Ses principes m’avaient été exposés par le ministre Yariv Levin (alors député du Likoud) dans une interview publiée par Israël Magazine en… 2011 ! Elle vise en réalité à rétablir le pouvoir de la Knesset et à permettre aux représentants du peuple et à ses dirigeants démocratiquement élus d’appliquer la politique pour laquelle ils l’ont été, sans craindre de se voir entravés, empêchés, voire inculpés par une justice qui est tout sauf neutre et apolitique. Les exemples de cette triste réalité sont légion.

 

L’ancien ministre de la Justice, Daniel Friedman, avait lui aussi élaboré un projet de Loi de contournement, comme il l’a relaté dans un livre passionnant[1]. Il y explique notamment comment le système judiciaire et la police ont été utilisés, depuis trois décennies, pour torpiller toute tentative de réforme et de rétablir l’équilibre des pouvoirs, en rognant les pouvoirs exorbitants que la Cour suprême s’est octroyée lors de la Révolution constitutionnelle. Cela porte un nom : justice politique.

 

Parmi ceux qui ont tenté de s’attaquer à celle-ci, citons le ministre de la Justice (travailliste) Haïm Ramon, le ministre Yaakov Neeman et le ministre Daniel Friedmann. Les deux premiers ont été inculpés pour des raisons plus ou moins valables, mais toujours dans un but politique évident. Comme l’a écrit Amnon Dankner, en matière d’inculpation de personnalités publiques, il existe trois écoles : « celle de Beit Hillel, celle de Beit Shamai et celle de « cela dépend de qui il s’agit ». En l’occurrence, la Cour suprême, le procureur de l’Etat et la police ont depuis de nombreuses années choisi la troisième école. Ils « ciblent » systématiquement les hommes politiques qui tentent de diminuer le pouvoir du système judiciaire et utilisent tous les moyens pour parvenir à leurs fins.

 

Ce qui nous amène au plus grand mensonge de la campagne actuelle : qualifier de « putsch » et de « révolution » anti-démocratique une réforme qui vise précisément à rétablir la démocratie, l’Etat de droit et la neutralité de la justice. Mais comme l’avait dit un spécialiste de la propagande, « plus le mensonge est gros, plus il passe ». Dans cette immense entreprise de propagande, dont on ignore qui exactement la finance, deux coups de génie ont sans doute été pensés par des conseillers en communication politique américains, les fameux spin doctors qui exercent depuis quelques décennies leurs talents en Israël.

 

Le premier est d’avoir utilisé comme symbole le drapeau d’Israël, pour faire croire que ces manifestations du camp anti-Bibi qui a perdu les dernières élections, représentent la majorité, voire l’ensemble du peuple d’Israël. Le second est d’utiliser le mot de « démocratie », détourné de son sens authentique, en ralliant ainsi les défenseurs abusés de celle-ci. Israël traverse un moment orwellien. Comme dans le fameux roman d’Orwell 1984, où le régime totalitaire avait pour slogans « la guerre c’est la paix » et « la liberté c’est l’esclavage », la campagne de propagande actuelle a adopté pour devise, « la démocratie c’est la dictature ». Le peuple d’Israël est-il dupe ? Rien n’est moins sûr.

P. Lurçat

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La conférence que j’ai donnée à Tel-Aviv sur “Les enjeux de la réforme judiciaire” est à présent en ligne ici :

(8) 28 02 23 Pierre Lurçat Les Enjeux De La Réforme Judiciaire En Israël Tlv - YouTube

 

 

 

[1] The Purse and the Sword,

The trials of the Israeli Legal Revolution, Yediot Aharonot Books 2013.

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La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

March 12 2023, 16:27pm

Posted by Pierre Lurçat

La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

Les phénomènes politiques et sociaux, comme l’ensemble des phénomènes humains, ont rarement une explication unique. Dans les lignes qui suivent, je voudrais avancer trois explications possibles - qui ne s’excluent pas mutuellement – à la crise politique actuelle en Israël.

 

1ère explication : une immense manipulation politique et médiatique

 

Le premier niveau d'explication est celui du mensonge politique et médiatique sans précédent, auquel nous assistons depuis plusieurs semaines. Comme souvent, ce mensonge est d'autant plus efficace qu'il est grossier. En qualifiant de "putsch" et de "révolution" antidémocratique une réforme légitime, qui vise précisément à rétablir la séparation des pouvoirs et la démocratie authentique, les médias israéliens et les chefs de l’opposition recourent à une rhétorique mensongère éhontée, qui prétend priver les électeurs israéliens de leur victoire, sous couvert de "sauver la démocratie".

 

Il n'est pas anodin que cette manipulation politique et les manifestations qui l'accompagnent soient orchestrées avec le soutien logistique considérable des ONG à financement étranger, auxquelles la Cour suprême a donné un droit de regard sur la politique intérieure israélienne. A travers la protestation contre la réforme judiciaire, c'est en fait un enjeu de pouvoir fondamental qui se joue actuellement : le peuple d'Israël va-t-il reprendre le pouvoir qui lui a été confisqué par la Cour suprême, au moyen de l'intervention grandissante de cette pléiade d'ONG, véritable cheval de Troie de puissances étrangères, à l'intérieur de la vie publique israélienne ?

 

2eme explication : une guerre intestine

 

Ce qui nous amène à la deuxième explication, celle de la guerre intestine. Les appels répétés à la guerre fratricide et à l'effusion de sang des dirigeants de l'opposition, qui sont pour la plupart (à l'exception de Yair Lapid) des généraux en retraite, comme l'a observé récemment Shmuel Trigano, sont évidemment révélateurs. Dans l’ethos fondateur de la gauche israélienne, la guerre fratricide est toujours salvatrice, depuis la "Saison", l'Altalena et le "canon sacré" de David Ben Gourion et jusqu'à l'expulsion des valeureux habitants du Goush Katif, chassés jusqu'au dernier d'entre eux de leurs maisons manu militari pour faire la place au gouvernement du Hamas, avec la bénédiction de la Cour suprême (sauf une voix, celle du juge sépharade Edmond Levi, véritable “juste à Sodome”)

 

Dans la guerre fratricide que ce quarteron de généraux à la retraite appelle de tous ses vœux, tous les moyens sont légitimes, de l'incitation à la haine et au meurtre jusqu'à la désobéissance civile et au refus d'obéissance de soldats de réserve… A travers cette lutte intestine, c'est l'avenir d'Israël qui est en jeu, avenir qui est menacé par des acteurs étrangers puissants (démocrates américains, Union européenne, etc.) qui étaient déjà présents lors des précédentes phases de la lutte d'Israël pour sa survie. La gauche israélienne, à travers sa dernière mutation au visage wokiste - le camp hétéroclite des "Tout sauf Bibi" -  n'a aucun complexe à s'allier aux ennemis de l'extérieur et de l'intérieur pour atteindre ses objectifs.

 

3eme explication : un conflit d’identité

 

Les deux explications qui précèdent sont évidemment insuffisantes pour rendre compte de la violence du conflit intérieur actuel, qui dépasse de loin tout ce qu'on a pu voir depuis plusieurs décennies. Il y a donc un troisième niveau, symbolique ou spirituel, qui permet seul de rendre compte et d'expliquer cette violence. Ce niveau, largement impensé au sein de l’opposition, porte sur l'identité profonde d'Israël en tant que peuple et en tant que nation… Il peut être formulé ainsi : Israël doit-il être et sera-t-il un État juif conforme à sa vocation prophétique, ou bien un État occidental dans lequel le judaïsme serait réduit à la seule sphère privée, selon le modèle de l'émancipation - assimilation ?

 

Dans cette perspective, l'opposition violente et le mouvement de panique auxquels on assiste actuellement sont à la hauteur de l'espoir qu'un État plus juif fait naître chez ses partisans. Ce qui apparaît à ces derniers comme la réalisation des promesses bibliques semble pour les premiers signifier la fin de leur idéal laïc et occidental. Affrontement irréductible entre deux visions qu'on avait cru compatibles et qui s'avèrent aujourd'hui radicalement opposées. L'avenir dira si nous assistons à un progrès sur la voie de la rédemption ou bien, à Dieu ne plaise, à une terrible régression.

Pierre Lurçat

La conférence que j’ai donnée à Tel-Aviv sur “Les enjeux de la réforme judiciaire” est à présent en ligne ici :

(8) 28 02 23 Pierre Lurçat Les Enjeux De La Réforme Judiciaire En Israël Tlv - YouTube

 

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Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin

February 19 2023, 11:45am

Posted by Pierre Lurçat

Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin

J'étais ce matin l'invité de Daniel Haik sur Studio Qualita pour commenter l'actualité et la réforme judiciaire en cours en Israël.

(2) Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin - L'invité De La Rédaction Du 19 Février 2023 - YouTube

 

CONFERENCE TEL AVIV 28.2.23

LES ENJEUX DE LA REFORME JUDICIAIRE EN ISRAEL

 

Pour comprendre les enjeux de la réforme judiciaire actuelle, il est indispensable de connaître son contexte historique, et notamment celui de la “Révolution constitutionnelle” menée par le président de la Cour suprême Aharon Barak dans les années 1990. 

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de la Cour suprême.

 

Mardi 28 février à 19h00, dans les locaux de la WIZO 

35 Rue King Georges, Tel Aviv

PAF : 30 shekels (sans réservation)

Venez nombreux poser vos questions

 

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Israël : le « Deep State » contre-attaque, Pierre Lurçat

January 22 2023, 10:02am

Posted by Pierre Lurçat

La Cour suprême d'Israël

La Cour suprême d'Israël

J'évoquais hier matin la situation politique en Israël au micro de Richard Darmon sur Studio Qualita

Qui met en péril la démocratie en Israël ? - IMO#198 (studioqualita.com)

 

 

Israël : le « Deep State » contre-attaque, Pierre Lurçat

L’offensive généralisée contre la réforme judiciaire et contre le gouvernement nouvellement élu en Israël dépasse de beaucoup le cadre restreint du débat politique et juridique. Elle procède en fait d’une tentative désespérée du « Deep State » en Israël de regagner le pouvoir qu’il vient de perdre dans les urnes.

 

« Deep State » (« l'État profond ») : l'expression évoque le titre d'une série d'espionnage. S'agit-il d'un véritable « État dans l'État », ou plus simplement du pouvoir de l'administration et des groupes de pression, qui s'oppose parfois à celui des élus du peuple ? Plus précisément, il pourrait s’agir de tous ceux qui – au sein de l’administration, de l'armée, de l’économie ou des médias – se donnent pour tâche non pas de servir l’Etat, le peuple et le gouvernement qu’il s’est donné, mais au contraire de renverser ce dernier par des moyens non démocratiques, pour servir leurs propres intérêts, matériels ou idéologiques.

 

Quelle que soit l'acception précise qu'on lui donne, ce concept permet de comprendre les causes profondes de la situation politique sans précédent que traverse l'État d'Israël depuis plusieurs années. En effet, comme l’écrivait en 2018 la commentatrice israélienne Caroline Glick, « l’usurpation du pouvoir des élus par “l’État profond” au cours des trois dernières décennies est la question politique la plus brûlante en Israël aujourd’hui ».

 

Contrairement au slogan que l'on entend dans les rues d'Israël depuis plusieurs semaines – c'est-à-dire depuis la victoire éclatante de la droite aux dernières élections – ce n'est en effet pas la démocratie qui est mise en danger par le nouveau gouvernement et par son ambitieux projet de réforme judiciaire. C'est au contraire le pouvoir des adversaires de la démocratie qui vacille aujourd'hui, et c'est la raison des cris d'orfraie de leurs partisans, qui se déchaînent actuellement à l'intérieur comme à l'extérieur d'Israël. Qui sont ces représentants du « Deep State » ?

 

Ils sont présents au sein de tous les pouvoirs non élus. A la Cour suprême évidemment, qui est devenue depuis plusieurs décennies le premier pouvoir en Israël, en s'arrogeant un droit de regard exorbitant sur toutes les décisions de l'administration, de l'armée et du gouvernement, ainsi qu’un droit d'annulation des lois qui ne lui a jamais été légalement octroyé, créé ex nihilo par le juge et ancien président de la Cour suprême Aharon Barak. Ils sont aussi largement représentés dans les grands médias israéliens, dont l'hostilité à Benjamin Netanyahou n'a pas faibli depuis son premier mandat dans les années 1990. Ils sont également présents au sein de l'establishment militaire, dans l'université, dans le monde de la culture et partout où le pouvoir non élu s'exerce dans un sens contraire à celui du gouvernement légalement constitué.

 

On comprend dès lors la peur panique dont sont aujourd'hui saisis ces représentants du Deep State d'Israël et ceux qui les soutiennent et les financent en dehors d'Israël. A l'instar du New Israel Fund, qui vient d'annoncer publiquement, dans un geste sans précédent, son soutien aux manifestations contre le gouvernement, alors même que celui-ci prépare un projet de loi contre le financement par des fonds étrangers d’ONG israéliennes d’extrême-gauche. Il est compréhensible dans ces circonstances que le « Deep State » se sente menacé et qu'il lance aujourd'hui une brutale contre-offensive, pour tenter de priver les électeurs israéliens de leur victoire.

Pierre Lurçat

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Réponse à Frédéric Encel, qui accuse Israël d’être une « voyoucratie » et au CRIF qui cautionne ses propos

January 12 2023, 17:10pm

Posted by Pierre Lurçat

F. Encel recevant un Prix du Ministère français des Affaires étrangères : géopoliticien ou politicien?

F. Encel recevant un Prix du Ministère français des Affaires étrangères : géopoliticien ou politicien?

 

Cher Frédéric,

 

Tu me permettras de te tutoyer, en souvenir de notre ancienne amitié, lorsque nous étions étudiants à Paris et que tu n’avais pas encore entamé ton brillant parcours à l’institut de sciences politiques de Grenoble. A l’époque, nous partagions la même passion pour Israël et pour le sionisme, qui nous paraissait alors un idéal lointain. Trois décennies et demie plus tard, nos chemins ont divergé ; tu as mené ta carrière en France, qui t’a mené aux « sommets » de la géopolitique française, tandis que j’ai fait mon alyah et vis à Jérusalem depuis 30 ans.

 

Si je t’écris aujourd’hui publiquement, c’est parce que tu viens de publier sur le site du CRIF une interview dans laquelle – tout en revendiquant une « géopolitique humaniste » (sic) et en prônant une « Europe puissante » – tu qualifies Israël de « voyoucratie ». Je ne remets pas en question tes compétences de géopoliticien, que tu as prouvées en publiant plusieurs livres intéressants, depuis ta Géopolitique de Jérusalem que j’avais lue autrefois. Non, cher Frédéric, ce qui m’attriste et me choque, c’est la manière dont tu disqualifies le nouveau gouvernement israélien et voues aux gémonies notre petit pays, dans des termes qui conviendraient mieux au Monde diplomatique ou à L’Humanité qu’à un site communautaire juif (lequel aurait été mieux inspiré de ne pas laisser passer ces propos outranciers et insultants).

 

Car vois-tu, « voyoucratie » signifie, selon le Larousse, le « Pouvoir exercé par des voyous », ou le « gouvernement des voyous ». Est-ce vraiment ainsi que tu considères notre pays, la seule démocratie du Moyen-Orient, comme nous le proclamions alors, lorsque nous militions ensemble dans les rangs du Tagar, mouvement des étudiants juifs de France ? J’ai du mal à le croire. Je préfère penser que tu es, toi aussi, désinformé, à force de lire Le Monde et les autres médias français et que tu devrais venir plus souvent ici, au lieu d’asséner tes jugements à l’emporte-pièce depuis Paris.

 

Si l’envie te prenait de nous rendre visite, je pourrais te faire rencontrer Betsalel Smotrich, qui n’a selon toi « rien à faire au sein du gouvernement d’un État de droit » (depuis quand es-tu devenu l’autorité morale, habilitée à décider qui a le droit de siéger au gouvernement d’Israël ?) Tu constaterais que c’est un homme très intelligent et qui pourra sans aucun doute t’en apprendre beaucoup sur notre pays et sur notre Etat, que tu crois connaître. On peut certes ne pas partager ses opinions ou celles d’Itamar Ben Gvir, c’est ton droit le plus strict. Moi-même, en tant que traducteur et disciple de Jabotinsky, je peux comprendre ceux qui préféraient le Likoud d’autrefois à celui d’aujourd’hui. Mais je ne m’autoriserai jamais à insulter le gouvernement israélien comme tu le fais aujourd’hui.

 

Quant aux « actes tout à fait répréhensibles aux yeux de la loi israélienne » qu’auraient commis « Smotrich et Ben Gvir » selon toi, je te rappellerai ici quelques faits de notre jeunesse militante, puisque tu te permets de juger et de condamner sans appel les ministres du gouvernement de notre Etat. Quand nous étions tous deux militants du Tagar, branche étudiante du Betar, certains notables de la communauté nous qualifiaient aussi de « voyous ». A l’époque, tu savais bien que la justice était de notre côté, quand nous sifflions Robert Badinter au Vel D’Hiv, quand nous taguions « Arafat assassin » sur les murs, ou quand nous défilions fièrement avec le drapeau d’Israël dans les rues de Paris. Cela faisait-il de nous des « voyous » ?

 

Mais sans doute cette lettre est vaine, car tu évolues aujourd’hui dans des sphères bien différentes de celles que nous fréquentions jadis. Peut-être est-ce pour cela que tu te crois désormais autorisé à décider qui doit siéger dans le gouvernement israélien… et qui a la « compétence dans les domaines sécuritaires et/ou militaires » (quelles sont les tiennes pour écrire cela ?) J’ai appris que tu avais été nommé Chevalier de l’ordre du mérite et que tu avais reçu un « Grand Prix de géopolitique » décerné par le ministère des Affaires étrangères et que t’a remis le ministre en personne ! Je me suis laissé dire que tu entretenais des relations très amicales avec M. Le Drian, ce même ministre du quai d’Orsay qui « mettait en garde Israël contre le risque d’apartheid” » (« Oï a broch » aurait dit ma grand-mère).

 

Bien entendu, ceci ne justifie pas cela. On peut faire carrière en France, sans pour autant renoncer à ses convictions et à son passé. Il n’est plus nécessaire, comme à l’époque de Heine, de se convertir ou de renoncer à son identité pour être un bon Français. Qualifier Israël de « voyoucratie » ne t’apportera aucune distinction et aucun honneur (à moins que tu ne brigues le poste de ministre des Affaires étrangères ?) Je te prie donc, cher Frédéric, au nom de nos engagements et de notre lointaine amitié, de relire tes propos et de réfléchir à leur sens. L’erreur est humaine, mais comme tu le sais bien, « perseverare diabolicum ». Je terminerai par le salut traditionnel du Betar, dont tu n’as peut-être pas oublié le sens, celui de Yossef Trumpeldor, de Jabotinsky et des autres héros de notre jeunesse, Tel-Haï !


Pierre Lurçat

 

PS A Monsieur Yonathan Arfi, président du CRIF,

 

Est-ce vraiment le rôle du CRIF de publier des propos qui incriminent Israël et son gouvernement, surtout lorsqu’ils sont ceux d’un géopoliticien juif, considéré (à tort ?) comme pro-israélien ? Comment pourrez-vous encore protester quand les médias français insultent Israël et le qualifient de « démocratie illibérale » ou de « démocratie illusoire », si le CRIF lui-même cautionne le qualificatif de « Voyoucratie » apposé à l’Etat juif ? Et comment pensez-vous être accueilli par un ministre du gouvernement d’Israël lorsqu’il saura ce que vous publiez sur votre site ?

 

 

VERBATIM – LES PROPOS DE F. ENCEL SUR LE SITE DU CRIF

 

« Sur l’État hébreu, ce qui me préoccupe plus que la droitisation et le nationalisme – après tout, un nationaliste fervent, Begin, fit la paix avec l’Égypte, et un autre, Sharon, évacua toute la bande de Gaza – c’est la voyoucratie. Smotrich et Ben Gvir ont tenu des propos et commis des actes tout à fait répréhensibles aux yeux de la loi israélienne et, en outre, n’ont strictement aucune compétence dans les domaines sécuritaires et/ou militaires qu’ils prétendent révolutionner. Ces individus objectivement extrémistes n’ont à mon sens rien à faire au sein du gouvernement d’un État de droit, et pas davantage un Arié Derhy déjà lourdement condamné dans l’exercice de ses fonctions ministérielles et à nouveau mis en examen ! Jamais nulle part la voyoucratie n’est positive. »

L'entretien du Crif - Frédéric Encel, géopolitologue et essayiste : "Aux Européens d’avancer vers l’Europe puissance !" | Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

F. Encel à la tribune d'une conférence du Tagar, 1992

F. Encel à la tribune d'une conférence du Tagar, 1992

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Amos Oz, côté jardin, Pierre Lurçat

July 3 2022, 07:12am

Amos Oz, côté jardin, Pierre Lurçat

(Article paru dans Causeur.fr)

 

A l'ère de #MeToo et de la confusion des genres qui caractérise notre époque, il n'est pas rare que les écrivains fassent parler d'eux après leur mort et pas toujours à leur avantage. C'est ce qui est arrivé à l'écrivain israélien Amos Oz, décédé en 2019. Sa fille Galia a publié il y a un an un livre qui s'apparentait à un règlement de comptes, intitulé Quelque chose déguisé en amour. Son fils et sa fille aînée Fania ont tenté depuis de restaurer l'image de leur père.

 

C'est aujourd'hui au tour de Nili Oz de publier en Israël son témoignage, au sujet de l'homme dont elle a partagé la vie pendant plus de soixante ans. Intitulé « Mon Amos », ce petit livre dévoile un visage de l'écrivain mal connu du grand public, intime et émouvant. On y découvre un jeune homme à la fois sensible et sûr de lui, qui a connu le succès dès son premier livre et qui a apostrophé publiquement tous les dirigeants israéliens, depuis David Ben Gourion jusqu'à Benyamin Netanyahou.

 

Oz – né Klausner – est issu d’une famille bien connue de l'aristocratie sioniste de droite (son oncle était l'historien renommé Yossef Klausner). Très tôt, il a cependant abandonné l’ethos sioniste de la droite israélienne pour devenir le chantre de « La Paix maintenant ». Cette métamorphose a sans doute des causes multiples, que Nili Oz ne détaille pas. Mais la raison principale est le conflit avec son père, intimement lié au décès tragique de sa mère Fania, qui a mis fin à ses jours quand Amos était âgé de douze ans.

 

Cet événement traumatique a pour ainsi dire déterminé toute sa vie, car il ne s'est jamais remis de la perte de sa mère, comme le montre bien le livre. C'est sans doute la privation d'amour maternel qui l'a conduit à rechercher plus ou moins activement les honneurs et l'attention du public, en Israël comme à l'étranger. Paradoxalement, le succès et la publicité dont son œuvre a été gratifiée, dès le début de sa carrière littéraire, n'ont jamais pu combler ce manque initial.

 

Amos Oz est resté toute sa vie l'adolescent orphelin en quête de l'affection d'une mère disparue. Ce manque s'accompagnait d'un reproche non exprimé envers la mère absente. La description faite par Oz lui-même dans Une histoire d'amour et de ténèbres, sans doute son plus beau livre, est ainsi corroborée par le récit de la femme qui l'a aimé et accompagné toute sa vie adulte. Mais ce n'est qu'un aspect du livre, qui raconte aussi la vie au kibboutz et les relations entre l’écrivain et la femme de sa vie. Le portrait dressé par Nili Oz est plein de retenue et d'humour.

 

Ce livre, qui mériterait d’être traduit en français, permet de mesurer l’écart entre l’homme privé et la figure publique, bien connue à travers ses interventions dans les médias internationaux, du Monde au New York Times. Une anecdote illustre la distance qui séparait l’écrivain et l’homme public de l’homme privé. Pendant la première guerre du Liban, dont Israël marque ces jours-ci le quarantième anniversaire, Menahem Begin justifia l'opération « Paix en Galilée » en invoquant la Shoah. En réaction, Amos Oz publia un article intitulé, « M. Begin, Hitler est mort ! », signifiant par-là que le souvenir de la Shoah ne devait pas être utilisé à des fins politiques.

 

En apparence, tout séparait l’écrivain Sabra du kibboutz Houlda du Premier ministre d’origine lituanienne, dont les opposants moquaient le style « exilique ». Mais en vérité, la Shoah était bien présente dans la vie privée d’Amos Oz, car la famille de sa mère avait été exterminée, et le deuil de ses parents n’était pas étranger à sa fin tragique. Ainsi, c’est bien la destruction des Juifs d’Europe qui avait en large partie déterminé la vie privée de l’écrivain. Son jardin secret était hanté par le souvenir de cette mère rescapée de l’horreur et trop tôt disparue.

Pierre Lurçat

Nili Oz, My Amos, Keter 2022.

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NB Je serai présent cet après-midi au Salon du livre francophone organisé à Jérusalem dans les locaux de Qualita

Amos Oz, côté jardin, Pierre Lurçat

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Une audience à la Cour suprême : Sodome ou Jérusalem ? Pierre Lurçat

June 23 2022, 15:03pm

Posted by Pierre Lurçat

La scène de l’attentat d’Elad

La scène de l’attentat d’Elad

 

Depuis vingt-cinq ans que j’écris au sujet de la Cour suprême israélienne, de son idéologie et de ses dérives[1], je n’avais jamais eu l’occasion d’y assister à une audience. J’ai comblé cette lacune mercredi dernier, en assistant à l’audience sur le recours formé par la famille des deux terroristes auteurs de l’attentat meurtrier d’Elad, il y a un mois, contre la décision de l’armée de détruire la maison de la famille d’un des terroristes. Audience passionnante, attristante et parfois surréaliste. Compte-rendu. P.L.

 

Avant de décrire l’audience, il faut dire quelques mots du contexte juridique, mais surtout rappeler les faits (ce qui n’a pas été fait ce matin, j’y reviendrai). Le 5 mai dernier, en pleine journée de l’Indépendance, deux terroristes armés de haches se sont introduits illégalement en Israël, sont parvenus jusqu’à la localité d’Elad à 25 km de Tel-Aviv et ont tué trois personnes, avant d’être neutralisés. A titre de sanction et de mesure de dissuasion, l’armée israélienne a décidé, comme elle le fait depuis longtemps, de démolir la maison de la famille d’un des terroristes. L’ordre de démolition a été signé le 20 juin, et c’est contre cette décision qu’a été intenté un recours en urgence devant la Cour suprême. Précisons que les avocats des familles des terroristes sont entièrement financés par une association juive israélienne – elle-même largement subventionnée par des pays et organismes étrangers – détail qui a son importance, nous le verrons.

 

En entrant dans le bâtiment somptueux qui abrite la Cour suprême depuis 1992, je remarque un couple d’âge mûr, qui passe le contrôle de sécurité en même temps que moi. « Je suis un avocat américain », explique l’homme au gardien, exhibant fièrement son passeport. La salle d’audience se trouve au premier étage. L’audience débute à neuf heures précises. Derrière moi est assis Yonatan, militant de l’association étudiante Im Tirtsou qui accompagne les familles des victimes du terrorisme. Assis au deuxième rang, je reconnais devant moi le couple rencontré à l’entrée. Que font-ils là ? Je vais bientôt le savoir.

 

La parole est donnée d’emblée à l’avocate du « Centre de défense des particuliers » (Hamoked en hébreu). Derrière ce nom anodin se cache une association radicale, créée par Lotte Salzberger (une rescapée de la Shoah) dans le but proclamé de « soutenir les Palestiniens vivant sous occupation israélienne », mais qui a en réalité pour principale activité la défense juridique des terroristes palestiniens devant les tribunaux. Un de ses nombreux domaines d’action est celui de la lutte contre les démolitions de maisons de terroristes par Tsahal, car explique le site d’Hamoked, citant l’article 53 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949 : « Toute destruction par la Puissance occupante de biens immobiliers ou personnels appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées [...] est interdite, sauf si une telle destruction est rendue absolument nécessaire par des opérations militaires ».

 

C’est précisément le premier argument avancé par l’avocate d’Hamoked : la démolition serait « illégale » et contraire au droit international. Pendant une vingtaine de minutes, elle expose ses arguments, sans être interrompue par les juges, invoquant tantôt le droit international, tantôt les principes du droit administratif israélien, insistant sur le fait que la mère du terroriste est atteinte d’un cancer, et observant que les médias israéliens ont fait état d’un report de la démolition de la maison d’autres terroristes de Djénine, jusqu'à « après la visite du président Biden ».

 

 

C’est ensuite au tour du ministère public de prendre la parole, pour défendre la décision de l’armée. L’avocate rappelle que la Cour suprême a depuis longtemps tranché la question de la compétence de l’armée pour détruire les maisons de terroristes, et qu’il ne s’agit pas seulement d’une mesure punitive, mais plutôt et surtout d’une mesure de dissuasion, dont l’effet dissuasif a été établi par de nombreuses études sur le sujet et ne fait aucun doute. (Devant moi, l’avocat américain envoie des SMS sur son portable, j’arrive à lire les mots « colonie ultra-orthodoxe d’Elad »).

 

L’avocate du ministère public insiste ensuite sur le fait que le terroriste a préparé son attentat dans la maison de ses parents et que ce fait est considéré comme significatif par la Cour suprême, y compris par le juge Mazouz, pourtant connu comme hostile aux démolitions de maisons de terroristes… Elle précise également que la méthode de démolition employée par Tsahal vise à circonscrire au maximum les dommages matériels, pour ne pas endommager les maisons voisines. En l’écoutant, je pense aux familles des victimes, aux enfants dont le père a été sauvagement assassiné sous leurs yeux, en pleines festivités du Yom Haatsmaout.

 

 
Le juge Kaboub

Le juge Kaboub

Des victimes, il ne sera presque pas question durant l’audience, et c’est précisément la raison de la présence d’Im Tirtsu, association qui assume (parmi ses nombreux autres combats) la mission sacrée de soutenir moralement les victimes du terrorisme arabe devant les tribunaux israéliens. A un seul moment, deux jeunes avocates, visiblement moins entraînées que leurs consœurs à s’exprimer devant la Cour suprême, viennent soumettre aux juges les demandes des veuves des victimes, qui réclament que la démolition soit autorisée et que « tout soit fait pour que les attentats ne se reproduisent pas ». Juste avant leur intervention, l’avocate d’Hamoked a eu le toupet déclarer, toute honte bue, qu’elle n’avait pas préparé de réponse aux familles des victimes et que celles-ci n’avaient pas de « statut juridique » dans cette audience…

 

Effectivement, et c’est bien le cœur du problème. Pendant une heure, on a débattu ici des familles des terroristes, de leurs maisons, de la maladie de la mère d’un des assassins, comme si tout cela était entièrement normal. Le comble du surréaliste a été atteint lorsque le juge Khaled Kaboub, premier juge musulman nommé à la Cour suprême, a demandé à la représentante du ministère public si l’armée avait envisagé une « démolition partielle » de la maison du terroriste… En l’écoutant, j’ai immédiatement pensé (sans savoir qui était ce juge) aux versets de la Torah évoquant la justice de Sodome. Le juge Kaboub est le seul qui a pris la peine de poser des questions lors de l’audience, et ses questions étaient toujours orientées dans le même sens. Je comprends à présent pourquoi.

 

Israël peut se flatter à juste titre d’être la seule démocratie du Moyen-Orient et de posséder un système judiciaire développé, dont la Cour suprême est prétendument le fleuron. Les juges qui siègent à Jérusalem sont souvent présentés comme les modèles de la démocratie israélienne. Depuis vingt-cinq ans, j’ai souvent critiqué l’activisme de la Cour suprême, devenue depuis le début des années 1990 et la « Révolution constitutionnelle » du juge Aharon Barak (qui a coïncidé avec son installation dans son nouveau et superbe bâtiment, qui siège en hauteur à l’entrée de Jérusalem – plus haut que la Knesset, tout un symbole…) le premier pouvoir en Israël.

 

Aujourd’hui, en assistant à l’audience, en écoutant les juges et les avocats, ce n’est pas à l’activisme judiciaire, et au fait que la Cour suprême d’Israël est une des plus activistes au monde, que je pense. Quand les deux jeunes avocates ont succinctement évoqué la souffrance des familles des victimes de l’horrible attentat d’Elad, l’avocat américain assis devant moi a envoyé un SMS, en demandant « qui paie ces avocats ? ». Lui qui est venu soutenir Hamoked – l’association de défense des Palestiniens qui reçoit des millions d’euros de pays européens… Quel salaud ! Je pense à la justice de Sodome et à l’adage bien connu du Talmud : « Celui qui a pitié du méchant finit par être cruel avec le Juste ». Jamais ces mots ne m’ont paru si évidents et si vrais que ce matin.

Pierre Lurçat

 

NB Lire le rapport de NGO Monitor sur Hamoked et son financement, ici.

HaMoked - Center for the Defense of the Individual » ngomonitor (ngo-monitor.org)

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[1] Mon article le plus récent sur le sujet a été publié dans la revue Pardès que dirige Shmuel Trigano, sous le titre “Comment la cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël”. Pardès no. 67, 2021.

La Cour suprême surplombant la Knesset

La Cour suprême surplombant la Knesset

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A.B. Yehoshua, Amos Oz et le mensonge du “camp de la paix”, Pierre Lurçat

June 19 2022, 07:14am

Posted by Pierre Lurçat

A.B. Yehoshua, Amos Oz et le mensonge du “camp de la paix”, Pierre Lurçat

 

L’écrivain israélien A.B. Yehoshua est décédé alors que s’ouvrait en Israël la “semaine du livre”, la manifestation littéraire qui est aussi une grande “fête du livre”, qui vient clore le cycle des fêtes du printemps israélien. Il est aussi mort avant le shabbat où nous lisons la parachat Chela-Lekha, qui relate la faute des explorateurs. A certains égards, Yehoshua faisait partie, avec ses collègues Amos Oz et David Grossman, des « modernes explorateurs » que sont ces intellectuels israéliens qui n’ont eu cesse, depuis cinquante-cinq ans, de mettre en garde leur pays et ses dirigeants contre les dangers d’une « corruption morale » et de multiples catastrophes dont l’unique cause serait, selon eux, « l’occupation des territoires »

 

Disons d’emblée qu’A. B. Yehoshua fut le seul des trois (à ce jour) à accepter de remettre en cause la rhétorique apocalyptique et moralisante de « La Paix Maintenant », dont ils étaient devenus tous trois, à des degrés différents, les porte-parole patentés. En acceptant de se remettre en question pour rejeter la logique des « deux États » et de la création d’un « État palestinien » en Judée-Samarie, Yehoshua a fait preuve à la fois d’une tardive lucidité et d’une forme de courage, inhabituelle dans les sphères de la gauche israélienne. Il était en effet bien plus facile de répéter comme un mantra les slogans éculés de La Paix Maintenant et de gagner ainsi la sympathie des médias – en Israël comme à l’étranger – et le statut confortable et lucratif d’écrivains du « camp de la paix ».

 

« Camp de la paix » ? L’expression ferait sourire, si elle ne rappelait de sinistres souvenirs. Elle remonte – rappel historique pour les nouvelles générations nées après l’effondrement du Mur de Berlin – à l’Union soviétique et à ses satellites. Le « Mouvement de la paix » était dans l’après-guerre (pendant la guerre froide dont on a oublié aujourd’hui la signification) la courroie de transmission du PCUS et du communisme stalinien au sein des pays occidentaux et de leur intelligentsia, qui était déjà à l’époque le ‘ventre mou’ de l’Occident. L’expression est donc un héritage empoisonné du communisme stalinien et elle est tout aussi mensongère à l’égard d’Israël aujourd’hui, qu’elle l’était concernant l’Occident alors.

2.

 

Le livre que vient de publier Nili Oz (1), veuve de l’écrivain Amos Oz, sur son mari, intitulé Amos sheli, est d’une lecture agréable et instructive à la fois. On y découvre un jeune homme sensible et sûr de lui, qui a connu le succès dès son premier livre et a apostrophé publiquement tous les dirigeants israéliens, depuis David Ben Gourion jusqu'à Benyamin Netanyahou. Oz – né Klausner – est issu d’une famille bien connue de l'aristocratie sioniste de droite (son oncle était l'historien Yossef Klausner). Son départ au kibboutz Houlda, après le décès tragique de sa mère, fut l’occasion pour lui de “réévaluer” toutes les valeurs dans lesquelles il avait élevé.

 

En rejetant le monde intellectuel de la famille Klausner, il ne s’éloigna pas seulement de son père (dont il avait rejeté jusqu’au nom de famille). Il fit surtout cause commune avec ses professeurs de l’université hébraïque, Hugo Shmuel Bergman, fondateur avec Martin Buber de « l’Alliance pour la paix », qui prônait « une fraternité sentimentale entre Juifs et Arabes et le renoncement au rêve d’un Etat hébreu afin que les Arabes nous permettent de vivre ici, à leur botte… » (2), rêve utopique que ses parents considéraient comme totalement coupé du réel et défaitiste.

 

Dans son livre, Nili Oz qui fut la fidèle compagne d’Amos pendant soixante ans, se flatte que son mari ait été le premier à dénoncer “l’occupation” des territoires libérés en 1967, « avant Yeshayahou Leibowitz ». Effectivement, avec la ‘houtspa qui le caractérisait, le jeune Amos – âgé de moins de 30 ans – publia dans le quotidien Davar une tribune adressée au ministre de la Défense Moshé Dayan, pleine de verve et de fiel, affirmant que « nous n’avons pas libéré Hébron et Ramallah… nous les avons conquis ». Et il poursuivait : « l’occupation corrompt » (expression devenue un slogan de la gauche israélienne après 1967), « même l’occupation éclairée et humaine est une occupation ».

 

A.B. Yehoshua, Amos Oz et le mensonge du “camp de la paix”, Pierre Lurçat

3.

 

Ad repetita… Aujourd’hui comme jadis, lors des débuts de notre histoire nationale et de la première conquête d’Eretz-Israël au temps de Josué (livre de la Bible qu’une ministre de la Culture prétendit bannir à l’époque des accords d’Oslo), une poignée de membres de l’élite de notre peuple se sont érigés en donneurs de leçons, en « nouveaux égarés du désert », comme l’écrivait le regretté André Neher en 1969. Avoir donné au terme biblique de « Kibboush » une connotation péjorative n’est pas le moindre péché de ces modernes explorateurs, qui ont instillé la peur dans l’esprit des Israéliens et les ont fait douter de la justesse de notre présence sur cette terre.

 

Ironie de l’histoire : l’Israël d’avant 1967 était lui aussi le fruit d’une (re)conquête et d’une victoire militaire – celle de 1948 – et la plupart des kibboutzim de l’extrême-gauche, de l’Hashomer Hatzair et du Mapam, étaient bâtis sur les ruines de villages arabes, comme Amos Oz le rappelle sans sourciller, en évoquant le kibboutz Houlda de sa jeunesse. Les pionniers de Judée-Samarie après 1967, eux, n’ont détruit aucun village arabe pour construire leurs maisons. Si « l’occupation corrompt », alors pourquoi s’arrêter à celle de 1967 et ne pas remonter jusqu’à 1948 ?

 

Les plus conséquents parmi les chantres du pacifisme israélien, comme Martin Buber, ont poussé leur funeste logique jusqu’à l’absurde, en affirmant que l’idée même d’un État national juif en Eretz-Israël était immorale. En réalité, comme le rappelait Jabotinsky il y a cent ans, en répondant aux pacifistes de son temps, « La paix avec les Arabes est certes nécessaire, et il est vain de mener une campagne de propagande à cet effet parmi les Juifs. Nous aspirons tous, sans aucune exception, à la paix ». Toutefois, comme il l’écrivait dans son fameux article « Le mur de fer », la question d’un règlement pacifique du conflit dépend exclusivement de l’attitude arabe. Propos qui demeurent d’une brûlante actualité jusqu’à ce jour.

P. Lurçat

A.B. Yehoshua, Amos Oz et le mensonge du “camp de la paix”, Pierre Lurçat

1. Nili Oz, Amos Sheli, Keter 2022.

2.  Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbres, traduction de Sylvie Cohen, Gallimard 2004, p. 21.

 

Le quatrième volume de la Bibliothèque sioniste, consacré aux textes de Jabotinsky sur la question arabe en Israël et intitulé Le mur de fer. Les Arabes et nous, paraîtra dans les prochaines semaines.

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1995-2021 : 26 ans après, le mensonge de "l'incitation ayant conduit au meurtre" toujours vivace

November 10 2021, 07:48am

Posted by Pierre Lurçat

Le fameux poster fabriqué par un agent provocateur, Avishai Raviv

Le fameux poster fabriqué par un agent provocateur, Avishai Raviv

 

Le titre hébreu du film “Yamim Noraim” (“Les jours redoutables”, expression désignant traditionnellement la période entre Rosh Hachana et Kippour) ne correspond pas du tout à son titre anglais, sous lequel il a été présenté en avant-première au festival de Toronto : “Incitement”. Cela n’a rien d’exceptionnel dans le monde du cinéma, mais en l’occurrence, cette divergence est significative, car le titre anglais en dit bien plus long sur le contenu du film que celui en hébreu. Incitement est en effet un film politique, présentant sous couvert de thriller psychologique (dont on connaît la fin d’avance), une thèse politique dérangeante et mensongère. La thèse du film peut se résumer par son titre, "Incitation", et par les quelques lignes que le réalisateur a choisi de placer en dernière image du film : on peut y lire que “Yigal Amir a déclaré qu’il n’aurait pas commis son crime sans l’aval de rabbins qui lui ont donné leur autorisation. Malgré cela, aucun rabbin n’a été poursuivi pour l’assassinat de Rabin”. 

 

Cette thèse dérangeante s’articule autour de deux ou trois arguments essentiels, que le film assène à coups de massue, du début jusqu’à la fin. “Yigal Amir a été influencé par des rabbins”, “L’assassinat a été précédé d’une campagne d’incitation, à laquelle a notamment participé le chef de l’opposition de l’époque - et Premier ministre actuel - Benjamin Nétanyahou” (1). “Les motivations d’Yigal Amir étaient autant religieuses que politiques”. Ces trois messages n’ont rien de nouveau. Ils ont été répétés à profusion depuis le 5 novembre 1995, car dès le lendemain du crime, celui-ci a été exploité politiquement par le camp auquel appartenait Itzhak Rabin. La thèse de l’incitation au meurtre par des rabbins a pourtant été infirmée par le tribunal de district de Tel-Aviv dans son jugement, dans des termes non équivoques (2). Elle continue malgré cela d’être soutenue par de nombreux protagonistes, comme l’ancien chef des services secrets intérieurs (Shin-Beth) au moment de l’assassinat, Carmi Gillon, qui continue de clamer qu’Yigal Amir a été “incité par des rabbins”.


 

“Incitation” - Une thèse politique mensongère (image de fiction tirée du film)


 

Comme l’écrit le critique du journal Maariv, Yaron Zilberman mêle sans cesse les images d’archives aux scènes de fiction, créant une confusion artistique qui sert son message politique. La confusion volontairement entretenue entre fiction et documentaire, entre narration et argumentaire politique, est dans l'air du temps. A l'heure de la post- vérité, peu importe de savoir si des rabbins ont effectivement donné un blanc seing à Yigal Amir, comme le prétend le film, alors même que la justice israélienne a dit le contraire… Comme il importe peu de savoir quel a été le rôle véritable d’Avishaï Raviv, l’agent provocateur du Shin Beth - les services secrets intérieurs - qui a véritablement poussé au meurtre un Yigal Amir encore hésitant. (3) 

 

A l'ère où seul compte le narratif, qui se préoccupe encore de vérité historique, ou de vérité tout court?  Le plus grave, en l’occurrence, est sans doute ce qu'on enseigne aux enfants des écoles d'Israël. Croiront-ils eux aussi, comme l'affirme ce film, que le bras de l'assassin de Rabin a été armé par des rabbins qui n'ont jamais été inquiétés, au nom d'une Torah qui inciterait au crime? A cet égard, il y a beaucoup à dire sur la manière dont le film (et au-delà du film, tout un pan de la culture israélienne contemporaine) décrit la tradition juive, ses éléments et ses symboles. Ainsi, dans une scène marquante du film, la veille de l’assassinat, on voit Yigal Amir fasciné et presque envoûté par les lettres d’un rouleau de Torah sur lequel son père, scribe, est en train de travailler. 


 

Une vision caricaturale du judaïsme


 

D’autres scènes montrent des rabbins de manière caricaturale. On hésite pour savoir si l’auteur du film est simplement ignorant, ou s’il déteste vraiment (comme d’autres artistes israéliens) notre Tradition et ses représentants. Une question centrale posée par le film - de manière réductrice et très orientée - est celle de savoir si le “Din rodef” (l’obligation de tuer un Juif pour l’empêcher de perpétrer un meurtre qu’il s’apprête à commettre), soi-disant appliqué à Rabin par certains rabbins - “justifiait” son exécution au regard de la loi juive. Toute personne un tant soit peu versée dans l’histoire juive sait que les peines de mort mentionnées dans la Torah ne sont quasiment jamais appliquées. Le film repose largement sur cette ambiguïté, qu’il ne contribue pas à lever, préférant l’exploiter au service de sa thèse politique.

 

Et malgré tout cela, le film de Zilberman n’est pas dénué de qualités. Il tient en haleine, et la performance de certains des acteurs est remarquable. Notamment celle de l’acteur principal, Yehuda Nahari Halevi, d’origine yéménite comme Amir. Il réussit à incarner son personnage de manière forte et crédible, en dépit de la manière assez caricaturale dont sont dépeintes ses relations avec son entourage (son père, personnage assez falot, qui tente de le dissuader, tandis que sa mère ne cesse de vanter son intelligence, et les jeunes filles qu’il courtise). Yigal Amir n’est pas du tout décrit comme un monstre, mais bien comme un être humain et il est rendu presque sympathique (!), tellement le réalisateur est obnubilé par le désir de montrer qu'il a été incité et manipulé par des rabbins.


 

Yehuda Nahari Halevi : impressionnant de vérité
 

Le réalisateur Yaron Zilberman a de toute évidence été séduit par ce sujet fort et complexe. Il a visiblement été déchiré entre l’attrait du sujet, la possibilité de faire un thriller psychologique captivant, ce à quoi il n’est parvenu que partiellement, et la volonté de faire passer un message politique, éculé et largement mensonger, mais toujours efficace. Hélas, c’est cette deuxième possibilité qu’il a choisie. Le résultat est un film d’autant plus dangereux qu’il est séduisant, par le message simpliste qu’il véhicule et par sa capacité de nuisance politique.

Pierre Lurçat

Notes :

 

(1) Comme l’a montré le journaliste du quotidien Ha’aretz, Anshel Pfeffer, dans sa récente biographie de Nétanyahou, ce dernier n’a jamais “incité” à l’assassinat d’Itshak Rabin, directement ou indirectement. Ce sont, comme l’écrit Pfeiffer (peu suspect de sympathies pour la droite israélienne, et lui-même membre de la corporation journalistique) “les médias israéliens qui ont inventé le narratif de ‘l’incitation qui aurait conduit au meurtre de Rabin’. Et qui ont dépeint Nétanyahou comme ‘le principal responsable de cette incitation’. 

 

(2) En réponse à l’affirmation d’Yigal Amir qui avait lui-même fait état de rabbins qu’il aurait consulté sur le sujet, le juge Edmond Lévy président du tribunal de Tel-Aviv a écrit dans le jugement : “Ma conclusion est que la démarche qu’il a pu effectuer auprès d’un quelconque rabbin, directement ou indirectement, pour s’assurer que la victime avait le statut de “Din rodef”, n’était destinée qu’à obtenir un aval a posteriori à l’action que l’accusé avait déjà décidé de réaliser. D’où la conclusion supplémentaire, que la tentative de donner à l’assassinat de Rabin une justification halachique est déplacée et constitue un abus cynique et grossier de la hala’ha [loi juive] à des fins étrangères au judaïsme”. Jugement du tribunal de Tel-Aviv, 498/95, Etat d’Israël contre Yigal Amir,

Jugement (en hébreu) : http://www.nevo.co.il/Psika_word/mechozi/M-PE-2-003-L.doc

 

(3) C’est Raviv, on ne le rappellera jamais assez, qui avait ainsi imprimé le fameux poster de Rabin en uniforme SS, utilisé jusqu’à aujourd’hui comme argument contre le public sioniste-religieux, auquel Amir avait été assimilé.

 

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