Haine abyssale contre la famille Nétanyahou : l’explication de Benny Ziffer, Pierre Lurçat
Dans l’interview passionnante qu’il m’a donnée le mois dernier pour Israël Magazine, Benny Ziffer, rédacteur en chef du supplément littéraire du journal Ha’aretz et proche de la famille Nétanyahou, revient sur la haine abyssale envers le Premier ministre et sa famille. Ses explications permettent de comprendre les images choquantes d’une foule de manifestants séquestrant Sarah Nétanyahou dans son salon de coiffure, au nom de leur conception bien particulière de la “démocratie”. P. Lurçat
Benny Ziffer : “Je suis satisfait du Premier ministre. J’espère qu’il sera assez dominant pour faire régner l’ordre (dans son gouvernement). A son âge, il est comme Ben Gourion, centriste non pas parce qu’il aurait évolué dans ses opinions mais parce que la gauche a soudain quasiment disparu et toute la carte politique a bougé. Je pense que tout comment Ben Gourion en son temps, il va transformer les partenaires les plus extrémistes de sa coalition en hommes politiques responsables. Le meilleur exemple concernant les LGBT. Quand Amir Ohana avait prononcé son discours d’investiture à la Knesset, les députés ultra-orthodoxes étaient sortis de la salle. Aujourd’hui ils sont restés !
Ben Gourion avait fait la même chose avec Itshak Shamir, ex-dirigeant du Lehi qui avait pris part à l’assassinat de Bernadotte. Il l’avait intégré dans les rangs du Mossad.
P.L Comment expliquer la haine abyssale envers Nétanyahou?
B.Z. Tout simplement, la jalousie. Bibi a le profil d’un homme de gauche… Son père était le rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque, avec Y. Leibowitz. Il fait partie des anciennes élites. Au sein de l’élite sioniste révisionniste, il a réussi. S’il avait fait une carrière universitaire, personne n’aurait trouvé à y redire… Son père était un outsider.
Je pense que la haine contre Bibi est aussi la prolongation de la haine contre Begin et contre la droite, qui est très ancienne.Aujourd’hui la droite ne s’excuse plus. Bibi est libéral. Son père avait été radical dans sa jeunesse, mais il est ensuite devenu un universitaire et un historien respecté. En tant qu’historien, on regarde les choses de l’extérieur…
P.L Et Sarah Nétanyanou ?
B.Z. Je pense que la haine à son égard est liée à la misogynie qui fait partie de l’éthos israélien… Cette vulgarité israélienne s’en prend toujours aux femmes. Elle est à cet égard une victime idéale… Lorsque j’ai commencé à écrire sur Sarah Nétanyahou, les gens me disaient “J’ai vu qu’elle était comme ci et comme ça…” Alors qu’ils ne faisaient que colporter des rumeurs.
Aujourd’hui, cela s’est calmé. Juste avant les élections, Raviv Drucker a fait un nouveau film sur les enregistrements de Sarah, et il n’a pas eu de rating. Je pense que quelque chose est arrivé lors des dernières élections. La gauche a été quasiment effacée.
P.L. Ils se sont autodétruits… Ils sont déconnectés de la réalité ?
B.Z. Ils se préoccupent de choses futiles… Ils ont dépensé toute leur énergie sur des histoires de haine personnelle. Ce qui est bien chez Nétanyahou c’est sa patience. “Le génie est une longue patience” (rires). Il a cette patience…
En Israël on n’aime pas les personnalités fortes, comme Sarah et comme Bibi Nétanyahou. Je compare cela à l’antisémitisme et je l’ai dit souvent. Sarah n’est pas une sainte… J’ai été souvent invité chez eux. Mais l’antisémitisme consiste à déceler chez quelqu’un une faiblesse et à en faire l’essentiel.
P.L C’est ce que Jabotinsky appelle “l’antisémitisme des choses”...
B.Z. Absolument. Weizmann a dit que l’antisémitisme consiste à détester les Juifs plus qu’ils ne le méritent… Faire d’un détail la chose essentielle. Depuis que les réseaux sociaux existent, on attend des dirigeants qu’ils soient parfaits…