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Une étincelle d’hébreu - Désinformation contre Israël : une simple erreur de traduction?

November 29 2024, 09:05am

Posted by Pierre Lurcat

Menteur professionnel: Charles Enderlin

Menteur professionnel: Charles Enderlin

 

La lecture des médias français (et étrangers en général) est toujours déconcertante et le plus souvent décevante. Comme l’avait montré jadis Michel Legris, dans un ouvrage devenu un classique de l’analyse de la désinformation[1], les journalistes mentent comme ils respirent… Ou plutôt, ils mentent comme Monsieur Jourdain fait de la prose, sans même s’en apercevoir !

 

Des exemples ? Lorsque le correspondant du Monde en Israël retranscrit le discours prononcé hier soir par le Premier ministre Nétanyahou[2], il commet au moins deux erreurs de traduction. La première est presque anodine : parlant des sept fronts de la guerre actuelle, le journaliste écrit que “le plus important d’entre eux est celui qui oppose l’Etat hébreu à la République islamique, la « pieuvre », comme [B. Nétanyahou] l’appelle”. Or l’expression employée par le Premier ministre - et par d’autres observateurs israéliens - est “la tête de la pieuvre”.

 

La différence n’est pas négligeable : désigner son ennemi principal comme la “tête de la pieuvre” est une image tout aussi parlante en français qu’en hébreu. Or le travail du traducteur consiste précisément à rendre accessible la pensée de la langue source dans la langue cible… C’est précisément ce que ne fait pas le journaliste du Monde, dans un autre exemple encore plus flagrant, en écrivant que Nétanyahou “a coutume de qualifier le conflit dans lequel Israël est engagé depuis le 7-Octobre de « guerre de rédemption ».

 

Cette fois-ci, l’erreur de traduction est grossière : l’expression employée par notre Premier ministre n’est pas “guerre de rédemption” mais guerre de renaissance (mil’mehet ha-Tekouma). La différence est de taille et n’est pas fortuite. En traduisant l’expression par “guerre de rédemption”, le journaliste accrédite la thèse (qui est celle de son article, intitulé “La guerre, horizon indépassable de Benyamin Nétanyahou’) selon laquelle la guerre menée par Israël poursuivrait à la fois des objectifs militaires, religieux et quasi-eschatologiques…

 

En d’autres termes, dans le narratif mensonger du correspondant du Monde, ce seraient les Israéliens (et par extension les Juifs) qui envisageraient le conflit dans une perspective religieuse (la “rédemption”) et pas les musulmans !  Charles Enderlin, auteur d’un des plus graves mensonges médiatiques contre Israël qui vient d’être interviewé de manière très complaisante sur le site Akadem, reprend ce mensonge dans un de ses livres récemment réédités, en faisant croire que le “messianisme” juif serait la cause principale du conflit israélo-arabe. Enderlin, correspondant en Israël depuis plusieurs décennies, n’a même pas l’excuse d’ignorer l’hébreu. (à suivre…)

P. Lurçat

 

[1] M. Legris, Le Monde tel qu’il est, Plon 1976.

Une étincelle d’hébreu - Désinformation contre Israël : une simple erreur de traduction?

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CPI, Liban: La diplomatie française ou la politique de l’impuissance

November 27 2024, 12:03pm

Posted by Pierre Lurçat

 CPI, Liban: La diplomatie française ou la politique de l’impuissance

La diplomatie française au Proche-Orient est très souvent, on le sait bien, faite de gesticulations sans grande portée et de mensonges. Jabotinsky avait déjà observé, il y a plus de 100 ans, après sa rencontre avec le ministre français Delcassé, que celui-ci “était resté fidèle à l'ancienne école "classique" de la diplomatie : celle des adeptes du secret et du mystère, dont Talleyrand a résumé la doctrine dans une formule immortelle – "la parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée" (*).

 

Jean-Noël Barrot n’est certes pas Delcassé et la France actuelle n’est qu’un triste avatar de la puissance qu’elle fut jadis. Ce qui rend encore plus ridicules les propos de ses dirigeants actuels - et ceux d'Emmanuel Macron en premier lieu - c’est le fait que la France continue de parler officiellement comme si elle était encore la puissance d'autrefois, en sermonnant le monde entier et en prétendant donner des leçons aux dirigeants véritables que sont (pour ne citer que deux exemples) B. Nétanyahou ou Donald Trump.

 

L’interview donnée ce matin par le ministre Jean-Noël Barrot est un nouvel exemple de la tartufferie française. Ce petit monsieur qui s’est récemment illustré en créant de toutes pièces un esclandre à Jérusalem, a le toupet de présenter l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Liban comme “le fruit d’un travail d’arrache-pied” et comme “un succès pour la diplomatie française”.

 

M. Barrot a encore le toupet de décrire la guerre entre Israël et le Liban comme une “tragédie” qui “menaçait l’existence même du Liban”, sans parler des attaques contre Israël et des milliers de citoyens israéliens réfugiés dans leur propre pays, et sans prononcer le mot Hezbollah !

 

Dans la suite de l’interview, après avoir fait l’éloge de la FINUL dont tout le monde sauf lui a constaté l’incapacité et la collaboration active avec le Hezbollah, M. Barrot est interrogé sur la décision de la CPI d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens. Là encore, le ministre français nous livre une “perle”. Verbatim :

France-Info : “Si le Premier ministre israélien venait à poser le pied sur le sol français, concrètement, et sans langue de bois, est-ce qu’il serait arrêté?

J.-N. Barrot: “D’abord, le veux le rappeler, la France est très attachée à la justice internationale et elle est très attachée à ce que la Cour pénale internationale puisse travailler,..

France-Info: “Donc vous respecteriez le droit international, cela veut dire qu’il serait arrêté s’il posait le pied en France?

J.-N. Barrot:“La France appliquera comme toujours le droit international, qui repose sur ses obligations à coopérer avec la CPI, obligations vis-à-vis de son adhésion au Statut de Rome, qui prévoit et qui traite des questions d’immunité de certains dirigeants, en tout état de cause c’est à l’autorité judiciaire qu’il appartiendra de se prononcer”.

 

En langage clair et sans langue de bois : la France ne fera rien, car c’est ce qu’elle sait le mieux faire! Mais gageons que M. Nétanyahou n’ira pas en France, car il n’a rien à faire dans ce pays devenu, sous Macron, un des pays les plus anti-israéliens d’Europe.

Pierre Lurçat

 

NB J’ai évoqué la décision de la CPI au micro de Daniel Haïk sur Studio Qualita hier matin.

 

(*) Dans Jabotinsky, Histoire de ma vie, éditions l’éléphant 2022.

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Kafka et Orwell au pays des Hébreux : Trois réflexions sur l’affaire Eli Feldstein

November 19 2024, 18:14pm

Posted by Pierre Lurçat

Eli Feldstein (photo Sraya Diamant/Flash90)

Eli Feldstein (photo Sraya Diamant/Flash90)

1.

Par-delà toute considération de politique politicienne, “l’affaire” Eli Feldstein devrait faire frémir toute personne sincèrement attachée au caractère démocratique de notre Etat et au bon fonctionnement des institutions en Israël. De quoi s’agit-il en effet ? Lorsqu’un officier israélien est incarcéré sans pouvoir rencontrer d’avocat, mis au secret dans une cellule aux côtés de terroristes arabes et soumis à d’intenses pressions psychologiques, au point d’envisager le suicide, en vue de lui faire avouer un “crime” dont il n’a pas la moindre idée, nous sommes plus proches du Procès de Kafka ou de L’aveu d’Arthur London que de la démocratie israélienne, telle que nous croyions la connaître et telle que nous la chérissons tous.

 

Que ceux qui ont initié cette procédure aient à la bouche les mots d’Etat de droit, ou qu’ils invoquent pour la justifier une “grave atteinte à la sécurité” de l’Etat ne change rien à l’affaire. Il est trop facile de dissimuler sous l’étiquette de la “sécurité de l’Etat” les pires atteintes aux droits de la personne humaine, pratique qu’on pouvait espérer révolue dans l’Etat d’Israël en 2024.

 

2.

Je n’ai évidemment pas la naïveté de croire que le Shin-Beth – le service de sécurité intérieure israélien – soit un parangon de vertu et de respect des droits de l’homme. Il a tendance, comme ses homologues du monde entier, à considérer que la fin justifie les moyens et que tous les moyens sont bons, dès lors qu’il s’agit des intérêts supérieurs de l’Etat et de sa sécurité. L’argument est discutable et il a souvent été discuté dans l’histoire du jeune Etat d’Israël. Le problème, dans le cas présent, est que le Shin-Beth n’a même pas "l’excuse" de la raison d’Etat, ou de la lutte contre les ennemis d’Israël.

 

Dans l’affaire Feldstein, en effet, il s’agit apparemment (car nous sommes loin de savoir à l’heure actuelle de quoi il retourne exactement) d’une tentative visant à “retourner” un proche collaborateur du Premier ministre, en vue d’en faire un témoin clé de l’accusation, dans le prolongement des nombreux procès intentés à B. Nétanyahou, qui n’ont à cette heure abouti à aucune accusation fondée et avérée. C’est donc d’une manipulation politique et policière qu’il est question – derrière le masque très contestable de la “sécurité de l’Etat” et de la protection de ses secrets.

 

3.

Le document incriminé, qui aurait été transmis au Bild allemand par Eli Feldstein, traite apparemment de la stratégie du Hamas dans la négociation sur la libération des otages et établit précisément que ce sont les chefs de l’opposition et leurs soutiens qui ont fait depuis un an le jeu du Hamas, en faisant monter le prix des otages et en semant la division interne en Israël. Tout cela confirme l’idée que l’arrestation de Feldstein vise, une fois de plus, à faire de Nétanyahou un commode bouc émissaire, en détournant l’attention du public des véritables coupables du 7 octobre et de ses suites.

 

Mais, comme le Premier ministre l’a déclaré lundi dernier, “le peuple d’Israël n’est pas idiot”. Ou, pour dire les choses autrement, on ne peut pas mentir tout le temps et à tout le monde. Le jeu dangereux auquel se livrent le Shin-Beth et les grands médias anti-Bibi depuis quelques semaines risque fort de se retourner contre eux, en montrant de manière éclatante qu’ils ont confondu leurs étroits intérêts politiques avec ceux de l’Etat et que le Shin-Beth est devenu – avec l’aval de la Cour suprême et de l’establishment judiciaire actuel – un outil politique et une sorte de “police politique”, qui n’a plus rien à voir avec l’Etat de droit et la démocratie. Comme le disait lundi le commentateur chevronné Amnon Lord, le Shin-Beth a été trop loin et il faut qu’il soit remis à sa place et encadré par la loi. Il est grand temps que le législateur se penche sur le cas du Shin-Beth et nettoie une fois pour toutes les écuries d’Augias des services de sécurité israéliens.

P. Lurçat

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Israël : vers le retour de la réforme judiciaire? Pierre Lurçat

November 18 2024, 11:08am

Posted by Pierre Lurcat

La procureure de l’Etat Baharav-Myara

La procureure de l’Etat Baharav-Myara

 

Comment interpréter la déclaration du ministre Yariv Levin, remettant à l’ordre du jour le projet de réforme judiciaire? « Le temps est venu d’apporter un soutien total à la réforme du système judiciaire et des forces de l’ordre, et de mettre fin à l’anarchie, au déchaînement, à l’insubordination et aux tentatives de porter atteinte au Premier ministre», a-t-il affirmé sur les réseaux sociaux après l’attaque aux fusées éclairantes contre le domicile du Premier ministre à Césarée. S’agit-il d’une réaction à chaud incontrôlée, ou bien d’un véritable ballon d’essai, annonciateur de nouvelles initiatives visant à remettre sur le tapis le projet très contesté de réforme judiciaire ?

 

En réalité, ce “réchauffement” du front de la guerre judiciaire est - un peu comme celui du front de la guerre entre Israël et le Hezbollah, une riposte tardive, faisant suite à de longs mois de retenue de la part du gouvernement sur ce sujet sensible. Car c’est bien le camp des “tout sauf Bibi” qui a tiré le premier, en menant ces dernières semaines un véritable blitz juridico-médiatique, visant ni plus ni moins que la destitution du Premier ministre, en pleine guerre existentielle contre des ennemis voués à la destruction d’Israël.

 

C’est ainsi que doivent être interprétées les arrestations insensées d’un officier et d’un employé du cabinet du Premier ministre, mis au secret pendant plus de 10 jours et empêchés de rencontrer un avocat, en vertu d’une procédure exceptionnelle réservée aux terroristes considérés comme des “bombes à retardement”. Ce n’est pourtant pas la première fois que le Shin-Beth, le service de sécurité intérieure, utilise des outils policiers réservés aux terroristes contre des citoyens juifs israéliens.

 

Ces dernières décennies, il le faisait contre des habitants de Judée-Samarie, eux aussi traités comme de dangereux “terroristes”, le plus souvent sans aucun fondement factuel ou légal. Mais c’est la première fois que ce traitement à la limite de la légalité est utilisé contre un collaborateur du cabinet du Premier ministre. Ce faisant, le Shin-Beth a dévoilé au grand jour son visage authentique : celui d’une police politique, digne des pires régimes totalitaires.

 

En l’occurrence, c’est ainsi le Shin-Beth – avec le soutien de la Cour suprême (abusivement présentée comme “rempart de la démocratie”) et de tout  l’establishment judiciaire et médiatique – qui a posé une véritable “bombe à retardement”, visant à faire imploser le gouvernement, et démontrant une fois de plus que le “Deep State” israélien (expression que nous allons expliciter) donne préséance à sa guerre politique contre le gouvernement sur toute autre considération.


Dans la suite de cet article, nous tenterons de comprendre le lien entre cette “affaire”, les rapports entre l’armée et le gouvernement et la responsabilité du “Deep State” dans le 7 octobre.

P. Lurçat

NB Lire aussi sur ce sujet, l'article du blog Danilette, Des graves histoires, suite - Danilette's

Avec Yariv Levin à la Knesset, janvier 2012

Avec Yariv Levin à la Knesset, janvier 2012

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Azmi Bishara et la politique de l’identité arabe en Israël : une fable politique moderne

November 12 2024, 16:14pm

Posted by Pierre Lurçat

Azmi Bishara

Azmi Bishara

 

Comment le député arabe soutien du Hezbollah s’est introduit dans les cercles intellectuels israéliens de la gauche “post-coloniale”

 

Plus de 20 000 citoyens juifs israéliens auraient voté pour la Liste arabe unifiée aux dernières élections. L’itinéraire de l’intellectuel et militant Azmi Bishara permet de comprendre les raisons profondes de ce vote, et au-delà, du radicalisme politique arabe et de ses soutiens au sein de la société civile et des institutions israéliennes. De Bir Zeit au Qatar et de l’establishment culturel post-sioniste israélien jusqu’au soutien avéré au Hezbollah et aux autres ennemis de l’Etat d’Israël, l’itinéraire de Bashara ressemble à une fable politique moderne. Histoire d’une trahison.

 

Du marxisme au post-modernisme et au militantisme arabe

 

Bishara a étudié la philosophie en Allemagne, et soutenu en 1986 sa thèse à l’université Humboldt de Berlin, sur le sujet “Méthodologie du Capital de Marx : le mythe de l’unité entre logique et histoire”. Il enseigne ensuite à l’université de Bir Zeit, avant d’être élu à la Knesset sur la liste du parti Balad, dont il est un des fondateurs. Soupçonné d’espionnage en faveur du Hezbollah en pleine guerre du Liban, il quitte Israël et se réfugie à Doha, dont l’émir de l’époque, Al-Thani, est un ami personnel de Bishara, qui l’a rencontré à Paris, chez Maxim’s. (Cela ne s’invente pas…)

 

Au-delà de l’itinéraire mouvementé d’Azmi Bishara et de son évolution idéologique (ancien marxiste devenu le chantre de la diplomatie des pétro (et gazo) dollars qataris), l’aspect le plus intéressant pour notre sujet est le capital de sympathie que ce nationaliste arabe a su cumuler en Israël, dans les franges les plus radicales et les plus prestigieuses de l’establishment culturel post-sioniste et antisioniste. L’étudiant en philosophie de l’université berlinoise (où il a étudié aux frais du parti communiste israélien), est rapidement devenu la coqueluche des médias israéliens, qui voyaient en lui un intellectuel brillant parlant le même langage qu’eux.

 

Lisons le portrait que dressait de lui le journaliste Nahum Barnéa, dans le quotidien Yediot Aharonot[1] : “Il était devenu le gourou des cercles intellectuels... comme l’institut Van Leer de Jérusalem. A leurs yeux, il était un philosophe combattant. Les femmes tombaient amoureuses de lui. Les hommes lui ouvraient les portes de l’académie…”. Selon Barnéa, journaliste bien connu de la gauche israélienne, Bishara s’est servi du cheval de bataille du “rapprochement judéo-arabe” et de “l’État de tous ses citoyens” pour pénétrer les cercles d’influence, alors qu’il n’a en fait jamais renoncé à son credo politique nationaliste arabe.

 

Bishara et l’establishment culturel israélien

 

En 1987, Bishara adhère au groupe de “La 21e année”, fondé pour combattre “l’occupation des territoires”, à l’occasion du début de la Première Intifada. A ses côtés se trouve notamment Adi Ophir, philosophe aux idées politiques radicales, qui prône le retour aux frontières de 1947 et la partition de Jérusalem. Adi Ophir est un membre éminent de cette coterie d’intellectuels israéliens que j’ai désignée[2] par l’appellation de “communauté d’opprobre” (concept emprunté au philosophe Elhanan Yakira). Spécialiste de philosophie contemporaine – française notamment – et de la “théorie critique”, il a fondé la revue Teoria u’Bikoret (Théorie et critique), publiée par l’institut Van Leer de Jérusalem. Pour comprendre ce qu’est cette institution, remarquons que le professeur Amos Goldberg, qui a accusé Israël de “génocide” après le 7 octobre, fait partie du corps professoral de l’institut Van Leer.

 

Depuis son apparition en 1991, cette dernière revue est devenue le lieu d’expression le plus influent de la pensée post-sioniste en Israël, laquelle a été à l’origine de la véritable “Révolution culturelle” des années 1990. Celles-ci ont en effet vu, avec la signature des Accords d’Oslo et la “Révolution constitutionnelle” quasi-concomitante, l’arrivée au pouvoir des idées post-sionistes, tant dans l’échelon politique (avec le gouvernement Rabin-Pérès) qu’à la Cour suprême, devenue à cette époque un des premiers centres de pouvoir en Israël.

 

Pour avoir un avant-goût des thématiques abordées dans ce fleuron de l’intelligentsia universitaire post-sioniste israélienne, examinons rapidement le contenu du numéro que la revue Théorie et critique a publié pour le cinquantième anniversaire de l’État d’Israël. Après avoir expliqué en introduction pourquoi cet anniversaire n’était pas l’occasion d’une quelconque célébration, Adi Ophir explique que l’objet de ce numéro du Jubilé est de “présenter tout ce qui incarne la critique de ‘l’ordre existant’, qui refuse celui-ci et exprime la résistance ouverte et la subversion”. C’est ainsi que la revue donne la parole à tous ceux qui considèrent l’État hébreu comme un régime colonialiste, “ethno-centriste” et oppressif, en utilisant les concepts clés de la théorie du genre et de la pensée post-colonialiste.

 

Un exemple particulièrement parlant est l’article du sociologue tel-avivien Yehuda Shenhav, qui explique que les Juifs des pays arabes n’ont pas quitté leur patrie en raison des souffrances endurées en tant que juifs, mais en conséquence des “manipulations orchestrées par les sionistes d’origine européenne, qui ont créé une ‘psychose de l’émigration’ chez les Juifs d’Irak”. Nous sommes ici au cœur de l’inversion victimaire : l’exode des Juifs des pays arabes ne serait pas la conséquence de l’antisémitisme musulman, mais de “manipulations sionistes”... 

 

La fascination exercée par l’ex-député arabe sur les cercles les plus influents de la gauche post-colonialiste israélienne permet de comprendre, avec le recul, l’aveuglement d’une grande partie de l’establishment culturel et politique de gauche, qui est un des éléments de la fameuse “Conceptsia” ayant mené au 7 octobre.

 P. Lurçat

 

 

[2] Dans mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. de l’éléphant 2022.

Amos Goldberg: "Israël coupable de génocide"

Amos Goldberg: "Israël coupable de génocide"

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Israël / Etats-Unis : La double claque du camp progressiste

November 6 2024, 12:51pm

Posted by Pierre Lurçat

Israël / Etats-Unis : La double claque du camp progressiste

 

1.

 

Au lendemain de la claque magistrale que vient de lui administrer Donald Trump, nous allons entendre le camp progressiste se lamenter sur la "fin de la démocratie" et agiter  une fois de plus – le spectre d'une Amérique en route vers le fascisme… “Harris-Trump: la démocratie en jeu” titrait ainsi le quotidien Le Monde à la veille du scrutin américain. Et son éditorial ce matin explique doctement que “La victoire de Donald Trump au terme d’une campagne d’une virulence populiste, misogyne et raciste sans précédent est aussi de mauvais augure pour les femmes, pour les immigrants et pour la démocratie en général”.

 

En réalité, comme l'écrivait cette semaine Amnon Lord dans Israel Hayom, la victoire de Trump est avant tout celle du candidat de l'Amérique profonde et d’un petit peuple qui – contrairement aux clichés tenaces sur les “Red Neck” – comporte aussi de nombreux électeurs non-blancs, y compris musulmans. Les électeurs américains ont aussi élu Donald Trump pour des raisons pragmatiques et économiques, très éloignées des discours idéologiques de la frange progressiste du parti démocrate, qui fut jadis (on a du mal à le croire aujourd’hui…) le parti des déshérités américains…

 

2.

 

Et chez nous ? Le camp progressiste des "Tout sauf Bibi" vient lui aussi de subir une défaite politique majeure, avec le limogeage de Yoav Gallant qui était devenu depuis longtemps un boulet pour la stratégie militaire de Benjamin Netanyahou, dont il n’a jamais accepté l’autorité. A la différence de ce qui s’était passé lors de la première "nuit de Gallant" au mois de mars 2024, le camp progressiste a pour l'instant échoué à contrecarrer la décision du premier ministre, qui a judicieusement choisi le jour des élections américaines pour annoncer sa décision longtemps retardée.

 

En Israël, comme outre-Atlantique, le camp progressiste crie de nouveau à la “fin de la démocratie” et au “fascisme”, mais ses cris d’orfraie peinent à convaincre, comme en atteste le faible nombre de manifestants dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem. Des recours sont déjà déposés devant la Cour suprême par ceux qui considèrent que le pouvoir appartient aux juges et non aux élus du peuple, pour tenter de faire annuler par le “gouvernement des juges” la décision légitime du Premier ministre.

 

3.

 

Comme je l’écrivais dans ces colonnes en 2021, “face aux ennemis d’Israël, le monde a besoin de dirigeants sachant comment mener la guerre, et pas de dirigeants qui savent plaire aux médias, ou disserter sur l’art ou la littérature. La vie internationale n’est pas un concours de cuture générale ou de maintien pour jeunes filles bien nées. Comme le disait Woody Allen, “Même quand l’agneau et le loup coexisteront, je préfèrerai être le loup”. Dans un monde où les loups n’ont pas encore déposé les armes, Israël doit non seulement se comporter en conséquence, mais aussi pouvoir compter sur des alliés qui savent aussi comment affronter les loups de Téhéran”.

 

Je n’ai rien à ajouter à ces lignes, sinon de citer la réaction du ministre des Finances Betsalel Smotrich, ce matin : “God Bless Israel, God bless America !” Et qu’Il bénisse aussi Donald Trump et Benjamin Nétanyahou!

Pierre Lurçat

Israël / Etats-Unis : La double claque du camp progressiste

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