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islam ou islamisme?

Rencontres israéliennes : Michaël Ben Ari, un historien en quête de la vérité sur l’islam

June 30 2024, 10:32am

Posted by Pierre Lurçat

Rencontres israéliennes :  Michaël Ben Ari, un historien en quête de la vérité sur l’islam

 

J’avais rencontré Michaël Ben Ari pour Israël Magazine en 2010, alors qu’il était député à la Knesset (dans les rangs du parti “Ihoud Haleumi”). A l’époque, son attaché parlementaire était un certain… Itamar Ben Gvir, qui a fait depuis bien du chemin. Entretemps, Ben Ari a été interdit de se présenter à la 21e Knesset, pour “incitation au racisme”, sur décision de la Cour suprême, qui avait alors annulé la décision de la Commission électorale autorisant sa candidature. Douze ans après notre première rencontre, l’homme n’a guère changé au premier abord ; il est toujours aussi affable et passionné.

 

Notre entretien a lieu dans un petit café du quartier de Givat Tsarfatit, au nord de Jérusalem. Ben Ari est un homme pressé, car il vient tout juste d’achever son dernier livre, intitulé La vision et le sabre (en hébreu). Je lui raconte avoir publié il y a vingt ans un livre au titre presque identique, Le sabre et le Coran, portant sur un sujet similaire : l’islam des Frères musulmans. Nous évoquons les fondateurs du mouvement des Frères musulmans, Hassan al-Banna et Said Qutb. Ce dernier, lors d’un voyage aux Etats-Unis dans les années 1950, avait dirigé ses critiques acerbes contre l’Occident, lieu de déprédation et de superficialité.

 

Tout ce qu’il a écrit à l’époque était vrai…”, m’explique Ben Ari avec un brin de provocation. Comment en est-il venu à s’intéresser aux Frères musulmans et à consacrer quatre années à enquêter sur le thème de son livre ? “Au départ, j’ai voulu comprendre l’état d’esprit des Arabes israéliens… Petit à petit, j’ai remonté l’histoire jusqu’à la création des Frères musulmans, et finalement jusqu’aux débuts de l’islam”. Une des questions qui obsédait Ben Ari, bien avant le 7 octobre, est celle de savoir pourquoi nous sommes incapables de comprendre nos ennemis.

 

M. B.-A. Nous sommes devenus une société très matérialiste, qui juge le monde entier à l’aune du Dow Jones… Le concept de sainteté nous est devenu étranger.

C’est selon lui la racine de notre incompréhension de l’islam.

P.L. Pourtant, nos soldats se battent et sont prêts à donner leur vie…

M. B.-A. Nous sommes prêts à nous battre pour défendre nos vies, mais pas pour défendre notre terre. Si on nous proposait demain de donner la Judée-Samarie contre la paix, nous serions prêts à y renoncer !

 

Mon interlocuteur m’explique comment les Frères musulmans ont réussi à faire triompher leur vision du panislamisme, au détriment de leurs adversaires idéologiques au sein du monde arabo-musulman, le nationalisme et le panarabisme.

M. B.-A. Aujourd’hui, un immigré syrien qui débarque à Marseille est accueilli par la communauté musulmane locale, qui lui trouve un emploi et une école pour ses enfants… Je décris dans mon livre le programme politique des Frères musulmans, qui a été appliqué avec succès par le Hamas à Gaza. Ils ont commencé par créer des associations sportives et caritatives, avant de devenir une organisation militaire.

 

Pour écrire ce livre, Ben Ari – qui est spécialisé dans l’histoire du Second Temple – s’est plongé dans les textes des pères fondateurs des Frères musulmans, dont certains sont traduits en hébreu. Nous abordons le sujet des islamologues israéliens.

M. B.-A. Nous avons des islamologues compétents, mais ils refusent de voir la vérité et de l’exprimer sans fard, comme l’avait fait Samuel Huntington, qui avait écrit que les frontières de l’islam sont scellées par le sang.

Aux yeux de Ben Ari, la plupart des islamologues refusent de dire la vérité, allant jusqu’à expliquer que le mouvement islamiste arabe israélien n’a rien à voir avec les Frères musulmans !

 

P.L. Est-ce que nous ne savons pas, ou bien est-ce que nous refusons de savoir ?

M. B.-A. Nous refusons de savoir. Car nous sommes incapables d’affronter la vérité… Accepter de voir que nous avons laissé grandir un monstre qui veut nous détruire, et que le plus gentil de nos voisins arabes et le médecin le plus compétent à l’hôpital partagent la vision de l’islam, dans laquelle il n’y a pas de place pour les Juifs… Peut-être qu’il ne participera pas lui-même aux attentats, mais il les soutiendra financièrement. Les Frères musulmans représentent l’islam authentique, or l’islam est obligé de conquérir le monde. S’il ne le fait pas, cela veut dire que le Prophète s’est trompé…

 

P.L. Votre livre montre que le problème ne se limite pas à l’islam politique, ou à l’“islam radical” des Frères musulmans, car il concerne bien l’islam tout entier.

M. B.-A. Absolument. C’est précisément la raison pour laquelle l’Occident refuse de voir la vérité. Il refuse d’admettre que le conflit actuel est une guerre de civilisation, dans laquelle l’ennemi est l’islam tout entier. Nous préférons fermer les yeux et nourrir l’islam radical en notre sein, plutôt que d’affronter la vérité et d’en tirer les conséquences. Nous sommes incapables d’imaginer chez l’autre des choses auxquelles nous ne croyons pas…

P.L. En Israël aussi, nous n’avons pas voulu voir la réalité de l’islam et du mal radical. C’est presque une erreur philosophique. Nous n’avons pas pu croire qu’il existait un mal aussi absolu. Comme ces rabbins qui nous expliquaient avant le 7 octobre qu’Amalek ne désignait pas les Palestiniens…

(Extrait de l'article paru dans Israël Magazine, mai 2024)

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Ramadan : la question occultée - L’islam, la violence et le sacré, Pierre Lurçat

March 6 2024, 08:42am

Posted by Pierre Lurçat

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

L’observateur attentif de l’actualité, en France, en Israël ou ailleurs, n’aura pas manqué de constater que le mois du Ramadan, mois le plus sacré du calendrier musulman, est aussi celui marqué chaque année par une vague de violences. Ce “secret” est évidemment bien gardé par les médias et les hommes politiques occidentaux, qui préfèrent s’afficher lors de repas de l’Iftar et faire des déclarations d’amitié et de “dialogue interreligieux”. Mais ce n’est pas sur la question de cette attitude – marquée par l’hypocrisie ou par la condescendance – que je voudrais m’interroger ici. Une question plus essentielle encore est en effet de savoir comment s’explique ce lien entre violence et sacré. Est-il intrinsèque à l’islam et peut-il dans ce cas être modifié ?

 

La première réponse possible est qu’il ne s’agit pas de l’islam tout entier, mais d’une branche bien particulière de l’islam – à savoir, l’islam politique des Frères musulmans, dont sont issues les principaux mouvements islamistes (du Hamas à Al-Qaïda), comme je l’ai montré dans mon livre Le sabre et le Coran. Effectivement, la plupart des attentats terroristes à notre époque émanent de mouvements radicaux qui partagent tous une vision particulière de l’islam, dans laquelle le Djihad a été érigé en “sixième pilier”’ de l’islam. Quoique juste, cette réponse est loin d’épuiser le sujet. Elle risque au contraire d’obscurcir la question.

 

Violence de l’islam ou violence dans l’islam ?

 

En réalité, le problème de la violence dans l’islam est intrinsèquement lié à l’islam en tant que religion, en tant que culture et en tant que civilisation : on doit ainsi parler de la violence de l’islam et pas seulement de la violence dans l’islam. A cet égard, l’islamisme (ou l’islam politique) n’est pas, comme l’avait cru l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb, une “maladie de l’islam”, mais bien son expression la plus authentique qui soit. Israël l’a encore appris à ses dépens le 7 octobre dernier… Le Hamas, comme je l’ai écrit depuis lors, parle le langage de l’islam et c’est la raison principale de son succès au sein de la population de Gaza et ailleurs.

 

Une autre réponse est donnée par Marie-Thérèse Urvoy dans un livre récent. Le Coran lui-même, explique-t-elle, est marqué par une “ambiguïté initiale” et par une “tension interne entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde”. La vie même du Prophète permet de comprendre cette dualité. En effet, dans sa période mecquoise, celui-ci est persécuté et se considère comme victime, ce qui l’amène à prêcher la patience et le pardon des offenses. Plus tard, devenu un chef de guerre victorieux, il appelle au djihad physique contre les mécréants, proclamés ennemis de l’islam. L’orientation guerrière du texte coranique apparaît ainsi dans la fameuse Sourate 9, qui appelle au “combat dans le Sentier de Dieu”, expression promise à un brillant (et sanglant) avenir.

 

La troisième réponse tient à ce que René Girard appelait dans son livre La violence et le sacré le “désir mimétique”, qui engendrait la violence dans les sociétés primitives. A de nombreux égards, l’islam n’a pas réussi à dépasser cette étape de l’histoire commune aux grandes religions, et reste jusqu’à ce jour empêtré dans une vision binaire du monde, où la violence demeure la clé d’appréhension et de résolution des conflits. Comment l’islam, auquel la notion même d'histoire est largement étrangère, pourra-t-il évoluer et faire son aggiornamento ? La réponse appartient aux musulmans eux-mêmes. Quant à l’Occident, il devrait soutenir toutes les forces progressistes et réformistes authentiques au sein du monde musulman, au lieu de chercher des alliances contre nature avec les Frères musulmans et leurs épigones.

Pierre Lurçat

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