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Come Closer de Tom Nesher: le portrait d’une génération israélienne, Pierre Lurçat

September 23 2024, 06:21am

Posted by Pierre Lurçat

Come Closer de Tom Nesher: le portrait d’une génération israélienne, Pierre Lurçat

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Depuis le 7 octobre, le sujet du deuil est omniprésent dans la société israélienne. Comme toujours en Israël, il fait aussi l’objet de débats et de tensions. Par-delà l’opposition entre la dimension publique et privée, entre l’officiel et l’intime, il existe une autre tension, moins souvent abordée, qui est celle qui existe entre la mémoire et l’oubli. Le père d’un soldat tombé en 2006 me confiait récemment, à l’occasion d’une enquête sur les nouvelles formes de la culture mémorielle qui paraîtra début octobre dans Israël Magazine, que les parents endeuillés étaient confrontés à un double écueil : la douleur du souvenir, et celle – bien plus prégnante – du risque de l’oubli.

 

Le beau film de Tom Nesher aborde cette question délicate sous un angle qui, même s’il n’est pas lié à la guerre (il s’agit d’une sœur dont le frère est mort dans un accident), est très parlant pour les Israéliens aujourd’hui. A travers l’histoire d’une sœur qui découvre la relation amoureuse cachée de son frère après son décès, c’est le sujet du deuil, du secret et du souvenir qui est abordé par la jeune réalisatrice, dont c’est le premier long-métrage. Fille du réalisateur chevronné Avi Nesher, elle s’est inspirée de sa propre histoire familiale, son frère Ari étant mort en 2018 dans un tragique accident avec délit de fuite.

 

Dans un entretien avec le critique Austin Belzer, Tom Nesher explique : J’ai vraiment eu le sentiment, lorsque je vivais mon deuil, que j’avais besoin de cette bouée de sauvetage ; que j’avais besoin de trouver le moyen de garder mon frère encore en vie et ces sentiments sont également le moteur de ce que vit mon personnage principal”. Mais Come Closer ne parle pas que du deuil et du souvenir. C’est aussi un film éloquent sur la génération des jeunes Israéliens nés au tournant du 21e siècle, génération qui n’a pas connu le monde d’avant Internet et les téléphones portables. La “génération numérique” d’Israël est dépeinte de manière sensible et authentique. En voyant le film aujourd’hui, presqu’un an après le 7 octobre, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre le film – qui ne contient aucun message politique – et la réalité.

 

La jeunesse israélienne décrite par Tom Nesher ressemble plus aux night-clubbeurs du Nova qu’aux soldats qui se battent à Rafiah et ailleurs, pourrait-on penser de manière schématique. Mais la réalité est plus complexe que tous les clichés. Car ce sont les mêmes jeunes qui étaient au Nova, qui peuplent la vie nocturne tel-avivienne décrite par Nesher et qui se battent pour défendre leur pays attaqué le 7 octobre. Un premier film émouvant et prometteur.

 

“Come closer”, de Tom Nesher a été présenté au Tribeca Festival de New-York et vient de sortir sur les écrans en Israël.

 

Come Closer de Tom Nesher: le portrait d’une génération israélienne, Pierre Lurçat

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Le cinéma israélien et la guerre : “Image of Victory” d’Avi Nesher, un chef d’œuvre, Pierre Lurçat

October 17 2021, 11:56am

Posted by Pierre Lurçat

 Le cinéma israélien et la guerre :  “Image of Victory” d’Avi Nesher, un chef d’œuvre, Pierre Lurçat

 

Le cinéma israélien, tel Janus, possède une double face. D’un côté, il y a le cinéma fait par des Israéliens qui n’aiment pas leur pays et qui font de leur désamour (ou de leur haine de soi) un argument commercial pour promouvoir leurs films - souvent médiocres - auprès d’un public occidental antisioniste, acquis d’avance à leurs thèses masochistes et défaitistes. Dans cette catégorie, qui obtient régulièrement des Lions d’Or à Berlin et des Prix à Cannes, on trouve certains films d’Amos Gitaï, de Samuel Maoz et, plus récemment, de Nadav Lapid, palme d’Or toutes catégories de l’auto-dénigrement.

 

La seconde face du cinéma israélien est celle de réalisateurs souvent méconnus en Europe et ailleurs, qui n’ont pas vendu leur dignité et leur fierté nationale pour un plat de lentilles et dont les films abordent des thèmes bien différents. Avi Nesher est un des représentants les plus talentueux de cette face lumineuse du septième art israélien. Né en 1953 à Ramat-Gan, de parents rescapés de la Shoah, il est l’auteur d’une vingtaine de long-métrages. Son dernier film, “Tmounat Nitsahon” (Image of Victory) est sans doute le plus abouti d’une œuvre riche et variée.



 

Une des scènes les plus drôles d’Image of Victory

 

Nesher y relate l’histoire tragique du kibboutz Nitsanim pendant la guerre d’Indépendance, alors que le village arabe voisin abrite un bataillon de volontaires égyptiens des Frères musulmans, qui vont tenter par tous les moyens d’éradiquer la “colonie” juive et d’apporter au Roi Farouk “l’image victorieuse” dont il a besoin pour sauver sa réputation. Cet épisode est raconté à travers le récit d’un jeune cinéaste égyptien, Hassanin, venu filmer la bataille et qui se remémore ces événements dramatiques, trente ans plus tard, au moment de la signature des accords de Camp David (1).


 

 

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Le cinéma israélien face à la guerre

 

La qualité du film de Nesher tient notamment à la méthode narrative originale et au talent de ses interprètes, parmi lesquels il faut citer le jeune Amir Khoury, et bien entendu l’actrice principale, Joy Rieger, habituée des films de Nesher (on a déjà pu la voir dans Sipour Aher (Other Story) en 2018 et dans Ha-hatayim (Past Life) en 2016. Dans Image of Victory, Rieger se révèle comme une grande actrice et c’est elle qui donne au film une grande partie de son intensité dramatique. A travers le personnage de Mira ben Ari, c’est tout l’héroïsme des femmes combattantes d’Israël qui est racontée dans le film, peut-être pour la première fois. L’histoire de la participation féminine aux guerres d’Israël est en effet un sujet rarement abordé dans le cinéma israélien.

 

Joy Rieger aux côtés d’Avi Nesher, sur le tournage de Sippour Aher



 

Outre ses grandes qualités cinématographiques, Image of Victory est ainsi l’occasion pour Nesher de rétablir la vérité historique, en adoptant délibérément un ton dénué de tout pathos, mais sioniste et patriote. Il n’est pas anodin que son film porte précisément sur la Guerre d’Indépendance - guerre qui vit s’affronter la jeune armée israélienne face aux armées de cinq pays arabes, combat de David contre Goliath, aujourd’hui largement oublié par le cinéma israélien, qui préfère en général parler de guerres moins héroïques (à ses yeux au moins) et des problèmes de conscience du soldat israélien, au lieu de porter aux nues l’héroïsme des fondateurs de notre pays. 

 

Face à la réalité de la guerre imposée à Israël depuis 1948, le cinéma israélien a en effet souvent adopté une attitude simpliste de dénonciation ou d’auto-critique, surtout depuis 1973. Selon certains commentateurs, Image of Victory entrerait dans la catégorie des films anti-guerre, se plaçant dans la lignée des Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (2). Rien n’est plus éloigné de la vérité : Nesher n’a pas fait un film contre la guerre, mais un film qui dépeint la guerre d’Indépendance dans toute sa grandeur tragique.

Capra : un cinéma de guerre engagé
 

Dans un passage clé du film, le jeune cinéaste égyptien fait l’éloge du film de Capra, Pourquoi nous nous battons, tourné en 1943 pour expliquer l’engagement américain dans la guerre. En réalité, ce n’est pas Hassanin qui s’inspire de Capra, en filmant des volontaires égyptiens dont l’engagement n’a rien d’héroïque, mais c’est Nesher lui-même, renouant ainsi avec la tradition d’un cinéma de guerre patriote et humaniste, qui décrit avec humanité les soldats des deux côtés, sans tomber dans le pacifisme et le défaitisme.

 

En ramenant sous le feu des projecteurs la période glorieuse de l’Indépendance, Nesher tord aussi le coup aux adeptes du narratif mensonger de la “Naqba”, aujourd’hui adopté par de larges secteurs de l’establishment culturel et politique israélien. Son film n’est pas seulement un chef d’œuvre sur le plan cinématographique, mais aussi une œuvre de justice et de vérité sur le plan historique. Un film qui mérite d’entrer au Panthéon du septième art israélien. 

Pierre Lurçat

1. Personnage inspiré du journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal.

2. Voir https://www.jpost.com/israel-news/culture/avi-neshers-image-of-victory-is-a-triumph-of-cinema-review-680175 


 

 

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Joy Rieger dans un précédent film d’Avi Nesher, Past Life


 

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