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aharon barak

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

January 18 2023, 17:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Esther Hayot

Esther Hayot

 

En marge de la décision très attendue (et prévisible) de la Cour suprême, qui prétend interdire au ministre Arié Deri d’exercer ses fonctions, il importe de comprendre comment cette institution – jadis considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne – est devenue l’organe hyper-politisé qu’elle est aujourd’hui. L’attitude de son actuelle présidente, qui a renoncé ces derniers jours à tout semblant de « réserve » pour s’immiscer dans le débat politique, s’explique par le changement d’attitude de la Cour, depuis la « Révolution constitutionnelle » décrétée par son ancien président, Aharon Barak.

1- Sous la houlette du juge Barak, la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument de la poursuite de la domination des anciennes élites (celles d’avant le changement de pouvoir de 1977), comme l’explique le professeur Menahem Mautner dans un ouvrage éclairant[1]. Alors que certains dirigeants du Likoud étaient favorables, avant 1977, à l’adoption d’une Constitution qui servirait de rempart contre l’hégémonie du pouvoir travailliste, dans les faits, la Cour suprême israélienne est ainsi devenue l’instrument de la poursuite de cette hégémonie.

En réalité, la Cour suprême israélienne est devenue non seulement l’instrument des anciennes élites (incarnées par le Parti travailliste et le mouvement kibboutzique) mais aussi et surtout, celui des élites post-sionistes, qui étaient hostiles à la fois à la droite religieuse et aussi aux partisans de l’ancien consensus sioniste de gauche. Ce n’est pas un hasard si la Révolution constitutionnelle a largement coïncidé avec la « révolution culturelle » concomitante aux accords d’Oslo, au début des années 1990[2].

Ce que ces deux événements majeurs ont signifié, dans l’Israël de la fin du 20e siècle, en proie à la montée de l’individualisme et à la fin des idéologies et du sionisme socialiste, était avant tout la montée en puissance des idées post-sionistes et la tentative d’imposer par le pouvoir judiciaire et par des accords politiques arrachés à une majorité très courte leurs conceptions radicales.

 

2 - Qui représente la Cour suprême israélienne ? Du point de vue sociologique, les juges de la Cour suprême israélienne représentent une minorité radicale et coupée du peuple (la « cellule du parti Meretz qui siège à la Cour suprême israélienne » selon l’expression d’un commentateur israélien). Significativement, la tentative d’introduire un semblant de diversité dans les opinions représentées à la Cour suprême n’a pas remis en cause l’hégémonie des Juifs ashkénazes laïcs de gauche.

Aharon Barak a ainsi créé l’expression de « Test Bouzaglou », dans laquelle Bouzaglou désigne l’homo qualunque israélien. Il s’est défendu dans un livre d’avoir ce faisant voulu stigmatiser les Juifs orientaux, mais il n’en demeure pas moins que le nom de Bouzaglou n’a pas été choisi au hasard. Dans la vision du monde d’A. Barak (comme dans celle d’Hannah Arendt au moment du procès Eichmann) il existe une hiérarchie bien définie dans la société juive israélienne. L’élite est toujours celle des Juifs allemands.

3 - Un autre élément d’explication important est le processus par lequel la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument des minorités actives et de gouvernements étrangers qui les soutiennent et les financent. Des gouvernements étrangers se sont ainsi immiscés dans le débat politique israélien en utilisant la Cour suprême israélienne comme un véritable cheval de Troie, par le biais de multiples ONG à financement étranger, comme en attestent les innombrables pétitions de « justiciables palestiniens » manipulés par Chalom Archav, Breaking the silence, etc.

Des valeurs étrangères au peuple d’Israël

Ruth Gabizon[3] avait affirmé que : « La Cour suprême devrait élaborer et renforcer les valeurs qui sont partagées par la société qu’elle sert, valeurs reflétées par les lois de cette société - et non telles qu’envisagées par les juges à titre personnel ou en tant que représentants de valeurs sectorielles... » La réflexion de Gabizon appelle deux remarques. Tout d’abord, peut-on encore affirmer aujourd’hui que la Cour suprême israélienne sert la société ou qu’elle est au service de la société ? En réalité, pour que la Cour suprême soit au service de la société israélienne et de ses valeurs, encore faudrait-il que les juges qui siègent à Jérusalem connaissent les valeurs de la société dans laquelle ils vivent et qu’ils les respectent un tant soit peu… Est-ce le cas aujourd’hui ?

A de nombreux égards, la Cour suprême israélienne représente et défend aujourd’hui des valeurs étrangères au peuple d’Israël : celles de l’assimilation, du post-sionisme et du post-modernisme, etc. Elle s’attaque régulièrement dans ses décisions non seulement aux droits des Juifs sur la Terre d’Israël, mais aussi au mode de vie juif traditionnel et aux valeurs de la famille juive. On peut affirmer, au vu des arrêts de la Cour suprême israélienne depuis 30 ans, qu’elle incarne le visage moderne des Juifs héllénisants de l’époque des Maccabim. Il y a évidemment des exceptions. rappelons le cas du juge Edmond Lévy, qui rédigea l’opinion minoritaire lors de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif.

Pierre Lurçat

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël”, paru dans la revue Pardès, no. 67, 2021)

 

 

[1] Le déclin du formalisme et l’essor des valeurs dans le droit israélien (anglais), Oxford University Press 1993. Du même auteur, voir aussi Law and the Culture of Israel, Oxford University Press 2011.

[2] Sur la “Révolution culturelle” des accords d’Oslo, voir Y. Hazoni, L’Etat juif, sionisme, post-sionisme et destin d’Israël, éd. de l’éclat 2002.

[3] Professeur de droit pressentie pour siéger à la Cour suprême israélienne et écartée par Aharon Barak, récemment décédée.

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

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« Sauver la démocratie » ou rétablir le pouvoir souverain du peuple ? Trois réflexions sur la réforme judiciaire, Pierre Lurçat

January 15 2023, 15:56pm

Posted by Pierre Lurçat

(photo credit: TOMER NEUBERG/FLASH90)

(photo credit: TOMER NEUBERG/FLASH90)

 

1.

Sujet politique brûlant, la réforme judiciaire est également un dossier complexe, qu’on ne peut comprendre sans avoir quelques notions essentielles sur l’histoire juridique d’Israël et plus précisément sur son « histoire constitutionnelle »[1]. Dans le débat politique actuel, c’est souvent, hélas, la démagogie qui triomphe, au détriment du débat véritable.  Le plus grand mensonge des adversaires de la réforme judiciaire en Israël consiste ainsi à prétendre que celle-ci va « supprimer la Cour suprême », « abolir l’Etat de droit » ou « instaurer une dictature du peuple », toutes sortes d’expressions (liste partielle) qui voudraient faire croire que la réforme (qualifiée de « révolution », de « coup d’Etat » ou de « changement de régime ») a des objectifs politicides et destructeurs.

 

En réalité, la réforme menée par Yariv Levin – lequel en a élaboré les principes il y a plus de dix ans (je renvoie à l’interview qu’il m’avait accordée en janvier 2012 pour Israël Magazine) – vise principalement à rééquilibrer le système judiciaire israélien et à rétablir la séparation des pouvoirs en Israël. Elle a également pour objectif de restaurer la confiance du public dans l’institution qui fut jadis considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne, la Cour suprême, et qui est devenue aujourd’hui une institution ultra-politisée et a perdu la confiance d’une large partie du public, en raison de l’hybris du juge Aharon Barak.

 

2.

 

Ceux qui prétendent « sauver la démocratie » contre le peuple attestent de la dévaluation significative des notions de majorité, de « vox populi » et de l’idée même de démocratie parlementaire, à laquelle nous assistons depuis plusieurs décennies en Israël et ailleurs en Occident. Il y a là un phénomène inquiétant pour l’avenir de la démocratie, qui est en réalité mise en péril par ceux-là même qui prétendent la « sauver ».

 

Comme me l’expliquait récemment Pierre-André Taguieff, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, « l'antidémocratisme contemporain est un effet du consensus antipopuliste, qui lui-même est inséparable d'un antinationalisme amalgamant et diabolisant État-nation, sentiment national, identité nationale, etc., et racisme. C'est ce que j'ai appelé naguère (début des années 1990, l'antinationisme »[2].

 

3.

 

Un des arguments souvent entendus ces dernières semaines consiste à poser la question de savoir ce qui se passera, si le gouvernement israélien vote demain une loi qui porte atteinte aux droits élémentaires d’une catégorie de citoyens ? Le « subtexte » de cette question importante étant que toute réforme qui « rogne » les ailes de la Cour suprême risque de se retourner contre les droits fondamentaux des citoyens ou d’une partie d’entre eux… La question est importante et mérite réflexion. Mais la réponse nous a en fait déjà été donnée dans l’histoire récente d’Israël.

 

En effet, quand un gouvernement démocratiquement élu a voté une loi pour expulser de leurs maisons des citoyens innocents et les priver de leurs biens légalement acquis, qu’a fait la Cour suprême ? Elle a entériné l’injustice flagrante à la quasi-unanimité (à la seule exception du juge Edmond Levy, dont la voix minoritaire sauva l’honneur de l’institution dont il faisait partie). C’était en 2006. Les citoyens en question étaient les habitants du Goush Katif.

 

Cet exemple qui mérite d’être gravé dans les livres d’histoire judiciaire d’Israël montre que le « pouvoir des juges » ne permet en rien de protéger la démocratie et les droits fondamentaux contre l’excès du pouvoir. En réalité, la probabilité que 11 juges se trompent est bien plus élevée que celle qu’un peuple tout entier vote – par le biais de ses représentants – des lois iniques. Ce qui ne veut pas dire que le peuple est incapable de se tromper, mais plus simplement que la démocratie est « le pire des régimes, à l’exception de tous les autres ». La remplacer par un « gouvernement des juges » comme l’a fait Aharon Barak ne résout aucun problème. L’enjeu actuel, comme l’explique de manière convaincante Caroline Glick, n’est pas de « sauver la démocratie » contre la réforme judiciaire, mais bien de rétablir la démocratie contre le gouvernement des juges.

Pierre Lurçat

 

[1] Je renvoie à mon long article sur ce sujet, « Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël », Pardès mars 2021.

[2] Communication personnelle de l’auteur, 14.1.2023.

La synagogue de Névé Dekalim, détruite après le retrait de Gaza

La synagogue de Névé Dekalim, détruite après le retrait de Gaza

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Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

January 8 2023, 10:12am

Posted by Pierre Lurçat

Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

 

Aharon Barak a une conception bien particulière de la démocratie, du rôle du juge et de la Cour suprême israélienne. Dans l’expression « Révolution constitutionnelle », qui a été forgée par A. Barak lui-même, on oublie souvent de commenter le premier terme. Ce n’est pas un hasard s’il a été choisi par Barak pour décrire cette réalité juridique et politique, dont il a été à la fois le théoricien et le principal maître d’œuvre.

Sa biographe Naomi Levitsky, qui ne tarit pas d’éloges sur lui, observe cependant que Barak « sans être révolutionnaire de caractère, possède un instinct révolutionnaire pour tout ce qui concerne son travail juridique, au point d’avoir transformé de fond en comble chaque poste qu’il a occupé ». On ne peut qu’abonder dans son sens. En tant que procureur de l’État, Barak a effectivement transformé cette fonction, autrefois assez anonyme, pour en faire un personnage redoutable, capable d’inculper un Premier ministre en exercice et de pousser au suicide un ministre soupçonné de corruption.

À l’instar de la juge américaine Ruth Bader-Ginsburg, devenue une icône de la gauche et des médias américains, le juge Barak est un partisan de l’activisme judiciaire au service de la transformation sociétale : à ses yeux, la Cour suprême israélienne est un laboratoire de transformation de la société et de la politique israélienne. C’est ainsi que la Cour suprême est devenue un véritable pouvoir politique (le « pouvoir judiciaire »), ce qui est une aberration dans la théorie classique de la séparation des pouvoirs. Selon Montesquieu, en effet, il importe que le judiciaire devienne un véritable pouvoir dans le régime monarchique, pour empêcher de tomber dans la tyrannie. Dans un régime démocratique au contraire, le judiciaire doit s’effacer, sous peine de tomber dans le gouvernement des juges…

Or c’est bien ce qui est arrivé avec la Révolution constitutionnelle. La Cour suprême israélienne est devenue non seulement un pouvoir judiciaire, mais elle exerce aussi ce pouvoir sans aucun contre-pouvoir, et donc sans aucune limite.

 

Le langage du droit au service d’une oligarchie

La grande supercherie des tenants de la Révolution constitutionnelle consiste à parler sans cesse le langage du droit. Ils n’ont que ce mot à la bouche : l’État de droit (Shilton ha-Hok). Que veut dire au juste cette expression ? Selon Naomi Levitsky, « aux yeux de Barak, les dirigeants n’ont pas de pouvoir en eux-mêmes, ils ne l’acquièrent que du peuple et de la loi. Les dirigeants sont au service du peuple dans les limites de la loi ». Mais comme toujours, il faut lire entre les lignes ce que Barak ne dit pas.

En réalité, le peuple n’a pas de légitimité dans la conception juridico-politique de Barak. Seule la loi est légitime. Mais encore faut-il qu’elle soit interprétée par le juge qui seul est capable de la comprendre et de la « dire » au peuple ignorant… Comme il l’explicite dans ses écrits sur le rôle du juge en démocratie, le juge ne doit pas seulement appliquer ou interpréter la loi. Il est créateur de droit… En vérité, dans la conception  du droit de Barak, le juge a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation, puisque la Cour suprême israélienne s’est arrogé le pouvoir exorbitant (qui ne lui a jamais été conféré légalement) d’annuler toute loi de la Knesset, y compris des Lois fondamentales (affaire en cours concernant la Loi sur l’État nation).

 

La régression antidémocratique de la Révolution constitutionnelle

Dans une démocratie, la loi exprime la volonté populaire et la souveraineté du peuple. Dans la conception de Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité « éclairée », seule capable et méritoire de l’interpréter et de la comprendre. Il y a là une immense régression anti-démocratique, passée inaperçue en 1992 et dont nous voyons aujourd’hui les fruits. Ce n’est pas seulement que la loi soit devenue trop « technique », comme on l’entend souvent dire dans les pays occidentaux, c’est aussique le peuple est par nature incapable de comprendre et de faire la loi!

On mesure ici combien la Loi juive, révélée par Moïse au peuple tout entier, est infiniment plus démocratique que le droit israélien réinterprété par Aharon Barak lors de la Révolution constitutionnelle : la loi révélée au Sinaï était accessible au plus élevé des Prophètes comme à la dernière des servantes, comme l’enseigne la Tradition juive. Chez Barak et ses partisans, au contraire, seul le « juge éclairé » est capable de comprendre la Loi…

Aharon Barak est, on le voit, le contraire d’un démocrate. Il revendique ouvertement une conception élitiste et oligarchique, et presque monarchique de la politique. À ses yeux, un « souverain éclairé » vaut mieux qu’une majorité aveugle (En cela, il a été un précurseur… Que nous disent en effet aujourd’hui les manifestants anti-Nétanyahou, avec leur slogan « Tout sauf Bibi », sinon que la majorité se trompe et qu’elle n’a pas le droit d’imposer ses vues à une minorité éclairée ?).

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël, paru dans la revue Pardès, no. 67 2021).

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Pierre Lurçat

 

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Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

November 10 2022, 12:17pm

Posted by Pierre Lurçat

J'aborde au micro de Daniel Haïk sur Studio Qualita la question cruciale de la réforme judiciaire au lendemain des élections, pour rendre à la Knesset et aux élus du peuple israélien le pouvoir qui leur a été confisqué par les élites de gauche et par la Cour suprême..

https://youtu.be/j6vHczEa85Y

(Sur ce sujet, je renvoie aussi à mon article paru dans la revue Pardès : "Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël" - Article disponible sur demande à pierre.lurcat@gmail.com 

 

 

Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

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Quel fondement pour le droit israélien? Réflexions à l’occasion de la parashat Mishpatim

January 30 2022, 08:52am

Posted by Pierre Lurçat

 

1. 

Dans une interview donnée à la chaîne 14 de la télévision israélienne à l’occasion du décès de sa collègue Myriam Naor, le juge Aharon Barak a répondu aux questions de la journaliste Sarah Beck, en évitant soigneusement les sujets embarrassants. Il y avait pourtant des moments de sincérité, comme lorsqu’il a dit penser que Myriam Naor prononcerait son éloge funèbre, et non pas lui le sien, ou lorsqu’il s’est déclaré “sioniste”... Mais en matière de sionisme, les actes comptent plus que les mots. Or la Cour suprême d’Israël est devenue, sous sa direction, non seulement le premier pouvoir en Israël (sujet que j’aborde de manière détaillée dans le dernier numéro de la revue Pardès) mais aussi un bastion de l’idéologie progressiste et post-sioniste.

 

Aharon Barak

 

2.

Comme je l’ai expliqué au micro de Daniel Haik sur Radio Qualita, la crise profonde que traverse aujourd’hui l’ensemble du système judiciaire israélien (ce qui inclut le procureur de l’Etat et la police) a conduit à une situation dans laquelle la justice est devenue injuste, en usant de méthodes immorales et illégales pour parvenir à ses fins, comme cela est apparu dans le procès intenté à B. Nétanyahou. Pour sortir de cette crise, il est indispensable de revenir aux sources du droit hébraïque, largement négligé et occulté aujourd’hui. Quand on lit, sous la plume du juge Aharon Barak qu’il suffirait, pour rédiger une Constitution en bonne et due forme en Israël, de “recopier la Constitution de l’Afrique du Sud”, on comprend l’étendue du problème. Aux yeux de Barak, comme de beaucoup d’autres parmi ceux qui occupent les premiers rangs de l’appareil judiciaire israélien aujourd’hui, toute source d’inspiration est légitime… sauf la source hébraïque.

 

3.

Ce n’est pas un hasard si le grand adversaire d’Aharon Barak au sein de la Cour suprême était le juge Menahem Elon, fervent adepte du droit hébraique et auteur d’une  somme monumentale en trois volumes sur le sujet, Ha Mishpat ha-Ivri, qui lui vaudra le Prix d’Israël en 1979. Alors que le juge Barak était favorable à limiter autant que possible les références au droit juif, préférant s’inspirer de la jurisprudence des tribunaux américains ou européens, Menahem Elon a encouragé le recours le plus large possible au droit hébraïque, auquel il avait consacré ses recherches universitaires. En effet, explique-t-il, « lorsqu'on parle de droit hébraïque, on a tendance à oublier qu'il s'agit de près de 300 000 responsa connues ; d'un système de droit qui a été florissant pendant des siècles, en dépit du fait que le peuple juif était privé d'indépendance politique et de patrie... Il s'agit du système juridique le plus riche au monde, s'appliquant dans tous les domaines. On oublie aussi parfois que 80% du droit hébraïque traite de droit pénal, civil et constitutionnel, et 20% seulement de questions religieuses ».

 

Le juge Elon (en haut à gauche) 

élève à la yeshivat Hébron, début des années 1940

 

Tsedek, tsedek tirdof” (“C’est la justice, la justice seule que tu dois rechercher”), proclame la Torah, au livre de Devarim. Commentant la répétition du mot Tsedek, le rabbin Elie Munk explique que la justice doit elle même être poursuivie par des moyens justes, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui en Israël. La notion même de justice a été pervertie, en l’asservissant à des objectifs politiques et en la détournant des sources vives du droit hébraïque. C’est la notion même du Tsedek, c’est-à-dire celle de la justice-morale ou du droit non coupé de la morale, notion propre à la tradition d’Israël, qu’il convient de retrouver aujourd’hui.

P. Lurçat

 

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Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël, Pierre Lurçat

December 20 2021, 10:34am

Posted by Pierre Lurçat

Je publie ici un extrait de ma contribution au colloque “Où va la démocratie?” organisé par Shmuel Trigano en décembre 2020. J'y analyse le processus par lequel la "Révolution constitutionnelle" menée par le juge Aharon Barak dans les années 1990 a abouti à faire de la Cour suprême le premier pouvoir en Israël. L’ensemble de l’article paraîtra dans le numéro 67 de la revue Pardès, janvier 2022.

 

Le langage du droit au service d’une oligarchie

 

La grande supercherie des tenants de la Révolution constitutionnelle consiste à parler sans cesse le langage du droit. Ils n’ont que ce mot à la bouche : l’État de droit (Shilton ha-Hok). Que veut dire au juste cette expression? Selon Naomi Levitsky, «aux yeux de Barak, les dirigeants n’ont pas de pouvoir en eux-mêmes, ils ne l’acquièrent que du peuple et de la loi. Les dirigeants sont au service du peuple dans les limites de la loi ». Mais comme toujours, il faut lire entre les lignes ce que Barak ne dit pas.

 

En réalité, le peuple n’a pas de légitimité dans la conception juridico-politique de Barak. Seule la loi est légitime. Mais encore faut-il qu’elle soit interprétée par le juge qui seul est capable de la comprendre et de la «dire » au peuple ignorant... Comme il l’explicite dans ses écrits sur le rôle du juge en démocratie, le juge ne doit pas seulement appliquer ou interpréter la loi. Il est créateur de droit... En vérité, dans la conception du droit de Barak, le juge a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation, puisque la Cour suprême israélienne s’est arrogé le pouvoir exorbitant (qui ne lui a jamais été conféré légalement) d’annuler toute loi de la Knesset, y compris des Lois fondamentales (affaire en cours concernant la Loi sur l’État nation).

 

Aharon Barak

 

Dans une démocratie, la loi exprime la volonté populaire et la souveraineté du peuple. Dans la conception de Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité «éclairée », seule capable et méritoire de l’interpréter et de la comprendre. Il y a là une immense régression anti-démocratique, passée inaperçue en 1992 et dont nous voyons aujourd’hui les fruits. Ce n’est pas seulement que la loi soit devenue trop «technique», comme on l’entend souvent dire dans les pays occidentaux, c’est aussi que le peuple est par nature incapable de comprendre et de faire la loi !

 

On mesure ici combien la Loi juive, révélée par Moïse au peuple tout entier, est infiniment plus démocratique que le droit israélien réinterprété par Aharon Barak lors de la Révolution constitutionnelle : la loi révélée au Sinaï était accessible au plus élevé des Prophètes comme à la dernière des servantes, comme l’enseigne la Tradition juive. Chez Barak et ses partisans, au contraire, seul le «juge éclairé» est capable de comprendre la Loi...

 

Aharon Barak est, on le voit, le contraire d’un démocrate. Il revendique ouvertement une conception élitiste et oligarchique, et presque monarchique de la politique. À ses yeux, un « souverain éclairé » vaut mieux qu’une majorité aveugle (En cela, il a été un précurseur... Que nous disent en effet aujourd’hui les manifestants anti-Nétanyahou, avec leur slogan «Tout sauf Bibi », sinon que la majorité se trompe et qu’elle n’a pas le droit d’imposer ses vues à une minorité éclairée ?).

 

Comment en est-on arrivé là?

 

1 – Sous la houlette du juge Barak, la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument de la poursuite de la domination des anciennes élites (celles d’avant le changement de pouvoir de 1977), comme l’explique le professeur Menahem Mautner dans un ouvrage éclairant. Alors que certains dirigeants du Likoud étaient favorables, avant 1977, à l’adoption d’une Constitution qui servirait de rempart contre l’hégémonie du pouvoir travailliste, dans les faits, la Cour suprême israélienne est ainsi devenue l’instrument de la poursuite de cette hégémonie.

 

Signature des accords d’Oslo

 

En réalité, la Cour suprême israélienne est devenue non seulement l’instrument des anciennes élites (incarnées par le Parti travailliste et le mouvement kibboutzique) mais aussi et surtout, celui des élites post-sionistes, qui étaient hostiles à la fois à la droite religieuse et aussi aux partisans de l’ancien consensus sioniste de gauche. Ce n’est pas un hasard si la Révolution constitutionnelle a largement coïncidé avec la «révolution culturelle» concomitante aux accords d’Oslo, au début des années 1990.

 

Ce que ces deux événements majeurs ont signifié, dans l’Israël de la fin du xxe siècle, en proie à la montée de l’individualisme et à la fin des idéologies et du sionisme socialiste, était avant tout la montée en puissance des idées post-sionistes et la tentative d’imposer par le pouvoir judiciaire et par des accords politiques arrachés à une majorité très courte leurs conceptions radicales.

 

2 – Qui représente la Cour suprême israélienne ? 

 

Du point de vue sociologique, les juges de la Cour suprême israélienne représentent une minorité radicale et coupée du peuple (la « cellule de Meretz qui siège à la Cour suprême israélienne » selon l’expression d’un commentateur israélien). Significativement, la tentative d’introduire un semblant de diversité dans les opinions représentées à la Cour suprême n’a pas remis en cause l’hégémonie des Juifs ashkénazes laïcs de gauche. Aharon Barak a ainsi créé l’expression de «Test Bouzaglou », dans laquelle Bouzaglou désigne l’homo qualunque israélien. Il s’est défendu dans un livre d’avoir ce faisant voulu stigmatiser les Juifs orientaux, mais il n’en demeure pas moins que le nom de Bouzaglou n’a pas été choisi au hasard. Dans la vision du monde d’A. Barak (comme dans celle d’Hannah Arendt au moment du procès Eichmann) il existe une hiérarchie bien définie dans la société juive israélienne. L’élite est toujours celle des Juifs allemands.

 

Hannah Arendt

 

3 – Un autre élément d’explication important est le processus par lequel la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument des minorités actives et de gouvernements étrangers qui les soutiennent et les financent. Des gouvernements étrangers se sont ainsi immiscés dans le débat politique israélien en utilisant la Cour suprême israélienne comme un véritable cheval de Troie, par le biais de multiples ONG à financement étranger, comme en attestent les innombrables pétitions de « justiciables palestiniens » manipulés par Chalom Archav, Breaking the silence, etc.

 

Des valeurs étrangères au peuple d’Israël

 

Ruth Gabizon avait affirmé que : «La Cour suprême devrait élaborer et renforcer les valeurs qui sont partagées par la société qu’elle sert, valeurs reflétées par les lois de cette société – et non telles qu’envisagées  par les juges à titre personnel ou en tant que représentants de valeurs sectorielles »... La réflexion de Gabizon appelle deux remarques. Tout d’abord, peut-on encore affirmer aujourd’hui que la Cour suprême israélienne sert la société ou qu’elle est au service de la société ? En réalité, pour que la Cour suprême soit au service de la société israélienne et de ses valeurs, encore faudrait-il que les juges qui siègent à Jérusalem connaissent les valeurs de la société dans laquelle ils vivent et qu’ils les respectent un tant soit peu... Est-ce le cas aujourd’hui ?

 

À de nombreux égards, la Cour suprême israélienne représente et défend aujourd’hui des valeurs étrangères au peuple d’Israël : celles de l’assimilation, du post-sionisme et du postmodernisme, etc. Elle s’attaque régulièrement dans ses décisions non seulement aux droits des Juifs sur la Terre d’Israël, mais aussi au mode de vie juif traditionnel et aux valeurs de la famille juive. On peut affirmer, au vu des arrêts de la Cour suprême israélienne depuis 30 ans, qu’elle incarne le visage moderne des Juifs hellénisants de l’époque des Maccabim. Il y a évidemment des exceptions. Rappelons le cas du juge Edmond Lévy, qui rédigea l’opinion minoritaire lors de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif.

Pierre Lurçat

© Pardès. 

L’ensemble de l’article paraîtra dans le numéro 67 de la revue Pardès, janvier 2022.

https://www.inpress.fr/livre/pardes-n67-ou-va-la-democratie-suivi-de-le-mythe-andalou-et-de-le-concept-deretz-israel/

 

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La Houtspa sans limite de la Cour suprême israélienne

July 15 2021, 10:48am

Posted by Pierre Lurçat

La Cour suprême d’Israël a dernièrement pris deux décisions très remarquées sur deux dossiers importants et lourds de conséquences. Le premier, la Loi “Israël - Etat-nation du peuple Juif”, a fait l’objet d’une décision de 10 juges sur 11 (l’avis minoritaire étant celui du Juge arabe chrétien Georges Kara), qui a rejeté les pourvois formés contre cette Loi fondamentale par des associations antisionistes, soutenues par l’Union européenne notamment.

 

Dans la deuxième décision, emblématique elle aussi, la Cour suprême a fait droit au recours des associations LGBT en se prononçant en faveur de la GPA pour les couples homosexuels, plaçant ainsi Israël en pointe des pays qui autorisent cette pratique controversée (qui est interdite en France). J’ai évoqué ces deux décisions au micro de Daniel Haïk de Studio Qualita.

 

 

Le point commun entre ces deux décisions, apparemment contradictoires, est que la Cour suprême s’érige dans les deux cas en arbitre ultime - et pour ainsi dire exclusif - du débat public et politique sur des sujets cruciaux, qui touchent aux valeurs et aux normes fondamentales de l’Etat et de la société israélienne, valeurs sur lesquelles il n’existe aucun consensus.

 

En l’absence de tout consensus - et en l’absence même d’une Constitution qui l’autoriserait à mener un “contrôle de constitutionnalité” - la Cour suprême s’est ainsi arrogée, avec une arrogance inégalée dans aucun autre pays - le droit d’invalider des lois de la Knesset (y compris des Lois fondamentales), sans aucun mandat légal pour le faire (comme le reconnaît dans son avis un des juges ayant participé à la décision sur la Loi Israël Etat-nation, David Mintz).

 

L’actuelle présidente de la Cour Suprême, Esther Hayut:

Une “houtspa” sans limite

 

Poursuivant sur la lancée du Juge Aharon Barak (1), instigateur de la “Révolution constitutionnelle” dans les années 1990 et partisan d’un activisme judiciaire sans limite, la présidente Esther Hayout entend ainsi préserver le pouvoir exorbitant que s’est arrogée la Cour suprême et développer la politique arrogante par laquelle celle-ci s’est transformée en premier pouvoir, au mépris de la Knesset, du gouvernement et des principes fondamentaux de toute démocratie authentique.

P. Lurçat

 

(1) Sur le juge Barak et sa “Révolution constitutionnelle”, je renvoie le lecteur aux articles suivants: “Aharon Barak et la religion du droit”. (partie I) et “Le fondamentalisme juridique au coeur du débat politique israélien” (Partie II), ainsi qu’à mon intervention au Colloque de Dialogia “Où va la démocratie israélienne?”, devant faire l’objet d’une publication dans le prochain numéro de la revue Pardès.

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Conférence Dialogia à Tel-Aviv : Où va la démocratie ?

February 26 2020, 13:59pm

Posted by Pierre Lurçat

Je participerai à la conférence organisée par Dialogia le 15 mars prochain à Tel Aviv :

Dialogia a le plaisir de vous inviter
à sa prochaine conférence
à Tel Aviv le 15 mars 2020

 

De 18.00 à 22.00 à Zoa House, Beit Tzionei America, Ibn Gvirol 26, Tel Aviv

La démocratie est couramment invoquée dans le débat public, souvent en vertu d'arguments contradictoires. Il n'est pas sûr que ceux qui la convoquent pour légitimer leur parti-pris en aient la même définition mais ce qui est sûr c'est que la démocratie telle qu'elle est vécue n'est plus ce qu'elle était il y a 50 ans. Si l'équilibre des pouvoirs lui-même est ébranlé par les nouvelles technologies, c'est surtout la société qui s'est éloignée du régime démocratique, censé la porter. Le domaine sociétal, le domaine des fondements, sont concernés, comme celui de la redéfinition de la famille, du sexe, de l'identité, du citoyen, du vivant, de la Terre, de la légitimité... Les droits du citoyen ont été relégués dans les marges au nom des droits de l'homme. Mais quel homme ? Est-on toujours en « démocratie » ? En son nom, ne nous dirigeons-nous pas vers sa fin, ou à tout le moins sa mutation inquiétante ? Et cette dérive ne nous dit rien d'une autre crise, cette fois-ci politique, qui frappe le régime démocratique lui-même et dans laquelle le peuple, le demos, se voit ravalé au "populisme" et la majorité parlementaire au "fascisme".

https://dialogia.co.il/wp-content/uploads/2020/02/Programme-confe%CC%81rence-FR-Ou-va-la-d%C3%A9mocratie-Dialogia.pdf

PROGRAMME DE LA CONFERENCE

17h45-18h00 : Accueil - 18h00-18h15 : Shmuel Trigano, Une crise mondiale, une introduction - 18h15-18h45 : Shmuel Trigano, L’éclipse du citoyen - 18h45-19h15 : Haïm Navon : Pourquoi la politique des identités estelle un danger pour l’identité * - 19h15-19h45 : Rachel Israël, « Malaise dans la Culture » : de l’essai de Freud à l’actualité sociétale 19h45-20h15 : COCKTAIL -

20h15-20h45 : Gadi Taub, Politique d’immigration et montée du libéralisme anti-démocrate * - 20h45-21h15 : Mordekhai Nisan, La démocratie israélienne – idéologie, citoyenneté et guerre * - 21h15-21h45 : Pierre Lurçat, Le pouvoir judiciaire contre le peuple : Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël 21h45-22h00 : Débat et Conclusion

 

Conférence Dialogia à Tel-Aviv : Où va la démocratie ?

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Vers un gouvernement des juges en Israël?

December 31 2019, 09:25am

Posted by Pierre Lurçat, Richard Darmon

A la veille de la décision dramatique de la Cour suprême, censée décider si le Premier ministre B. Nétanyahou "a le droit" de former une coalition après les prochaines élections, je reviens au micro de Richard Darmon sur le processus par lequel la Cour suprême d'Israël est devenue le "premier pouvoir" et s'est arrogée des compétences exhorbitantes, y compris celle d'annuler toute loi de la Knesset et toute décision du gouvernement ou d'un autre organe élu. Histoire d'un véritable putsh judiciaire.

Ecouter l'émission ici

https://www.youtube.com/watch?v=aMm1YHk0ZRc

https://www.youtube.com/watch?v=aMm1YHk0ZRc

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« L’arrogance élitiste de la Cour suprême »

December 27 2019, 13:15pm

Posted by Pierre Lurçat

Au micro de Daniel Haïk, j'évoque les derniers développements du bras de fer entre les pouvoirs exécutif et législatif israéliens et la Cour suprême, le Procureur général et les médias et les racines de l'affrontement actuel. 

Résultat de recherche d'images pour ""cour supreme" "pierre lurçat""

https://www.youtube.com/watch?v=Y7ZOONTT6zY

 

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