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islamisme

Ramadan : la question occultée - L’islam, la violence et le sacré, Pierre Lurçat

March 6 2024, 08:42am

Posted by Pierre Lurçat

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

L’observateur attentif de l’actualité, en France, en Israël ou ailleurs, n’aura pas manqué de constater que le mois du Ramadan, mois le plus sacré du calendrier musulman, est aussi celui marqué chaque année par une vague de violences. Ce “secret” est évidemment bien gardé par les médias et les hommes politiques occidentaux, qui préfèrent s’afficher lors de repas de l’Iftar et faire des déclarations d’amitié et de “dialogue interreligieux”. Mais ce n’est pas sur la question de cette attitude – marquée par l’hypocrisie ou par la condescendance – que je voudrais m’interroger ici. Une question plus essentielle encore est en effet de savoir comment s’explique ce lien entre violence et sacré. Est-il intrinsèque à l’islam et peut-il dans ce cas être modifié ?

 

La première réponse possible est qu’il ne s’agit pas de l’islam tout entier, mais d’une branche bien particulière de l’islam – à savoir, l’islam politique des Frères musulmans, dont sont issues les principaux mouvements islamistes (du Hamas à Al-Qaïda), comme je l’ai montré dans mon livre Le sabre et le Coran. Effectivement, la plupart des attentats terroristes à notre époque émanent de mouvements radicaux qui partagent tous une vision particulière de l’islam, dans laquelle le Djihad a été érigé en “sixième pilier”’ de l’islam. Quoique juste, cette réponse est loin d’épuiser le sujet. Elle risque au contraire d’obscurcir la question.

 

Violence de l’islam ou violence dans l’islam ?

 

En réalité, le problème de la violence dans l’islam est intrinsèquement lié à l’islam en tant que religion, en tant que culture et en tant que civilisation : on doit ainsi parler de la violence de l’islam et pas seulement de la violence dans l’islam. A cet égard, l’islamisme (ou l’islam politique) n’est pas, comme l’avait cru l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb, une “maladie de l’islam”, mais bien son expression la plus authentique qui soit. Israël l’a encore appris à ses dépens le 7 octobre dernier… Le Hamas, comme je l’ai écrit depuis lors, parle le langage de l’islam et c’est la raison principale de son succès au sein de la population de Gaza et ailleurs.

 

Une autre réponse est donnée par Marie-Thérèse Urvoy dans un livre récent. Le Coran lui-même, explique-t-elle, est marqué par une “ambiguïté initiale” et par une “tension interne entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde”. La vie même du Prophète permet de comprendre cette dualité. En effet, dans sa période mecquoise, celui-ci est persécuté et se considère comme victime, ce qui l’amène à prêcher la patience et le pardon des offenses. Plus tard, devenu un chef de guerre victorieux, il appelle au djihad physique contre les mécréants, proclamés ennemis de l’islam. L’orientation guerrière du texte coranique apparaît ainsi dans la fameuse Sourate 9, qui appelle au “combat dans le Sentier de Dieu”, expression promise à un brillant (et sanglant) avenir.

 

La troisième réponse tient à ce que René Girard appelait dans son livre La violence et le sacré le “désir mimétique”, qui engendrait la violence dans les sociétés primitives. A de nombreux égards, l’islam n’a pas réussi à dépasser cette étape de l’histoire commune aux grandes religions, et reste jusqu’à ce jour empêtré dans une vision binaire du monde, où la violence demeure la clé d’appréhension et de résolution des conflits. Comment l’islam, auquel la notion même d'histoire est largement étrangère, pourra-t-il évoluer et faire son aggiornamento ? La réponse appartient aux musulmans eux-mêmes. Quant à l’Occident, il devrait soutenir toutes les forces progressistes et réformistes authentiques au sein du monde musulman, au lieu de chercher des alliances contre nature avec les Frères musulmans et leurs épigones.

Pierre Lurçat

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Comprendre le langage de l’ennemi (II) : le Hamas parle-t-il au nom de l’islam ?

November 8 2023, 10:18am

Comprendre le langage de l’ennemi (II) : le Hamas parle-t-il au nom de l’islam ?

Une pétition signée par une poignée d’intellectuels musulmans de langue française déplore que le slogan « Not in my name » n’ait pas suffisamment retenti lorsque la barbarie a frappé Israël. Leur texte est courageux et révélateur : aux yeux de la majorité des musulmans, en France et ailleurs, la barbarie du Hamas n’est pas condamnable. Ce constat terrible, qu’on préfère souvent passer pudiquement sous silence (à l’instar du rabbin Haïm Korsia), a des explications multiples, tant sociopolitiques que culturelles. Mais la première explication tient au fait très simple que les exactions du Hamas s’inscrivent dans une longue tradition, que l’islam n’a jamais été capable de répudier : la tradition du djihad.

 

Comme l’explique l’historienne Bat Ye’or dans une récente interview, « l’agression du Hamas contre l’Etat d’Israël et ses civils » est « un acte s’inscrivant dans la tradition juridique djihadiste, son éthique, sa stratégie et ses tactiques. L’histoire des conquêtes islamiques sur trois continents regorge de tels récits ». Ce constat d’une historienne qui a consacré sa vie à l’étude du djihad et de son pendant, la dhimmitude, est tellement aveuglant qu’on préfère généralement s’en détourner, pour se persuader qu’il existe une autre « version » de l’islam, qu’on dénomme tantôt « islam quiétiste », « islam spirituel » ou « islam des lumières ». Mais cela relève malheureusement de l’auto-intoxication, car cet autre islam n’existe le plus souvent que dans l’imagination des Occidentaux.

 

Si la barbarie du Hamas (similaire à celle de l’Etat islamique et des autres mouvements djihadistes contemporains) n’est pas condamnée par les représentants officiels de l’islam, en France et dans le monde, c’est pour la raison à la fois simple et profonde, que cette barbarie ne constitue pas un « écart », une transgression ou une violation des principes de l’islam. Elle constitue tout au plus l’application la plus rigoriste et la plus sanguinaire des principes du djihad, tels qu’ils ont été codifiés et appliqués pendant des siècles de conquête musulmane.

 

C’est ce qui rend le combat contre le Hamas si difficile : les terroristes du Hamas se fondent en effet dans la population de Gaza comme un « poisson dans l’eau », pour reprendre l’image du président Mao Zedong. Ils sont chez eux à Gaza, et leurs exactions sont acceptées comme conformes à la culture ambiante. Les civils de Gaza qui ont pris part aux viols, aux tueries et aux actes barbares commis le 7 octobre dans les kibboutz frontaliers de Gaza n’étaient pas entraînés, ou appelés en renfort par le Hamas : ils se sont joints spontanément à la « razzia » contre l’ennemi juif.

 

Le Hamas parle le langage de l’islam

 

Le Hamas n’est pas seulement au pouvoir à Gaza depuis le retrait désastreux orchestré par Ariel Sharon en 2005, il est également présent en Judée-Samarie. Mais sa présence ne repose pas seulement sur la domination politique et sur la terreur qu’il exerce régulièrement contre ses opposants. Elle s’appuie également sur la porosité entre son discours et les thématiques de l’islam traditionnel. Le Hamas parle le langage de l’islam, celui que tous les musulmans pratiquants dans le monde entier connaissent et dans lequel ils ont grandi.

 

Nous en donnerons un seul exemple : celui du Hadith de la pierre et de l’arbre. Ce hadith (dire attribué au prophète) est cité à l’article 7 de la Charte du Hamas. « L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le ! »

 

Ce hadith a été récemment invoqué par l’imam de Beaucaire, petite ville du département du Gard, dans le sud de la France. Lorsque l’imam a été inculpé et poursuivi devant le tribunal correctionnel, il a déclaré pour sa défense : « C’est le récit de ce qui va se passer à la fin des temps ». Cette réponse exprime en toute simplicité ce que pensent des millions de musulmans à travers le monde. Elle signifie que la guerre contre le Hamas n’est pas seulement une guerre contre le terrorisme, ou contre un territoire (Gaza) : elle est aussi, comme l’ont bien compris les amis d’Israël dans le monde, une guerre de civilisation. C’est ce qui la rend difficile et longue. Mais « le peuple éternel n’a pas peur d’un long chemin ». Jusqu’à la victoire ! Ad hanitsahon!

P. Lurçat

 

Comprendre le langage de l’ennemi (I) : Les Juifs et Israël dans la vision du monde de l’islam et du Hamas, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

 

Éditions L’éléphant

Paris-Jérusalem, le 7/11/2023

 

COMMUNIQUÉ:

PARUTION DU LIVRE “FACE A L’OPACITÉ DU MONDE”

 

L’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre est le résultat de la combinaison  entre l’archaïque et le numérique, entre une idéologie barbare et une technologie moderne (celle qui a permis de tromper les renseignements militaires israéliens). Or, cette combinaison n’est pas un élément isolé; elle décrit très bien la réalité de notre monde au XXIe siècle, où le développement technologique se déploie de manière concomitante avec un abêtissement généralisé et une incapacité de distinguer entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

 

Ce n’est pas seulement le rêve illusoire de la «paix maintenant » qui a volé en éclats le 7 octobre, mais aussi, sans doute, celui d’une certaine intelligibilité du monde. L’ère de la surinformation qui est la nôtre est aussi celle d’une opacité grandissante des événements, face à la multiplicité des interprétations et des opinions individuelles, érigées en vérités. Comment comprendre l’attitude de ces étudiants juifs américains manifestant contre la riposte israélienne à Gaza, sur les campus des universités les plus prestigieuses et, plus généralement, de tous ceux qui établissent une équivalence morale entre les victimes des exactions du Hamas et les victimes civiles à Gaza? Comment expliquer que des gens intelligents croient à des idées folles?

 

Contrairement à la promesse mensongère de plus grande accessibilité du monde, sur laquelle repose toute l’industrie des nouveaux médias, le monde n’a jamais été aussi opaque et insaisissable qu’il ne l’est devenu aujourd’hui. C’est précisément parce que nous sommes submergés d’informations que nous ne savons plus qui croire, entre les médias traditionnels et leurs concurrents numériques, entre la multitude d'opinions et d'analyses qu'aucun critère ne permet de différencier, dans l’océan d’Internet dont aucune balise ne permet de déchiffrer la cartographie invisible.

 

L’auteur

Né à Princeton, Pierre Lurçat a grandi à Paris et vit à Jérusalem. Il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes tirés de la sagesse juive (Presses du Chatelet), Israël, le rêve inachevé (éditions de Paris), et Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Il a fondé en 2021 la Bibliothèque sioniste.



 

Les demandes de service de presse (papier ou numérique) doivent être adressées à editionslelephant@gmail.com

 

www.editions-elephant.com

Comprendre le langage de l’ennemi (II) : le Hamas parle-t-il au nom de l’islam ?

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Réformer l'islam ou le combattre ? Pierre Lurçat

August 28 2022, 14:43pm

Posted by Pierre Lurçat

Réformer l'islam ou le combattre ? Pierre Lurçat

(Article paru dans la revue Commentaire, été 2022)

            L’islamisme est-il la “maladie de l’islam”, pour reprendre l’expression de l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb, ou bien exprime-t-il l’islam authentique, comme le prétendent les islamistes qui se comparent aux “Compagnons du Prophète” ? Ou, pour poser la question autrement, Oussama Ben Laden et ses émules sont-ils de bons musulmans, fidèles aux enseignements de l’islam, ou au contraire des extrémistes qui ont perverti le message du Coran?  Cette question déjà ancienne divise les spécialistes de l’islam contemporain. Mais elle n’intéresse pas seulement les universitaires et les islamologues, car son enjeu n’est pas purement théorique.

 

En effet, si l’islamisme est une hérésie et une déviance par rapport à l’islam authentique, il peut être combattu par tous ceux qui s’opposent à son projet dominateur, en Occident comme au sein des sociétés musulmanes. Et la guerre contre l’islam radical a de bonnes chances de s’achever par une victoire à plus ou moins long terme, comme celles menées contre le fascisme et le nazisme au 20e siècle. Mais s’il exprime l’islam authentique, alors nous sommes véritablement plongés dans un conflit de civilisation, qui peut durer encore pendant des décennies, voir des siècles, et dont l’issue demeure incertaine.

 

            Le nouveau livre de Marie-Thérèse Urvoy apporte des réponses informées à cette question cruciale. Intitulé “Islam et islamisme, frères et ennemis ou frères siamois”, il va chercher la réponse au cœur du texte fondateur de l’islam, le Coran, marqué par une “ambiguïté initiale” que l’auteur qualifie de “tension interne au Coran entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde”. La vie même du Prophète permet de comprendre cette dualité. En effet, dans sa période mecquoise, celui-ci est persécuté et se considère comme victime, ce qui l’amène à prêcher la patience et le pardon des offenses. Plus tard, devenu un chef de guerre victorieux, il appelle au djihad physique contre les mécréants, proclamés ennemis de l’islam. L’orientation guerrière du texte coranique apparaît ainsi dans la fameuse Sourate 9, qui appelle au “combat dans le Sentier de Dieu”, expression promise à un brillant (et sanglant) avenir…

 

            Cette transformation s’accompagne de celle d’une religion (dont le livre n’aborde pas la question, fort intéressante, des liens avec le judaïsme, que Mohammad a connu à la Mecque) en un “système juridico-politique militant”. Cette transformation est acceptée par tous, et la violence initiale est admise comme un “mal nécessaire”. L’islam se définissant dès l’origine comme une “communauté” (la fameuse Oumma), se pose la question de savoir qui en fait partie. Dès l’époque du Prophète, des tendances concurrentes se font jour au sein de la nouvelle religion. Ainsi, note l’auteur, apparaissent d’emblée l’opposition entre extrémistes et modérés et la compétence que s’octroient les premiers de proclamer “infidèles” ceux qui refusent de suivre le Prophète dans son hégire, le takfir. “La théorie islamique de la rébellion”, explique l’auteur, “essaie de concilier l’impératif de la communauté et celui de l’ordre”.

 

Dans un chapitre  particulièrement instructif consacré à l’idée de réforme de l’islam, l’auteur montre comment la notion islamique de tajdid fait  à la fois référence au renouveau (au sens de réforme) et à la restauration. Ce double sens paradoxal tient au fait que dans “selon la conception islamique de l’histoire, exprimée dès le Coran, tout l’essentiel pour l’homme a été donné d’emblée et l’histoire n’apporte jamais du nouveau que sous l’aspect d’une dégradation de cette plénitude initiale”. On comprend dès lors l’ambiguïté fondamentale, qui réside au cœur même du projet de “réforme islamique”, mené au tournant du 20e siècle par des penseurs comme Al-Afghani ou Abduh. Ceux-ci, loin d’avoir remis en question les dogmes fondamentaux de l’islam, lui ont simplement permis de s’adapter à la modernité et ont préparé le terrain pour l’apparition du mouvement des Frères musulmans et de ses différents épigones. Une autre différence essentielle tient à l’absence de magistère en islam, contrairement au christianisme. On comprend dès lors comment des musulmans, parfois de fraîche date, peuvent s’instaurer eux-mêmes comme “autorités” et prononcer des fatwas ou appeler au djihad.

 

            “Violence de l’islamisme ou de l’islam lui-même ?”, interroge Urvoy. Le Coran lui-même comporte des versets guerriers et d’autres plus pacifiques, qui correspondent grosso modo aux deux périodes de la vie du Prophète évoquées ci-dessus. Mais la supériorité de l’islam est un pilier essentiel de la croyance musulmane. Un autre problème inhérent à l’islam est le fait qu’il n’admet pas la neutralité, et ne connaît guère l’esprit critique… Cela explique pourquoi les dissidents au sein du monde musulman actuel sont obligés d’abandonner leur foi, devenant ainsi des apostats.

 

Au terme de son analyse érudite et minutieuse, l’auteur répond à la question centrale du livre, en partant du constat que “islamistes et musulmans ordinaires ont le même appareil de références”. Elle rejette la notion d’un “islam des Lumières” – citant au passage les esprits les plus éclairés comme Averroès, partisan avéré du régime almohade fanatique, ou Ibn Khaldum, qui se fait l’apôtre de la terreur. Marie-Thérèse Urvoy ne propose pas de “solution”, mais son diagnostic est sans appel : “L’Occident [est] consumé par le doute sur les valeurs de sa civilisation, ravagé par ses divisions, dévasté par les idéologies d’importation et par celles cultivées par ses propres élites, avide de mythes exotiques – du bon sauvage hier au bon migrant aujourd’hui –, enfin miné par le multiculturalisme obsessionnel”. La force de l'islam/isme est aussi et avant tout la conséquence de la faiblesse de l'Occident.

 

            Pierre Lurçat

 

Islam et islamisme, frères ennemis ou frères siamois, de Marie-Thérèse Urvoy, Artège 2021

 

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