Come Closer de Tom Nesher: le portrait d’une génération israélienne, Pierre Lurçat
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Depuis le 7 octobre, le sujet du deuil est omniprésent dans la société israélienne. Comme toujours en Israël, il fait aussi l’objet de débats et de tensions. Par-delà l’opposition entre la dimension publique et privée, entre l’officiel et l’intime, il existe une autre tension, moins souvent abordée, qui est celle qui existe entre la mémoire et l’oubli. Le père d’un soldat tombé en 2006 me confiait récemment, à l’occasion d’une enquête sur les nouvelles formes de la culture mémorielle qui paraîtra début octobre dans Israël Magazine, que les parents endeuillés étaient confrontés à un double écueil : la douleur du souvenir, et celle – bien plus prégnante – du risque de l’oubli.
Le beau film de Tom Nesher aborde cette question délicate sous un angle qui, même s’il n’est pas lié à la guerre (il s’agit d’une sœur dont le frère est mort dans un accident), est très parlant pour les Israéliens aujourd’hui. A travers l’histoire d’une sœur qui découvre la relation amoureuse cachée de son frère après son décès, c’est le sujet du deuil, du secret et du souvenir qui est abordé par la jeune réalisatrice, dont c’est le premier long-métrage. Fille du réalisateur chevronné Avi Nesher, elle s’est inspirée de sa propre histoire familiale, son frère Ari étant mort en 2018 dans un tragique accident avec délit de fuite.
Dans un entretien avec le critique Austin Belzer, Tom Nesher explique : “J’ai vraiment eu le sentiment, lorsque je vivais mon deuil, que j’avais besoin de cette bouée de sauvetage ; que j’avais besoin de trouver le moyen de garder mon frère encore en vie et ces sentiments sont également le moteur de ce que vit mon personnage principal”. Mais Come Closer ne parle pas que du deuil et du souvenir. C’est aussi un film éloquent sur la génération des jeunes Israéliens nés au tournant du 21e siècle, génération qui n’a pas connu le monde d’avant Internet et les téléphones portables. La “génération numérique” d’Israël est dépeinte de manière sensible et authentique. En voyant le film aujourd’hui, presqu’un an après le 7 octobre, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre le film – qui ne contient aucun message politique – et la réalité.
La jeunesse israélienne décrite par Tom Nesher ressemble plus aux night-clubbeurs du Nova qu’aux soldats qui se battent à Rafiah et ailleurs, pourrait-on penser de manière schématique. Mais la réalité est plus complexe que tous les clichés. Car ce sont les mêmes jeunes qui étaient au Nova, qui peuplent la vie nocturne tel-avivienne décrite par Nesher et qui se battent pour défendre leur pays attaqué le 7 octobre. Un premier film émouvant et prometteur.
“Come closer”, de Tom Nesher a été présenté au Tribeca Festival de New-York et vient de sortir sur les écrans en Israël.