Israël : vers le retour de la réforme judiciaire? Pierre Lurçat
Comment interpréter la déclaration du ministre Yariv Levin, remettant à l’ordre du jour le projet de réforme judiciaire? « Le temps est venu d’apporter un soutien total à la réforme du système judiciaire et des forces de l’ordre, et de mettre fin à l’anarchie, au déchaînement, à l’insubordination et aux tentatives de porter atteinte au Premier ministre», a-t-il affirmé sur les réseaux sociaux après l’attaque aux fusées éclairantes contre le domicile du Premier ministre à Césarée. S’agit-il d’une réaction à chaud incontrôlée, ou bien d’un véritable ballon d’essai, annonciateur de nouvelles initiatives visant à remettre sur le tapis le projet très contesté de réforme judiciaire ?
En réalité, ce “réchauffement” du front de la guerre judiciaire est - un peu comme celui du front de la guerre entre Israël et le Hezbollah, une riposte tardive, faisant suite à de longs mois de retenue de la part du gouvernement sur ce sujet sensible. Car c’est bien le camp des “tout sauf Bibi” qui a tiré le premier, en menant ces dernières semaines un véritable blitz juridico-médiatique, visant ni plus ni moins que la destitution du Premier ministre, en pleine guerre existentielle contre des ennemis voués à la destruction d’Israël.
C’est ainsi que doivent être interprétées les arrestations insensées d’un officier et d’un employé du cabinet du Premier ministre, mis au secret pendant plus de 10 jours et empêchés de rencontrer un avocat, en vertu d’une procédure exceptionnelle réservée aux terroristes considérés comme des “bombes à retardement”. Ce n’est pourtant pas la première fois que le Shin-Beth, le service de sécurité intérieure, utilise des outils policiers réservés aux terroristes contre des citoyens juifs israéliens.
Ces dernières décennies, il le faisait contre des habitants de Judée-Samarie, eux aussi traités comme de dangereux “terroristes”, le plus souvent sans aucun fondement factuel ou légal. Mais c’est la première fois que ce traitement à la limite de la légalité est utilisé contre un collaborateur du cabinet du Premier ministre. Ce faisant, le Shin-Beth a dévoilé au grand jour son visage authentique : celui d’une police politique, digne des pires régimes totalitaires.
En l’occurrence, c’est ainsi le Shin-Beth – avec le soutien de la Cour suprême (abusivement présentée comme “rempart de la démocratie”) et de tout l’establishment judiciaire et médiatique – qui a posé une véritable “bombe à retardement”, visant à faire imploser le gouvernement, et démontrant une fois de plus que le “Deep State” israélien (expression que nous allons expliciter) donne préséance à sa guerre politique contre le gouvernement sur toute autre considération.
Dans la suite de cet article, nous tenterons de comprendre le lien entre cette “affaire”, les rapports entre l’armée et le gouvernement et la responsabilité du “Deep State” dans le 7 octobre.
P. Lurçat
NB Lire aussi sur ce sujet, l'article du blog Danilette, Des graves histoires, suite - Danilette's