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juifs americains

Israël-Iran : la guerre à venir et l’héritage de Donald Trump, Pierre Lurçat

January 17 2021, 14:20pm

Posted by Pierre Lurçat

 

 

La récente information, largement relayée par les médias israéliens et étrangers, concernant les nouveaux plans de Tsahal pour contrer le programme nucléaire iranien, montre que l’armée israélienne est déjà entrée dans l’ère Biden. En la matière, la fin de l’ère Trump et l’arrivée de l’administration Biden a une signification très claire : Israël doit se préparer à la guerre. Non pas seulement la guerre qui se déroule déjà depuis longtemps, en Syrie, en Iran même et dans le cyberespace, entre Tsahal d’un côté, l’Iran et ses alliés de l’autre. Mais la guerre aux frontières - voire au coeur même du territoire israélien. Le chef d’état-major israélien Kochavi et les autres dirigeants israéliens savent parfaitement ce que signifie l’entrée en fonctions d’une administration qui a déjà annoncé son intention de “négocier” avec l’Iran son retour dans le cadre du JCPOA : cela signifie que le danger iranien sera encore plus menaçant que jamais.

 

La vie internationale n’est pas un concours de maintien pour jeunes filles : 

parade militaire àTéhéran



 

Il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne”; jamais l’adage latin n’aura eu une signification plus évidente que pour le président sortant Donald Trump. Il est particulièrement édifiant de lire, dans les colonnes du journal israélien Makor Rishon, l’analyse de trois éminents Juifs américains républicains, dressant le bilan de l’ère Trump. Un “massacre américain”, un “désastre”... : Bret Stephens, Dov Zackheim et William Kristol ne tarissent pas de superlatifs pour décrire la catastrophe que représente selon eux le mandat de Donald Trump. Le plus étonnant est de constater que le discours de ces représentants du camp républicain au sein du judaïsme américain ne diffère pas fondamentalement de celui de leurs collègues démocrates (au point que Kristol - dont le père était un intellectuel phare du courant néoconservateur américain - a même appelé à voter Biden aux dernières élections).



Quel que soit le jugement que l’on porte sur le bilan intérieur américain des quatre années Trump, il ne doit pas occulter le fait - largement passé sous silence ou minimisé par ces analystes, pourtant considérés comme de fervents partisans d’Israël - que la présidence Trump a été marquée par un rapprochement jamais vu auparavant dans les relations entre Israël et son allié américain. L’héritage de Donald Trump ne se mesure pas seulement dans le domaine diplomatique et symbolique - dans lequel il a effectivement été le président le plus pro-israélien depuis Harry Truman, qui avait voté en faveur de la proclamation d’Israël aux Nations Unies. L’héritage de Trump, c’est avant tout le soutien concret, total et inconditionnel à Israël dans sa guerre existentielle contre un Iran voué à sa destruction. 



 

 Le monde a besoin de dirigeants sachant comment mener la guerre

 

La personnalité (de Trump) compte plus à mes yeux que sa politique”. Ce jugement formulé par un commentateur juif républicain exprime un sentiment partagé par beaucoup de ses coreligonnaires, aux Etats-Unis et ailleurs. Mais en vérité, ce n’est pas seulement un atavisme juif, car à l’ère des médias sociaux, les hommes politiques sont jugés bien plus pour leur apparence et pour leur manière de s’exprimer que pour leur politique. Dans le cas de Donald Trump, de toute évidence, son franc-parler, son mépris affiché des conventions et son goût de la provocation ne l’ont pas servi, ni aux yeux de ses adversaires, ni même de ses partisans. Mais quand il est question de la guerre Israël-Iran, ce n’est plus de bonnes manières qu’il s’agit, mais de vie ou de mort. 

 

Aussi il y a quelque chose de pusillanime dans l’attitude de ceux - y compris en Israël - qui préfèrent voir à la Maison Blanche un président qui “sait se tenir” et tenir sa langue, qu’un président qui sait comment se comporter avec les dirigeants de Téhéran. Face aux ennemis d’Israël, le monde a besoin de dirigeants sachant comment mener la guerre, et pas de dirigeants qui savent plaire aux médias, ou disserter sur l’art ou la littérature. La vie internationale n’est pas un concours de cuture générale ou de maintien pour jeunes filles bien nées. Comme le disait Woody Allen, “Même quand l’agneau et le loup coexisteront, je préfèrerai être le loup”. Dans un monde où les loups n’ont pas encore déposé les armes, Israël doit non seulement se comporter en conséquence, mais doit aussi pouvoir compter sur des alliés qui savent aussi comment affronter les loups de Téhéran, Damas ou ailleurs. Israël n’a pas fini de regretter la présidence Trump.

Pierre Lurçat

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J’ai le grand plaisir d’annoncer la parution de deux livres en hommage à ma mère, Liliane Lurçat (1928-2019), qui paraissent simultanément ces jours-ci. Le premier, intitulé “Un parapluie pour monter jusqu’au ciel”, est un livre de souvenirs inédit dans lequel elle relate sa jeunesse, depuis sa naissance à Jérusalem, au Paris d’avant la guerre et à l’internement à Drancy et à Vittel. Comme elle l’a expliqué ailleurs : “Ma formation de psychologue a deux sources, l’école de la vie pendant l’Occupation allemande, et plus tard, l’attention affectueuse d’un maître…” C’est le récit de cette “école de la vie” qui est ici présenté au lecteur, école souvent rude et parfois cruelle, mais riche d’enseignements.

 

 

 

 

L’histoire de cette jeune femme qui a eu seize ans à Drancy en 1943, et dont la guerre a occupé une large partie de sa jeunesse, est édifiante. Elle est un modèle de courage, d’obstination et de foi en l’avenir. Dans son récit, on voit poindre les qualités d'observation des autres et de pénétration psychologique qu'elle a plus tard déployées dans sa vie professionnelle, en tant que chercheur au CNRS.

 

Le second livre, intitulé “Vis et Ris!”, est un livre d‘hommage dans lequel je décris la personne que j’ai connue et ce que je lui dois. A la fois témoignage personnel et réflexion sur la transmission et l’identité juive, il tente de répondre à la question du contenu de la Yiddishkeit que j’ai reçue en héritage. Ce livre est, plus encore qu’un livre de souvenirs et un chant d’amour, un chant d’espérance.

 

 

Dans les moments d’allégresse ou de peine, aux heures où la joie m’envahit ou, au contraire, quand le découragement me gagne, je revois ton visage plein de grâce et de sagesse, ma mère, et j’entends ta voix qui continue de me parler, comme tu l’as fait depuis les premiers instants de ma naissance et jusqu’aux derniers souffles de ta vie. Je t’entends aussi chanter, par-delà l’éternité, les refrains qui ont bercé mon enfance et qui continuent de m’accompagner. Et j’entends ces deux mots qui résument à mes yeux tout ce que tu m’as légué, cette philosophie de la vie forgée dans l’épreuve et dans le rire, sagesse ancestrale exprimée dans la langue de nos ancêtres Juifs d’Europe centrale, qui figurent en titre de ce livre : “Leib un lach!”.

Pierre Lurçat

 

 

 

Les deux livres sont disponible sur Amazon, en format Kindle ou broché. En Israël, ils peuvent être commandés auprès de l’auteur. pierre.lurcat@gmail.com  

Les demandes de service de presse sont les bienvenues .pierre.lurcat@gmail.com 


 

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De Philip Roth à George Steiner, en passant par Mme Maisel : Le bonheur perdu des Juifs en Amérique

February 14 2020, 15:05pm

Les livres aussi font parfois leur alyah, comme je l’avais compris à l’âge de 18 ans, en trouvant dans une librairie de Tel Aviv de vieilles éditions de Nietzsche, sauvées in extremis avec leurs propriétaires, venus d’Allemagne dans les années 1930. Dans la bibliothèque de mon père, dont j’ai récemment fait “monter” en Israël quelques cartons de livres, j’ai ainsi retrouvé un livre de Georges Steiner, Errata, mélange de souvenirs d’enfance et de critique littéraire, plein de talent et d’un charme un peu désuet. Je n’ai guère pratiqué Steiner, disparu la semaine dernière et célébré par beaucoup comme le “dernier Européen”. (Que le dernier Européen - titre qui convenait mieux à Stefan Zweig - soit un Juif me fait penser à la vieille blague sur le “dernier communiste” qui devait être, pour une raison qui m’échappe, un instituteur breton).

 

Georges Steiner : le dernier Européen?

 

Le peu que je sais de lui, je le dois à mon ami Eliezer Cherki, qui m’a souvent cité les propos éclairants de Steiner sur la culture européenne et sa responsabilité dans le nazisme, tirés de son livre le plus connu, Dans le château de Barbe-Bleue. Mais comme souvent, s’agissant des intellectuels juifs du vingtième siècle, on préfère retenir de lui le moins juste : l’éloge de la diaspora, la négation du sionisme et le refus d’un Etat juif “doté de canons” (refus qu’il partage avec Einstein, Buber et tant d’autres). L’Europe n’est jamais aussi à l’aise avec les Juifs que lorsqu’ils se complaisent dans l’adoration de l’exil.
 

Dans Errata, Steiner évoque ses études à l’université de Chicago, écrivant : “Seul un Philip Roth pourrait mettre en mots l’électricité, l’éclat de chaque jour à l’Université de Chicago à la fin des années quarante”. Hélas, Philip Roth n’est plus là et il a sans doute accueilli Steiner dans le monde de Vérité, pour évoquer leurs souvenirs communs de l’Amérique des années quarante… L’œuvre littéraire, inégale, de Roth comporte certains très grands livres. Un des plus beaux à mes yeux est Nemesis, évocation de l’Amérique des années 1940 et 1950, vue par les yeux d’un adolescent qui se souvient de la vague de poliomyélite qui frappa la petite ville de Newark et sa population juive. Malgré la souffrance, la maladie et la mort, thèmes centraux de ce livre profond et fort, on en sort avec l’impression que les Juifs étaient heureux en Amérique.


 


 

Quel est donc le secret de ce bonheur, largement disparu aujourd’hui, qu’on retrouve aussi dans certains films de Woody Allen et dans la série très réussie, The Marvelous Mrs Maisel, qui se déroule elle aussi dans l’Amérique des années 1950? S’il fallait le définir en deux mots, je dirais que les Juifs étaient heureux en Amérique, tant qu’ils ont pu croire en faire partie. Non que l’antisémitisme ait jamais été absent - au contraire, il les a accompagnés là-bas, comme partout ailleurs. Mais cela ne les empêchait pas de se sentir - avec raison, dans une large mesure - comme une partie intégrante de la culture de l’Amérique et de son tissu social. Dans ce pays d’émigration, fondé sur un mythe où la Bible jouait un rôle majeur, les Juifs n’avaient pas besoin de s’assimiler, comme dans les pays de la Vieille Europe, où l’assimilation (et parfois la conversion) étaient le “billet d’entrée” dans la société, selon le mot de Heine.

 

S’ils s’assimilaient, ce n’était pas par nécessité, mais plutôt par la force des choses, par leur talent et leur volonté de vivre pleinement comme Juifs et Américains, et non par dépit et par souhait de devenir Américains à part entière en gommant leurs origines. Le yiddish, l’humour juif et la culture juive au sens large faisaient partie de la culture américaine, au point que des mots comme Bobe, Zayde, Kvetch, Shmock et tant d’autres, ont pu faire partie du langage courant et qu’ils n’étaient sans doute plus perçus comme des mots d’origine étrangère. (Que l’on pense, par comparaison, aux expressions d’origine juive intégrées à la langue française, presque toutes péjoratives ou insultantes, comme “monter une kabbale”, “le sabbat des sorcières”, “manger en Juif”, etc.)

 


 

Le bonheur perdu des Juifs américains, comme on le voit bien dans la série The Marvelous Mrs Maisel - qui est superbement incarnée par l’actrice Rachel Brosnahan - tenait au fait qu’ils pouvaient rester Juifs et être de bons Américains, sans devoir aucunement choisir entre les deux  identités. Et le grand paradoxe de l’Amérique aujourd’hui, est que les Juifs y sont de moins en moins chez eux, alors même qu’elle est dirigée par le président le plus pro-Juif et pro-israélien qu’elle ait jamais connu… (Contrairement au récit mensonger d’une certaine gauche américaine et juive, qui voudrait faire croire que Donald Trump est responsable de la montée de l’antisémitisme). Une large partie du plaisir qu’on éprouve en lisant Roth, en voyant l’adaptation au cinéma de ses livres (Indignation et Pastorale américaine) ou en regardant Miss Maisel, est due au sentiment qu’ils représentent un paradis perdu, comme les comédies de Lubitsch ou de Capra. Cette Amérique-là est perdue pour les Juifs, qui peuvent encore se bercer d’illusions sur leur avenir dans l’exil doré du “Goldene Medine”. Ils y resteront sans doute encore longtemps, mais la magie de cette Amérique, elle, ne reviendra pas.

Pierre Lurçat

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