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art israelien

Rencontre avec Marek Yanai à Jérusalem : Un des grands artistes israéliens contemporains

October 14 2022, 13:08pm

Posted by Pierre Lurçat

Rencontre avec Marek Yanai à Jérusalem :  Un des grands artistes israéliens contemporains

(Article paru dans Israël Magazine)

 

La salle est comble ce vendredi matin, à quelques heures du shabbat, pour écouter le peintre Marek Yanai, à Jérusalem, ville qui est un des thèmes principaux de son œuvre. Je l'ai découvert, comme dans doute beaucoup des gens qui sont assis dans la salle de conférence de Beit Avi Chai, à l'occasion de la très belle exposition rétrospective qui lui est actuellement consacrée.

 

Marek Yanai est un homme petit et râblé, au visage énergique, qui ressemble à l'autoportrait de lui exposé ici-même. Iris Barak, qui mène le dialogue avec lui, est la jeune directrice de la collection Dubi Shiff. “Je connais Marek depuis 10 ans. Notre collection vise à encourager la peinture figurative en Israël”. D’emblée, elle lui demande pourquoi il est devenu peintre. Question délicate, à laquelle il répond avec humour : “Un haltérophile n'aurais pas pu faire du saut en hauteur. J'essaie de travailler dans le domaine où je suis doué. J'ai choisi le département art graphique à Betsalel avant de m’orienter vers le département d'art libre (omanout hofshit) ».

 

Iris Barak insiste sur le fait que l'art figuratif n'était pas encouragé à l’époque : « L'art figuratif était considéré comme dépassé… les artistes qui choisissaient l’art figuratif choisissaient un domaine considéré comme "irrelevant"... En Israël, hélas, les budgets des musées sont inexistants. La plupart des artistes ne vivent pas de leur art ». Elle explique son travail auprès de Dubi Shiff, qui collectionne des œuvres d'artistes israéliens depuis trois décennies, et raconte avoir été impressionnée par la personnalité de Marek et par son œuvre. Elle emploie pour qualifier son travail le terme de « subversion ».

 

Marek Yanai : « Je fais ce que j'aime. Je récuse le terme de 'subversion'. Je récuse aussi le terme d'art et d'artiste. Aujourd'hui chaque coiffeur se présente comme artiste… Quelqu’un a dit que si Rembrandt vivait aujourd'hui, il serait réalisateur de films. A propos de Dubi [Shiff], je peignais mes tableaux et soudain vient quelqu'un qui se présente comme collectionneur… J'ai pensé "encore un…" il a regardé mes tableaux et m'a parlé dans ma langue. Je suis en colère car il m'a "pris" mes plus belles peintures… (rires). Il a même pris un de mes plus beaux tableaux pour son appartement de Miami… »

Dans la réponse de Yanai et dans sa façon très modeste de se définir comme un artisan, comme un peintre et non comme un artiste, je retrouve une qualité de certains grands artistes, qui refusent précisément d’entrer dans le jeu très particulier de l’art comme profession et comme activité économique, de ses définitions, de ses modes et de ses mensonges.

 

Iris Barak poursuit l’entretien en expliquant que « les plus grands musées israéliens exposent aujourd'hui des œuvres figuratives... C’est devenu bon ton et c'est la tendance actuelle. Mais ce n'a pas toujours été ainsi ». Lorsqu’elle lui demande quelles ont été ses influences, Marek Yanai répond : « Je vois un visage et je supplie la personne de devenir mon modèle… Rien n'est planifié. Tout est “à l'aide de Dieu’’ ».

 

Iris Barak affirme que Marek maîtrise tant l'aquarelle que la peinture à l'huile, mais là encore, il la reprend : « On ne maîtrise pas… on peut seulement développer une technique… C'est toujours à l'aide de D. et c’est un athée qui vous parle ! Aucun portrait à l’aquarelle ne m'a pris plus de trois heures. La peinture à l'huile nécessite des mois et des années de travail ». Effectivement, on peut le voir dans un film en train de peindre un portrait à l’aquarelle, qui lui sort littéralement des mains.

 

Une dame de l'assistance se lance dans une longue et intéressante description de la particularité de son art, et quand elle finit de parler, Marek lui répond qu'il ne « savait pas être comme ça… » En écoutant parler Marek Yanai, je comprends la différence entre l'artiste qui pratique son art en écoutant sa voix intérieure et celui qui prétend faire passer un message et qui joue le jeu de l'artiste, tel qu'on l'attend de lui… Iris Barak affirme que « Marek représente une école à lui tout seul ». Elle mentionne les noms de Hirshberg et d’Elie Shamir. « Il y a en Israël des artistes de premier rang. Cette année, pour la première fois, le musée d'Israël a accepté de recevoir de l'argent pour un prix décerné à une œuvre figurative… »

 

Marek Yanai explique avoir « peint la Jérusalem d'en haut et d'en bas ». Quelqu’un l’interroge sur son tableau représentant un petit déjeuner… « C'est une longue histoire que j'ai raconté sur le blog “Jerusalem vitrine” et dans le catalogue de l’exposition… Cela a commencé avec les personnes et pas par les objets ». De fait, une grande partie de son œuvre est constituée de portraits, et on comprend en les regardant que Marek Yanai est encore plus intéressé par les hommes et les femmes qu’il peint que par les paysages (qui sont, faut-il le préciser, superbes).

 

Dans le beau film qui lui est consacré à Bet Avi Hai, on le voit raconter comment il est devenu peintre, comment il a été deux fois « chassé » de l’école Betsalel (la prestigieuse école d’art israélienne, hélas menacée par les tendances destructrices de l’art contemporain et par l’antisionisme délirant de ses dirigeants). On le voit aussi parler de Vélasquez et évoquer, avec un éclat dans les yeux, sa passion des portraits. Mais trêve de paroles… Car rien ne remplace la rencontre avec l’œuvre de Marek Yanai. L’exposition à Bet Avi Hai à Jérusalem est ouverte jusqu’au 31 juillet. N’attendez pas le dernier jour pour vous y rendre, et découvrir un des grands artistes israéliens contemporains.

Pierre Lurçat

Rencontre avec Marek Yanai à Jérusalem :  Un des grands artistes israéliens contemporains

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Marek Yanai , peintre de la Jérusalem d’en-bas, Pierre Lurçat

April 14 2022, 06:54am

Posted by Pierre Lurçat

 

Comme l’écrit Pnina Gefen dans un long article consacré au peintre Marek Yanai, à l’occasion de l’exposition rétrospective de ses œuvres qui se tient actuellement à Jérusalem, “contrairement au regard traditionnel sur la ville qui se focalise sur l’esthétique, comme dans les tableaux de Gutman, de Rubin ou de Ticho - Yanai offre une place d’honneur également aux facettes délaissées, et même moins belles, de la Jérusalem d’en bas. Il ne dissimule pas les ballons d’eau chaude, de gaz ou les gouttières rouillées, et mêle dans sa peinture la Jérusalem splendide et touristique à la Jérusalem des quartiers pauvres et moins visités”.

 

Vue sur la Knesset, aquarelle

 

En réalité, Yanai va précisément trouver une forme de beauté dans des lieux inattendus de la ville sainte, comme par exemple dans les “shikounim” (HLM) ou dans une carrière du quartier de Gilo. La très belle exposition qui lui est consacrée actuellement  au Bet Avi Chai s'ouvre par une citation du poète Yehuda Amihai, qui parle de Jérusalem : “Je voudrais vivre dans la Jérusalem du milieu, sans tourner ma tête vers le haut, sans que mes pieds ne s’égratignent sur la terre”. Comme Amihai, le peintre, né en Allemagne dans un camp de personnes déplacées et monté en Israël dans les années 1950, dépeint une Jérusalem qui est à la fois terrestre et céleste.

 

Carrière à Gilo, aquarelle

 

Sa manière de peindre Jérusalem (à laquelle il a consacré toute son œuvre depuis un demi-siècle) fait penser aux livres de David Shahar. Comme ce dernier, Yanai parvient à voir derrière les choses et les événements les plus anodins le côté poétique de l’existence, pleine de mystère et de charme. Il n’est pas, de toute évidence, un peintre “religieux” et ses sujets sont entièrement profanes. Pourtant la Jérusalem qu’il peint, comme celle de Shahar, est traversée par un regard attentif à l’au-delà des choses, à la poésie de la vie et à la beauté immanente qui nous est offerte à chaque moment.

 

 

En tant que professeur à l’école Betsalel, Yanai porte un regard acerbe sur l’art contemporain. “Dans le domaine de l’art plastique, n’importe quelle célébrité qui barbouille quelque chose est présentée comme un ‘artiste’. C’est un problème dans le monde entier, mais encore plus en Israël”.



 

Petit déjeuner à Talbiyeh

 

Ses natures mortes ne sont jamais vraiment mortes, et la seule présence d’un chat suffit à donner vie à un intérieur vide de toute présence humaine. Même lorsque les objets qu'il peint sont figés, les fenêtres sont ouvertes sur la ville qui est bien vivante…  Les paysages lumineux sur lesquels s’ouvrent les fenêtres des natures mortes de Yanai sont comme une promesse d’évasion, promesse d’un au-delà de la nature, promesse de résurrection et d’éternité. Pessah cacher vé-Saméah!

Pierre Lurçat

Le site de Marek Yanai : https://marekyanai.com/

 

Un regard attentif au mystère et à la poésie

Marek Yanai dans son atelier, photo Noam Rivkin Fenton Flash 90

 

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