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Israël, État et religion : « En quoi la pensée de Jabotinsky est-elle pertinente aujourd’hui ? » (1)

September 12 2021, 07:46am

Posted by Pierre Lurçat

Israël, État et religion : « En quoi la pensée de Jabotinsky est-elle pertinente aujourd’hui ? » (1)

La conception de la religion de Jabotinsky permet de répondre à certaines des questions les plus brûlantes qui agitent le débat public en Israël depuis plusieurs décennies, et pour ainsi dire, depuis le début du sionisme politique.  Dans ce débat interminable qui revient, génération après génération, se poser en termes quasiment identiques et qui semble parfois constituer un des points de discorde les plus marquants de la société israélienne, certaines questions pourraient sans doute être résolues, ou tout du moins simplifiées, si l’on prenait la peine d’établir certaines distinctions essentielles, en s’inspirant des conceptions développées par Jabotinsky.

La première distinction, essentielle, est celle de la sphère privée et de la sphère publique[1].  Le constat que fait Jabotinsky dans son article De la religion est tout aussi valable aujourd’hui qu’à son époque : “Cela fait longtemps que nous aurions dû, nous autres Juifs, réviser notre attitude intellectuelle envers la religion… Une attitude positive envers la religion devra s’exprimer d’une manière différente. Par une manifestation positive, par exemple, lors des assemblées des congrès nationaux, des conférences et des assemblées élues – il faudrait qu’ils s’ouvrent par une cérémonie religieuse ; et peu importe que leurs membres soient croyants ou “non croyants”. Car ces démonstrations revêtent une signification plus profonde que la question des croyances individuelles, ou celle des doutes de l’individu[2].

En somme, ce que nous dit Jabotinsky est que la religion est plus importante pour la collectivité nationale que pour l’individu. Pourquoi ? Parce que, explique-t-il, “Ce qui compte est la manifestation d’une foi puissante et historique partagée par des milliers de personnes”. Cette affirmation touche à une question essentielle et  souvent mal comprise dans la pensée de Jabotinsky, qui a donné lieu à d’innombrables erreurs d’interprétation et accusations infondées. Citons, à titre d’exemple, un historien qu’on ne saurait soupçonner d’inimitié pour l’épopée sioniste, Georges Bensoussan. Dans son ouvrage monumental, Histoire intellectuelle du sionisme, il écrit ainsi que Jabotinsky “exalte le groupe et la nation dans lesquels l’individu se fond, en appelant à dépasser l’individu[3]. C’est sur le fondement d’une telle appréciation qu’on a pu accuser Jabotinsky de sympathies pour le fascisme italien, notamment après qu’il eut créé en Italie l’école navale de Civitavecchia, où  furent formés les premiers cadres de la future marine israélienne. Or cette affirmation repose tout entière sur un contresens.

En effet, Jabotinsky n’exalte jamais le groupe au détriment de l’individu, ni la collectivité au détriment de la liberté de conscience. Il pose lui-même la question, dans son autobiographie, de savoir qui doit avoir préséance, entre l’individu et la collectivité, entre l’autonomie de la personne et les exigences de la nation. Cette question est cruciale pour toute nation en voie d’édification, et on comprend donc que Jabotinsky se la soit posée. Sa réponse mérite d’être citée, tant pour éclairer la pensée de Jabotinsky que pour répondre à des questions toujours actuelles :

Au commencement, Dieu a créé l’individu : chaque individu est un Roi égal à son prochain. Il vaut mieux que l’individu pèche envers la collectivité, plutôt que la collectivité pèche envers l’individu. La société a été créée pour le bien des individus, et non le contraire ; et la fin des temps, la vision des jours messianiques – est le paradis de l’individu, un régime d’anarchie splendide – où la société n’a pas d’autre rôle que d’aider celui qui tombe, de le consoler et de le relever[4]. On comprend bien, en lisant ces lignes, que Jabotinsky est tout le contraire d’un partisan des régimes autoritaires, comme certains continuent de le penser, y compris parmi les historiens sérieux. Non seulement Jabotinsky abhorre l’autoritarisme et l’État totalitaire, mais il est en fait adepte d’un État minimaliste, dont la seule fonction serait de l’ordre de la protection sociale.

Comment cette conception de l’État et de l’individu se concilie-t-elle avec son idée du rôle de la religion dans l’existence nationale? La réponse est simple : la question des croyances individuelles relève de la liberté de conscience et appartient au domaine exclusif de l’individu, qui est roi, et nul ne peut empiéter sur ce domaine sacré. Mais dans l’ordre collectif, il est important de faire régulièrement la “manifestation d’une foi puissante et historique, dans le respect et l’obstination”. Les deux mots choisis par Jabotinsky ne l’ont pas été par hasard. Le respect est, nous l’avons vu, l’élément essentiel de sa conception du judaïsme. L’obstination, c’est une des qualités spécifiques au peuple Juif, le “peuple à la nuque raide” dont parle la Bible. Si l’on veut préserver les qualités spécifiques et la culture nationale propre au peuple Juif, il importe donc de manifester le lien entre le “judaïsme national” et le mont Sinaï, pour reprendre les termes de Jabotinsky.

Importance du judaïsme dans l’éducation

L’autre domaine – crucial – dans lequel il convient selon Jabotinsky de manifester une attitude positive envers le judaïsme est celui de l’éducation. Non pas par souci de prosélytisme, contrairement à ce que croient les adversaires de toute éducation juive – y compris en Israël – qui évoquent à tout bout de champ un prétendu risque de “coercition religieuse”. Non pour “susciter un enthousiasme artificiel envers la Tradition”, affirme Jabotinsky mais parce que “l’élève”, qu’il se conforme ou pas aux commandements religieux, “doit cependant connaître les coutumes (du judaïsme), tout comme il doit connaître l’histoire et la littérature, car les coutumes font partie tant de notre histoire que de notre littérature, et plus encore, elles font partie de l’âme de notre nation”.

L’idée qu’il faut enseigner le judaïsme en tant que culture peut paraître banale, après tout on enseigne aujourd’hui la Bible hébraïque dans les écoles israéliennes les plus laïques…. Rappelons que Jabotinsky a lutté très tôt et tout au long de sa vie contre le danger de l’assimilation. Mais il ne se contente pas d’affirmer que les coutumes juives font partie de la “culture générale” que tout élève juif doit étudier. Il va plus loin, en expliquant qu’elles “font partie de l’âme de notre nation”. Qu’est-ce à dire? Nous voyons ici que la question de la religion est indissolublement liée chez Jabotinsky à celle de la nation. Le judaïsme n’est pas seulement un ensemble de lois et de coutumes extérieures et une religion “légaliste”, dénuée de chaleur (comme l’ont décrite certains de ses adversaires, Kant notamment). Le judaïsme est l’âme de la nation juive, ce qui lui donne sa spécificité, sa “segoula” pour employer un terme hébraïque. Précisons que la segoula n’est pas chez lui l’apanage du peuple Juif. Elle existe en fait chez tous les peuples, car aux yeux de Jabotinsky – qui se dit “fou d’égalité” -, les peuples sont égaux comme les individus[5].

État juif ou État de “tous ses citoyens”?

            Abordons à présent une autre controverse, tout aussi actuelle, celle qui oppose aujourd’hui les partisans d’un État juif et démocratique à ceux d’un “État de tous ses citoyens”. Certains commentateurs ont voulu annexer Jabotinsky au camp libéral et “progressiste” – c’est-à-dire au camp de ceux qui sont favorables à un État dans lequel l’égalité entre tous l’emporterait sur l’impératif de préserver le caractère juif de l’État. Cette interprétation repose selon nous sur deux erreurs communes dans l’interprétation de sa doctrine. La première consiste à faire d’un élément accessoire le principal, par exemple en considérant que l’idée d’égalité – effectivement très présente dans la pensée politique de Jabotinsky  – doit l’emporter sur toutes les autres. Or, l’individualisme et l’égalité des hommes (“tout homme est un Roi”) doivent parfois, nous l’avons vu, s’effacer derrière d’autres impératifs, comme ceux de l’intérêt national en temps de guerre et de la préservation du caractère national.

            Aux yeux de Jabotinsky, la multiplicité des nations et des peuples est une bénédiction, idée très juive qu’il n’a pas trouvée seulement dans la Bible mais aussi dans sa réflexion théorique sur la “question des nationalités”. Il est certes, comme le relève un commentateur[6], persuadé que le monde évolue vers une internationalisation croissante (il envisage même l’apparition d’une langue internationale et soutient avec enthousiasme l’espéranto), mais il n’en demeure pas moins convaincu que les États-Nations doivent subsister, pour le bien de l’humanité.

            La deuxième erreur est l’anachronisme. Tout comme Herzl, Jabotinsky a parfois montré un optimisme excessif à certains endroits de son œuvre, par exemple lorsqu’il envisageait une parité entre Juifs et Arabes au sein des organes du gouvernement. Il serait ainsi tout à fait anachronique et erroné d’en faire un partisan d’un gouvernement juif qui s’appuierait sur un parti arabe irrédentiste, ne reconnaissant pas le caractère juif de l’État. Je cite ici ses écrits : “Dans des conditions normales, c’est-à-dire dans un pays où vivent deux ou plusieurs peuples cultivés, et qui est gouverné selon un régime parlementaire – il est légitime que le caractère national de la majorité marque en fin de compte son empreinte la vie de l’État tout entier”.

Importance du judaïsme pour l’État juif et pour le monde : le sionisme suprême

            Venons-en à l’élément le plus original de la conception de la religion et du judaïsme de Jabotinsky : celle qu’il a élaborée dans les dernières années de sa vie, dans la décennie qui va de 1930 à son décès prématuré, à New York, en 1940. Cette conception est aussi celle qu’il a exprimée dans la Constitution de la Nouvelle Organisation sioniste, fondée en 1935. Dans ses interventions au congrès fondateur de la N.O.S. et dans les résolutions adoptées par celles-ci, Jabotinsky donna libre cours à l’esquisse de sa nouvelle conception du rôle que devrait remplir la religion juive dans le futur État juif : [7]

            “L’objectif du sionisme est la rédemption d’Israël sur sa terre, la renaissance de sa nation et de sa langue et l’enracinement des principes sacrés de sa Torah dans la vie nationale, et par cela, la création d’une majorité juive en Eretz-Israël sur les deux rives du Jourdain ; la création d’un État juif fondé sur les libertés civiques et sur les principes de justice inspirés par la Torah ; le retour à Sion de tous ceux qui aspirent à Sion et la fin de l’exil. Cet objectif a préséance sur les intérêts de tout individu, collectivité ou classe sociale”. Cette résolution fut adoptée par les délégués du Congrès après l’intervention enthousiaste de Jabotinsky en sa faveur. Dans son discours, il affirma que “le Congrès fondateur (de la N.O.S.) devait également reformuler tant les relations entre la renaissance nationale et la tradition religieuse” et qu’il fallait accorder à la religion une place essentielle dans l’entreprise sioniste”, en expliquant qu’il avait changé d’avis sur ce sujet.

Il est important de noter qu’initialement, Jabotinsky avait voulu insérer dans la Constitution de la N.O.S un paragraphe évoquant “l’enracinement de la Torah dans la vie internationale”, mais qu’il avait dû faire marche arrière pour ne parler que de l’enracinement dans la Torah dans la vie nationale”. Comme il l’explique :

« l’État juif n’est que la première phase de la réalisation du sionisme suprême. Après cela viendra la deuxième phase, le retour du peuple Juif à Sion… Ce n’est que dans la troisième phase qu’apparaîtra le but final authentique du sionisme suprême – but pour lequel les grandes nations existent : la création d’une culture nationale qui diffusera sa splendeur dans le monde entier, comme il est écrit : ‘Car de Sion sortira la Torah’ ».

            Comment interpréter ces mots à la lumière de ce que nous avons exposé? Jabotinsky n’est pas devenu un Juif pratiquant. Il est demeuré toute sa vie durant le Juif libéral et laïque qu’il était depuis sa jeunesse. Mais il a compris que la tradition juive n’appartenait pas à un camp ou à un parti politique, qu’elle n’était pas seulement une enveloppe, une “structure” extérieure et une “religion”, mais qu’elle était l’âme du peuple Juif tout entier, et qu’à ce titre, elle devait être au cœur de la culture nationale qui allait refleurir dans le futur Etat juif dont il n’a pas vu le jour.

© Pierre Lurçat 

Questions autour de la tradition d’Israël : Etat et religion dans la pensée du Rosh Betar.
Editions de la Bibliothèque sioniste, Jérusalem 2021. En vente sur Amazon.


[1] Distinction fondamentale de tout régime politique moderne, qui a tendance à s’estomper dans les sociétés contemporaines, notamment du fait de l’apparition des réseaux sociaux et de leur emprise croissante.

[2] Voir supra, p. 43.

[3] G. Bensoussan, Une histoire intellectuelle du sionisme, Fayard 2012, p. 677.

[4] Histoire de ma vie, Les provinciales 2011, page 41.

[5] Ce qui ne l’empêche pas de préférer son propre peuple, sentiment naturel et tout à fait légitime à ses yeux.

[6] Aryeh Naor. In the Eye of The Storm, Essays on Ze’ev Jabotinsky. Edited by. Avi Bareli. Pinhas Ginossar. Tel-Aviv 2004.

[7] Cité par Eliezer Don Yehia, https://in.bgu.ac.il/bgi/iyunim/DocLib3/zeev3d.pdf 

 

A tous les lecteurs de VudeJérusalem, que l'année qui commence vous apporte joie et santé, 

CHANA TOVA

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Un événement éditorial : parution du livre de V. Jabotinsky, Questions autour de la tradition juive

September 1 2021, 09:22am

Posted by Pierre Lurçat

NB j'évoquais ce matin les rapports de Jabotinsky à la tradition juive au micro d'Olivier Granilic sur Studio Qualita.

 

Editions L’éléphant 

Paris-Jérusalem

 

COMMUNIQUÉ

Parution d’un recueil de textes inédits en français de Vladimir Jabotinsky, 

Questions autour de la tradition juive

 

La question des rapports entre État et religion ne cesse d’occuper le débat public, en Israël comme en France et ailleurs. Les conceptions de Jabotinsky sur ce sujet brûlant permettent de répondre à certaines des questions qui divisent la société israélienne depuis plusieurs décennies, comme la place de la religion dans la sphère publique et le caractère juif de l’État. Au-delà même de leur importance pour Israël aujourd’hui, ces questions interpellent le lecteur contemporain par leur actualité et par l’originalité du regard de Jabotinsky. 

 

Les textes ici publiés en français pour la première fois exposent les conceptions originales de Jabotinsky concernant la religion et les rapports entre le judaïsme et le futur État juif, à la création duquel il a consacré sa vie. Entre 1905 et 1935, Jabotinsky est passé d’une conception utilitariste de la religion et du judaïsme, considéré comme une “momie” et une structure purement extérieure - ayant permis au peuple Juif de conserver son identité nationale pendant les siècles de l’exil - à une conception beaucoup plus positive d’un judaïsme vivant, fondement spirituel essentiel au futur État juif.

 

 

 

Né à Odessa en 1880 et mort dans l’État de New-York en 1940, Vladimir Zeev Jabotinsky est une des figures les plus marquantes du sionisme russe. Écrivain, journaliste et militant infatigable, créateur du mouvement sioniste révisionniste et du Bétar, il a conquis sa place parmi les fondateurs de l’État d’Israël, entre la génération de Théodor Herzl et celle de David Ben Gourion. Théoricien politique extrêmement lucide, il avait compris la vertu cardinale pour les Juifs de se défendre eux-mêmes, et dès la Première Guerre mondiale, il obtint leur participation militaire sous un drapeau juif à l’effort de guerre des Alliés.

 

Questions autour de la tradition juive, précédé de État et religion dans la pensée du Roch Betar, traduction et présentation de Pierre Lurçat

 

Pour recevoir un service de presse, veuillez écrire à editionslelephant@gmail.com

 

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Jabotinsky et le rav Kook : la “rencontre” de deux géants, Pierre Lurçat

August 22 2021, 11:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

A l’occasion du Yahrzeit du rabbin Avraham Itshak Hacohen Kook, qui a été célébré le 3 Eloul, je publie ici un extrait inédit du nouveau livre de Jabotinsky, Questions autour de la tradition juive, qui paraît ces jours-ci. J’y évoque l’influence décisive qu’a eue sur Jabotinsky la prise de position courageuse du rav Kook dans l’affaire Arlosoroff. P. Lurçat

 

 

L’homme de l’avenir, l’homme entier, auquel aucun sens ne manquera, sera “religieux”. Je ne sais pas quel sera le contenu de sa religion ; cependant il sera porteur du lien vivant entre son âme et l’infini qui l’accompagnera partout où il ira”. (Jabotinsky, De la religion)

 

Le pronostic formulé par Jabotinsky selon lequel “l’homme entier sera religieux”, marque une évolution marquante de sa pensée, depuis celle exprimée trente ans plus tôt dans son article Le sionisme et Eretz Israël. Que s’est-il passé entretemps ? Comment le jeune dirigeant sioniste russe, convaincu que la religion n’est plus aujourd’hui qu’un “cadavre embaumé”, en est-il venu à y voir une dimension importante de la personnalité humaine, aux côtés de la musique et de l’art ? Les raisons de cette évolution radicale sont multiples. Mentionnons tout d’abord le cheminement personnel de Jabotinsky, qui a mûri et a eu le temps d’approfondir sa réflexion sur de multiples domaines. Le leader sioniste endurci qui s’exprime en 1935 n’est évidemment pas le jeune homme fougueux de 25 ans.

 

Le second facteur est celui des rencontres qu’il a faites et des personnes qui l’ont marqué, parmi lesquelles on peut mentionner le rabbin Falk, qui servit comme aumônier militaire dans les rangs des Muletiers de Sion, mais aussi et surtout le grand-rabbin Avraham, qui exerça une influence importante sur l’idée que Jabotinsky se faisait du judaïsme et de la religion. Dans une lettre adressée en juin 1934 à Nathan Milikovsky, qui n’est autre que le grand-père de Benjamin Nétanyahou, Jabotinsky parle en ces termes du rabbin Kook : “Le nom du rabbin K. est devenu en l’espace d’une nuit un symbole sublime dans le cœur des foules. Et moi-même, en toute humilité, si je n’étais pas totalement ignorant des choses de la Tradition, craignant de m’exprimer sur les sujets religieux, je choisirais précisément cet instant pour lancer publiquement un appel dont je rêve depuis l’époque de ma jeunesse : renouveler, de nos jours, le titre de « Cohen Gadol » (Grand-Prêtre)”.



 

 

Le rav Kook : le “Cohen Gadol”

Jabotinsky : un “ange descendu du ciel”



 

De son côté, le rabbin Kook, selon certains témoignages, aurait qualifié Jabotinsky “d’ange de Dieu” . Les deux qualificatifs sont assez forts et inhabituels, tant dans la bouche de Jabotinsky que dans celle du rabbin Kook, pour mériter qu’on y prête attention. Comment ces deux hommes, que tout séparait en apparence et qui ne se sont selon toute évidence jamais rencontrés, en sont-ils venus à se porter une telle estime réciproque ? La réponse à cette question est liée à un événement qui a joué un rôle important non seulement dans l’histoire politique du Yishouv, l’affaire Arlosoroff, mais aussi dans l’évolution des conceptions de Jabotinsky  concernant la place de la religion juive dans le futur État juif, et des rapports entre État et religion en général. 

 

Lorsque le dirigeant sioniste travailliste Haïm Arlosoroff est assassiné sur une plage de Tel-Aviv le 16 juin 1933, la presse et les dirigeants du Yishouv accusent immédiatement – et sans la moindre preuve – le Betar. Trois militants sont arrêtés, sur la base d’un témoignage obscur de la veuve d'Arlosoroff et l’un d’eux, Avraham Stavsky, est condamné à mort. Jabotinsky  est d’emblée convaincu qu’il s’agit d’une fausse accusation et il œuvre sans relâche pour obtenir l’acquittement de Stavsky, qu’il compare dans des articles à Mendel Beilis (Juif ukrainien accusé de crime rituel en 1911). Dans ce combat, Jabotinsky  reçoit le soutien décisif du grand-rabbin de Palestine mandataire, Avraham I. Hacohen Kook. Ce dernier prend courageusement la défense des accusés, s’exposant à la vindicte des journaux et partis de gauche, qui l’insultent et dont certains (comme l’Hashomer Hatzaïr) n'hésitent pas à couvrir le pays d’affiches proclamant “Honte au pays dont les rabbins soutiennent des assassins”!  

 

 

Très impressionné par l’intervention du rabbin Kook, Jabotinsky  écrira plus tard, dans une lettre adressée au rabbin Milikowski, organisateur du comité de défense des accusés, “Vous ne pouvez pas estimer la valeur de cette action… Outre son rôle décisif pour faire triompher la justice dans l’affaire Stavsky, elle aura des conséquences profondes et essentielles sur l’orientation politique et spirituelle du public hébreu en Eretz-Israël et en diaspora. Un exemple : j’ai déjà reçu plusieurs lettres demandant que je propose, lors de notre prochain Congrès mondial, une motion spéciale concernant les rapports entre l’Hatsohar (Organisation sioniste révisionniste) et la tradition religieuse”.

 

Ainsi, de l’aveu même de Jabotinsky, c’est l’intervention du rabbin Milikovsky qui suscita le changement d’orientation de son mouvement, attaché à une laïcité militante, et son évolution vers une attitude plus favorable à la tradition juive. Un an plus tard, en 1935, lors du Congrès fondateur de la Nouvelle Organisation sioniste, Jabotinsky accueille avec sympathie “l’Alliance de Yéchouroun”, courant sioniste-religieux qui vient de s’intégrer au sein du parti révisionniste, malgré la vive opposition de plusieurs membres de la Vieille Garde du parti, au rang desquels figurent Adia Gourevitz (fondateur du mouvement cananéen) et son propre fils, Eri Jabotinsky. 

 

Dans son discours prononcé devant le Congrès de la N.O.S., Jabotinsky  déclare : “Bien entendu, la religion est l’affaire privée de chacun… Dans ce domaine doit régner la liberté absolue, héritée de l’ancien libéralisme sacré… Mais ce n’est pas une question privée de savoir si le Mont Sinaï, les prophètes sont des fondements spirituels ou une momie dans une vitrine de musée, comme le corps embaumé de Pharaon…” Et il poursuit : “C’est une question essentielle et supérieure pour un État et pour notre nation, de veiller à ce que le feu sacré perpétuel ne s’éteigne pas… pour que soit préservée, au milieu du tumulte des innombrables influences qui entraînent la jeunesse de nos jours, et qui la trompent parfois et l’empoisonnent, cette influence qui est une des plus pures – l’esprit de Dieu ; pour qu’un espace subsiste pour ses partisans et une tribune pour ses promoteurs”...

 

Pierre Lurçat

 

Jabotinsky, Questions autour de la tradition juive, précédé de “État et religion dans la pensée du Roch Betar”. La Bibliothèque sioniste 2021. En vente sur Amazon.

 

Le deuxième volume de la BIBLIOTHEQUE SIONISTE VIENT DE PARAITRE:

Jabotinsky, Questions autour de la tradition juive, précédé de “État et religion dans la pensée du Roch Betar

 

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מה היה אומר ז'בוטינסקי על מדינת ישראל היום?

July 12 2021, 07:25am

Posted by Pierre Lurçat

Pour mes lecteurs hébraïsants, je reproduis cet article paru ce matin dans Makor Rishon.

 

אילו היה ז'בוטינסקי חוזר לחיים ומתהלך בינינו כיום, הוא כנראה היה מתפלא מעצם קיומה של מדינת ישראל ונרגש מהישגיה הרבים בכל התחומים, ובמיוחד בתחומי הכלכלה, הרפואה והביטחון. כידוע, ז'בוטינסקי היה חסיד נלהב של היוזמה הפרטית והוא סלד מהגישה הכלכלית-ריכוזית ומהבוז שרחשו הוגים ציוניים רבים בני זמנו לסוחרים ולבעלי הון יהודים. לכן אפשר להניח שהיה שמח לראות שמדינת ישראל, בשנת ה- 73 לקיומה, הפכה למעצמה בתחום ההיי-טק ופיתחה כלכלה חופשית, אשר אינה דומה כלל לזו שהכיר בתקופת היישוב.

למרות כל אלו, ז'בוטינסקי היה רואה בעין פחות יפה את פניה האחרות של מדינתנו. תחילה בתחום הכלכלה והחברה, שהיה קרוב לליבו. משה בלע, בספרו "עולמו של ז'בוטינסקי", כותב ש"לא הניחו שאלות תיקון החברה לנפשו הרגישה של ז'בוטינסקי''. סביר להניח כי הוא היה מתרגז מהעובדה שמדינת ישראל אכן הפכה להיות "START-UP NATION", אך ויתרה במידה רבה על חזון השוויון והצדק של נביאי ישראל, חזון אשר הוא היה שותף לו. קיומם של אלפים רבים החיים מתחת לקו העוני לא היה נותן לו מנוחה. כזכור, הוא נלחם בעוני וראה בכך פגיעה בכבודו של האדם הנברא בצלם אלוקים (כלשונו).

לא כולם זוכרים היום שז'בוטיסקי חיבר "פרקים בפילוסופיה הסוציאלית של התנ"ך'', שם פיתח גישה מאוד חדשנית ונועזת לפתרון בעיית העוני ברוח התורה בכלל, וברוח רעיון היובל בפרט. כפי שכתב:  "אני מאמין… שהחברה תעמיד לרשותו של כל אחד מאתנו את המינימום החומרי היסודי, ממש כמו שכבר כיום מעמידה היא לרשותו של כל אחד מאתנו את המינימום הרוחני – את בית הספר היסודי הכללי. רעב וקור וחוסר קורת-גג ייעלמו כליל." והוא המשיך בתיאור "עולם אשר בו תהא המלה "רעב" מצלצלת כאגדה מימים קדומים, עולם אשר בו יפוגו תשע מידות מן המרירות הטראגית, המציינת היום את ההבדל בין עני לעשיר''.

צילום: בית"ר העולמית
צילום: בית"ר העולמית

כמובן, תיאור זה אשר נראה היום כל כך רחוק מהמציאות הישראלית אינו מבוסס על תורת מרקס ואינו מכוון לכלכלה סוציאליסטית, שז'בוטינסקי סלד ממנה. הוא מבוסס כל כולו על התנ"ך ועל רעיונות השבת, הפאה והיובל, אותם ז'בוטינסקי רצה לחדש ולהפוך לבסיס השיטה הכלכלית והחברתית של מדינת ישראל אשר תקום. כפי שעוד כתב : "בוא יבוא מרקס חדש ויכתוב שלושה כרכים על האידיאל שלה, ואפשר, לא "הקאפיטאל" יהיה שמה, אלא "היובל"

דבר נוסף שכנראה היה מרגיז אותו מאוד כיום הוא רמת הביטחון האישי בישראל, ועצם העובדה שיהודים מותקפים ונרצחים רק בשל היותם יהודים. ז'בוטינסקי, שהפך לציוני אחרי הפוגרומים בקישינב, היה מתעצב ומתקומם כנגד המראות הקשים של הפרעות שחווינו לפני כחודש בעכו, בלוד ובמקומות אחרים בארץ. אני אף מתאר לעצמי שהוא היה מוכן לשבת בכלא (כפי שקרה לו בתקופת המנדט הבריטי), העיקר לא להישאר אדיש לגורל אחיו במדינת היהודים.

 

ז'בוטינסקי גם היה מתקומם כנגד קיומן של מפלגות ערביות שחרטו על דגלן את המאבק נגד עצם קיומה של מדינת ישראל כמדינה יהודית. שהרי תמיכתו בזכויות שוות לאזרחים יהודים וערבים היה מותנה בקבלת עיקרון שלטון הרוב. ז'בוטינסקי לא  רק היה מצטער לראות איך חלק מערביי ישראל מתנהגים כמיעוט חתרני בתוך כנסת ישראל, אך יותר מכך היה מצטער לראות איך היהודים אינם מתנהגים כרוב גאה ובטוח בצדקת דרכו ובזכויותיו.

ולבסוף, הוא היה נרגז וכואב לראות איך רעיון "קיר הברזל" שלו – אשר עליו מבוססת תורת ההגנה של צה"ל כולה – התהפך עם המצאת "כיפת ברזל". אכן, כיפת הברזל מנוגדת בעליל לעיקרון קיר הברזל, בכך שהיא שוללת מאיתנו את הזכות ואת החובה המוסרית לתקוף את אויבנו ולמנוע מהם את עצם הרצון לתקוף אותנו, כמו שהסביר ז'בוטינסקי במאמרו המפורסם לפני כמאה שנה.

https://www.makorrishon.co.il/opinion/372575/

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Les conceptions économiques et sociales de Jabotinsky

July 8 2021, 12:44pm

Posted by Olivier Ypsilantis

Les conceptions économiques et sociales de Jabotinsky

Je publie cet article d'Olivier Ypsilantis à l'occasion de l'anniversaire du décès de Jabotinsky, qui est marqué aujourd'hui en Israël. J'ai évoqué ce sujet avant-hier dans une conférence donnée en souvenir de Jacques Kupfer, disponible ici. Que le souvenir de ces deux grands Juifs soit béni. P.I.L

 

J’ai devant moi un petit livre, trois textes de Vladimir Zeev Jabotinsky publiés pour la première fois en français par Pierre Lurçat, traducteur de Jabotinsky. Ce livre s’enrichit d’une présentation et de notes, également de Pierre Lurçat. Titre : « La rédemption sociale », sous-titre : « Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque ». Ce livre qui s’annonce comme le premier tome de la « Bibliothèque sioniste » est dédié à Jacques Kupfer (1946-2021), un sioniste très actif, décédé le 10 janvier. Je me permets de mettre en lien cet hommage à Jacques Kupfer (zal) mis en ligne par l’Organisation sioniste mondiale en France :

https://osmfrance.fr/hommage-a-jacques-kupfer-zal/

Ce livre publié par Pierre Lurçat est précieux, et il s’agit d’une « première » considérant que la pensée économique et sociale de Jabotinsky n’est exposée de manière exhaustive et systématique dans aucun écrit. Les écrits de Jabotinsly sur cette question restent épars. Remercions Pierre Lurçat de les avoir rassemblés et proposés à un public francophone.

Ce livre fait moins de soixante pages. Il a été publié suivant le même procédé que « Seuls dans l’Arche ? Israël, laboratoire du monde ». Ces trois textes ont été écrits dans les années 1930, peu après la Great Depression. Leurs titres sont dans l’ordre : « La rédemption sociale », « Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque » (texte articulé en deux parties : a. « Celui qui lutte avec Dieu » ; b. « La protection sociale ») et « L’idée du Yovel ».

Jabotinsky est souvent mal connu, envisagé comme un va-t’en-guerre et un sympathisant du fascisme, un cœur dur. Il est vrai que cet esprit exigeant et rigoureux m’a jamais donné dans la démagogie, ce que lui reprochent probablement nombre de ses détracteurs, des démagogues qui ne savent pas que la démagogie trouble le regard et, en conséquence, le jugement.

Jabotinsky a été tellement occupé par le sionisme et l’édification de l’État juif qu’il n’a pu consacrer plus de temps aux questions économiques et sociales ; elles sont pourtant au cœur de ses préoccupations. Mais tout d’abord, comment circonscrire la place de la Bible (Tanakh) dans la pensée sioniste moderne ?

 

Vladimir Zeev Jabotinsky (1880-1940)

 

Jabotinsky s’est indéfectiblement envisagé comme un continuateur de Theodor Herzl au sionisme duquel il a ajouté une dimension militaire. Mais l’un et l’autre ont étudié la Tanakh et l’ont prise très au sérieux. Loin de lire la Torah comme un récit mythique, ces deux grands sionistes l’ont envisagée comme le livre de l’Histoire nationale juive. La Tanakh irrigue donc la pensée politique de Jabotinsky mais aussi, et plus encore, sa pensée économique et sociale.

Jabotinsky a été imprégné de socialisme dans sa jeunesse, notamment au cours de ses années romaines, à l’université puis en tant que journaliste chargé de couvrir l’actualité parlementaire au Palazzo Montecitorio. A ce propos, je recommande la lecture de l’autobiographie de Jabotinsky, traduite et présentée par Pierre Lurçat sous le titre « Histoire de ma vie » :

http://www.lesprovinciales.fr/livre/histoire-de-vie/

Cette sympathie à l’égard du socialisme va être « détruite de fond en comble par l’expérience rouge en Russie », un pays où il avait été marqué par la misère des Juifs.

Pour Jabotinsky, tous les hommes naissent et demeurent égaux. Il juge que le concept (marxiste) de classe est égoïste ; par ailleurs, ses réflexions politiques, économiques et sociales achèvent de l’éloigner du marxisme, des réflexions fondées sur la lecture de la Tanakh. Le socle de ces réflexions : la notion de Tikkoun Olam (réparation du monde). J’y reviendrai. Le Tikkoun Olam tel qu’il l’envisage pose l’impératif du combat contre la pauvreté. A cet effet, Jabotinsky élabore le programme des « cinq Mem » que nous verrons dans la présentation de « La rédemption sociale », un article en partie inspiré de Joseph Popper-Lynkeus (1838-1921), auteur de « L’obligation alimentaire générale » qui pose que l’État doit libérer tout citoyen de ces besoins fondamentaux que sont : l’alimentation, l’habillement et le logement. Jabotinsky y ajoute l’éducation et la santé.

La philosophie sociale biblique de Jabotinsky a deux volets : 1) La « protection sociale », avec le shabbat comme origine de toute la législation sociale moderne. 2) La « rédemption sociale » et le Yovel.

Jabotinsky estime que les socialistes veulent changer toute la structure économique de la société plutôt que de se concentrer sur l’essentiel, soit la suppression de la pauvreté – ce que prône la Bible, la Bible qui par ailleurs n’entend pas supprimer la concurrence, moteur de l’économie. Les socialistes veulent supprimer toute différence. La Bible veut « rétablir de manière périodique un minimum d’égalité et de justice sociale, en “remettant les compteurs à zéro” » : il s’agit pour ceux qui sont en compétition de se reposer avant de reprendre la lutte.

Cette notion de Yovel (Jubilé) peut sembler irréaliste, elle ne l’est pas tant si l’on considère que le projet sioniste n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’humanité, un projet qui paraissait fumeux jusqu’à 1948 et la refondation de l’État d’Israël. Le Yovel ne s’inscrit pas dans un programme économique, il est tension vers un idéal, tout comme l’est la prophétie d’Isaïe selon laquelle « les épées seront transformées en soc de charrue ». Et il y a bien un lien entre ces deux tensions : Jabotinsky explique dans son programme de « protection sociale » que les obligations de l’État (que nous venons d’énumérer) envers ses citoyens seraient déjà effectives si les dépenses d’armement n’étaient pas ce qu’elles sont. C’est donc méconnaître Jabotinsky que de faire du Roch Betar un va-t’en-guerre et un admirateur du fascisme. Jabotinsky fut un authentique pacifiste et un disciple des prophètes d’Israël.

Mais qu’en est-il d’Israël aujourd’hui ? Le pays est passé d’une économie socialiste à une économie ultra-libérale, avec inégalités croissantes et pauvreté qui touche une part importante de la population. A la lumière de ses réflexions économiques, on peut dire que Jabotinsky aurait refusé le socialisme dirigiste et centralisateur du parti travailliste (de la période pré-étatique au changement de majorité en 1977) mais aussi le capitalisme libéral (des années 1990 à aujourd’hui).

La pensée économique de Jabotinsky reste inachevée. Ne pourrait-on pas néanmoins s’en inspirer pour réformer l’économie du pays en évitant le socialisme dirigiste autant que le capitalisme libéral ?

Jabotinsky place l’individu au-dessus de tout et se dit « libéral bourgeois convaincu ». « Tout individu est roi » pourrait être sa devise, la devise du Roch Betar. Il pose que la misère doit être combattue, éradiquée. Il se dit partisan d’un État minimal mais aussi d’un État engagé dans la « protection sociale ». Il convient de considérer la complexité de sa pensée sans chercher à l’annexer au camp libéral ou social-démocrate. Jabotinsky est bien l’homme d’une « troisième voie » économique : interventionnisme étatique afin d’assurer les besoins fondamentaux des individus ; retrait de l’État afin de préserver et stimuler l’initiative individuelle et l’esprit d’entreprise. Ces deux principes sont-ils radicalement antagonistes ?

Israël a su faire la paix avec une partie du monde arabe en suivant les principes du « Mur de fer » (ou « Muraille de fer »), texte fondamental de Jabotinsky que je remets en lien tant il me semble important :

http://www.monbalagan.com/29-israel/sources-israel/1477-1923-zeev-jabotinsky-la-muraille-de-fer.html

Ne pourrait-on pas trouver dans les propositions économiques de Jabotinsky une voie vers une société plus empreinte de justice sociale, sans pour autant porter préjudice au dynamisme de l’économie israélienne, cette « Start-Up Nation » ?

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

https://zakhor-online.com/?p=20150

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De l’affaire Arlosoroff à aujourd’hui : Cette gauche israélienne et juive qui confond l’ennemi et l’adversaire

June 17 2021, 10:10am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même. Son identité est fondamentalement une identité du ressentiment.

Shmuel Trigano

 

Il est encore trop tôt pour faire le bilan de l’ère Nétanyahou et pour “enterrer” - comme l’ont déjà fait plusieurs éditorialistes et observateurs - celui qui, de l’avis de ses partisans comme de certains de ses détracteurs, est déjà entré dans l’Histoire comme un des grands dirigeants d’Israël à l’époque moderne. Mais, au lendemain de la formation du gouvernement le plus bizarre et le plus hétéroclite qu’Israël ait jamais connu, on peut tirer quelques leçons de cette campagne électorale et de son résultat. Le phénomène qui nous intéresse ici, au-delà même de la haine, qui a visé depuis plusieurs années Binyamin Nétanyahou, totalement irrationnelle et injustifiée (mais n’est-ce pas le propre de toute haine?), est celui de la confusion qu’une certaine gauche israélienne entretient délibérément entre ses adversaires et ses ennemis. 

 

Ce phénomène n’est pas nouveau. On pourrait même dire qu’il est inscrit dans l’ADN d’une fraction non négligeable de la gauche israélienne et juive, celle qui trouve ses racines historiques et politiques pas tant dans le sionisme travailliste des pères fondateurs, que dans la Troisième Internationale et dans le bolchévisme le plus pur et dur (au sens propre, comme le reconnaissait jadis Ben Gourion, en n’hésitant pas à se qualifier lui-même de “bolchévique”, au début des annés 1920) (1). C’est cette confusion dangereuse et lourde de conséquences dont nous voyons aujourd’hui les fruits amers. 

 

Comme l’écrivait Shmuel Trigano il y a vingt ans, “Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même” (2). On ne saurait mieux décrire l’identité du nouveau gouvernement des “anti-Bibi”, qu’aucun ciment idéologique ou politique ne réunit, sinon leur détestation abyssale envers Nétanyahou. La coalition des “anti-Bibi” a préféré faire alliance avec les islamistes des Frères musulmans, pour chasser du pouvoir son adversaire, c’est-à-dire qu’elle a fait alliance avec ses ennemis pour triompher de son adversaire.

 

Manifestation anti-Bibi

 

Cette politique de l’exclusion et du ressentiment, nous l’avons vue à l’œuvre, tout au long de l’histoire du sionisme politique, à chaque fois que les tenants du sionisme socialiste ont prétendu exclure leurs adversaires, tantôt du marché du travail dans le Yishouv des années 1920 et 1930 (en exigeant des travailleurs la carte de la Histadrout), tantôt de l’alyah (en privant les jeunes du Betar de certificats d’immigration). Elle a également visé l’apport du sionisme de droite à la fondation de l’État d’Israël, exclusion qui ne concerne pas seulement l’historiographie du sionisme (3), mais aussi les manuels d’histoire utilisés dans les lycées israéliens.

 

Depuis l’assassinat d’Arlosoroff (le 16 juin 1933) et jusqu’à nos jours,  cette fraction de la gauche sioniste s’est servie de la violence et des accusations de violence à des fins politiques - pour asseoir et maintenir son hégémonie (l’affaire Arlosoroff est survenue alors que le mouvement sioniste révisionniste était à son apogée) et elle a accusé ses adversaires, en recourant à la “reductio ad hitlerum” (bien avant que l’expression ne soit forgée par Leo Strauss au début des années 1950). La reductio a hitlerum, dont sont aujourd’hui victimes Israël et ses défenseurs sur la scène publique, est ainsi dans une large mesure une invention de cette gauche juive - sioniste et non sioniste -  à l’époque de Zeev Jabotinsky, que David Ben Gourion avait surnommé “Vladimir Hitler”.

 

Jabotinsky

 

Un exemple frappant, et presque ridicule, de cette confusion entre l’adversaire politique et l’ennemi nous a été donné dimanche dernier par la chanteuse Avinoam Nini, bien connue pour ses opinions radicales, qui a comparé Nétanyahou et… Haman, lors de la manifestation festive organisée par la gauche israélienne au lendemain de l’annonce du départ de B. Nétanyahou. Cette comparaison est d’autant plus choquante que Nétanyahou est sans doute le Premier ministre israélien qui a le plus œuvré pour protéger l’Etat juif contre les Haman modernes véritables que sont les dirigeants iraniens. Cet épisode révélateur montre précisément comment cette frange de la gauche à laquelle appartient la chanteuse confond Haman et Esther, réservant sa haine à ses adversaires politiques, tout en se montrant pleine d’indulgence envers nos ennemis. Il n’y a là, hélas, rien de nouveau sous le soleil.

Pierre Lurçat

NB Article paru sur le site Menora.info

1. Voir notamment l’article de Y. Nedava, “Ben Gourion et Jabotinsky”, dans Between two visions [hébreu] Rafael Hacohen éd. Jérusalem.

2. S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002. 

3. En hébreu, et aussi en français, Cf. mon article “Redonner à Jabotinsky son visage et sa place dans l'histoire du sionisme”, http://vudejerusalem.over-blog.com/2021/04/redonner-a-jabotinsky-son-visage-et-sa-place-dans-l-histoire-du-sionisme-pierre-lurcat.html

 

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La rédemption sociale : Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, par Vladimir Zeev Jabotinsky

June 13 2021, 12:44pm

Posted by Jean Pierre Allali

La rédemption sociale : Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, par Vladimir Zeev Jabotinsky

NB le livre La rédemption sociale de Jabotinsky est en vente à la librairie du Foyer de Tel-Aviv et chez Vice-Versa à Jérusalem. Ainsi que sur Amazon.

Pour le commun des mortels, le nom de Jabotinsky renvoie à la droite israélienne la plus dure. Et pourtant ! En lisant ce petit livre plein d’enseignements, on ne peut pas éviter de se dire : « Mais, finalement, Jabo, c’était un socialo ! ».

Né à Odessa en 1880, celui qui sera le fondateur du Bétar et de la Légion Juive, est mort à New York en 1940. Tel Moïse, il n’aura pas foulé la terre de l’État juif indépendant qu’il appelait de ses vœux.

On découvre que c’est lors de ses années de jeunesse passées à Rome que Jabotinsky va être exposé aux conceptions socialistes par le biais de son professeur, Antonio Labriola et du criminologue  Enrico Ferri. Il continuera de côtoyer les idées socialistes alors que, journaliste, il était chargé de couvrir les séances parlementaires de la Chambre des Députés au Palais Montecitorio de Rome. Dans son « Histoire de ma vie », il raconte : « À la tête de la gauche se trouvait le groupe parlementaire socialiste auquel je me joignis en pensée même si je n’y suis jamais entré de manière officielle… ».

Dans la pratique, Jabotinsky, est finalement déçu par « le contenu égoïste du concept de classe » et c’est dans la Torah qu’il trouvera le fondement de toute sa philosophie économique et sociale. Pour lui, la rédemption sociale de l’humanité qu’il espère avec, notamment la disparition de la pauvreté, repose sur le « Tikoun Olam », (Réparation du Monde). Un programme basé sur les « Cinq Mem ». Sans oublier le principe du « Yovel », le jubilé, « une tentative visant à instaurer un principe contraignant de révolutions sociales périodiques ». Les « Cinq Mem », ce sont « Mazon », « Maon », « Malbouch », « Moreh » er « Marpeh », c’est-à-dire : la nourriture, le logement, l’habillement, la possibilité d’éduquer ses enfants et celle de se soigner en cas de maladie..

Autre principe biblique rappelé par Jabotinsky, celui du « Péa ». « Quand vous moissonnerez la récolte de votre pays, tu laisseras la moisson inachevée au bout de ton champ » (Lévitique, 19-9).

Sans oublier l’essentiel : le principe juif du shabbat qui, tout compte fait, est à l’origine de la législation sociale moderne.

Très en avance sur son époque et véritablement prémonitoire, Jabotinsky envisage une ère où le robot remplacera l’homme pour une grande partie des tâches quotidiennes, entraînant une baisse drastique des heures de travail hebdomadaires.

Dès lors, « La crise de notre époque n’est pas tant, en réalité, une crise du « capitalisme », qu’elle n’est avant tout une crise du prolétariat. La machine rend l’ouvrier de plus en plus inutile… ».

Bref, se demande Jabotinsky : « Qu’est-ce qui est préférable ? Prévenir la misère ou bien la réparer ? »

Un petit livre. Mais quel souffle ! Remarquable !

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions de la Bibliothèque Sioniste. Présentation, traduction et notes de Pierre Lurçat. 64 pages.

http://www.crif.org/fr/content/lectures-de-jean-pierre-allali-la-r%C3%A9demption-sociale-%C3%A9l%C3%A9ments-de-philosophie-sociale-de-la

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CONFÉRENCE EN LIGNE - JEUDI 3 JUIN 19H00 - L’Etat juif selon Jabotinsky

June 3 2021, 07:59am

Posted by Pierre Lurçat

Après le succès de la première conférence de Pierre Lurçat sur Zeev Jabotinsky, l’OSM  l'invite à nouveau pour mieux vous faire connaître cet important dirigeant sioniste.

The Israeli Right: From Jabotinsky to Netanyahu - The Tikvah Fund

73 ans après la proclamation de l’État d’Israël, la question des liens entre État et religion et entre Juifs laïcs et religieux continue d'interpeller le public israélien. 

 

Jabotinsky, outre ses idées sur la politique et l'économie, a aussi élaboré une réflexion approfondie sur sa vision du futur État juif, et sur la place que la tradition juive devait y occuper. Sur ce sujet crucial, comme sur d’autres, sa réflexion est plus actuelle que jamais.

 

Rendez-vous jeudi 3 juin à 19h (FR) -  

 

INSCRIPTIONS http://bit.ly/Jabontinsky_et_la_religion

 



 

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Penser la guerre de Gaza (I) :  sortir de l'illusion technologique et retrouver les valeurs de Tsahal, Pierre Lurçat

May 23 2021, 07:37am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le dernier round des hostilités à Gaza s’est terminé comme les précédents, en queue de poisson. La “victoire” tactique et ponctuelle de l’élimination de plusieurs chefs du Hamas et du Djihad islamique est largement effacée et rendue dérisoire par la défaite stratégique à long terme, que constitue la transformation de la moitié du territoire d’Israël et de sa population en vaste champ de bataille, offert aux missiles tirés de Gaza, sans riposte effective, sinon la protection du Dôme d’acier. Dans cette série d’articles, nous voudrions esquisser une réflexion approfondie pour penser la guerre à Gaza, en la resituant dans le contexte de l’évolution de la doctrine militaire israélienne et des valeurs qui la sous-tendent.

 

Dans leur livre sur la guerre d’Indépendance, publié en 1960 (1), Jon et David Kimhi ont cette remarque éclairante, au sujet de l’issue de la guerre de 1948. “A bien des égards, les combats eux-mêmes n’ont joué qu’un rôle secondaire dans la guerre de Palestine. Ce qui a été le plus important, c’est l’affrontement des volontés”. Cette phrase semble faire écho à un verset bien connu du prophète Zachariah : “Ni par la force, ni par la puissance, mais bien par mon esprit”. Pendant des décennies, les dirigeants de l’armée et de l’Etat d’Israël avaient bien conscience que le principal élément de la force de Tsahal, face à des ennemis plus nombreux et souvent mieux armés, était l’esprit combatif, la motivation et la conscience de ses soldats qu’ils étaient obligés de vaincre. “Eyn brera!”


 

Le drapeau israélien hissé à Eilat

 

Paradoxalement, cette force intérieure a décru, au fur et à mesure que se développait la puissance technologique de Tsahal (2). Nous sommes arrivés aujourd’hui à un stade où les prouesses technologiques pallient difficilement l'effritement de la volonté de vaincre, et ne sont parfois plus un élément de la force de Tsahal, mais bien plutôt un élément de sa faiblesse… Un des premiers à avoir compris ce paradoxe est un chercheur du Centre d’études moyen-orientales de l’université d’Ariel, Eyal Levin, dont les travaux portent sur la “résilience nationale” (‘hossen léoumi) : “Le système Dôme d’acier n’exprime pas notre résilience nationale, mais au contraire notre faiblesse”, disait-il en substance, au lendemain de l’opération “Colonne de nuée” (Amoud Anan) de novembre 2012. Ce constat de faiblesse est toujours aussi valable, neuf ans plus tard, après d’innombrables rounds d’hostilités à la frontière de Gaza.

 

Le système de défense antimissiles “Kippat Barzel”, comme nous l’écrivions dans ces colonnes (3), ressemble à un immense parapluie troué, qui constitue une arme défensive très insuffisante et comporte des effets pervers, en dispensant Tsahal d’une contre-attaque authentique, comme l’a montré l’amère expérience des dernières années. Plus la prouesse technologique qu’il constitue est réussie (empêcher les missiles de l’ennemi d’atteindre le sol israélien), plus son effet pervers s’accroît : priver Israël d’une indispensable offensive préventive, pour interdire à l’ennemi d’essayer même de l’attaquer. A cet égard, Kippat Barzel est en réalité la négation du Kir Habarzel - la muraille d’acier - concept développé par Jabotinsky dans son fameux article de 1923, qui est au fondement de la doctrine stratégique de Tsahal (4). 

 

La muraille d’acier signifie en effet qu’il faut dissuader l’ennemi de nous attaquer, et pas seulement se défendre contre ses attaques incessantes. Selon cette conception,  la paix et la sécurité ne viendront pas en élaborant des systèmes de défense de plus en plus perfectionnés, pour intercepter les missiles du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Elles ne viendront qu’en ripostant avec toute la force nécessaire et en attaquant les ennemis qui nous menacent, portant la guerre sur leur territoire - comme l’a fait Tsahal lors des guerres victorieuses de 1948, 1956, 1967 et 1973, jusqu’à ce qu’ils demandent grâce et renoncent à leurs intentions belliqueuses.

 

Une défaite morale et psychologique


Mais il faut aller plus loin encore. La réussite technologique (toute relative) de Kippat Barzel n’est pas seulement une défaite sur le plan militaire et psychologique, en empêchant Tsahal de riposter et en portant ainsi un coup fatal à notre capacité de dissuasion. Elle incarne aussi l’inversion et l’oubli des valeurs sur lesquelles reposait jadis la force de Tsahal. Un des exemples les plus frappants de cet oubli des valeurs fondatrices de l’armée de Défense d’Israël nous est donné par le cas tragique du soldat Hadar Goldin, capturé et tué par le Hamas le dernier jour de l’opération Tsouk Eytan à Gaza, et dont la dépouille est toujours détenue par le Hamas, sept ans plus tard.

 

Hadar Goldin z.l.

 

Comme l’a déclaré le père de Hadar, le Dr Simha Goldin, en août 2019 : “Hadar a été abandonné à trois reprises par la lâcheté de nos dirigeants. La première fois, sur le champ de bataille, lorsqu’ils ont empêché son officier de pénétrer dans l’hôpital du Hamas où il était apparemment détenu et blessé. La deuxième fois, à la fin de l’opération Tsouk Eytan, lorsque les dirigeants israéliens ont négocié (un cessez-le-feu) au Caire avec le Hamas, sans exiger la restitution des deux soldats Oron Shaul et Hadar Goldin. Et la troisième fois, pendant les cinq dernières années…” Simha Goldin a aussi déclaré, lors du congrès annuel du mouvement Im Tirtsu, que pour la première fois dans l’histoire de Tsahal, un soldat avait été déclaré “tombé au combat” en pleine guerre, alors qu’il était disparu et que son sort n’était pas encore connu avec certitude. 

 

Ce précédent dangereux a été fixé en contradiction avec la tradition remontant aux débuts de Tsahal, de ne jamais abandonner un soldat sur le champ de bataille et de ne pas le considérer comme mort, tant que sa dépouille n’avait pas été récupérée. L’exemple tragique de Hadar Goldin devrait susciter un vaste mouvement de réflexion et une prise de conscience au sein de la population israélienne, et surtout de sa jeunesse, dont la motivation pour servir dans les rangs de Tsahal n’a pas faibli. Car ce sont les valeurs fondatrices de Tsahal qui ont permis, jusqu’à ce jour, que des jeunes Israéliens s’engagent dans les rangs des unités combattantes. Si l’esprit de fraternité combattante (Reout) - immortalisé par les paroles du Chir HaReout, rédigé par Haïm Gouri durant la guerre d’Indépendance - devait s’estomper, comment pourra-t-on demain appeler des jeunes soldats à risquer leur vie pour leur pays? 

 

Simha Goldin devant le Lion de Tel Haï

 

Hadar Goldin portait un nom plein de signification. “Hadar” signifie “splendeur” et il fait référence au Chir Betar, l’hymne du mouvement de jeunesse sioniste créé par Zeev Jabotinsky, qui fut aussi le fondateur de la Légion juive, ancêtre de Tsahal. Puissent les mots du Chir Betar inspirer les dirigeants qui se considèrent comme les héritiers de Jabotinsky. “Hébreu, dans la misère même tu es Prince, Dans la lumière ou l’obscurité. Souviens toi de cette couronne”. Qu’ils se souviennent, eux aussi, du Keter. Qu’ils se souviennent du Hadar et du Tagar. Et qu’ils n’oublient pas non plus les paroles du Chir HaReout, rédigé par Haïm Gouri, de “l’amour consacré dans le sang” des soldats tombés dans les guerres d’Israël.

Pierre Lurçat

 

NB Je commente la fin de l'opération "Gardiens des murailles" au micro de Daniel Haïk sur Radio Qualita

https://www.youtube.com/watch?v=qlBysShmoYE&t=7s

 

Dans la suite de cet article, nous verrons comment la guerre asymétrique contre Gaza a fait perdre de vue la notion de guerre juste et quelles en sont les conséquences.

(1) La première guerre d’Israël, Arthaud 1969.

(2) Sur l’évolution de l’ethos de Tsahal et de la société israélienne en général, voir Oz Almog, Farewell to Srulik - Changing Values Among the Israeli Elite (Zmora Bitan and Haifa University Press, 2004).

(3) http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/israel-gaza-accepter-la-pax-islamica-du-hamas-par-pierre-lurcat.html?fbclid=IwAR3BG1p7wyMDw5sdwIW_YODWeVPCCzVbVP1f0sdXKLpMSXYDkeRAopTARAU

(4) Sur la “muraille d’acier” et l’héritage politique et militaire de Jabotinsky, je renvoie à ma postface à son autobiographie, que j’ai eu le plaisir de traduire en français.


 

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“Hébreu, Auto-défense, Alyah!” Adresse aux Juifs restant encore en France

April 23 2021, 15:52pm

Posted by Pierre Lurçat

 

 

La décision rendue par la Cour de cassation a suscité de très nombreuses analyses pertinentes, de la part d’observateurs avisés, et pas tous Juifs (Cf l’éditorial courageux de F.O Giesbert) Même le grand rabbin de France, que certains soupçonnaient de tiédeur, et le président du CRIF, qui a retrouvé pour l’occasion un peu du “Hadar” de sa jeunesse dans les rangs du Betar, semblent avoir trouvé les mots justes… Mais cette profusion de mots ne fait que ressortir l’absence flagrante d’actes et de décisions opérationnelles. Les lignes qui suivent prétendent aborder la situation des Juifs de France sous un angle différent, l’angle sioniste et celui de l’action.

 

Trop de réflexion et pas assez d’action

 

Changer la loi française? C’est ce que proposent le président Macron et d’autres, parmi lesquels Robert Badinter, infatigable, qui s’abstient pourtant de toute critique contre la Cour de cassation (1) C’est sans doute utile, mais cela ne fera pas changer l’ennemi, ni la situation objective de la France actuelle (“l’antisémitisme des choses”, comme disait Jabotinsky). Alors c’est à nous, c’est à vous de changer. Cessez enfin de regarder la France avec les yeux de Chimène et d’attendre, comme une femme battue, qu’elle retrouve pour nous un amour qu’elle a depuis longtemps perdu, si tant est que cet amour ait jamais existé… Cessez de croire que la “République” va connaître un sursaut de lucidité et se souvenir de ses enfants Juifs. 

 

 

Prenez acte, une fois pour toutes, du divorce consommé entre la France et les Juifs, que des esprits lucides - comme Shmuel Trigano - avaient déjà annoncé en 1981 (au lendemain de l’attentat de Copernic, attribué à tort à une fantomatique “extrême-droite” (2). Prenez acte, enfin (mieux vaut tard que jamais) du caractère inéluctable du constat, fait il y a plus de 120 ans par un journaliste Juif, assistant à la dégradation du Capitaine Dreyfus. Herzl, le “Visionnaire de l’Etat” avait entrevu, dès cette époque, ce que certains de vous refusent encore d’admettre aujourd'hui : qu’il n’y a aucun avenir pour les Juifs en Europe.

 

Prenez acte du fait que la défense des Juifs ne peut être confiée aux autorités françaises, qui ont d’autres chats à fouetter et qui peinent déjà à défendre les “Français innocents” (selon le lapsus révélateur de Raymond Barre). Car on peut supposer que la décision de la Cour de cassation aurait été identique, si la victime s’était appelée Martine Dupont, et que l’assassin ait été de la même religion que Kobili Traoré (religion dont le nom est devenu le grand tabou de la vie politique française, comme l’a démontré Georges Bensoussan, qui en a personnellement fait l’expérience). Plus encore que l’identité de la victime, c’est celle de l’assassin qui explique son impunité consacrée par la plus haute instance judiciaire française.

 

Votre salut ne viendra d’aucune pétition, d’aucun appel à la “solidarité républicaine”, d’aucune LICRA - irrémédiablement compromise avec les ennemis des Juifs (3) -, d’aucune Amitié judéo-chrétienne ou judéo-musulmane. Votre salut ne viendra que de Sion, et de vous ! C’est pourquoi il faut saluer l’initiative originale et lucide de Me William Goldnadel, qui porte plainte non pas devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (a-t-on jamais vu celle-ci défendre les Juifs?) mais devant les tribunaux israéliens. En tant que juriste israélien, je ne suis pas certain que cela sera suivi d’effet, mais il y a là une piste à explorer et à utiliser, désormais, chaque fois qu’un Juif sera persécuté en France, parce que Juif. 

 

Le message politique adressé à la France est limpide: “Si vous ne faites rien pour protéger les Juifs, l’Etat juif le fera”. C’est la même logique qui doit s’appliquer en matière de sécurité quotidienne. De même que, depuis des décennies, la communauté juive organisée a mis en place un cadre de protection supervisé par des responsables en Israël, il est temps de proclamer haut et fort ce que chacun sait et d’assumer ouvertement la tâche de défense des Juifs, avec le même mot d’ordre qu’avaient lancé Simon Doubnov, H.N Bialik et d’autres au lendemain du pogrome de Kichinev : Autodéfense!

 

OJE : Soutenir ceux qui nous défendent

 

Il est temps de soutenir les quelques organisations juives qui assument la mission sacrée de défendre et de protéger les Juifs de France. Au lieu de donner de l’argent à des institutions qui ne font que promouvoir une soi-disant “culture juive” souvent hostile à Israël, ou qui organisent des “galas au profit des organisateurs de galas”, soutenez plutôt le BNVCA, l’OJE, la LDJ… Que ceux qui se consacrent bénévolement à défendre leurs frères Juifs soient aidés et donnés en exemple, au lieu d’être vilipendés ou de susciter des moues dégoûtées de la part des “Juifs de salons” et autres “Juifs professionnels” (ceux qui font profession d’oeuvrer à des causes juives). 

 

Hébreu, Alyah, auto-défense!

 

Mais cela n’est que l’aspect le plus urgent de la situation d’urgence dans laquelle les Juifs de France se sont (trop vite) habitués à vivre depuis deux décennies. L’autre aspect, pas moins important, consiste à préparer l’avenir. L’auteur de ces lignes, qui a fait son alyah il y a près de trente ans, sait bien que les Juifs qui ont choisi de rester en France ne vont pas tous partir du jour au lendemain. Le sionisme bien pensé ne consiste pas à accueillir des Juifs en Israël et à se désintéresser des autres. Une grand-mère juive apeurée, qui m’écrivait il y a quelques jours que son petit-fils était agressé et menacé à Boulogne (pas dans le 93!), répondait, à ma question concernant son avenir, qu’il n’était pas encore prêt  à monter en Israël... 

“Juifs, apprenez l’hébreu!’” Jabotinsky jeune

 

Pour ce jeune Juif et pour des milliers d’autres, il est urgent de relancer l’appel lancé par le Rosh Betar il y a près de cent ans : “Apprenez l’hébreu!” Que chaque jeune Juif de France apprenne l’hébreu pour préparer sa future alyah, même si celle-ci n’est encore qu’un lointain projet. Que toutes les écoles juives de France fassent de l’hébreu une matière obligatoire et fondamentale, non pas pour glaner quelques points au baccalauréat, mais pour préparer activement l’avenir de la jeunesse juive de France en Israël. “Hébreu, Alyah, Auto-défense” : ces trois mots doivent devenir le slogan des Juifs de France et de ceux qui prétendent parler en leur nom. Le temps de la réflexion et des colloques sur l’antisémitisme est passé. Il est temps d’agir.

Pierre Lurçat

 

1. Voir son intervention sur Akadem. R. Badinter, ami de François Mitterrand, l’ami irrepenti de René Bousquet, cherche peut-être ainsi à faire oublier sa responsabilité personnelle dans l’état actuel de la société et de la justice française, étant entré de son vivant au “Panthéon” pour avoir aboli la peine de mort (pour les assassins, par pour leurs victimes...).

2. Voir son livre largement prémonitoire, La République et les Juifs, paru en 1982. 

3. Je renvoie à mon article coécrit avec Ph. Karsenty, dans Causeur.

https://www.causeur.fr/georges-bensoussan-licra-antiracisme-ccif-142476



 

 

Rassemblement ce dimanche 25 avril à 14h sur le parvis des Droits de l’Homme, place du Trocadéro pour protester contre la décision de la Cour de Cassation concernant l’assassinat de Sarah Halimi.

 

Des rassemblements sont prévus dans d'autres villes :

🇫🇷 MARSEILLE - Place de la Préfecture à 14h

🇫🇷 LYON - Rue du Palais de Justice à 16h

🇫🇷 NICE - Place du Palais de Justice à 17h

🇫🇷 STRASBOURG - Parvis Jean Kahn à 14h

🇫🇷 BORDEAUX - Parvis des Droits de l'Homme à 14h

🇫🇷 LILLE - Place de la République à 14h

🇫🇷 DEAUVILLE - Esplanade du Port (face à la gare) à 14h

🇮🇱 TEL AVIV - Ambassade de France à 15h

🇮🇱 JÉRUSALEM - Gan HaAtzmaut à 15h

🇮🇱 EILAT - Hom Rachrach à 15h

🇺🇸 LOS ANGELES - Consulat français à 10h

🇺🇸 NEW YORK - Consulat général de France à 11h

🇺🇸 MIAMI - Solidarity Walk Macy's Aventura Parking Lot à 11h

🇬🇧 LONDRES - Ambassade de France à 13h

🇮🇹 ROME - Piazza Farnese à 15h

 
 
 

 

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