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Reportage à la frontière de Gaza, avec les nouveaux gardiens d’Israël, par Pierre Lurçat

July 3 2018, 09:00am

Posted by Pierre Lurçat

Reportage à la frontière de Gaza, avec les nouveaux gardiens d’Israël, par Pierre Lurçat

 

“Il ne s’endort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël” (Tehillim)

לג'ודית

 

J’ai quitté Jérusalem très tôt ce matin, avant 6 heures, pour être au point de rendez-vous à 9h30. La responsable du recrutement du “Shomer ha-hadash” (le “Nouveau gardien”) m’a donné rendez-vous au lieu dit du Ets ha-Boded ( “L’arbre solitaire”), promontoire d’où l’on a une vue sans pareil sur tout le nord de la bande de Gaza. Qui sont ces “nouveaux gardiens”? Ce ne sont pas des soldats d’une unité spéciale, comme celles qui se battent aujourd’hui contre le terrorisme des cerfs-volants incendiaires ou hier, contre celui des tunnels du Hamas. Non, les “nouveaux gardiens” sont les membres d’une organisation d’un genre bien particulier, qui a été créée il y a une dizaine d’années pour protéger les agriculteurs du nord d’Israël contre les vols de bétail.

 

Emblême du Chomer Ha-hadash


 

Quel rapport avec les événements actuels à Gaza? Avant de répondre à cette question, un petit rappel historique est nécessaire. Le Chomer est une des premières organisations juives d’auto-défense créée en Eretz-Israël en 1907. Ses membres se déplaçaient à cheval et étaient vêtus comme des bédouins.

 

 

Les chomrim appartiennent à l’histoire de renouveau du militarisme juif en Eretz-Israël, et constituent un jalon important dans la préhistoire de Tsahal. J’ajoute, pour la petite histoire, que mon grand-père en a fait partie, quelques années après son alyah, au lendemain de la Première Guerre mondiale.


 

Mon grand-père, Yossef Kurtz, en costume de Chomer

 

C’est dans un esprit similaire à celui des Chomrim de l’époque qu’une poignée de jeunes Israéliens ont créé le Chomer Ha-hadash en 2007. Pour protéger les agriculteurs de Galilée face à la recrudescence des vols de bétail et de matériel agricole, contre lesquels la police était largement impuissante, et retrouver l’esprit “halout’s” (pionnier) qui animait les premiers Chomrim. Je suis entré en contact avec eux après avoir lu un reportage dans Israel Hayom, et j’ai décidé de me rendre sur place, à la frontière de Gaza.

 

Ashkélon. Je monte dans le train en direction du Sud. Le wagon est à moitié vide. Quelques soldats endormis (pour récupérer un peu de sommeil en “posant la tête” selon l’expression d’argot consacrée). Il n’y a rien de l’atmosphère de tension qui caractérise le pays dans les périodes d’avant-guerre. Le terrorisme des incendies est une forme de guerre à basse intensité, et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles Israël n’a pas su lui donner, pour le moment, la réponse appropriée. En attendant, ce sont les civils autour de Gaza qui en souffrent le plus, et ce sont d’autres civils, venus de tout le pays, qui ont décidé de se mobiliser pour aider à prévenir et éteindre le feu ennemi qui dévore les champs autour de Gaza.

 

Sdérot. La dernière fois que je me suis rendu à Sdérot, la ville la plus au sud d’Israël sur la côte méditerranéenne, c’était juste avant la “Hitnatkout” (le retrait de Gaza), lors des immenses manifestations qui ont presque réussi à empêcher cette décision catastrophique, dont Israël continue de payer le prix stratégique jusqu’à ce jour. Le terrorisme incendiaire n’est certes pas né hier (car il est aussi ancien que le conflit israélo-arabe). Mais c’est le retrait de Gaza, sur la décision du gouvernement d’Ariel Sharon, qui a installé le Hamas au pouvoir, on ne le rappellera jamais assez. Beaucoup d’esprits sagaces avaient à l’époque mis en garde contre cette décision funeste, mais comme l’avait expliqué un jour Max Nordau à Jabotinsky, “Israël n’apprend pas par l’expérience, il n’apprend que par les catastrophes”.


 

Max Nordau (1849-1923).

 

Nir-Am. Je suis accueilli par Maayan, responsable du Chomer Ha-hadash, sur le parking de la station d’essence du kibboutz Nir-Am. Elle est volontaire depuis 5 ans, et passe plusieurs nuits par semaine à faire des gardes, tout en travaillant la journée. Elle boîte légèrement, après s’être blessée en plongeant dans une source, sport favori de beaucoup de jeunes de son âge. Elle s’exprime avec simplicité, sans la moindre trace de pathos ou de grandiloquence, et moi je pense en l’écoutant, ‘quelle belle jeunesse nous avons…’ Menahem, l’autre volontaire qui doit partager la garde avec moi, nous rejoint et nous montons ensemble vers le promontoire de “l’arbre solitaire’. C’est un endroit très connu de la région, lieu de visite touristique d’où on jouit d’une vue extraordinaire sur tous les alentours, jusqu’à Ashkélon et aux faubourgs d’Ashdod au nord.

 

Mais quand la situation se réchauffe à la frontière de Gaza, c’est surtout un point d’observation stratégique. Notre mission est très simple : surveiller la moindre trace de fumée ou de feu, et prévenir immédiatement les responsables du Chomer Ha-hadash et les pompiers (ainsi que l’armée). Tout est apparemment calme dans notre secteur. Durant notre garde de 5 heures, nous n'entendrons que quelques détonations lointaines et n’apercevrons qu’une vague colonne de fumée à l’horizon. Ce calme apparent n’est pourtant qu’illusoire. Plus au Sud, où d’autres volontaires du Chomer Ha-hadash sont postés, des débuts d’incendie sont repérés et traités à temps.

 

Résultat de recherche d'images pour "‫ניר עם שריפות‬‎" Incendies de champs autour du kibboutz Nir Am

 

Menahem est un jeune retraité, qui était chercheur au ministère de l’Agriculture, spécialiste de l’eau. Il connaît bien la région, pour voir sillonné les kibboutz des environs dans le cadre de son travail. Volontaire du Chomer Ha-hadash depuis plusieurs années, il m’explique comment l’organisation, très modeste à ses débuts, s’est développée au point de devenir un acteur important de la lutte contre les vols et le vandalisme en zone agricole, qui travaille en collaboration étroite avec plusieurs organismes officiels, dont la police, le ministère de l’Agriculture et le KKL.

 

Notre conversation est interrompue par la visite d’un groupe bruyant de visiteurs : une vingtaine d’hommes, parlant moitié hébreu moitié arabe. Les plus jeunes ont l’air d’être des soldats d’une unité d’élite, tandis que les plus âgés ressemblent à des retraités de l’armée. Le chef du groupe parle de la situation à Gaza et à la frontière, avec beaucoup de détails, sans se soucier trop de notre présence (on nous a seulement demandé de ne pas les photographier). Ce sont apparemment, me dis-je en les écoutant, des membres d’une unité spéciale qui connaît bien la région, y compris de l’autre côté de la frontière. Un instant, j’ai l’impression d’être dans un nouvel épisode de la fameuse série Fauda.

 


 

Menahem me raconte ses voyages professionnels en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Il est légitimement fier du savoir-faire accumulé par Israël en l’espace de quelques décennies. Je lui parle de l’époque où les pionniers de l’agriculture en Eretz-Israël allaient faire leurs études d’agronomie en Europe (et en France notamment, à l’université de Nancy et de Toulouse, où étudia la poétesse Rahel). Aujourd’hui, Israël vend son savoir-faire en matière agricole (et d’irrigation notamment) dans le monde entier. Menahem connaît très bien le sujet. Il me parle aussi des Chinois qui se sont mis à l’étude du Talmud, convaincus que c’est là que réside le secret de la réussite israélienne… Le secret de notre peuple ? Je ne m’aventurerai pas à donner d’explication. D’autres l’ont fait mieux que moi. Parmi eux, le prophète Bilaam, évoqué dans la parasha que nous avons lue samedi dernier. « Oui, je le découvre, ce peuple, il vit solitaire, il ne se confondra point avec les nations. » (Nombres 23:9).

 

Notre garde s’est achevée sans incident particulier et j’ai repris la route de Jérusalem. En arrivant en fin d’après-midi, j’entends à la radio que plusieurs incendies ont éclaté à la frontière de Gaza et qu’ils ont été maîtrisés. Je pense aux jeunes membres du Chomer Ha-hadash et aux volontaires, jeunes et moins jeunes, venus des quatre coins de notre petit et grand pays pour protéger les champs autour de Gaza.

P. Lurçat

NB Vous pouvez aider le Chomer Ha-hadash par vos dons. https://eng.hashomer.org.il/

 

Mon nouveau livre, Israël le rêve inachevé, paraîtra à la rentrée aux éditions de Paris.

 

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Israël face au Hamas : Samson enchaîné, Pierre Itshak Lurçat

June 20 2018, 09:44am

Posted by Pierre Lurçat

Les événements actuels à la frontière avec Gaza ont un goût amer de déjà-vu pour beaucoup d'Israéliens... Au sentiment d'impuissance et de désolation face aux incendies répétés de nos champs et aux agressions contre les habitants des localités avoisinantes, qui demeurent impunies, se mêle celui d'une incompréhension face à l'attitude de l'armée et du gouvernement. Dans ce contexte, je remets en ligne l'article écrit durant l'opération "Colonne de nuée", en novembre 2012, qui exprimait ce sentiment. P.L.

 

israel,hamas,gaza,colonne de nuée

Alors que l’opération 'Colonne de nuée' vient de s’achever en queue de poisson, par un illusoire cessez-le-feu hâtivement conclu par Israël, apparemment sous la pression internationale, on peut d’ores et déjà tirer quelques leçons de ce nouveau round d’affrontement avec le Hamas.

Les prouesses technologiques de l’armée et des sociétés de défense israéliennes, qui ont abouti au système « Kipat Barzel » (« Dôme d’acier ») ont heureusement permis de réduire le nombre de victimes en Israël, malgré la quantité de missiles tirés depuis Gaza, mais ce fait indiscutable ne doit pas nous empêcher de regarder la réalité en face : Israël est aujourd’hui constamment sur la défensive, même quand son aviation attaque à Gaza, et la capacité du Hamas d’atteindre la plaine côtière et le cœur de Tel-Aviv constitue indéniablement, quoiqu’en disent nos dirigeants, une immense victoire symbolique et psychologique pour nos ennemis !

 

Dans le bruit incessant des commentaires des médias israéliens (trop souvent péremptoires et défaitistes) qui ont accompagné les hostilités, on a pu entendre quelques observations pertinentes, et notamment celle d’un chercheur du Centre d’études moyen-orientales d’Ariel, le Dr Eyal Levin, dont les travaux portent sur la « résilience nationale » (‘hossen léoumi) : « Le système Dôme d’acier n’exprime pas notre résilience nationale, mais au contraire notre faiblesse », a-t-il dit en substance. Et le député Likoud Yariv Levin a ajouté fort à propos que pour savoir ce qu’était la résilience nationale, il fallait regarder jadis les habitants du Goush Katif…

 

 

La situation actuelle, dans laquelle une organisation terroriste islamiste qui a assis sa domination sur une bande de terre réduite parvient à terroriser et à faire vivre dans des bunkers plus d’un million de citoyens israéliens, sans que l’armée « la plus puissante du monde » ne puisse faire cesser définitivement les tirs de roquettes, illustre la réalité paradoxale dans laquelle Israël s’est enfermé depuis plus de deux décennies (c’est-à-dire depuis la 1ère Guerre du Golfe), réalité que l’on peut décrire par une métaphore : celle de Samson enchaîné...

 

 

 

 israel,hamas,gaza,colonne de nuée

Comme Samson dans la Bible, Israël est un géant théoriquement capable d’anéantir ses ennemis, mais dont la force est neutralisée, pour des raisons essentiellement politiques et psychologiques. Notre peuple est incroyablement fort, et il a fait montre pendant la semaine de guerre écoulée d’une admirable capacité de résistance sous les missiles, dont aucun autre peuple n’a donné d’exemple depuis le Blitz sur Londres… Mais notre État et ses dirigeants, eux, font souvent preuve d’une grande faiblesse et d’une impuissance tragique, et la réussite relative du système Dôme d’acier parvient difficilement à masquer l’incapacité de Tsahal à empêcher que l’arrière devienne le front et que les civils se trouvent aujourd’hui en première ligne, d’Ashqélon à Rishon-le-Tsion.

 

Israel, Hamas, gaza, Colonne de nuéeCet échec incommensurable interroge les fondements mêmes du projet sioniste, tel qu’il a été formulé par l’un des plus grands théoriciens de la Renaissance nationale juive, Zeev Jabotinsky, dans son article fameux « La muraille d’acier » (Kir Habarzel), qui préfigurait la doctrine stratégique de Tsahal avant même la proclamation de l’Etat d’Israël. Or « Kipat Barzel » n’est pas la continuation du « Kir Habarzel », mais il en est la négation ! Car au lieu de dissuader nos ennemis, nous les avons laissés nous terroriser et nous faire vivre dans une permanente insécurité.

La capacité de dissuasion de Tsahal a été gravement atteinte ces dernières années, au Nord avec la fuite déguisée en « retrait » du Liban ordonnée par Ehoud Barak, et au Sud avec le crime inexpiable commis par Ariel Sharon, dans les ruines du Goush Katif. Pour la restaurer un jour, il faudra reconquérir la bande de Gaza et rétablir la souveraineté israélienne de la Mer au Jourdain (et plus tard, peut-être, sur les deux rives du Jourdain !). En attendant ce jour, nous pouvons seulement nous défendre, comme Samson enchaîné, par des coups d’éventail contre les piqûres de guêpe de notre ennemi, au lieu de nous dresser de toute notre stature pour l’écraser et l’anéantir.

Pierre Itshak Lurçat

 PS J’ajoute quelques mots à ces réflexions écrites mercredi sous l’emprise de l’immense déception engendrée par le « cessez-le-feu». Sans revenir sur ce que j’écris plus haut, l’opération Colonne de Nuée aura surtout servi à montrer l’incroyable capacité de résistance de l’arrière israélien, des civils, hommes, femmes et enfants : en un mot, du peuple d’Israël ! Nos dirigeants sont loin d’être parfaits, mais notre peuple, lui, est « koulo téhélet » כולו תכלת, il est tellement beau et fort... עם ישראל חי !

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Tsahal applique-t-elle trop bien le droit de la guerre face au Hamas ? Pierre Lurçat

June 17 2018, 07:47am

Posted by Pierre Lurçat

 Tsahal applique-t-elle trop bien le droit de la guerre face au Hamas ? Pierre Lurçat

Le paradoxe de la guerre imposée à Israël par le Hamas à Gaza est que c'est Tsahal qui cherche constamment à minimiser le nombre de victimes palestiniennes, alors que le Hamas cherche cyniquement à les maximiser. Malgré cela, c'est Israël qui est accusé, à tort, de violations du droit international. En réalité pourtant, Israël se conduit souvent d'une manière excessivement éthique et morale, face à des ennemis inhumains, et perd de vue l'objectif premier de toute armée : protéger ses citoyens et leurs biens.

 

Une enquête de l’hebdomadaire américain Weekly Standard met en lumière les pratiques véritables de l’armée israélienne à Gaza, bien loin des accusations propagées par des ONG israéliennes radicales et relayées par la presse française. En mai 2015, le journal Le Monde avait ainsi consacré sa « Une » et plusieurs pages intérieures à ce qu’il qualifiait de « dérive morale de l’armée israélienne ». Cet article n’était pas isolé, mais faisait partie d’une véritable offensive médiatique contre l’armée israélienne dans les médias français, à l’occasion de la publication d’accusations de « crimes de guerre » émanant de l’association israélienne « Breaking the Silence ». Un expert allemand en droit de la guerre, le professeur Wolff Heintschel von Heinegg, affirme pourtant que Tsahal, en s’efforçant à tout prix de minimiser le nombre de victimes civiles dans le camp adverse, crée un « précédent déraisonnable pour les autres pays démocratiques » en fixant des normes éthiques impossibles à respecter. Qui dit vrai, le quotidien du soir français, ou l’expert allemand ?

De l’affaire Al-Dura à la guerre de Gaza

 

En 2008, l’historien américain Richard Landes avait analysé l’affaire Al-Dura comme une version moderne de l’accusation de crime rituel portée contre les Juifs. En réalité, comme l’avaient déjà montré avant lui d’autres observateurs avertis du conflit israélo-arabe, cela fait des décennies que l’attirail des stéréotypes antijuifs les plus anciens a été remis au goût du jour pour démoniser Israël et en faire une version moderne de Shylock . Les méthodes de la propagande arabe et palestinienne contre Israël ont en effet souvent été empruntées aux deux écoles les plus performantes en la matière : Berlin et Moscou. L’historien de l’antisémitisme Léon Poliakov l’avait montré jadis, dans un petit livre très éclairant écrit fiévreusement, au lendemain de la première guerre du Liban de 1982 . Un des ressorts de cette propagande est le procédé de l’inversion, consistant à accuser l’ennemi de ses propres tares.

 

 

Dans la guerre que le Hamas a imposée à Israël, on assiste ainsi à une inversion constante, l’État juif étant accusé de tuer délibérément des civils, alors qu’il cherche par tous les moyens à minimiser le nombre des victimes à Gaza, notamment en prévenant à l’avance les habitants des immeubles bombardés, tandis que le Hamas cherche ouvertement à multiplier leur nombre, au mépris de la vie de ses concitoyens, transformés en boucliers humains. Comme l’a écrit le colonel britannique Richard Kemp, ancien commandant des forces armées britanniques en Afghanistan, « l’armée israélienne a développé des mesures extrêmement sophistiquées pour minimiser les victimes civiles au cours de ses attaques contre des cibles militaires légitimes ». Le Hamas, de son côté, a fait de l’utilisation des boucliers humains un « élément central de sa stratégie », et « la totalité des victimes civiles palestiniennes dans ce conflit [à Gaza] résultent de l’agression terroriste menée depuis Gaza contre Israël  ».


 

Un avocat derrière chaque soldat ?

 

La récente enquête du Weekly Standard a ainsi montré comment Tsahal avait soumis les décisions opérationnelles de ses officiers sur le terrain à l’approbation – en temps réel – d’avocats spécialistes du droit de la guerre, ces derniers devant valider chaque cible potentielle au regard du risque de faire des victimes civiles chez l’ennemi. Cette procédure, inédite dans les conflits opposant des pays démocratiques à des régimes totalitaires et à des organisations terroristes djihadistes, devait permettre, dans l’esprit des dirigeants israéliens, de réduire les critiques contre Tsahal sur la scène internationale et dans l’arène médiatique. Le résultat n’a pas été très convaincant, à l’aune des répercussions du conflit à Gaza de l’été 2014 et de ses retombées dans la presse française et internationale.

 

Mais le plus étonnant, dans la passionnante enquête de Willy Stern publié dans le Weekly Standard, n’est sans doute pas là. Il ressort en effet de son reportage que l’armée israélienne a essuyé les critiques de plusieurs spécialistes du droit international, en raison de la trop grande attention portée au nombre de victimes civiles à Gaza et des précautions inouïes prises pour le diminuer. En d’autres termes, Tsahal en ferait trop, ce qui risque selon ces experts de créer des nouvelles normes impossibles à respecter pour les pays occidentaux en guerre contre la menace terroriste islamiste…


 

Un précédent déraisonnable

 

Le professeur de droit allemand von Heinegg, expert en droit militaire à l’université européenne de Viadrina à Frankfurt, s’est ainsi plaint devant un parterre d’officiers israéliens que Tsahal créait un « précédent déraisonnable pour les autres pays démocratiques confrontés à des guerres asymétriques contre des acteurs non étatiques brutaux, qui violent le droit international ». Le comble de l’absurde est ainsi atteint : Israël cherche à minimiser à tout prix le nombre des victimes palestiniennes (y compris au prix de la vie de ses propres soldats, exposés inutilement à des risques accrus en affrontant le Hamas sur le terrain, au lieu de mener des attaques aériennes comme le font les autres armées occidentales dans des situations similaires), tandis que le Hamas cherche à le maximiser. Lors des combats meurtriers à Sadjaya, au nord de Gaza, les autorités militaires israéliennes avaient averti à l’avance leurs ennemis de l’entrée de Tsahal dans le village, pour permettre aux civils de l’évacuer.

 

Or, aucune règle du droit international des conflits armés n’oblige un pays à prendre de telles précautions pour minimiser les pertes civiles de l’ennemi, en mettant en danger ses propres soldats. Malgré cela, Israël est critiqué par les pays occidentaux, qui lui reprochent tantôt de commettre des « crimes de guerre » et tantôt d’en faire trop pour respecter les normes du droit de la guerre. Au lieu d’enseigner aux Occidentaux comment combattre le terrorisme (on se souvient du titre d’un livre écrit il y a plusieurs décennies par Benjamin Nétanyahou, alors ambassadeur d’Israël aux Nations Unies : Terrorism, How the West Can Win ), Israël donne au monde entier des leçons d’hyper-moralisme et de judiciarisation de la guerre poussée à l’extrême, les officiers étant désormais soumis aux décisions des avocats en pleine guerre.

 

Une des leçons de l’enquête du Weekly Standard, qui ne fait qu’effleurer ce sujet capital et lourd de conséquences, est que le regard que le monde porte sur Israël ne dépend pas tant des actions de Tsahal sur le terrain, que de la conscience que les soldats et les dirigeants israéliens ont d’agir de manière morale et juste. Plus les dirigeants israéliens doutent de la justesse de leur cause, plus ils portent le flanc aux critiques les plus injustifiées, comme ce fut le cas lors des dernières guerres à Gaza contre le Hamas. A l’inverse, plus Israël affiche sa certitude de combattre pour sa survie en tant que collectivité nationale et pour défendre la vie de ses citoyens, plus le monde le comprendra.

 

(Extrait de mon livre La trahison des clercs d'Israël, La Maison d'édition 2016).

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Ceux qui cultivent la terre et ceux qui la brûlent : Le terrorisme incendiaire des origines du conflit israélo-arabe jusqu’à nos jours, par Pierre Lurçat

June 8 2018, 11:16am

Posted by Pierre Lurçat

 Ceux qui cultivent la terre et ceux qui la brûlent :  Le terrorisme incendiaire des origines du conflit israélo-arabe jusqu’à nos jours, par Pierre Lurçat

Atarot brûle. Motsa brûle encore. Des brigands arabes ont incendié la banlieue de Jérusalem, Talpiot, et ont dévasté la maison de l’écrivain Agnon. La célèbre yeshiva de Hébron a été prise d’assaut. De jeunes disciples désarmés cherchèrent refuge dans la salle de prière où ils furent mis à mort… Et tout cela sous l’oeil de la puissance mandataire. Mais qu’attend donc le monde de nous autres Juifs?”

 

C’est en ces termes que le philosophe juif allemand Theodor Lessing a décrit dans son livre fameux, La haine de soi juive, les terribles “événements de 1929”, c’est-à-dire la vague de pogromes et de violences anti-juives déclenchées par des bandes arabes organisées, qui culminèrent avec le tristement célèbre massacre de Hébron le 24 août 1929, au cours duquel 67 Juifs furent massacrés dans la Cité des Patriarches, souvent par leurs propres voisins.

 

 

Cette description nous rappelle que les incendies de champs autour de Gaza par les cerfs-volants ne sont pas une nouveauté : l’arme utilisée est peut-être nouvelle, mais la volonté de détruire et de semer la destruction, elle, ne l’est pas. Elle est en réalité aussi ancienne que le conflit israélo-arabe, qui n’a pas commencé en 1948 ou en 1967. On pourrait dire, de manière succincte, que ce conflit oppose une entreprise de construction (le sionisme juif) et une entreprise de destruction (l’antisionisme arabe).

 

Lors des pogromes arabes de 1929, l’écrivain Immanuel Haroussi (“Emmanuel le Russe”, de son vrai nom Emmanuel Novogarbelski) avait écrit une berceuse en l’honneur de la naissance de son fils, dont les paroles décrivaient ainsi la vie en Eretz-Israël à l’époque:

 

“Demain ton père sortira labourer, il tracera des sillons. Quand tu grandiras, la tête droite, vous sortirez dans les champs. Tu grandis en Eretz Israel, dans la joie et dans l’effort, tu travailleras comme ton père. Tu planteras dans les larmes et récolteras dans la joie. Alors, pour le moment, écoute ta mère et endors-toi. La nuit est froide, les renards aiguisent leurs dents mais ton père monte la garde, il ne dort pas. Le jour il travaille, la nuit il garde la grange, tu grandiras et seras fort et tu garderas avec lui.  

 

Couche-toi mon fils, n’aie pas peur, tout le moshav est en alerte. Ta mère aussi monte la garde, elle te protège, Avner. La grange brûle à Tel Yossef et de Beit Alfa monte une fumée, ne pleure pas, endors-toi. Cette nuit, le feu dévore la ferme et la paille. Il est interdit de désespérer, demain nous recommencerons à nouveau. Demain, il faudra poser les fondations, ton père construira  une maison pour son fils. Tu grandiras, tu l’aideras et vous la construirez ensemble”. (La traduction est due à Hannah, Boker Tov Yeroushalayim)

 

Survivants du pogrome de Hébron, 1929

 

Ce poème d’Immanuel Haroussi montre combien l’ethos sioniste est, depuis 1929 et jusqu’à nos jours, demeuré identique. Face aux émeutiers, aux pogromistes et aux incendiaires arabes, il faut continuer de construire, de planter, de semer et de récolter… Cette volonté inébranlable de reconstruire et de “recommencer” après chaque attentat, chaque incendie et chaque guerre est sans doute ce qui fait la force du peuple d’Israël revenu sur sa terre. Mais cette force incroyable de résistance de “l’arrière” israélien - femmes, enfants, hommes - face à ses ennemis ne doit pas non plus masquer la faiblesse d’Israël, en tant qu’armée et en tant qu’Etat, face à des ennemis voués à sa destruction comme le Hamas.

 

Israël face au Hamas : Samson enchaîné

 

Comme je l’écrivais en 2012, lors d’un précédent round d’affrontements avec le Hamas, comme Samson dans la Bible, Israël est un géant théoriquement capable d’anéantir ses ennemis, mais dont la force est neutralisée, pour des raisons essentiellement politiques et psychologiques. Notre peuple est incroyablement fort, et il a fait montre pendant la semaine de guerre de l’opération Colonne de nuée d’une admirable capacité de résistance sous les missiles, dont aucun autre peuple n’a donné d’exemple depuis le Blitz sur Londres… Mais notre État et ses dirigeants, eux, font souvent preuve d’une grande faiblesse et d’une impuissance tragique, et la réussite relative du système Dôme d’acier parvient difficilement à masquer l’incapacité de Tsahal à empêcher que l’arrière devienne le front et que les civils se trouvent aujourd’hui en première ligne, d’Ashqélon à Rishon-le-Tsion.

 

Les événements des dernières semaines m’incitent à tempérer ce diagnostic. La réaction de Tsahal face à la récente offensive militaire du Hamas (abusivement présentée comme une “marche pacifique” dans les médias occidentaux) a été exemplaire. Mais face aux cerfs-volants incendiaires, Israël se retrouve à nouveau (et provisoirement) désarmé, face à un ennemi inhumain qui ne tue pas seulement des enfants, mais qui tue l’enfance. La solution, face au Hamas, n’est pas seulement technologique et militaire. Elle est aussi et avant tout psychologique et stratégique. Pour vaincre le Hamas, Israël doit retrouver la conviction que la victoire est possible et qu’elle est nécessaire.

 

Pierre Lurçat

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“Nous aimons la mort autant que vous aimez la vie” : La glorification de la mort au coeur de l’idéologie du Hamas, Pierre Lurçat

May 22 2018, 07:24am

Posted by Pierre Lurçat

“Nous aimons la mort autant que vous aimez la vie” :  La glorification de la mort au coeur de l’idéologie du Hamas, Pierre Lurçat

Avant de prétendre condamner Israël pour des soi-disant “crimes de guerre” commis à la frontière de Gaza, la moindre des choses serait de tenter de comprendre contre qui l’armée israélienne se bat, et quelles sont les motivations de ceux que de nombreux médias occidentaux présentent comme de simples “manifestants” et qui sont en réalité, pour certains des soldats du djihad, et pour d’autres des civils manipulés et envoyés à la mort au nom d’une idéologie bien particulière. C’est cette idéologie qu’il faut analyser pour appréhender les termes de l’affrontement actuel et les objectifs destructeurs de la “Marche du retour”.

 

La mort au nom d’Allah est notre voeu le plus cher”. Ce slogan souvent répété par les membres du Hamas exprime la quintessence de l’idéologie islamiste prônée par le mouvement islamiste palestinien. On l’a ainsi vu dans un tweet des Brigades Izz Al-Din Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, le 19 août 2014, lors d’un précédent round des affrontements avec Israël à Gaza. On le retrouve aussi à l’article 5 de la Charte du Hamas, datant de 1988,  qui énonce la devise du “Mouvement de la résistance islamique” : “Allah est son objectif, le Prophète est son modèle, le Coran est sa Constitution, le jihad est sa voie et la mort pour Allah est son souhait le plus cher".

 

En glorifiant la "mort pour Allah", la charte du Hamas lance ainsi un appel au martyre et au sacrifice, désignés par l’expression traditionnelle de "mort sur le chemin de Dieu" (fi-sabil Allah). L’expression “martyr” ou "mort pour Allah" a notamment servi à désigner les terroristes kamikazes du Hamas, qui se sont fait exploser dans les autobus, les cafés, restaurants et autres lieux publics en Israël lors des précédentes vagues d’attentats. Elle est employée aujourd’hui pour désigner les habitants de Gaza, que le Hamas envoie mourir sur la frontière avec Israël.

 

La conception islamiste du conflit avec Israël est explicitée dans l’article 11 de la Charte du Hamas : "le Mouvement de la Résistance islamique croit que la terre de Palestine constitue un waqf [une fondation islamique] qui appartient à tous les Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection. Il est interdit d’y renoncer, en totalité ou en partie, ou de la céder, en totalité ou en partie. Elle n’appartient à aucun pays arabe, ni même à l’ensemble des pays arabes, ni à aucun monarque ou président, ou organisation, palestinienne ou arabe, parce que la Palestine constitue une terre islamique sacrée de waqf et appartient aux Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection".

 

C’est cette conviction fondamentale qui rend impossible toute notion de compromis ou de partage. A la différence d’Israël, qui a accepté le partage de la Palestine il y a 70 ans, le Hamas est prisonnier de sa logique du “tout ou rien”. Comme l’affirme le préambule de la Charte, sans la moindre équivoque, l’objectif stratégique fondamental du Hamas est la destruction d’Israël : "Israël s’élèvera et restera en place jusqu’à ce que l’Islam l’élimine, comme il a éliminé ses prédécesseurs".

 

Un mouvement islamiste apocalyptique

 

La formule répétée à deux reprises – " waqf qui appartient aux Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection" – montre bien que le combat du Hamas s’inscrit dans un horizon eschatologique et apocalyptique, qui n’est pas celui de la politique à court ou moyen terme. Le Hamas, comme les autres mouvements islamistes contemporains, poursuit des objectifs politico-religieux, indissociables de sa vision du monde globale, qui ne peuvent faire l’objet d’aucun compromis ou temporisation. A cet égard, il ressemble aux mouvements politiques apocalyptiques occidentaux, et notamment au nazisme, qui aspirait lui aussi à créer un "Reich de mille ans".

 

Cette dimension apocalyptique est fondamentale dans la résurgence actuelle d’un islamisme conquérant, car elle traverse tous les clivages du monde musulman - tant sunnite que chiite - et permet de comprendre de très nombreux aspects du réveil de l’islam radical. Un autre passage clé de la Charte du Hamas est le Hadith cité dans l’article 7, qui éclaire l’objectif du combat incessant contre les juifs : “L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le !”

 

Ce Hadith, cité sur d’innombrables sites Internet islamistes, signifie que le "combat contre les juifs" constitue pour le Hamas un impératif non seulement politique, mais aussi religieux, ou plus précisément eschatologique. L’affrontement avec les Juifs n’est en effet pas seulement le moyen de récupérer la terre de Palestine, qui constitue un Waqf inaliénable, mais il est la condition sine qua non à la venue de la Fin des temps.

 

C’est à la lumière de cette idéologie mortifère, glorifiant le martyre et la “mort pour Allah”, qu’il faut comprendre la stratégie du Hamas, qui envoie des femmes et des enfants contre la barrière séparant Gaza d’Israël, en tablant sur la mort de civils pour faire accuser Israël de “crimes de guerre”. Paradoxalement, dans ce nouveau round de l’affrontement décidé par le Hamas, c’est celui-ci qui cherche à faire le plus grand nombre de morts dans sa propre population, alors qu’Israël s’efforce, avec plus ou moins de succès, de minimiser le nombre de victimes.


Pierre Lurçat

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10 vérités sur Gaza que vous ne lirez pas (ou presque) dans la presse française, par Pierre Lurçat

May 17 2018, 16:15pm

Posted by Pierre Lurçat

Soldats des Brigades Izz Adin Al Qassam

Soldats des Brigades Izz Adin Al Qassam

10 vérités sur Gaza que vous ne lirez pas (ou presque) dans la presse française, par Pierre Lurçat

 

1. Les récents événements à la frontière avec Gaza : il ne s’agit pas d’une lutte pacifique mais d’une lutte armée, comme vient de le reconnaître le dirigeant du Hamas, Mahmoud Al-Zahhar dans une interview sur Al-Jazira (traduite par MEMRI)[1].

 

2. Israël n’a pas commis un “massacre” ou un “bain de sang” (titre du journal Le Monde), mais a riposté aux attaques du Hamas sur sa frontière, conformément au droit international qui autorise tout Etat à défendre et protéger ses frontières, si besoin est par la force.

 

3. Les victimes du côté palestinien ne sont pas des “civils sans défense” mais pour la plupart des militants et combattants du Hamas[2], organisation terroriste islamiste mue par une idéologie djihadiste radicale, guère différente de celle des autres mouvements islamistes radicaux qui commettent des attentats sur le sol français.

 

4. L’objectif du Hamas n’est pas de résister à une agression israélienne ou de s’opposer au “blocus” ou à l’occupation (qui n’existent plus à Gaza depuis 2006), mais bien d’attaquer militairement Israël, quitte à sacrifier leurs civils et leurs combattants, chair à canon du djihad[3].

 

5. La “crise humanitaire” régulièrement dénoncée par les médias et dirigeants occidentaux n’existe qu’en raison du cynisme brutal des dirigeants du Hamas, qui attaquent régulièrement le point de passage de Keren Shalom utilisé par Israël pour envoyer des vivres et des médicaments à Gaza.

 

 

 

6. Le Hamas n’a pas pour objectif de créer un Etat palestinien vivant en paix aux côtés d’Israël, mais de détruire l’Etat juif existant pour le remplacer par un nouvel Etat arabe islamiste s’étendant sur toute la Palestine, du Jourdain à la mer (conformément à l’article 11 de sa Charte qui précise que la Palestine est un waqf, c’est-à-dire une terre musulmane inaliénable).

 

7. La “solution politique” réclamée par les dirigeants français pour mettre fin au conflit est rejetée systématiquement par le Hamas, pour la simple et bonne raison que cette notion n’existe pas dans leur lexique politique et dans leur conception du monde.

 

8. La guerre est en effet conçue par le Hamas comme l’état naturel et normal du monde, et la paix n’est jamais qu’une situation provisoire, selon les règles du droit musulman de la guerre et conformément au modèle de la hudna (trêve) [4]. Cette conception est évidemment totalement opposée à celle qui prévaut aujourd’hui en Occident.

 

 

9. Plus précisément, le Hamas considère la guerre contre Israël et contre les Juifs comme un impératif non seulement politique, mais eschatologique, c’est-à-dire lié à sa vision de la Fin des Temps. Celle-ci est exposée à l’article 7 de la Charte du Hamas, qui cite un Hadith bien connu à ce sujet, "Le Prophète, que la prière et la paix soient sur Lui, a dit : Le Temps ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu'à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le!"

 

10. L’antisémitisme du Hamas n’est donc pas un aspect accessoire, mais bien un élément fondamental de son discours et sa conception du monde. L’invocation par la Charte du Hamas de l’impératif de la “guerre contre les juifs” rappelle les conceptions hitlériennes de l'affrontement quasi-métaphysique entre l'Allemagne et les Juifs. Je renvoie à ce sujet à mon article “Le Hamas, un mouvement islamiste apocalyptique”.

 

 

Pierre Lurçat

 

 

 

[3] Voir à ce sujet les déclarations d’un conseiller de Mahmoud Abbas, qui accuse le Hamas de jouer avec la vie des civils de Gaza.

[4] Voir à ce sujet l’analyse détaillée de Raymond Ibrahim. https://www.meforum.org/articles/2010/la-taqiyya-et-les-regles-de-la-guerre-islamique

 

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PROCHAINE FORMATION À L'EXAMEN D'AGENT IMMOBILIER À TEL-AVIV EN JUIN 2018

Formation à l’examen d’agent immobilier israélien

Session juin 2018 Tel-Aviv 

 

La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du 12 au 19 juin 2018 à Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 23 juillet 2018. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, vous pourrez obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à votre compte.

J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !

Niveau d'hébreu exigé

Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu.

Les cours auront lieu pendant une semaine à Tel-Aviv (dans le quartier de Ramat Israël).

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 06 80 83 26 44  (France) ou 050 286 51 43 (Israël).

 

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1987-2018 : Le Hamas, un mouvement islamiste apocalyptique, par Pierre Lurçat

April 10 2018, 10:51am

Posted by Pierre Lurçat

1987-2018 : Le Hamas, un mouvement islamiste apocalyptique, par Pierre Lurçat
Trente ans après sa création, le Hamas palestinien demeure très mal connu en Occident. Alors qu’il est évoqué presque quotidiennement par les médias, il fait l’objet d’un nombre très réduit d’ouvrages sérieux et demeure un sujet mystérieux pour le public occidental.
Le présent article aborde un aspect essentiel et peu souvent étudié du mouvement islamiste palestinien.
 

L’erreur la plus répandue lorsque l’on parle des mouvements islamistes contemporains, et notamment du Hamas, consiste à les envisager à l’aide des concepts et des manières de penser propres à l’Occident. La plupart des analyses occidentales du phénomène islamiste ont souvent tendance à sous-estimer, voire à occulter un aspect fondamental, que l’on retrouve dans toutes les différentes mouvances et organisations islamistes : celui des croyances religieuses musulmanes, et plus précisément de l’eschatologie musulmane.

C’est ainsi qu’un islamologue français réputé, auteur d’ouvrages importants sur l’islamisme contemporain, peut expliquer la révolution islamique iranienne de 1979 par "l’alliance de la bourgeoisie pieuse et de la jeunesse urbaine pauvre ", et que de nombreux journalistes continuent à décrire les auteurs - palestiniens et autres - des attentats-suicides comme des "désespérés" et des laissés pour compte, alors même que toutes les recherches entreprises sur le sujet démontrent que cette grille de lecture sociologique ou marxisante ne correspond pas à la réalité.

Il est impossible de comprendre les succès remportés par le Hamas et la persistance de l’islamisme - dont de nombreux observateurs occidentaux annoncent régulièrement l’essoufflement ou même la prochaine disparition - si l’on fait abstraction des croyances des acteurs des mouvements islamistes ou si l’on en diminue l’importance, en les considérant comme des balivernes moyenâgeuses dénuées de signification concrète.

Il faut écouter ce que disent les islamistes et accorder du poids à leur discours, si l’on veut tenter de comprendre leurs motivations et leurs stratégies. Il est significatif à cet égard de constater que les médias occidentaux, qui parlent régulièrement des événements du Proche-Orient et de la rivalité entre le Hamas et le Fatah, ne mentionnent presque jamais la Charte du mouvement islamiste.

 

Que veut le Hamas?

Une analyse courante du mouvement islamiste palestinien consiste à en faire un clone du Fatah, dont il ne différerait que par l’habillage religieux donné à son combat contre Israël. Selon cette conception, répandue dans les chancelleries occidentales, il suffirait d’attendre patiemment pour que le Hamas modère ses ambitions et accepte d’entrer dans le jeu des négociations afin de parvenir à une coexistence avec Israël.

Le préambule de la Charte du Hamas affirme pourtant de manière claire la centralité du "combat contre les Juifs", qui doit être mené "jusqu’à ce que [les] ennemis soient vaincus et que la victoire d’Allah soit établie". Pour saisir la conception de l’islam qui est celle du Hamas, il faut accepter de mettre de côté l’idée occidentale de la religion, conçue comme une sphère bien délimitée de l’existence. L’histoire de l’Occident chrétien est en effet celle d’une relégation toujours plus poussée de la part du religieux dans l’existence. C’est pourquoi il est difficile pour un occidental de se représenter la manière dont un Musulman non occidentalisé peut concevoir l’islam.

 

L’eschatologie, au coeur du conflit entre l’islam et l’Occident

Un des aspects essentiels - et méconnus - de l’islamisme contemporain est celui des croyances eschatologiques. La dimension eschatologique de l’islam a souvent été minimisée, parfois pour des raisons polémiques, le christianisme se présentant comme la seule religion tournée vers l’au-delà, en rejetant l’islam dans le domaine des seules préoccupations terrestres.

Cette dimension oubliée est fondamentale dans la résurgence actuelle d’un islam conquérant, car elle traverse tous les clivages du monde musulman - entre sunnisme et chiisme, entre islam traditionnel et islamisme contemporain - et permet de comprendre de très nombreux aspects du réveil de l’islam.

Comme l’explique un historien français, "l’eschatologie représente un des traits fondamentaux de la religion musulmane. L’imminence de la fin des temps et du Jugement dernier est l’un des thèmes coraniques les plus anciens et les plus constants, qui parcourt l’ensemble du texte sacré de l’islam". Mohammed étant le dernier prophète (le "sceau de la prophétie"), sa venue inaugure la dernière période de l’histoire universelle, c’est-à-dire la période eschatologique.

Dans son recueil de Hadith intitulé "Les grands signes de la fin du monde depuis la mission du prophète jusqu’au retour de Jésus", Abdallah al-Hajjaj cite une parole du prophète, affirmant en levant sa main que sa mission et l’Heure dernière étaient rapprochées comme son majeur de son index. Cette croyance à l’imminence de la fin des temps est un aspect fondamental du réveil de l’islam dans le monde actuel, sous ses formes pacifiques et guerrières.

L’islam chiite est parfois présenté comme étant le seul à accorder une importance aux considérations eschatologiques. Il est vrai que le thème du retour de l’Imam caché, élément central des croyances de l’islam chiite, se prête facilement aux interprétations eschatologiques. Depuis la révolution islamique iranienne, en 1979, les aspirations eschatologiques occupent le devant de la scène au sein du monde musulman chiite. La croyance en l’imminence du Jugement dernier permet d’expliquer tant les comportements suicidaires, qui se sont multipliés depuis les années 1980, lors de la guerre Iran-Irak, que l’attitude actuelle des dirigeants iraniens.

 

La dimension eschatologique du mouvement islamiste sunnite

Mais l’eschatologie est tout autant présente dans l’islam sunnite, et elle joue un rôle central dans le développement des mouvements islamistes sunnites. Toutes les composantes de la mouvance islamiste contemporaine, depuis les Frères musulmans jusqu’au Hamas et à la nébuleuse Al-Qaida, partagent en effet l’espoir de voir le Califat islamique reconstitué et considèrent le "renouveau de l’islam" comme le signe manifeste de la véracité des prophéties concernant la victoire finale de l’islam et sa propagation dans le monde entier.

On peut citer à titre d’exemple cette fatwa du cheikh Qaradawi, idéologue important du mouvement islamiste et organisateur de l’islam européen  :

On posa au prophète Mahomet la question suivante : ’Quelle ville sera conquise en premier, Constantinople ou Romiyya?’ Il répondit : ’La ville d’Héraklès sera conquise en premier’, c’est-à-dire Constantinople... Romiyya est aujourd’hui la ville appelée ’Rome’, capitale italienne. La ville d’Héraklès fut conquise en 1453 par Mohammed Ben Morad, jeune Ottoman de 23 ans connu sous le nom de Mohammed le Conquérant. L’autre ville, Romiyya, reste à conquérir, et nous espérons et croyons qu’elle le sera.

Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en vainqueur, après en avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes...

Il est facile bien entendu d’écarter du revers de la main cette prophétie relative à la conquête de Rome, en la considérant comme n’étant pas plus digne de foi que celles de Nostradamus. Mais cela serait une grave erreur d’appréciation. L’essentiel n’est pas en effet d’apporter foi aux prophéties de Mohammed, rapportées dans les Hadith, mais de prendre conscience de l’importance que les Musulmans eux-mêmes leur accordent.

Ce sont en effet les croyances des acteurs des mouvements islamistes qui permettent de comprendre leurs motivations et leurs aspirations : l’organisation des Frères musulmans est ainsi persuadée - depuis sa création en 1928 - qu’elle incarne le renouveau de l’islam, et que son rôle est de faire flotter l’étendard de l’islam sur les cinq continents. Présenter les Frères musulmans comme l’incarnation d’un "islamisme modéré" revient donc à faire mentir les convictions les plus ancrées de leurs membres...

La Charte du Hamas, un document à forte connotation apocalyptique

La même erreur de perspective se retrouve dans l’analyse des objectifs du Hamas, que l’on présente régulièrement comme étant en voie de "modération" et sur le point de reconnaître le droit à l’existence d’Israël. Un des passages clés de la Charte du Hamas, qui éclaire la vision du monde du mouvement islamiste palestinien, est le Hadith cité dans l’article 7 :

L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le !

Ce Hadith, cité sur d’innombrables sites Internet musulmans, signifie que le "combat contre les juifs" constitue pour le Hamas un impératif non seulement politique, mais eschatologique. L’affrontement avec les Juifs n’est pas seulement le moyen de récupérer la terre de Palestine, qui constitue un Waqf musulman inaliénable, mais il est la condition sine qua non à la venue de la Fin des temps.

Les observateurs occidentaux, souvent ignorants de la vision du monde islamiste en général, et de leurs croyances eschatologiques en particulier, sont enclins à croire que l’islamisme n’est qu’un extrémisme de façade, et qu’il suffit qu’il soit confronté au pouvoir pour qu’il devienne plus "réaliste" et pragmatique... Un exemple récent de cette erreur d’appréciation nous a été fourni par l’interprétation abusive donnée d’une interview du chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mashal. Il aura suffi que le dirigeant du Hamas prononce quelques mots soigneusement calculés, dans une interview à l’agence Reuters , pour que les médias du monde entier se mettent à en tirer des conclusions hâtives et abusives, sur la "reconnaissance d’Israël par le Hamas".

Une analyse succincte de l’idéologie et des principes qui guident l’action du mouvement islamiste palestinien montre cependant qu’il ne saurait être question pour le Hamas de reconnaître le droit d’Israël sur la terre comprise entre la Méditerranée et le Jourdain, ni de renoncer à la lutte armée. Au-delà des discours destinés aux oreilles occidentales - toujours à l’affût de signes d’une "évolution" et d’un "assouplissement" du Hamas – celui-ci reste fidèle à sa raison d’être et à son idéologie, qui est exprimée dans sa Charte.

 

Un antisémitisme apocalyptique et rédempteur

Le Hamas demeure un mouvement islamiste radical, dont l’idéologie exprime une vision du monde marquée par les thèmes de l’eschatologie musulmane, dans lesquels les Juifs occupent une place centrale. Sa vision apocalyptique de l’affrontement ultime avec Israël exclut toute possibilité de coexistence ou de modération, et elle est identique à celle des mouvements djihadistes les plus radicaux.

Loin d’être un épiphénomène, l’antisémitisme du Hamas constitue le coeur de sa doctrine politico-religieuse. La haine des Juifs exprimée dans la Charte du Hamas et véhiculée dans les discours de ses dirigeants n’est pas un simple antijudaïsme religieux ou un antisémitisme importé d’origine européenne : il s’agit d’un antisémitisme apocalyptique et rédempteur, pour reprendre la qualification de Pierre-André Taguieff qui compare la judéophobie islamiste radicale - pour laquelle « le monde musulman ne peut être sauvé que par l’extermination des Juifs » - à l’antisémitisme raciste hitlérien.

Il est troublant de voir que l’Occident, loin de condamner le discours apocalyptique du Hamas, l’encourage, comme le faisait remarquer récemment le professeur Richard Landes. Cette attitude s’explique sans doute par le fait que la conviction exprimée par les dirigeants du Hamas, de la disparition prochaine d’Israël, est partagée par certains diplomates et dirigeants européens.

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