Le blog de Pierre Lurçat, essayiste, écrivain et traducteur. L'actualité vue de Jérusalem, avec un accent particulier sur l'histoire d'Israël et du sionisme.
A. De l’Assemblée du Yichouv à l’Assemblée des Représentants
Le système électoral et politique israélien plonge ses racines dans la période du Mandat britannique (1922-1948), et même plus loin. C’est en effet à la période pré-mandataire que remonte la première tentative réussie de créer un organe national représentatif de tous les courants politiques présents en Eretz Israël. Au-delà de son intérêt historique, ce rappel est indispensable pour comprendre comment Israël a adopté le système électoral proportionnel, resté en vigueur jusqu’à nos jours, malgré quelques changements. C’est le dirigeant sioniste Menahem Ussishkin qui a réuni la première “Assemblée du Yichouv”, à Zikhron Yaakov, en 1903. Celle-ci créa la “Confédération des Juifs en Eretz Israël”, mais son action fut entravée par la controverse autour du projet d’État juif en Ouganda (dont Ussishkin était le principal opposant).
Menahem Ussishkin
Les efforts pour créer un organe représentatif furent renouvelés après la Première Guerre mondiale et la Déclaration Balfour (1917). Les représentants du Yichouv constituèrent une Assemblée constituante qui élut un “Comité provisoire des Juifs en Eretz Israël”. A nouveau, des différends surgirent, notamment sur la question du droit de vote des femmes, auquel les représentants des factions religieuses étaient opposés. En fin de compte, le Comité provisoire fixa au 19 avril 1920 la date des élections à la première Assemblée des représentants (Assefat ha-Nivharim), qui siégea jusqu’au 6 décembre 1925. Au total, quatre Assemblées se succédèrent entre 1919 et 1949. Les élections se faisaient au scrutin de liste direct, au niveau national, tout comme aujourd’hui.
La quatrième Assemblée à Jérusalem (1944)
Les quatre Assemblées des Représentants (1920 – 1944)
L’examen de la composition des quatre Assemblées de Représentants est instructif, et montre qu’elle étaient constituées de très nombreuses factions, réparties en quatre catégories principales : partis ouvriers, partis religieux, partis à base ethnique et partis à base professionnelle. La première Assemblée comportait ainsi pas moins de 19 factions, et la deuxième 25 ! Les grands partis politiques – qui allaient jouer un rôle essentiel dans la vie politique de l’État – étaient pour la plupart déjà représentés dans l’Assemblée élue en avril 1920 : Ahdout ha-Avoda (travaillistes), Mizrahi (sionistes religieux), Harédim, aux côtés d’autres listes à orientation ethnique (Séfarades, mais aussi Yéménites et Boukhariens) ou professionnelle (artisans, employés). Les sionistes révisionnistes firent leur entrée dans la deuxième Assemblée (élue en 1931).
Ce rappel historique permet de comprendre les raisons de l’adoption du système de représentation proportionnelle. On peut en dénombrer au moins trois. Premièrement, le Yichouv ne jouissant d’aucune continuité territoriale, la représentation proportionnelle à une seule circonscription était la plus facile à mettre en œuvre. Deuxièmement, ce système permettait d’effacer les disparités entre régions rurales et urbaines. Enfin et surtout, le système proportionnel constituait un facteur d’intégration devant accorder une légitimité indispensable à l’État en devenir, au vu de la grande hétérogénéité ethnique et politique de la population, qui se reflétait dans la composition de l’Assemblée des représentants. Toutes ces raisons firent que l’organe “législatif” du Yichouv adopta le système proportionnel, qui fut maintenu en vigueur après la création de l’État.
Pierre Lurçat
NB Je donnerai une conférence à Tel-Aviv le 24 février à 20H00, 7 rue Lilienblum, sur le thème : "Le Débat constitutionnel, de la Déclaration d’Indépendance à la loi sur Israël Etat Nation du peuple juif”. Inscriptions auprès de Deborah Pewzer 052-6769746
Conférence exceptionnelle le 17 février 2019 à Tel-Aviv:
Elections israéliennes 2019: Connaître le passé, comprendre le présent et réfléchir au futur
9 avril 2019
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Une conférence pour tout savoir des institutions israéliennes, du sionisme politique, des grands hommes à l’origine de ce projet (Herzl, Jabotinsky, Ben Gourion…) et de l'histoire des partis politiques israéliens de 1920 à aujourd’hui.
Une conférence animé par Pierre Lurçat, essayiste et traducteur, auteur de plusieurs essais sur le sionisme, Israël et l'islam radical.
Son dernier ouvrage "Israël, le rêve inachevé" est paru en novembre 2018 aux Editions de Paris.
Date : 17 février 2019 Horaire : 20h - 22h Lieu : Ulpan Neve Tzedek, 7 Lilienblum Tel Aviv
Entrée : 20 shekels
Inscriptions auprès de Déborah Pewzer : 052 67 69 746
Cette conférence sera le premier volet d'un cycle de trois conférences :
24/02/19 - 2e conférence : "Le Débat constitutionnel, de la Déclaration d’Indépendance à la loi sur Israël Etat Nation du peuple juif”
03/03/19 - 3e conférence : “La contestation de l'Etat juif par les élites israéliennes”
Moshé Arens, dont on vient d’apprendre ce matin le décès à l’âge de 93 ans, n’était pas seulement un dirigeant politique de premier plan, ancien ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense et mentor politique de Benjamin Nétanyahou. Il était aussi un historien de renom, qui a consacré une partie de sa vie à rendre justice aux combattants du Ghetto de Varsovie appartenant à l’aile droite du mouvement sioniste, dont l’action héroïque avait été délibérément occultée pour des raisons politiques. Nous republions ici cette interview de Moshé Arens à ce sujet, en guise d’hommage. P. Lurçat.
Moshe Arens (1925-2019)
La révolte du ghetto de Varsovie est devenue, à juste titre, le symbole de la résistance juive armée au nazisme et elle occupe une place essentielle dans la mémoire juive, tant en Israël qu’en diaspora. Pourtant, l’historiographie de cet épisode demeure encore, 70 ans après, sujette à une occultation liée à des raisons politiques. En effet, alors que tout le monde connaît le nom de Morde’hai Anielewicz et de l’Organisation Juive de Combat (OJC), la plupart ignorent celui d’un autre héros de la révolte du ghetto, Pavel Frenkel, et de l’organisation dissidente qu’il dirigeait, la ZZW (Union militaire juive), affiliée au Bétar.
Moshé Arens, ancien ministre de la Défense israélien et ancien Bétari, a consacré un livre important à cet aspect occulté de l’histoire, sous le titre « Flags Over the Warsaw Ghetto - The Untold Story of the Warsaw Ghetto Uprising » (Gefen Books 2011). Dans une rare interview en français, accordée au journaliste Roland Süssmann, en 2006, il expliquait les raisons qui l’ont mené à consacrer plusieurs années aux recherches qui ont abouti à ce livre. Extraits.
R. Süssmann : « Qui étaient les premiers insurgés ? »
Moshé Arens : « Des jeunes qui avaient eu le courage, la vision et l’audace d’imaginer qu’une forme de résistance pouvait être envisagée et organisée… En fait, il existait deux mouvements de résistance : le premier, connu sous les initiales polonaises « Z.O.B. » (en français, O.J.C., Organisation juive de Combat), dirigé par Morde’hai Anielewicz qui avait alors 23 ans, et le second, désigné par les lettres capitales polonaises ZZW (« Irgoun Hazwaï Hayehoudai », union militaire juive), dirigé par Pavel Frenkel, également âgé de 23 ans. L’OJC comptait des membres issus de pratiquement toutes les organisations juives, y compris du Bund [N.d.R. Parti socialiste juif, non sioniste], des mouvements sionistes et même des communistes.
Pavel FRENKEL - Il n'existe aucune photo de lui...
Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar, ainsi que d’un certain nombre de personnes désirant combattre les Allemands et qui possédaient des armes. Il est donc important de souligner que, contrairement à ce qui est généralement admis, la révolte juive du ghetto de Varsovie n’a pas été conduite par une seule organisation, mais par deux, ce qui n’enlève évidemment rien à la bravoure et à la grandeur de Morde’hai Anielewicz et de ses hommes.
R.S. Le Bétar a-t-il joué un rôle important dans la révolte ?
M.A. Entre le 19 et le 28 avril 1943, la bataille la plus importante de la révolte a été menée sur la place Workanowsky sous le commandement de Pavel Frenkel. A l’issue de la première journée de conflit, ayant repoussé les Allemands, les combattants du Bétar ont hissé les drapeaux sionistes (celui d’Israël aujourd’hui) et de la Pologne sur le plus haut bâtiment du quartier. Les Allemands ont tenté de les déloger, estimant qu’il s’agissait d’un symbole dangereux car ils pouvaient être vus depuis de nombreux endroits de Varsovie. Himmler a alors téléphoné à Jürgen Stroop pour qu’il liquide le ghetto et surtout qu’il mette tout en œuvre pour enlever ces drapeaux. La bataille a fait rage pendant quatre jours avant que les Allemands, plus fort en nombre et en armes, gagnent la partie…
Emilka Kossower, combattante du ZZW
R.S. Combien de personnes étaient membres du groupe de Frenkel ?
M.A. Les deux organisations réunies ne comptaient pas plus de 300 personnes. Ce qui déterminait le nombre de combattants, c’était la quantité d’armes dont chaque organisation disposait. L’arme la plus répandue était le pistolet, qui était opposé aux armes automatiques, à l’artillerie légère et aux petits tanks de l’armée allemande.
Militants du Betar de Varsovie, 1938
Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar
R.S. Comment expliquez-vous que les deux organisations de révolte ne se soient pas réunies?
M.A. L’OJC était avant tout constituée d’organisations de gauche de tendance socialiste et marxiste, y compris le Bund, organisation juive socialiste antisioniste. D’ailleurs, les membres du Bund se sont joints à l’OJC très tard ; ils ne souhaitaient pas participer à une organisation de combat juive, mais seulement socialiste, incluant des socialistes polonais. Cela démontre à quel point d’anciennes idéologies étaient encore prédominantes dans les esprits à l’intérieur du ghetto de Varsovie, même après la grande vague de déportations…
Toutes ces tendances estimaient que le Bétar n’était constitué que d’un groupe de ‘fascistes’, perpétuant ainsi la division qui existait déjà entre Jabotinsky et les sionistes socialistes. En fait, le Bétar a été exclu dès le début de l’organisation des groupes de résistance. Dans les semaines précédant le début de la révolte, après que la majorité de la communauté juive ait été déportée, il avait été question d’unification, mais l’idée de s’adjoindre des hommes considérés comme ‘fascistes’ était inacceptable pour l’OJC. Comme Frenkel et ses hommes disposaient d’un armement plus important, les représentants de Morde’hai Anielewicz leur avaient proposé de se joindre à eux non pas en tant que groupe, mais à titre individuel. Les hommes de Frenkel ayant un entraînement militaire supérieur aux membres de l’OJC, une telle offre était inacceptable pour eux ! Au vu des circonstances, toute cette affaire semble assez étonnante, car les Allemands ne faisaient pas de distinction entre les différents révoltés…
R.S. Comment Pavel Frenkel a-t-il terminé sa vie ?
M.A. La majorité de ses camarades sont tombés pendant la bataille de la place Woranowsky. Frenkel a survécu et réussi, accompagné de quelques combattants, à quitter le ghetto. A la fin de la révolte il s’est caché dans Varsovie et a été découvert par les Allemands au courant du mois de juin 1943. Une bataille sérieuse a alors été engagée, au cours de laquelle il a été tué avec tous ses hommes.
Extraits d’une interview à Shalom Magazine, automne 2006. L’intégralité de l’interview peut être consultée sur Internet à l’adresse http://www.shalom-magazine.com/pdfs/46/Fr/ ARENS%20FR_46.pdf.
"Chaque jour il faut danser, fût-ce seulement par la pensée." Cette pensée de Rabbi Nahman de Bratslav m’est revenue à l’esprit en voyant le beau film de Tomer Heyman, “Mr Gaga: sur les pas d’Ohad Naharin”, qui retrace la vie et la carrière du danseur et chorégraphe israélien, devenu un des chefs de file de la danse contemporaine, dont la troupe - la Batsheva Dance Company - est actuellement en tournée en France. Celle-ci , fleuron de l’art israélien actuel, a été plusieurs fois victime de tentatives de boycott de la part du BDS.
En lisant la critique que Télérama avait consacré au film de Tomer Heyman, lors de sa sortie en salles en Israël en janvier 2016, on pourrait croire qu’Ohad Naharin est surtout un artiste engagé. L’article intitulé Ohad Naharin, chorégraphe gaga, Israélien en colère, et signé de la correspondante à Tel-Aviv, Nathalie Hamou, citait ainsi l’explication donnée par Naharin au titre de son dernier spectacle, Last Work :« Lorsqu’on me demande pourquoi j’ai intitulé ma dernière pièce Last Work, je réponds parfois qu’il s’agit peut-être bel et bien de ma dernière œuvre ».
« Je vis dans un pays qui est gagné par le racisme, la brutalité, l’ignorance, un mauvais usage de la force, le fanatisme. Cela s’exprime dans la façon dont nous avons choisi notre gouvernement (…) Un gouvernement qui ne met pas seulement en danger mon travail d’artiste, mais le fait même d’exister ici, dans ce pays que j’aime tant ».
L’explication de Naharin peut énerver ou faire sourire, tant elle est déconnectée de la réalité. Elle illustre surtout l’extrémisme politique de nombreux artistes israéliens qui, à l’instar d’Ohad Naharin, se laissent emporter par la vague de “Bibi-bashing” qui a depuis longtemps gagné les élites culturelles du pays, empêchant tout débat serein sur les questions politiques.
De politique pourtant, il n’est quasiment pas question dans le film de Tomer Heyman, à l’exception de cette citation - pain béni pour les journalistes français toujours à l’affût d’une déclaration anti-israélienne “Made in Israël” - et du rappel de la polémique autour d’un spectacle de Naharin qui avait été déprogrammé lors du cinquantième anniversaire de l’Etat d’Israël, à Jérusalem.
Il y est avant tout et presque exclusivement question de danse, de la manière dont Ohad Naharin a découvert sa passion pour la danse, de l’influence de ses parents, artistes tous les deux (sa mère a renoncé à une carrière de danseuse tandis que son père était acteur à Habima), de sa petite enfance au kibboutz, de son expérience traumatisante de soldat pendant la guerre de Kippour, de ses débuts comme danseur, en Israël tout d’abord (à la Bastheva Dance Company) puis à New York, où il étudie avec Martha Graham puis à la prestigieuse Julliard School.
De retour en Israël, avec sa femme Mari Kajiwara, il entame sa carrière de chorégraphe. Le film de Tomer Heyman montre bien comment Ohad Naharin parvient à affirmer son style et sa manière de créer, sans se laisser décourager par l’accueil d’abord réservé du public. Au fil du temps, il est de plus en plus apprécié, en Israël comme à l’étranger, et en 1990 il devient le directeur artistique de la Batsheva Dance Company, à laquelle il va donner un nouveau souffle en lui apportant ses idées novatrices sur la danse.
Depuis lors, sa carrière est marquée par une reconnaissance internationale grandissante, ses oeuvres étant représentées sur les plus grandes scènes du monde. Il reçoit le Prix d’Israël en 2005. Ses opinions politiques marquées à gauche, qui ne transparaissent qu’exceptionnellement dans le film, ne l’empêchent pas de voir les représentations de la Batsheva Dance Company prises pour cibles par les partisans du boycott anti-israélien et antijuif à Paris, New York et ailleurs. Mais le beau portrait que dresse Mister Gaga d’Ohad Naharin n’est pas, n’en déplaise à Télérama et aux autres désinformateurs de la presse française, celui d’un “Israélien en colère”. C’est celui d’un artiste et d’un grand créateur. Un film passionnant et émouvant, empli de sensualité et de beauté.
Le « Birkat Cohanim » - la « bénédiction pontificale » prononcée par les Cohanim lors de la répétition de laAmida– n’est pas seulement une bénédiction dite tous les jours en présence de Cohanim, dans toutes les synagogues du monde. C’est aussi une cérémonie particulière, empreinte de majesté, qui a lieu deux fois par ans au Kottel, au « mur occidental » du Temple de Jérusalem, à Soukkot et à Pessah.
Nombreux sont les jours de foule et de liesse populaire au Kottel, mais aucun n’atteint le degré de celui duBirkat Cohanimde Soukkot. Ce jour-là, des milliers de Juifs – et aussi de non Juifs - affluent de tous les coins du pays, comme aux temps où le Temple était en place et où Soukkot était une des trois fêtes de pèlerinage. On y trouve une foule bigarrée et très diverse – Juifs orthodoxes en habit de fête, caftan de soie et « Streimel » peu adapté aux dernières chaleurs de l’année, Juifs ashkénazes et orientaux, familles éthiopiennes et marocaines, Juifs traditionalistes et Juifs peu observants attirés par le caractère particulier de cette cérémonie.
A quelques mètres du Kottel, côté hommes et côté femmes, on distribue des verres d’eau minérale pour éviter tout incident, tant la foule est nombreuse et la chaleur intense. Un jeune Juifharedifait réciter la bénédiction sur des herbes odoriférantes, comme à la sortie du shabbat dans certaines synagogues, et un peu plus loin, un autre fait réciter la bénédiction duLoulav,avec unEtrogde taille imposante qui doit peser facilement trois ou quatre kilos… Des Juifs orthodoxes sont en pleine conversation avec des policiers du « Yassam », l’unité anti-émeutes. Il règne une atmosphère spéciale, de fête religieuse mais aussi de rassemblement populaire, sans doute un peu comme l’atmosphère qui devait régner à l’époque du Temple.
Le « Birkat Cohanim », la bénédiction des prêtres, a lieu deux fois de suite, dans la répétition de laAmidade l’office du matin, puis dans celle du « Moussaf », la prière supplémentaire des jours de fête et de demi fête. La prière est dite dans un haut-parleur, et la voix qui retentit avec une prononciation ashkénaze est entendue sur toute l’esplanade et encore au-delà. Lorsqu’on arrive au moment attendu du Birkat Cohanim, la foule se tait et écoute dans un silence religieux la bénédiction dite par les prêtres… « Soit loué, Eternel, notre Dieu, Roi de l’Univers, qui nous a sanctifiés par la sainteté d’Aaron et nous a ordonné de bénir Ton Peuple Israël avec amour.
Que l’Eternel te bénisse et te préserve !
Que l’Eternel t’éclaire de Sa face et te soit favorable !
Que l’Eternel tourne Sa Face vers toi et te donne la paix » !
J’écoute moi aussi, la tête inclinée, et je sens que cette bénédiction est différente de toutes les autres, prononcées à la synagogue. Nous ne sommes pas ici dans un lieu de culte, même si le Kottel peut être comparé à une immense synagogue en plein air, où les fidèles viennent prier chaque jour et sont certains de trouver « minyan » à toute heure de la journée. Les Juifs réunis aujourd’hui à Jérusalem ne constituent pas une simple assemblée de fidèles, car ils représentent le peuple Juif dans toutes ses composantes diverses et souvent opposées, réunies dans cette occasion rare et solennelle.
Chaque religion – se plaisait à dire le rabbin Léon Ashkénazi « Manitou » - parle de ce qui lui fait défaut : les chrétiens d’amour car ils en ont souvent été dépourvus, surtout à l’égard de leurs frères aînés ; les Musulmans de paix, car ils ont répandu leur foi à la pointe de l’épée ; et nous autres Juifs, parlons souvent d’unité, « ahdout », car notre peuple qui est un des plus modestes par sa dimension est aussi un des plus divisés. Mais cette division apparente et bien réelle (qu’on en juge par le nombre de partis à la Knesset, qui sont loin de représenter l’ensemble des opinions au sein du peuple d’Israël), ne saurait masquer l’unité profonde qui existe malgré tout, et que l’on ressent en certains occasions particulières. La bénédiction des Cohanim de Soukkot en est une.
Dans ces rares moments où le « Klal Israël » - la collectivité d’Israël - est réuni par la prière ou par la liesse populaire, on ressent intensément le fait que le destin d’Israël est différent de celui des autres peuples, et qu’il échappe aux lois habituelles de l’histoire. En ce jour de Soukkot 5779, alors que les menaces existentielles se font toujours plus pressantes, les mots de la bénédiction des prêtres ne s’adressent pas seulement aux Juifs présents ici, à Jérusalem, ou à ceux auxquels les présents s’unissent par leurs pensées et leurs prières, mais à tout Israël, comme un seul homme, venu demander aux Cohanim de le bénir pour échapper aux dangers qui le guettent.Que l’Eternel te bénisse et te préserve ! Que l’Eternel t’éclaire de Sa face et te soit favorable ! Que l’Eternel tourne Sa Face vers toi et te donne la paix !
Rencontre Abbas-Olmert à Paris : le sommet des has-been, Pierre Lurçat
La photo publiée ce matin en “Une” du quotidien israélien Israël Hayom a quelque chose de ridicule, qui confine au pathétique. Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas posant devant les photographes, lors d’une rencontre “officielle” à Paris, où Abbas est l’invité du président français Emmanuel Macron. Jamais sans doute la diplomatie française, qui nous a pourtant habitués au pire, n’était tombée aussi bas. Et jamais une rencontre n’avait été aussi factice et mensongère. Car tout est faux dans ce sommet des has been de la politique moyen-orientale…
D’un côté, un ancien Premier ministre israélien - un des plus mauvais qu’ait connu Israël en 70 ans d’existence nationale - qui a bénéficié d’une libération anticipée de prison, en obtenant une grâce présidentielle pour “raisons médicales”. De l’autre, un Président à vie palestinien, représentant non élu d’un “peuple” sans légitimité historique. Le point commun entre ces deux hommes, c’est qu’ils ne représentent rien, ni l’un ni l’autre. Olmert a été désavoué par les électeurs israéliens et envoyé en prison après ses malversations, tandis qu’Abbas aurait dû subir le même sort, s’il était le président d’un Etat démocratique, et non celui d’un régime autoritaire soutenu à bout de bras par la diplomatie française et européenne.
Plus qu’elle ne nous enseigne sur les motivations malveillantes du quai d’Orsay et de l’Elysée (unis pour l’occasion), cette rencontre en dit long sur l’état de décrépitude de la gauche israélienne, dont Olmert - autrefois “Prince du Likoud” issu d’une famille sioniste révisionniste - est devenu le triste symbole aujourd’hui, tout comme Tsipi Livni. Cette gauche qui a amené à Israël des catastrophes répétées depuis 25 ans - des accords d’Oslo au retrait du Sud-Liban et de Gaza - n’a jamais eu le courage et la lucidité de faire son mea culpa. Et plus elle persévère dans l’erreur, plus ses chances de revenir au pouvoir s’amoindrissent.
Le point commun entre ces deux hommes, c’est qu’ils ne représentent rien
Notre tradition nous enseigne que “Les portes du repentir sont ouvertes jusqu’à Hochana Rabba”, que nous fêterons la semaine prochaine. Mais quel repentir espérer de la part d’un homme politique comme Ehoud Olmert, qui n’est sorti de prison que pour publier des mémoires emplies de fiel et d’auto-satisfaction et qui vient maintenant se servir d’un des pires ennemis d’Israël comme d’un marchepied pour un éventuel come-back en politique?
Comme l’écrit ce matin Amnon Lord dans les colonnes d’Israel Hayom, la gauche israélienne et américaine tente de sauver les autocrates iranien et palestinien, rendus obsolètes par la nouvelle politique étrangère américaine du président Donald Trump. Mais cette tentative désespérée pour revenir en arrière échouera, tout comme les précédentes. La fin du grand mensonge palestinien est un fait avéré, et les manoeuvres politiques d’un Macron, d’un Olmert ou d’un Abbas ne parviendront pas à ressusciter les illusions mortelles d’Oslo et du “processus de paix” israélo-palestinien. Hag Saméah!
“La Cour suprême autorise cinq malades de Gaza à se rendre à Jérusalem”. Cette information a fait la “Une” de l’actualité en Israël. Les médias français et occidentaux, eux, l’ont passée à la trappe. Ils préfèrent titrer, comme Libération, “Gaza, génération estropiés”, en faisant passer Israël et le peuple Juif pour des assassins, conformément à l’imagerie antisémite séculaire. Mais mon propos n’est pas ici de déplorer une fois de plus les mensonges des médias occidentaux. La question qui me préoccupe est celle - plus fondamentale, voire cruciale - de notre propre vérité. Qui sommes-nous, ou plutôt qui voulons-nous être? Un modèle de moralité et d’angélisme dans un monde barbare?
Libération : l’imagerie antisémite séculaire
Est-ce que la vocation de “Lumière des nations” que nous assignent nos Prophètes consiste à soigner les proches de nos pires ennemis, ceux qui gardent en otages nos soldats - morts ou vivants - pour obtenir des concessions de notre part, en attendant de lancer un nouvel assaut meurtrier contre nos civils ? Ou peut-être sommes-nous victimes d’une terrible illusion, d’une erreur de perspective à laquelle nous ont habitués des centaines d’années d’existence galoutique, loin des préoccupations de la vie nationale, durant lesquelles nous avons désappris le sens véritable des injonctions bibliques et talmudiques?
Plus encore qu’elle ne nous apprend sur la désinformation et le mensonge permanent des médias occidentaux concernant Israël, la décision de la Cour suprême doit nous faire réfléchir sur la psychologie de nos ennemis et la nôtre, et sur l’asymétrie fondamentale du conflit qui nous oppose à nos voisins. Elle nous invite surtout à comprendre ce que signifie véritablement la vocation morale d’Israël. Loin de vouloir faire l’éloge d’Israël, en démontrant une fois de plus combien nous sommes humains et nos ennemis inhumains, je prétends affirmer ici que notre humanité débordante est un défaut et une faille dans notre cuirasse, que nos ennemis savent exploiter pour nous affaiblir. Et elle n’est même pas conforme à notre Tradition authentique...
Un présupposé d’humanité mensonger
Car la décision de juges siégeant à Jérusalem repose sur un présupposé d’humanité, qui est totalement faux ! Elle fait l’hypothèse que nos ennemis sont des hommes comme nous et qu’en leur montrant un visage d’hommes, nous les inciterons à dévoiler eux aussi leur humanité. Or c’est, hélas, le contraire qui est vrai… Plus nous sommes enclins à faire preuve d’humanité avec eux, plus ils se jouent de nous et se montrent cruels. Cette vérité éternelle avait déjà été énoncée par nos Sages dans le Talmud : « Celui qui a pitié des méchants, finit par se montrer cruel envers les justes… » Le peuple qui vit à Sion a éprouvé dans sa chair la réalité tragique de cet adage, lorsque le gouvernement Sharon, voulant mettre fin à la « cruelle occupation de Gaza », a fait preuve de l’inhumanité la plus flagrante envers les Justes qui peuplaient les yichouvim du Goush Katif.
La synagogue détruite de Névé Dekalim : une inhumanité flagrante
Nous avons lu shabbat dernier la parasha de Ki Tetsé, qui commence par le verset : “Lorsque tu iras en guerre contre tes ennemis, que l'Éternel, ton Dieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers”, au sujet duquel Rachi commente : “Il s’agit d’une guerre facultative, car dans les guerres pour Eretz-Israël il ne saurait être question de faire des prisonniers”. Si nous pensons que les mots de Rachi font encore sens aujourd’hui, alors nous ne pouvons faire l’économie de nous interroger sur la signification de ce commentaire, si terrible puisse-t-il paraître à la conscience juive contemporaine, façonnée par l’idée occidentale d’origine chrétienne, de la dichotomie entre droit et morale, entre pouvoir séculier et religion.
Comment agir face à des loups sauvages?
Dans un article très éclairant écrit après la Deuxième Guerre du Liban, dans la défunte revue francophone Forum-Israël, le rav Oury Cherki abordait la question de “l’éthique juive de la guerre”, et citait une réponse du rav A.I . Hacohen Kook au rav Zaïdel, qui lui avait demandé pourquoi la tradition juive impose des guerres si violentes et parfois si cruelles (1). Le rav Kook répondit :
“Pour ce qui est des guerres, il était impossible à une époque où nos voisins étaient des loups sauvages, que seul Israël ne fasse pas la guerre, car alors, les nations se seraient liguées pour nous exterminer. Bien au contraire, c’était une chose indispensable. Il fallait terroriser les barbares, en employant également des moyens cruels, tout en gardant l’espoir d’amener l’humanité à ce qu’elle devrait être. Mais il ne faut pas avancer le temps, et se croire à l’époque messianique quand on n’y est pas”.
Cette réponse énonce plusieurs vérités très actuelles sur l’attitude qu’Israël devrait adopter face au Hamas. Premièrement, face à un ennemi barbare, on se doit d’être cruel. En d’autres termes, il faut “terroriser les terroristes”. (Et qu’on ne vienne pas nous dire que les civils de Gaza sont “innocents”. Car comme l’explique le Rav Cherki, la distinction entre des soldats “coupables” et des civils “innocents” repose sur un syllogisme erroné). Enfin, l’espoir de faire progresser l’humanité vers des normes morales plus élevées n’est pas aboli, mais il concerne les temps messianiques, qui ne sont pas encore là.
Rav Kook : “Il fallait terroriser les barbares”
Comme je l’écrivais au lendemain du carnage d’Itamar : Nos ennemis ne changeront pas. C’est donc à nous de changer ! Cessons de nous comporter en modèles d’humanisme, en agneaux dans un monde de loups. Devenons une fois pour toutes, comme l’exigeait Jabotinsky, une ‘race fière et cruelle’. Alors que le Hamas se prépare activement au prochain round contre Israël, l’heure n’est pas aux marques d’humanité envers le Hamas, ses dirigeants et leurs familles, mais au renforcement de notre capacité de résistance et de contre-offensive. L’heure est à ‘terroriser les barbares’, selon l’injonction du Rav Kook.
La polémique actuelle autour de l’adoption par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël État-nation du peuple juif” ne peut être comprise sans la replacer dans le contexte de l’intervention grandissante de la Cour suprême dans la vie publique au cours des trois dernières décennies, et de la contestation du caractère juif de l’État par les membres des élites israéliennes post-sionistes. Le présent article, extrait de mon nouveau livre (Israël, le rêve inachevé, à paraître aux Editions de Paris / Max Chaleil), expose le contexte historique de cette controverse.
La récente polémique déclenchée par le vote à la Knesset de la Loi fondamentale définissant Israël comme “l’État-nation du peuple Juif” est une conséquence directe de l’affaiblissement de la notion d’État juif par la Cour suprême. Cette notion était en effet inscrite dans la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël de 1948, qui mentionnait explicitement le “droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain”. L’idée que le nouvel État d’Israël était l’État-nation du peuple Juif était considérée comme une évidence incontestable par ses fondateurs, et elle a été acceptée par la communauté des nations, lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1947.
Comment cette évidence a-t-elle été progressivement remise en question, au point que l’adoption par le parlement israélien de la Loi fondamentale sur l’État juif est aujourd’hui largement dénoncée comme “polémique” ou anti-démocratique ? La réponse à cette question est étroitement liée à l’interventionnisme judiciaire de la Cour suprême, depuis le début des années 1990. C’est en effet cette dernière qui a ébranlé le large consensus qui existait en Israël en 1948, lors de la proclamation d’Indépendance, signée par des représentants de tous les partis, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. En faisant du caractère juif de l’État un sujet polémique et en opposant “État juif” et “État démocratique” - deux réalités qui avaient coexisté sans problème majeur pendant quatre décennies - la Cour suprême a ouvert la boîte de Pandore.
Proclamation de l'Etat d'Israël :
la Loi sur l'Etat-nation est conforme à la Déclaration d'Indépendance de 1948
Dans l’esprit des pères fondateurs du sionisme politique et des premiers dirigeants de l’État d’Israël - au premier rang desquels David Ben Gourion - le caractère juif de l’État n’était en effet nullement contradictoire avec son caractère démocratique. C’est dans cet esprit qu’il a élaboré le fragile équilibre sur lequel ont reposé l’État et ses institutions après 1948. Ben Gourion a fait preuve à cet égard d’une volonté de compromis inhabituelle, qu’il justifie ainsi dans ses écrits : “Sauver la nation et préserver son indépendance et sa sécurité prime sur tout idéal religieux ou antireligieux. Il est nécessaire, dans cette période où nous posons les fondations de l’État, que des hommes obéissant à des préoccupations et à des principes différents travaillent ensemble… Nous devons tous faire montre d’un sage esprit de compromis sur tous les problèmes économiques, religieux, politiques et constitutionnels qui peuvent supporter d’être différés”(1).
En totale contradiction avec cet esprit de compromis, qui a permis aux différentes composantes de la nation israélienne de coexister pendant les premières décennies de l’État, le juge Aharon Barak a adopté une démarche partisane et défendu des positions radicales sur le sujet crucial de l’identité de l’État d’Israël. Sous couvert de concilier les valeurs juives et démocratiques de l’État d’Israël, Barak a en effet mené un véritable combat contre tout particularisme juif de l’État. Au nom d’une conception bien particulière des “valeurs universelles” (“les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif sont les valeurs universelles communes aux membres d’une société démocratique” (2)), la Cour suprême a pris toute une série de décisions marquantes, dont le point commun était de réduire à néant le caractère juif et sioniste de l’État.
Ces décisions ont tout d’abord concerné principalement des questions religieuses, comme les conversions non orthodoxes (effectuées par les mouvements juifs réformés et « conservative »), ou bien le respect du shabbat sur la voie publique. Sur toutes ces questions, le juge Barak a fait preuve d’un esprit antireligieux militant, qui a suscité, en réaction, d’immenses manifestations contre la Cour suprême, organisées par le public juif orthodoxe au milieu des années 1990. Mais il s’est avéré par la suite que la doctrine Barak n’était pas dirigée uniquement contre le judaïsme orthodoxe, mais tout autant contre les valeurs fondamentales du sionisme politique.
La décision la plus marquante à cet égard a été celle de la Cour suprême dans l’affaire Kaadan. Il s’agissait d’une famille arabe qui avait voulu acheter une parcelle de terrain dans le village juif de Katzir, créé par l’Agence juive sur des terres domaniales appartenant à l’État. Dans cette affaire, le juge Barak a pris le contre-pied de la politique traditionnelle d’implantation juive en Israël, qui remonte aux débuts du sionisme, bien avant la création de l’État. L’arrêt de la Cour suprême, rédigé par Barak, affirmait ainsi que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres domaniales à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ». En d’autres termes, la Cour suprême prétendait disqualifier toute l’entreprise de peuplement juif menée par l’Agence juive depuis les débuts du sionisme politique, au nom de sa conception de l’égalité.
C’est dans ce contexte de remise en cause progressive des fondements du sionisme par la Cour suprême - et plus largement, par une partie des élites israéliennes dont elle est représentative - qu’il faut comprendre la récente polémique autour de la Loi fondamentale sur l’État-nation. En réalité, celle-ci n’ajoute rien de nouveau à la Déclaration d’Indépendance. L’opposition virulente qu’elle a suscité s’explique surtout par l’effritement progressif du consensus sioniste, mis à mal par l’assaut de l’idéologie post-moderne et post-sioniste qui a triomphé à l’époque des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette période a été marquée par une véritable “révolution culturelle” (3) - concomitante à la “révolution constitutionnelle” que nous avons décrite plus haut - qui a vu les notions fondamentales du sionisme politique remises en cause par une large partie des élites intellectuelles de l’État d’Israël, dans le monde universitaire, celui de l’art et de la culture, les médias, etc.
Un de ceux qui a le mieux exprimé cette révolution culturelle a été l’écrivain David Grossman, qui écrivait dans un article publié en septembre 1993, intitulé “Imaginons la paix” (4) : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” - voire un retrait total - de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”... Comme être un “peuple spécial”... Renoncer au pouvoir en tant que valeur. A l’armée elle-même en tant que valeur…” Ce que nous dit Grossman - et ce qu’ont exprimé à l’époque des dizaines d’autres intellectuels partageant la même idéologie - c’est qu’il était prêt à renoncer à tous les éléments essentiels de l’ethos sioniste (ou “régions de notre âme”), pour transformer l’État juif en État de tous ses citoyens, c’est-à-dire en État occidental dans lequel les Juifs n’auraient plus aucune prérogative nationale.
“Renoncer aux territoires de notre âme” - David Grossman
C’est au nom de la même idéologie radicale que d’autres intellectuels ont prétendu abroger la Loi du Retour, fondement de l’immigration juive en Israël et pilier de l’existence nationale dans l’esprit de David Ben Gourion, son principal artisan, qui la considérait comme “la quintessence de notre État”. Mais la révolution culturelle entreprise à l’époque des accords d’Oslo a échoué. Elle a doublement échoué : une première fois, dans le feu et le sang du terrorisme palestinien, qui a anéanti les espoirs chimériques de mettre fin au conflit par des concessions territoriales. Et une seconde fois, lorsque les Israéliens ont rejeté par les urnes, à une large majorité, l’idéologie post-sioniste qui avait brièvement triomphé lors de la révolution culturelle menée par les opposants de l’État juif.
Les citoyens israéliens ont en effet exprimé, à de nombreuses reprises, leur attachement aux valeurs fondamentales du sionisme politique et à la notion d’État juif, décriée par une partie des élites intellectuelles. Le “retrait total des régions de notre âme” promu par David Grossman n’a pas eu lieu, parce que les Israéliens ont refusé, dans leur immense majorité, cette entreprise d’auto-liquidation nationale. Ils ont signifié qu’ils étaient attachés à la Loi du Retour et aux notions de ‘pureté des armes’ et de ‘peuple spécial’ tournées en ridicule par Grossman, et que leur âme juive vibrait encore. Ils ont signifié leur attachement indéfectible aux valeurs juives traditionnelles, à l’armée d’Israël (où le taux d’engagement dans les unités combattantes n’a pas faibli, malgré l’idéologie pacifiste) et à “l’espoir vieux de deux mille ans d’être un peuple libre sur sa terre”, selon les mots de l’hymne national.
Pierre Lurçat
Notes
(1) David Ben Gourion, in Hazon ve-Derekh, cité par Avraham Avi-Hai, Ben Gourion bâtisseur d’État, p. 120.
(2) A. Barak, “The constitutional Revolution : Protected Human Rights”, Mishpat Umimshal, cité dans La trahison des clercs d’Israël, La Maison d'Edition 2016 p. 131.
(3) J’emprunte cette idée et d’autres au livre très riche de Yoram Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007.
Nouveau dessin antisémite de Willem : le stéréotype du Juif sanguinaire remis au goût du jour
Les historiens des futures générations devront s’interroger sur le rôle des médias dans le renouveau de l’antisémitisme en France depuis le début des années 2000. Un historien du temps présent, Pierre-André Taguieff, a justement parlé de “l’antisémitisme de plume” à propos des écrivains et universitaires qui ont mis leur plume au service de l’antisémitisme sous le régime de Vichy. Mais comment qualifier ceux qui publient, encore aujourd'hui, des caricatures aux thématiques antisémites évidentes, 70 ans après la Shoah? Que penser d’un dessinateur comme Willem, qui revient régulièrement sur la thématique antisémite du Juif sanguinaire et du Juif assassin, dans les colonnes du quotidien français à grand tirage Libération? Nous donnons ici au lecteur les pièces et lui laissons le soin de répondre à cette question.
Pierre Lurçat
Le dernier dessin antisémite de Willem
Commentaire du journaliste français Clément Weil Raynal (sur Twitter) : “Tous les poncifs de l'antisémitisme ranci dans ce dessin de Willem publié par Libé . Le juif orthodoxe (ce n'est pas un soldat, pourtant) rendu coupable de la mort des enfants palestiniens. Remise au goût du jour de la bonne vieille accusation de crime rituel”.
Le caricaturiste Willem y montre la colombe de la paix tenue dans les crocs d’un molosse au visage de Donald Trump, pour la plus grande joie de son maître… Benyamin Netanyahu. En arrière-plan, on aperçoit les victimes de cette scène, dont tout le monde comprend bien qu’il s’agit des Palestiniens. Ces derniers expriment leur mécontentement à leur manière… en lançant des pierres.
Le Juif qui manipule les politiciens des autres nations, un vieux stéréotype antisémite
La relation chien-maître renvoie à un thème bien connu de l’antisémitisme : le Juif maléfique et maître du monde, surpuissant, qui tire les ficelles et manipule tout. Accusation suprême, il détruit la paix (comme si le terrorisme palestinien et les lointains lanceurs de pierres du dessin n’y avaient aucune responsabilité…).
Représenter Netanyahu et Trump ligués contre le reste du monde renvoie même directement au « complot américano-sioniste », qui n’est que la version modernisée du « complot juif mondial » popularisé par les Protocoles des Sages de Sion. Le philosophe et historien Pierre-André Taguieff a mené une étude approfondie de ce phénomène.
SUITE SUR http://infoequitable.org/dans-liberation-un-dessin-aux-forts-relents-antisemites/
Deux précédents de 2001 - Lire l'analyse de M. Macina sur
http://www.debriefing.org/18567.html
(Dessin de Willem dansLibé)"Viande kasher qui rapporte gros et ne coûte pas cher" 7 février 2001 Dessin de Soupaut,Au Pilori, 27 septembre 1940
Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat
“Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.
Isaïe 49, 17
Depuis le vote par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël Etat-nation du peuple Juif”, les opposants à la loi en Israël, relayés par certains médias internationaux hostiles à Israël, propagent de nombreuses contre-vérités à son sujet, par ignorance ou par malveillance. Le présent article vise à rétablir certaines vérités fondamentales sur ce sujet important.
Une “loi controversée”, partisane et “contraire aux principes fondateurs de l’Etat d’Israël?”
“Loi controversée” : par cette expression, les médias entendent discréditer le contenu de la loi avant même de l’avoir exposé. En réalité, cette loi fondamentale a été adoptée par une majorité absolue de 62 députés de la Knesset contre 55. (A titre de comparaison, la “Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaine” avait été adoptée en 1992 à une majorité de 32 voix contre 21). A noter : le principal artisan de la Loi, Avi Dichter, était au moment où il a entamé le travail législatif, il y a huit ans, membre du parti centriste Kadima, aux côtés de Tsippi Livni, qui mène aujourd’hui la campagne de l’opposition contre la Loi, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas d’un texte partisan ou “d’extrême-droite”...
Une loi qui bouleverse le statu-quo, et transforme Israël en Etat-nation du peuple Juif?
Selon certains de ses opposants, cette loi serait contraire aux “fondements d’un Etat juif et démocratique” (selon les termes de la pétition signée par plusieurs centaines d’intellectuels israéliens, qui ne l’ont apparemment pas bien lue). En réalité, la Loi fondamentale s’inscrit dans la suite logique de la Déclaration d’indépendance de 1948, dont elle reprend les éléments essentiels. Elle ne “transforme” pas Israël en Etat-nation du peuple Juif, ce qu’il a toujours été conformément aux principes du sionisme politique et à la volonté de ses pères fondateurs. La loi se contente, plus modestement, de réaffirmer le caractère juif de l’Etat et le droit à l’autodétermination du peuple Juif dans le cadre d’un Etat-nation, deux notions essentielles qui étaient largement considérées comme acquises depuis 1948 et faisaient depuis toujours partie du consensus à l’intérieur d’Israël.
Une loi contraire à la Déclaration d’indépendance de 1948?
C’est sans doute la contre-vérité la plus flagrante. Non seulement la Loi fondamentale n’est pas contraire à la Déclaration d’Indépendance, mais elle vient en réalité réaffirmer les principes essentiels de cette dernière. Pourquoi? Parce que le consensus exprimé dans la Déclaration d’indépendance de 1948 a été largement érodé au cours des dernières années, et notamment depuis que la Cour suprême a entrepris de porter atteinte au caractère juif de l’Etat d’Israël, depuis le début des années 1990, en prétendant remplacer l’Etat juif par un “Etat de tous ses citoyens”, selon la volonté affichée de son président, le juge Aharon Barak (1).
David Grossman, emporté par l’excès et l’emphase
Une loi excluant les minorités non juives de la pleine citoyenneté = une loi d’apartheid?
Cette accusation est la plus dangereuse de toutes, car elle accrédite la notion d’un “Etat d’apartheid” utilisée depuis des décennies par les ennemis d’Israël, notion à laquelle des intellectuels israéliens renommés apportent aujourd’hui leur caution morale. C’est ainsi que l’écrivain David Grossman écrit, dans les colonnes de Ha’aretz (repris et traduit intégralement par Libération), que “le Premier ministre d’Israël s’est déterminé à ne pas mettre fin à l’occupation et à la situation d’apartheid dans les Territoires occupés, mais, au contraire, à les intensifier et à les transférer de ces territoires au cœur de l’Etat d’Israël”. Ce faisant, il commet une double erreur. Erreur historique et politique tout d’abord, car il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de situation d’apartheid en Israël, ni à l’intérieur de la “ligne verte”, ni dans les territoires de Judée-Samarie (2).
Erreur morale ensuite, parce qu’en accusant le gouvernement de vouloir instaurer un régime d’apartheid à l’intérieur d’Israël, Grossman n’efface pas seulement la frontière physique entre le “petit Israël” d’avant 1967 et les territoires bibliques de Judée et de Samarie. Il abolit aussi et surtout la mince frontière rhétoriquequi séparait encore, jusqu’à hier, la gauche sioniste de l’extrême-gauche antisioniste. En considérant désormais que la “réalité d’apartheid” - qu’il avait auparavant cru déceler dans les “territoires occupés” - menace l’ensemble de l’Etat d’Israël, David Grossman laisse sa pensée dériver, emporté par l’excès et l’emphase, au point de rejoindre dans son discours les contempteurs les plus radicaux du sionisme. Sa dénonciation de “l’apartheid” est désormais reprise par les médias du monde entier, et pas seulement par ceux qui ont fait de la détestation d’Israël leur marque de fabrique.
La dérive de la gauche israélienne
Entraînés par le courant de leur détestation envers B. Nétanyahou, les intellectuels de la gauche israélienne sont en train de franchir allègrement toutes les lignes rouges et de détruire les derniers éléments restés encore intacts du consensus national, déjà largement effrité par les accords d’Oslo et par le retrait de Gaza. Cette fuite en avant de la gauche israélienne se traduit notamment par son jeu dangereux à l’égard de la minorité druze, dont elle incite certains éléments radicaux (qui sont loin de représenter l’ensemble du public druze), en risquant de mettre à mal l’alliance scellée dans le sang des soldats de Tsahal, établie depuis 70 ans entre druzes et Juifs en Israël.
L’alliance scellée dans le sang entre Juifs et druzes
Comme l’écrit dans les colonnes d’Israel Hayom l’éditorialiste Amnon Lord, observateur attentif de la vie politique israélienne, et notamment de la gauche dont il est lui-même issu, “un grand écrivain israélien (3) a affirmé autrefois que “l’histoire juive tout entière nous montre que l’élite juive a toujours été en danger de faillite morale, alors que le petit peuple (N.d.T. “Am’ha” en hébreu) a constitué la colonne vertébrale du peuple Juif. Il en a été ainsi à l’époque du Premier et du Deuxième Temple, et aussi à la veille de la Shoah. L’élite a toujours été encline à l’auto-destruction. L’identité juive a été préservée par le petit peuple”. Et Amnon Lord conclut: “La Loi sur l’Etat-nation a été conçue pour le petit peuple. L’Etat juif a été fondé pour que des brutes - intellectuelles et physiques - ne viennent plus menacer les Juifs”. Ou pour dire les choses en d’autres termes, ceux du prophète Isaïe que nous avons lus samedi dernier dans la Haftara, “Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.
2. Dans un discours prononcé à l’occasion du Jour des soldats tombés en Israël, David Grossman avait déjà dénoncé la “réalité d’apartheid dans les territoires occupés” (thème devenu son cheval de bataille depuis son livre Le vent jaune paru en 1988).
3. J’invite mes lecteurs perspicaces à trouver le nom de cet écrivain, qui n’est pas mentionné par Amnon Lord, et à me soumettre leurs suggestions à pierre.lurcat@gmail.com
Prochaine formation à l'examen d'agent immobilier à Jérusalem / Tel-Aviv
Formation à l’examen d’agent immobilier israélien
Session août-septembre 2018 – Tel Aviv
La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du 28 août au 5 septembreà Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 23 octobre 2018. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, les élèves pourront obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à leur compte. * Une formation est également prévue à Jérusalem, me contacter.
J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !
Niveau d'hébreu exigé
Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir un très bon niveau de lecture pour suivre le cours. Un niveau moyen est suffisant, à condition de fournir un travail personnel en plus des cours de préparation.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 050 286 5143 ou 06 80 83 26 44 (France).
Pierre Lurçat, avocat au barreau israélien, spécialiste de la formation aux examens de droit