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Pourquoi Israël n’a-t-il pas de Constitution ? Pierre Lurçat

April 20 2023, 09:57am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi Israël n’a-t-il pas de Constitution ? Pierre Lurçat

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions l’éléphant 2023).

            Afin de répondre à la question de savoir pourquoi Israël ne possède pas de Constitution, examinons tout d’abord ce qu’est une Constitution. Selon une définition répandue, elle est un ensemble de règles juridiques, qui ont pour objet de définir les institutions d’un État et leurs relations mutuelles. La Constitution est par ailleurs la règle suprême, en ce qu’elle se situe au sommet de la pyramide des normes juridiques de l’État. Cette définition ne suffit pas cependant à caractériser ce qui fait la spécificité de la Constitution.

            Celle-ci n’est en effet pas seulement un ensemble de règles et un échafaudage juridique. Elle exprime également un consensus sociétal minimal sur des questions fondamentales, qui reflète les valeurs communes d’une société et d’une nation, dont elle constitue ainsi la « carte d’identité ». Ce deuxième aspect de la définition d’une Constitution est crucial pour comprendre la situation particulière du droit constitutionnel en Israël.

            Israël possède en effet un ensemble de lois dites « fondamentales », dont il est habituel de considérer qu’elles ont une valeur supra-législative et – selon certains commentateurs – quasi-constitutionnelle. Mais Israël ne possède pas de véritable Constitution en bonne et due forme, telle que nous la connaissons en France. Les raisons de cette absence sont à la fois historiques et circonstancielles, comme nous allons le voir, mais aussi plus profondes[1]. Elles tiennent en effet à l’absence d‘un consensus minimal sur les valeurs communes et sur l’identité profonde de l’État d’Israël. Avant d’examiner ce dernier point, qui est essentiel, rappelons au préalable quelques étapes clés dans l’histoire constitutionnelle d’Israël.

La Déclaration d’Indépendance du 14 mai 1948 avait expressément prévu l’élection d’une Assemblée constituante. A cette époque, comme l’explique le professeur de droit israélien Claude Klein, l’idée d’une constitution formelle pour le nouvel État paraissait évidente aux yeux de certains[2]. Pourtant, de nombreux pays n’ont pas de constitution formelle écrite, et notamment l’Angleterre – premier pays d’Europe dans lequel les libertés publiques ont été protégées contre le despotisme du souverain – dont l’influence sur le système juridique israélien a été considérable.

L’éphémère Assemblée constituante israélienne

            Mais l’influence britannique était contrebalancée par celle d’autres pays. En effet, pour de nombreux dirigeants et penseurs sionistes, au premier rang desquels figure Theodor Herzl lui-même, les références principales en matière juridique et politique n’étaient pas celles des pays anglo-saxons, mais bien celle des pays de tradition juridique continentale, et principalement la France et l’Allemagne. L’expérience constitutionnelle de la IIIe République française était ainsi bien connue de plusieurs législateurs israéliens, et elle avait fortement influencé le fondateur du sionisme politique, qui avait assisté en tant que correspondant étranger aux débats parlementaires français entre 1892 et 1895[3].

            Aux termes de la Déclaration d’Indépendance de 1948, l’Assemblée constituante devait donc être élue dans les quatre mois, c’est-à-dire le 1er octobre 1948 au plus tard, et entamer sans tarder l’élaboration d’une Constitution pour l’État d’Israël. Mais les circonstances historiques – l’offensive conjointe de cinq armées arabes contre le jeune État juif – perturbèrent ce programme. L’Assemblée constituante ne fut élue que le 25 janvier 1949, à l’issue de la Guerre d’Indépendance. Elle commença à siéger le 16 février et adopta la dénomination de « première Knesset ». De fait, elle n’allait jamais achever sa tâche constitutionnelle.

Ce n’est qu’en 2003 que la dix-septième Knesset reprit le travail entamé par l’Assemblée constituante en lançant le projet d’une « Constitution adoptée par consensus»[4]. Les raisons de cet ajournement de plus d’un demi-siècle sont multiples. Selon une explication communément admise, qui ne reflète qu’un aspect de la réalité, Ben Gourion aurait renoncé au projet de Constitution sous la pression des partis religieux, hostiles par principe à toute Constitution laïque. Comme le déclara le député du parti juif orthodoxe Agoudath Israël, M. Loewenstein, « nous considérons l’adoption d’une Constitution laïque comme une tentative de divorcer d’avec notre Sainte Torah[5] ».

            Outre ce conflit évident entre la conception laïque de la Constitution et la vision du monde juive orthodoxe, d’autres aspects tout aussi importants étaient également sujets à controverse : ainsi, fallait-il que la future Constitution sanctifie le droit à la propriété privée, à l’instar de la Constitution américaine, ou au contraire qu’elle privilégie les valeurs de la propriété collective ? Sur ce point essentiel, la société et l’échiquier politique israélien étaient tout aussi divisés à l’époque entre une gauche sioniste socialiste et une droite d’inspiration libérale.

L’esprit de compromis de Ben Gourion et la résolution Harari

            En réalité, David Ben Gourion a adopté en la matière une politique de temporisation, qu’il a ainsi justifiée dans son livre La vision et le chemin: « Sauver la nation et préserver son indépendance et sa sécurité prime sur tout idéal religieux ou antireligieux. Il est nécessaire, dans cette période où nous posons les fondations de l'État, que des hommes obéissant à des préoccupations et à des principes différents travaillent ensemble... en s'efforçant de rassembler le peuple sur sa terre... et, lorsque l'heure viendra, la nation rassemblée décidera de ces grandes questions. D'ici là, nous devons tous faire montre d'un sage esprit de compromis sur tous les problèmes économiques, religieux, politiques et constitutionnels qui peuvent supporter d'être différés [6] ».

 

            Nous verrons comment cet esprit de compromis a laissé la place à un esprit partisan, avec la « Révolution constitutionnelle » du juge Aharon Barak. Il convient de remarquer à ce sujet que, selon certains analystes de la vie politique israélienne, la véritable raison du revirement de Ben Gourion était précisément sa crainte – prémonitoire – de voir le pouvoir politique trop soumis au contrôle des juges...[7] Ben Gourion avait ainsi déclaré en 1950 devant la Knesset : « Le juge ne fait pas de lois, il ne les invalide pas, parce que le juge, comme tout autre citoyen du pays, est soumis à la loi [8]». Quoi qu'il en soit, c'est dans ce contexte politique de temporisation que la première Knesset fut dissoute en 1951, sans avoir adopté de Constitution.


[1] Sujet abordé par Danny Trom dans son livre L’État de l’exil - Israël, les Juifs, l’Europe, PUF 2023.

[2] Claude Klein, Le droit israélien, PUF 1990.

[3] Comme en témoigne son livre Palais Bourbon, tableau de la vie parlementaire française, éd. de l’Aube 1998.

[4] “Projet de Constitution par large consensus” de la Commission des Lois de la Knesset, voir http://www.knesset.gov.il/huka/

[5] Actes de la Knesset, 7.2.1950, cité par A. Avi-Hai, Ben Gourion bâtisseur d’État, Albin Michel 1988, p. 120.

[6] Hazon ve-Derekh, vol. 3 p.57, cité par A. Avi-Hai, op. cit. Cet esprit de compromis de Ben Gourion en matière religieuse et constitutionnelle est d'autant plus remarquable qu'il avait manifesté auparavant un esprit totalement opposé, notamment lors de l'affaire de l'Altalena, en livrant aux Anglais des membres de l'Irgoun et du Lehi (organisations clandestines dissidentes) et en faisant tirer sur le bateau d’armes affrété par Menahem Begin.

[7] Claude Klein, Le droit israélien, op. cit. p. 38.

[8] David Ben Gourion, 20.2.1950, 17e session de la Première Knesset.

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Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.

Liliane Messika, écrivain Mabatim

 

Dans ce petit livre très dense et très pédagogique, Pierre Lurçat nous éclaire sur la crise actuelle que traverse Israël”.

Evelyne Tschirhart, écrivain

 

On ne peut imaginer ouvrage plus clair et plus adéquat pour comprendre quel est l’enjeu de ce qui s’est passé dans le pays”.

Rav Kahn, Kountrass

 

Un ouvrage court et très agréable à lire”.

Bernard Abouaf, journaliste, Radio Shalom

 

Le livre à lire impérativement pour comprendre le projet de réforme judiciaire en Israël”.

Albert Lévy, chef d’entreprise Amazon

Pourquoi Israël n’a-t-il pas de Constitution ? Pierre Lurçat

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Comprendre la Loi fondamentale sur l’Etat-nation (II): la question de l’égalité des droits, par Pierre Lurçat, avocat

December 22 2020, 16:17pm

Posted by Pierre Lurçat

Comprendre la Loi fondamentale sur l’Etat-nation (II): la question de l’égalité des droits, par Pierre Lurçat, avocat

Alors que la Cour suprême, dans ce qui constitue la deuxième phase de la Révolution constitutionnelle entamée dans les années 1990 et sa transformation en premier pouvoir en Israël, prétend examiner la "légalité" de la Loi fondamentale sur Israël Etat-nation, il importe de bien comprendre la signification véritable de cette loi. Analyse.

 

Dans la première partie de cet article, nous avons vu que la Loi fondamentale sur l’Etat-nation s’inscrivait dans le droit fil des textes fondant la légitimité de l’Etat d’Israël selon le droit  international, et notamment de la Déclaration Balfour de 1917 et de la Résolution 181 des Nations Unies de 1947. Nous voudrions à présent nous attarder sur la question controversée de l’égalité et sur les arguments de ceux qui affirment que cette loi porte atteinte à l’égalité des citoyens non-juifs de l’Etat d’Israël.

 

Première affirmation : l’égalité des droits mentionnée dans la Déclaration d’Indépendance a été délibérément omise dans la Loi fondamentale, qui abolit ainsi la notion d’égalité.

 

Cette affirmation, entendue très souvent au cours des dernières semaines, exprime une incompréhension fondamentale du système juridique israélien et de la structure de l’édifice législatif, en Israël et dans les pays démocratiques en général. Elle repose en effet sur l’idée erronée qu’une nouvelle loi aurait automatiquement pour effet d’abroger les lois précédentes. Il n’en est pas du tout ainsi ! Non seulement la Loi fondamentale n’a pas pour effet d’abroger les lois antérieures - mais elle vient en réalité les compléter (1).

 

Pour analyser la place de la Loi fondamentale sur l’Etat-nation au sein de l’édifice juridique et constitutionnel israélien, je propose de recourir à l’image du puzzle. Chaque loi fondamentale vient en effet s’insérer dans un ensemble plus vaste dont elle constitue un élément. La complémentarité de chacun des éléments de ce puzzle tient à la fois à des raisons procédurales (le législateur israélien ayant décidé de recourir au système de l’élaboration d’une Constitution par étapes, en s’inspirant notamment du modèle allemand d’après 1949), et à des raisons de fond (2).

 

Sur le fond en effet, la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient s’insérer de manière logique dans l’édifice constitutionnel, aux côtés des deux éléments déjà édifiés depuis 1948. Le premier élément était celui des Lois fondamentales décrivant le fonctionnement des institutions (Knesset, Président de l’Etat, etc.). Le second était celui des droits de l’homme, qui sont énoncés dans les deux lois fondamentales de 1992. Le troisième élément, qui faisait défaut jusqu’alors, était celui du caractère juif de l’Etat, ou si l’on préfère de la “carte d’identité” de l’Etat d’Israël.

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La carte d'identité de l'Etat (photo : la Knesset)

 

 

Dernier point, qu’il n’est pas inutile de rappeler : la Déclaration d’Indépendance affirme certes que tous les citoyens d’Israël bénéficient de droits égaux, sans distinction d’origine. Mais elle mentionne également le droit au Retour, qu’elle réserve exclusivement aux Juifs et à leurs descendants, ce qui montre bien qu’elle n’est pas motivée uniquement par un souci d’égalité.

 

Deuxième affirmation : la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient consacrer une inégalité de fait entre citoyens juifs et non juifs.

 

Cette affirmation procède là encore d’une vision erronée de la réalité, tant politique que juridique, de l’Etat d’Israël. En réalité, il n’existe pas d’inégalité, de jure ou de facto, entre les citoyens de l’Etat d’Israël. Ceux-ci bénéficient en effet des mêmes droits politiques et sociaux, quelle que soit leur appartenance religieuse ou ethnique, conformément aux termes de la Déclaration d’Indépendance de 1948. Ceux qui dénoncent une prétendue inégalité contestent en réalité la nature même de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif, comme on l’a bien vu lors de la manifestation organisée samedi dernier à Tel-Aviv, au cours de laquelle les manifestants arabes israéliens ont brandi des drapeaux palestiniens !


 


Manifestation contre la Loi sur l’Etat nation à Tel-Aviv

 

Pour illustrer l’inanité de cette affirmation, prenons l’exemple le plus marquant, celui de la langue. Selon les opposants à la Loi fondamentale, celle-ci aurait rabaissé le statut de l’arabe, auparavant langue officielle à égalité avec l’hébreu, pour en faire une langue de second rang. Cette affirmation contient plusieurs contre-vérités. Tout d’abord, l’arabe n’a jamais été la langue officielle de l’Etat d’Israël. Il a en réalité bénéficié d’un statut de langue officielle avant 1948, pendant la période du Mandat britannique, mais ce statut a été abrogé de facto quand l'Etat d’Israël naissant a choisi l’hébreu comme langue officielle. Israël n’est pas, et n’a jamais été depuis 1948 un Etat binational, ou un Etat pratiquant le bilinguisme, contrairement à d’autres Etats.

 

Le statut spécial dont bénéficie la langue arabe en Israël est à la fois l’héritage de la période mandataire et la conséquence de l’interventionnisme de la Cour suprême en faveur des minorités arabes en Israël. Ainsi, un arrêt de 1999 a obligé les municipalités des villes abritant une minorité arabe à utiliser cette langue sur tous les panneaux de circulation dans leur ressort juridictionnel (Bagats 4112/99). La Loi fondamentale ne remet pas en cause le statut spécial acquis par la langue arabe au sein de l’Etat d’Israël : celui-ci est en effet confirmé à l’article 4 (b) et (c) - ce dernier précisant que la Loi ne porte atteinte à aucun droit acquis avant son entrée en vigueur.

 

En réalité, comme l’explique le professeur Martin Sherman, ceux qui s’opposent à la loi au nom de l’égalité des droits confondent deux catégories de droits bien différentes. D’une part, les droits civiques et libertés publiques, qui sont garantis en Israël à tous les citoyens sans distinction d’origine ethnique ou religieuse, depuis la Déclaration d’Indépendance et sous le contrôle tatillon de la Cour suprême, championne de l’égalité. D’autre part, les droits nationaux revendiqués à titre collectif, qui sont réservés au seul peuple Juif, au nom de son droit à l’autodétermination. Sur ce dernier point, aucun compromis n’est possible, sauf à transformer Israël en Etat binational.

Pierre Lurçat

 

(1) Cela est d’autant plus vrai, s’agissant d’une Loi fondamentale, c’est-à-dire d’une loi ayant une valeur supérieure aux lois “normales”, et selon certains avis quasi-constitutionnelle. Si on accepte l’hypothèse (soutenue par une partie des auteurs et juristes israéliens) que les Lois fondamentales sont des éléments de la Constitution en voie de création de l’Etat d’Israël, on comprend d’autant mieux comment la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient compléter les Lois fondamentales précédentes, et notamment la Loi sur la liberté et la dignité humaine de 1992

(2) Sur les notions de Loi fondamentale et de Constitution par étapes, je renvoie au chapitre 13 de mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

Mon intervention au récent colloque organisé par Dialogia, “Où va la démocratie ?” est en ligne sur Akadem, https://akadem.org/conferences/colloque/politique/dialogia-democratie/dialogia-ou-va-la-democratie-/45247.php.

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La contestation de l’État juif par les élites israéliennes, par Pierre Lurçat

August 26 2018, 13:11pm

Posted by Pierre Lurçat

Yom Yeroushalayim (photo P. Lurçat)

Yom Yeroushalayim (photo P. Lurçat)



 

La polémique actuelle autour de l’adoption par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël État-nation du peuple juif” ne peut être comprise sans la replacer dans le contexte de l’intervention grandissante de la Cour suprême dans la vie publique au cours des trois dernières décennies, et de la contestation du caractère juif de l’État par les membres des élites israéliennes post-sionistes. Le présent article, extrait de mon nouveau livre (Israël, le rêve inachevé, à paraître aux Editions de Paris / Max Chaleil), expose le contexte historique de cette controverse.

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La récente polémique déclenchée par le vote à la Knesset de la Loi fondamentale définissant Israël comme “l’État-nation du peuple Juif” est une conséquence directe de l’affaiblissement de la notion d’État juif par la Cour suprême. Cette notion était en effet inscrite dans la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël de 1948, qui mentionnait explicitement le droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain”. L’idée que le nouvel État d’Israël était l’État-nation du peuple Juif était considérée comme une évidence incontestable par ses fondateurs, et elle a été acceptée par la communauté des nations, lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1947.


 

Comment cette évidence a-t-elle été progressivement remise en question, au point que l’adoption par le parlement israélien de la Loi fondamentale sur l’État juif est aujourd’hui largement dénoncée comme “polémique” ou anti-démocratique ? La réponse à cette question est étroitement liée à l’interventionnisme judiciaire de la Cour suprême, depuis le début des années 1990. C’est en effet cette dernière qui a ébranlé le large consensus qui existait en Israël en 1948, lors de la proclamation d’Indépendance, signée par des représentants de tous les partis, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. En faisant du caractère juif de l’État un sujet polémique et en opposant “État juif” et “État démocratique” - deux réalités qui avaient coexisté sans problème majeur pendant quatre décennies - la Cour suprême a ouvert la boîte de Pandore.


 

Proclamation de l'Etat d'Israël :

la Loi sur l'Etat-nation est conforme à la Déclaration d'Indépendance de 1948

 

 

Dans l’esprit des pères fondateurs du sionisme politique et des premiers dirigeants de l’État d’Israël - au premier rang desquels David Ben Gourion - le caractère juif de l’État n’était en effet nullement contradictoire avec son caractère démocratique. C’est dans cet esprit qu’il a élaboré le fragile équilibre sur lequel ont reposé l’État et ses institutions après 1948. Ben Gourion a fait preuve à cet égard d’une volonté de compromis inhabituelle, qu’il justifie ainsi dans ses écrits : “Sauver la nation et préserver son indépendance et sa sécurité prime sur tout idéal religieux ou antireligieux. Il est nécessaire, dans cette période où nous posons les fondations de l’État, que des hommes obéissant à des préoccupations et à des principes différents travaillent ensemble… Nous devons tous faire montre d’un sage esprit de compromis sur tous les problèmes économiques, religieux, politiques et constitutionnels qui peuvent supporter d’être différés”(1).


 

En totale contradiction avec cet esprit de compromis, qui a permis aux différentes composantes de la nation israélienne de coexister pendant les premières décennies de l’État, le juge Aharon Barak a adopté une démarche partisane et défendu des positions radicales sur le sujet crucial de l’identité de l’État d’Israël. Sous couvert de concilier les valeurs juives et démocratiques de l’État d’Israël, Barak a en effet mené un véritable combat contre tout particularisme juif de l’État. Au nom d’une conception bien particulière des “valeurs universelles” (“les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif sont les valeurs universelles communes aux membres d’une société démocratique” (2)), la Cour suprême a pris toute une série de décisions marquantes, dont le point commun était de réduire à néant le caractère juif et sioniste de l’État.

 

 

Aharon Barak : un “fondamentalisme juridique”

Ces décisions ont tout d’abord concerné principalement des questions religieuses, comme les conversions non orthodoxes (effectuées par les mouvements juifs réformés et « conservative »), ou bien le respect du shabbat sur la voie publique. Sur toutes ces questions, le juge Barak a fait preuve d’un esprit antireligieux militant, qui a suscité, en réaction, d’immenses manifestations contre la Cour suprême, organisées par le public juif orthodoxe au milieu des années 1990. Mais il s’est avéré par la suite que la doctrine Barak n’était pas dirigée uniquement contre le judaïsme orthodoxe, mais tout autant contre les valeurs fondamentales du sionisme politique.

 

La décision la plus marquante à cet égard a été celle de la Cour suprême dans l’affaire Kaadan. Il s’agissait d’une famille arabe qui avait voulu acheter une parcelle de terrain dans le village juif de Katzir, créé par l’Agence juive sur des terres domaniales appartenant à l’État. Dans cette affaire, le juge Barak a pris le contre-pied de la politique traditionnelle d’implantation juive en Israël, qui remonte aux débuts du sionisme, bien avant la création de l’État. L’arrêt de la Cour suprême, rédigé par Barak, affirmait ainsi que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres domaniales à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ». En d’autres termes, la Cour suprême prétendait disqualifier toute l’entreprise de peuplement juif menée par l’Agence juive depuis les débuts du sionisme politique, au nom de sa conception de l’égalité.

 

C’est dans ce contexte de remise en cause progressive des fondements du sionisme par la Cour suprême - et plus largement, par une partie des élites israéliennes dont elle est représentative - qu’il faut comprendre la récente polémique autour de la Loi fondamentale sur l’État-nation. En réalité, celle-ci n’ajoute rien de nouveau à la Déclaration d’Indépendance. L’opposition virulente qu’elle a suscité s’explique surtout par l’effritement progressif du consensus sioniste, mis à mal par l’assaut de l’idéologie post-moderne et post-sioniste qui a triomphé à l’époque des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette période a été marquée par une véritable “révolution culturelle” (3) - concomitante à la “révolution constitutionnelle” que nous avons décrite plus haut - qui a vu les notions fondamentales du sionisme politique remises en cause par une large partie des élites intellectuelles de l’État d’Israël, dans le monde universitaire, celui de l’art et de la culture, les médias, etc.

 

Un de ceux qui a le mieux exprimé cette révolution culturelle a été l’écrivain David Grossman, qui écrivait dans un article publié en septembre 1993, intitulé “Imaginons la paix” (4) : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” - voire un retrait total - de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”... Comme être un “peuple spécial”... Renoncer au pouvoir en tant que valeur. A l’armée elle-même en tant que valeur…” Ce que nous dit Grossman - et ce qu’ont exprimé à l’époque des dizaines d’autres intellectuels partageant la même idéologie - c’est qu’il était prêt à renoncer à tous les éléments essentiels de l’ethos sioniste (ou “régions de notre âme”), pour transformer l’État juif en État de tous ses citoyens, c’est-à-dire en État occidental dans lequel les Juifs n’auraient plus aucune prérogative nationale.

 

“Renoncer aux territoires de notre âme” - David Grossman

 

C’est au nom de la même idéologie radicale que d’autres intellectuels ont prétendu abroger la Loi du Retour, fondement de l’immigration juive en Israël et pilier de l’existence nationale dans l’esprit de David Ben Gourion, son principal artisan, qui la considérait comme “la quintessence de notre État”. Mais la révolution culturelle entreprise à l’époque des accords d’Oslo a échoué. Elle a doublement échoué : une première fois, dans le feu et le sang du terrorisme palestinien, qui a anéanti les espoirs chimériques de mettre fin au conflit par des concessions territoriales. Et une seconde fois, lorsque les Israéliens ont rejeté par les urnes, à une large majorité, l’idéologie post-sioniste qui avait brièvement triomphé lors de la révolution culturelle menée par les opposants de l’État juif.

 

Les citoyens israéliens ont en effet exprimé, à de nombreuses reprises, leur attachement aux valeurs fondamentales du sionisme politique et à la notion d’État juif, décriée par une partie des élites intellectuelles. Le “retrait total des régions de notre âme” promu par David Grossman n’a pas eu lieu, parce que les Israéliens ont refusé, dans leur immense majorité, cette entreprise d’auto-liquidation nationale. Ils ont signifié qu’ils étaient attachés à la Loi du Retour et aux notions de ‘pureté des armes’ et de ‘peuple spécial’ tournées en ridicule par Grossman, et que leur âme juive vibrait encore. Ils ont signifié leur attachement indéfectible aux valeurs juives traditionnelles, à l’armée d’Israël (où le taux d’engagement dans les unités combattantes n’a pas faibli, malgré l’idéologie pacifiste) et à “l’espoir vieux de deux mille ans d’être un peuple libre sur sa terre”, selon les mots de l’hymne national.

Pierre Lurçat

Notes

(1) David Ben Gourion, in Hazon ve-Derekh, cité par Avraham Avi-Hai, Ben Gourion bâtisseur d’État, p. 120.

(2)  A. Barak, “The constitutional Revolution : Protected Human Rights”, Mishpat Umimshal, cité dans La trahison des clercs d’Israël, La Maison d'Edition 2016 p. 131.

(3) J’emprunte cette idée et d’autres au livre très riche de Yoram Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007.

(4)  Cité par Y. Hazony, op. cit. p.113.

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Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

August 6 2018, 16:20pm

Posted by Pierre Lurçat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

 

“Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

Isaïe 49, 17

 

Depuis le vote par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël Etat-nation du peuple Juif”, les opposants à la loi en Israël, relayés par certains médias internationaux hostiles à Israël, propagent de nombreuses contre-vérités à son sujet, par ignorance ou par malveillance. Le présent article vise à rétablir certaines vérités fondamentales sur ce sujet important.

 

Une “loi controversée”, partisane et “contraire aux principes fondateurs de l’Etat d’Israël?”

 

Loi controversée” : par cette expression, les médias entendent discréditer le contenu de la loi avant même de l’avoir exposé. En réalité, cette loi fondamentale a été adoptée par une majorité absolue de 62 députés de la Knesset contre 55. (A titre de comparaison, la “Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaine” avait été adoptée en 1992 à une majorité de 32 voix contre 21). A noter : le principal artisan de la Loi, Avi Dichter, était au moment où il a entamé le travail législatif, il y a huit ans, membre du parti centriste Kadima, aux côtés de Tsippi Livni, qui mène aujourd’hui la campagne de l’opposition contre la Loi, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas d’un texte partisan ou “d’extrême-droite”...

 

Une loi qui bouleverse le statu-quo, et transforme Israël en Etat-nation du peuple Juif?

 

Selon certains de ses opposants, cette loi serait contraire aux “fondements d’un Etat juif et démocratique” (selon les termes de la pétition signée par plusieurs centaines d’intellectuels israéliens, qui ne l’ont apparemment pas bien lue). En réalité, la Loi fondamentale s’inscrit dans la suite logique de la Déclaration d’indépendance de 1948, dont elle reprend les éléments essentiels. Elle ne “transforme” pas Israël en Etat-nation du peuple Juif, ce qu’il a toujours été conformément aux principes du sionisme politique et à la volonté de ses pères fondateurs. La loi se contente, plus modestement, de réaffirmer le caractère juif de l’Etat et le droit à l’autodétermination du peuple Juif dans le cadre d’un Etat-nation, deux notions essentielles qui étaient largement considérées comme acquises depuis 1948 et faisaient depuis toujours partie du consensus à l’intérieur d’Israël.

 

Une loi contraire à la Déclaration d’indépendance de 1948?

 

C’est sans doute la contre-vérité la plus flagrante. Non seulement la Loi fondamentale n’est pas contraire à la Déclaration d’Indépendance, mais elle vient en réalité réaffirmer les principes essentiels de cette dernière. Pourquoi? Parce que le consensus exprimé dans la Déclaration d’indépendance de 1948 a été largement érodé au cours des dernières années, et notamment depuis que la Cour suprême a entrepris de porter atteinte au caractère juif de l’Etat d’Israël, depuis le début des années 1990, en prétendant remplacer l’Etat juif par un “Etat de tous ses citoyens”, selon la volonté affichée de son président, le juge Aharon Barak (1).

 

 

David Grossman, emporté par l’excès et l’emphase

 

Une loi excluant les minorités non juives de la pleine citoyenneté = une loi d’apartheid?

 

Cette accusation est la plus dangereuse de toutes, car elle accrédite la notion d’un “Etat d’apartheid” utilisée depuis des décennies par les ennemis d’Israël, notion à laquelle des intellectuels israéliens renommés apportent aujourd’hui leur caution morale. C’est ainsi que l’écrivain David Grossman écrit, dans les colonnes de Ha’aretz (repris et traduit intégralement par Libération), que “le Premier ministre d’Israël s’est déterminé à ne pas mettre fin à l’occupation et à la situation d’apartheid dans les Territoires occupés, mais, au contraire, à les intensifier et à les transférer de ces territoires au cœur de l’Etat d’Israël”. Ce faisant, il commet une double erreur. Erreur historique et politique tout d’abord, car il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de situation d’apartheid en Israël, ni à l’intérieur de la “ligne verte”, ni dans les territoires de Judée-Samarie (2).

 

Erreur morale ensuite, parce qu’en accusant le gouvernement de vouloir instaurer un régime d’apartheid à l’intérieur d’Israël, Grossman n’efface pas seulement la frontière physique entre le “petit Israël” d’avant 1967 et les territoires bibliques de Judée et de Samarie. Il abolit aussi et surtout la mince frontière rhétoriquequi séparait encore, jusqu’à hier, la gauche sioniste de l’extrême-gauche antisioniste. En considérant désormais que la “réalité d’apartheid” - qu’il avait auparavant cru déceler dans les “territoires occupés” - menace l’ensemble de l’Etat d’Israël, David Grossman laisse sa pensée dériver, emporté par l’excès et l’emphase, au point de rejoindre dans son discours les contempteurs les plus radicaux du sionisme. Sa dénonciation de “l’apartheid” est désormais reprise par les médias du monde entier, et pas seulement par ceux qui ont fait de la détestation d’Israël leur marque de fabrique.

 

La dérive de la gauche israélienne

 

Entraînés par le courant de leur détestation envers B. Nétanyahou, les intellectuels de la gauche israélienne sont en train de franchir allègrement toutes les lignes rouges et de détruire les derniers éléments restés encore intacts du consensus national, déjà largement effrité par les accords d’Oslo et par le retrait de Gaza. Cette fuite en avant de la gauche israélienne se traduit notamment par son jeu dangereux à l’égard de la minorité druze, dont elle incite certains éléments radicaux (qui sont loin de représenter l’ensemble du public druze), en risquant de mettre à mal l’alliance scellée dans le sang des soldats de Tsahal, établie depuis 70 ans entre druzes et Juifs en Israël.

 

 

L’alliance scellée dans le sang entre Juifs et druzes


 

Comme l’écrit dans les colonnes d’Israel Hayom l’éditorialiste Amnon Lord, observateur attentif de la vie politique israélienne, et notamment de la gauche dont il est lui-même issu, “un grand écrivain israélien (3) a affirmé autrefois que “l’histoire juive tout entière nous montre que l’élite juive a toujours été en danger de faillite morale, alors que le petit peuple (N.d.T. “Am’ha” en hébreu) a constitué la colonne vertébrale du peuple Juif. Il en a été ainsi à l’époque du Premier et du Deuxième Temple, et aussi à la veille de la Shoah. L’élite a toujours été encline à l’auto-destruction. L’identité juive a été préservée par le petit peuple”. Et Amnon Lord conclut: “La Loi sur l’Etat-nation a été conçue pour le petit peuple. L’Etat juif a été fondé pour que des brutes - intellectuelles et physiques - ne viennent plus menacer les Juifs”. Ou pour dire les choses en d’autres termes, ceux du prophète Isaïe que nous avons lus samedi dernier dans la Haftara, “Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

 

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Je renvoie à ce sujet à mon article “Comment la gauche israélienne est devenue une minorité tyrannique”, Vu de Jérusalem, 5 février 2018.

2. Dans un discours prononcé à l’occasion du Jour des soldats tombés en Israël, David Grossman avait déjà dénoncé la “réalité d’apartheid dans les territoires occupés” (thème devenu son cheval de bataille depuis son livre Le vent jaune paru en 1988).

3. J’invite mes lecteurs perspicaces à trouver le nom de cet écrivain, qui n’est pas mentionné par Amnon Lord, et à me soumettre leurs suggestions à pierre.lurcat@gmail.com

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Prochaine formation à l'examen d'agent immobilier à Jérusalem / Tel-Aviv

Formation à l’examen d’agent immobilier israélien

Session août-septembre 2018 – Tel Aviv 

La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du 28 août au 5 septembre à Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 23 octobre 2018. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, les élèves pourront obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à leur compte. * Une formation est également prévue à Jérusalem, me contacter.

J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !

Niveau d'hébreu exigé

Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir un très bon niveau de lecture pour suivre le cours. Un niveau moyen est suffisant, à condition de fournir un travail personnel en plus des cours de préparation.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 050 286 5143 ou 06 80 83 26 44  (France).

 

Pierre Lurçat, avocat au barreau israélien, spécialiste de la formation aux examens de droit

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François d’Orcival : «L’État d’Israël ne sera pas binational!»

July 30 2018, 08:58am

François d’Orcival : «L’État d’Israël ne sera pas binational!»

Je reproduis ici l'excellent éditorial de François d'Orcival, paru dans le Figaro. P.L.

 

François d'Orcival : «L'État d'Israël ne sera pas binational!»

CHRONIQUE – L’unité de l’«État-nation du peuple juif» est désormais gravée dans sa Constitution. Ainsi en a décidé la Knesset à une large majorité.

Même l’Etat hébreu éprouve le besoin de réaffirmer son identité. Depuis sa création, en 1948, cela allait de soi: Israël était l’«Etat-nation du peuple juif», sa langue officielle l’hébreu, sa capitale Jérusalem. Maintenant, ce sera inscrit dans le marbre de sa Constitution, et pas plus révisable que la forme républicaine du gouvernement dans nos institutions. Le vote a été acquis la semaine dernière au Parlement israélien par 62 voix contre 55, sur 120, ce qui est une large majorité, compte tenu de la dispersion des groupes à la Knesset (en raison de la représentation proportionnelle) et du vote hostile des 13 députés arabes. La discussion a donné lieu à des commentaires délirants, du genre: c’est la fin de la démocratie, l’avènement de l’apartheid, etc.

L’État d’Israël n’est pas devenu une théocratie ; ses citoyens, juifs et non juifs, conservent les mêmes droits, la même citoyenneté

L’État d’Israël n’est pas devenu une théocratie ; ses citoyens, juifs et non juifs, conservent les mêmes droits, la même citoyenneté. Pourquoi donc la majorité de Benyamin Netanyahou a-t-elle voulu cette loi constitutionnelle? Pour préserver l’avenir. La gauche israélienne, longtemps triomphante, est désormais très minoritaire (elle ne représente plus que le tiers de la Knesset) et ne peut espérer son retour que par un changement de majorité – avec le renfort des voix arabes. D’où son projet d’un «État pour tous les citoyens», face à celui de la droite et du centre, l’État-nation du peuple juif. En Israël comme en Europe, l’opposition entre identité et multiculturalisme est aussi frontale. Opposition politique ici inséparable de l’évolution démographique.

Au lendemain de sa création, l’État d’Israël comptait près de 90 % de Juifs ; aujourd’hui, ceux-ci sont 75 %, contre 20 % d’Arabes (18 % musulmans, 2 % chrétiens), et demain? Les Arabes palestiniens répétaient aux Israéliens: nous vous submergerons grâce au ventre de nos femmes…

Il y a quinze ans en effet, le taux de fécondité des musulmanes atteignait les 4,6 enfants par femme – c’était un tiers de plus que les Israéliennes juives! Or depuis, ce taux de fécondité a fortement baissé tandis que celui des femmes juives n’a cessé d’augmenter (il est proche de 3,2, à comparer avec le taux français de l’ordre de 2). Que mesure un taux de fécondité? Le besoin de perpétuation et la foi en l’avenir d’un peuple. Les Israéliens ne veulent pas d’un État «binational», c’est ce qu’ils viennent de proclamer dans leur Constitution

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/07/27/31002-20180727ARTFIG00067-francois-d-orcival-l-etat-d-israel-ne-sera-pas-binational.php

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