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Dans la bibliothèque de mon père (V): José Ortega y Gasset et la question de la liberté

October 30 2024, 08:16am

Posted by Pierre Lurçat

José Ortega y Gasset

José Ortega y Gasset

 

En mémoire de mon père, François Lurçat

Niftar le 28 Tichri 5773

Le diagnostic d’une existence humaine - d’un homme, d’un peuple, d’une époque - doit commencer par la prise en considération du système de ses convictions, et pour cela, il faut déterminer avant tout sa croyance fondamentale, décisive, celle qui porte et vivifie toutes les autres”.

O. y Gasset, L’histoire comme système

 

 

            La lecture des grands philosophes pourrait être divisée en deux catégories : ceux chez qui nous trouvons des réponses à des questions ponctuelles, sortes de “pépites” qui nous enchantent et enrichissent notre vie à différents moments de notre parcours, et ceux chez qui nous faisons des découvertes qui deviennent de véritables guides, éclairant une grande partie du chemin de notre existence. Emmanuel Lévinas fut pour mon père un de ces derniers, tout comme Edmund Husserl. Mais c’est d’un philosophe de la première catégorie que je veux parler ici, José Ortega y Gasset. Né à Madrid en 1883, il est considéré comme un des grands intellectuels européens de la première moitié du vingtième siècle, même si son œuvre reste encore trop peu connue en France.

 

            J’ignore à quelle période de sa vie mon père fit sa découverte. Sans doute fut-ce lorsqu’il lut son livre le plus connu, La révolte des masses, auquel il fait plusieurs fois référence dans ses propres ouvrages. Dans La révolte des masses, mon père avait trouvé une critique visant à la fois la massification et la spécialisation qu’il dénonçait lui-même dans le domaine de la science. Ce livre – considéré comme le “grand livre” d’Ortega y Gasset – fut le seul à être traduit en France presque lors de sa parution en Espagne, en 1937. Mais sa lecture du philosophe madrilène ne s’arrêta pas là. Dans la bibliothèque de mon père figuraient également ses livres Le spectateur, Ecrits en faveur de l’amour, et les deux premiers tomes des Œuvres complètes.

 

            Sur tous les sujets vers lesquels mon père tourna sa pensée, il trouva chez Ortega y Gasset des aliments pour nourrir sa réflexion. Sans doute y avait-il chez Ortega un aspect éclectique et audacieux, qui correspondait bien à la forme d’esprit de mon père, physicien-philosophe qui n’avait jamais cessé de s’interroger sur tous les domaines de la vie. J’en donnerai ici quelques exemples, qui ne peuvent évidemment prétendre résumer l’œuvre multiple et variée du philosophe.

 

L’amour en voie de disparition ?

 

            Dans son livre Pour une histoire de l’amour, Ortega a cette affirmation étonnante et très actuelle : “L’amour est en baisse. Il commence à n’être plus de saison”. Un siècle avant la triste époque des réseaux sociaux et de la solitude universelle, le philosophe avait compris qu’un des aspects essentiels de la crise de l’Occident – thème de réflexion auquel il est revenu à de nombreuses reprises – était celui de la disparition de l’amour. Pour l’analyser, Ortega décrit l’amour comme un “genre littéraire”, c’est-à-dire comme une création littéraire historiquement marquée. “Je pense, écrit-il, que l’amour est tout le contraire d’une force élémentaire”.

 

Son analyse du phénomène amoureux prend à la fois le contrepied de l’idée d’une “force élémentaire, prenant naissance dans le sein obscur de l’animalité humaine”, et aussi celui de la théorie stendhalienne de la “cristallisation”, à laquelle Ortega reproche d’avoir confondu l’état amoureux (l’enamoramiento) et l’amour véritable. Comme l’a finement observé le préfacier des Ecrits en faveur de l’amour[1], Frédéric Lannaud, la théorie de Stendhal est l’héritière de la pensée spinoziste “qui stipule qu’une chose n’est bonne et belle que parce qu’on la désire”, idée reprise dans la doctrine freudienne, selon laquelle “l’amour n’est rien d’autre que le désir mystifié par l’imagination”. A cette théorie réductrice et démocratique - demeurée très actuelle - d’un amour mystifiant, Ortega oppose sa une vision aristocratique de l’amour : “s’énamourer est un merveilleux talent que certaines créatures possèdent, comme le don de faire des vers, comme l’esprit de sacrifice, comme le courage personnel…”

 

Relisant le petit livre Ecrits sur l’amour, annoté de la main de mon père, j’y trouve quelques perles qui ont pu l’enchanter chez le philosophe madrilène, dont certaines se trouvent aussi chez un autre auteur, le poète mexicain Octavio Paz, dont mon père fut un fervent lecteur. Comme Ortega, ce dernier oppose le sentiment amoureux qui “appartient à tous les temps et à tous les lieux” à l’idée de l’amour, qui dépend des sociétés et des époques. Mon père trouva chez Octavio Paz l’idée que la négation de l’amour (ou sa réduction à un instinct, ce qui revenait au même à ses yeux) procédait d’une négation plus vaste de la personne humaine, thème essentiel de sa réflexion. Sur ce point comme sur d’autres, Paz et Ortega sont étonnamment proches. Ainsi, lorsque le premier écrit que “le sentiment amoureux est une exception au-dedans de cette grande exception que constitue l’érotisme par rapport à la sexualité”, on retrouve la conception aristocratique de l’amour propre à Ortega.

 

Eloge de la liberté humaine

 

            Un autre sujet, connexe à celui de l’amour, sur lequel Ortega y Gasset avait nourri la réflexion de mon père, était celui de la liberté humaine. Les lignes suivantes, tirées de sa conférence La mission du bibliothécaire[2], illustrent l’attachement du philosophe espagnol à la notion de libre-arbitre, tellement décriée et oubliée à notre époque. “La pierre ne peut pas sortir du champ gravitationnel, mais l’homme peut très bien ne pas faire ce qu’il doit faire… Une pierre, qui serait à-demi intelligente, dirait peut-être en l’observant : “Quelle chance d’être un homme! Quant à moi, je n’ai d’autre choix que d’appliquer inexorablement la loi”.

 

            Avec son humour caractéristique, Ortega décrit le “privilège effrayant” de la liberté humaine et du libre-arbitre propre de l’homme. Ce faisant, il retrouve un concept essentiel de la pensée hébraïque, laquelle est présente en filigrane à de nombreux endroits de son œuvre. Dans un cours donné à Lisbonne en 1944 (la date n’est évidemment pas fortuite), le philosophe écrit ainsi : “Dans les mêmes années exactement apparaît en Grèce la première ébauche de l’intellectuel avec Hésiode et se lève en terre hébreue le premier prophète, Amos. Les prophètes furent les intellectuels d’Israël”. Ortega décrit l’étymologie du mot Nabi (prophète) et compare les conceptions juive et grecque de la vérité. “Pour l’Israélite, la vérité vient de Dieu – c’est la parole de Dieu – pour le Grec la vérité est la raison des choses, c’est l’être même des choses”. Dans ces lignes et ailleurs encore, le philosophe catholique espagnol fait preuve d’une rare pénétration à l’égard de l’esprit juif.

 

Ainsi, il explique que “Emounah est le mot signifiant vérité en hébreu”. Effectivement, le mot hébreu, souvent traduit par “foi” ou par “croyance”, désigne bien le mode hébraïque de connaissance du monde, propre à la vision anthropocentrique de l’univers tellement différente du cosmo-centrisme auquel la pensée scientifique occidentale nous a habitués. La pensée d’Ortega y Gasset permet donc de saisir la différence fondamentale entre pensée grecque et pensée juive, entre esprit grec et esprit juif. Ortega, à l’encontre de bien des philosophes contemporains, ne considère pas le judaïsme authentique – ou plutôt l’hébraïsme – comme partie négligeable de l’histoire de la pensée, mais bien comme un pilier essentiel de notre civilisation, qui repose à la fois sur Athènes et sur Jérusalem.

 

En guise de conclusion…

 

 Une idée essentielle – et très actuelle – d’Ortega y Gasset est que chaque homme se définit par son “système de croyances”, ou encore que, comme il l’explique dans la citation placée en exergue de ces lignes : “Le diagnostic d’une existence humaine – d’un homme, d’un peuple, d’une époque – doit commencer par la prise en considération du système de ses convictions, et pour cela, il faut déterminer avant tout sa croyance fondamentale, décisive, celle qui porte et vivifie toutes les autres”. Si je devais appliquer cette maxime en définissant quelle était la croyance fondamentale de mon père, je dirais sans hésiter : mon père croyait en la liberté. Cela n’avait rien d’évident dans un siècle dominé par de nombreuses formes de déterminisme – qu’il soit scientifique, marxiste ou psychanalytique – mais cela l’était pour lui.

 

Achevant la lecture du deuxième tome des Œuvres complètes d’Ortega y Gasset publiées chez Klincksieck, sous le titre Aurore de la raison historique, je trouve dans les toutes dernières lignes cette phrase étonnante : “L’homme a besoin d’une révélation nouvelle… Que l’annonce en soit faite, malgré toutes les apparences contraires”. Lisant ces mots à Jérusalem, alors que la guerre dans laquelle est plongé Israël depuis un an fait rage sur tous les fronts, je me dis que le philosophe madrilène avait saisi l’aspect essentiel de l’apport d’Israël au monde contemporain. Oui, notre monde a besoin d’une révélation nouvelle, et celle-ci viendra, une fois de plus, de Jérusalem.

Pierre Lurçat

 

 

Dans la bibliothèque de mon père (IV) : Niels Bohr et l’intelligibilité du monde - VudeJerusalem.over-blog.com

Dans la bibliothèque de mon père (III) : Emmanuel Lévinas et le bilan du vingtième siècle - VudeJerusalem.over-blog.com

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[1] F. Lannaud, “D’une interprétation possible de la perspective érotique de J. Ortega y Gasset”, in Ecrits en faveur de l’amour, éditions Distance, Biarritz 1987.

[2] Publiée chez Allia, 2021.

François Lurçat (1927-2012)

François Lurçat (1927-2012)

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Une étincelle d’hébreu : “Oum Shmoum” - L’autre front de la “Guerre de Renaissance d’Israël”

October 15 2024, 10:59am

Posted by Pierre Lurçat

David Ben Gourion avec l'écrivain S. J. Agnon

David Ben Gourion avec l'écrivain S. J. Agnon

Oum-Shmoum” (או"ם שמום) : cette expression israélienne déjà ancienne est en train de redevenir d’actualité, depuis le début de la guerre à Gaza et encore plus au vu des développements sur le front Nord. « Oum » est la prononciation acronymique hébraïque de « Nations Unies » (Oumot méouhadot). L’ajout du préfixe “shm” donne une connotation péjorative, qui a été reprise par l’hébreu du yiddish. L’expression est difficile à traduire en français… Le meilleur équivalent, en conservant l’allitération et la crudité propre au yiddish, serait sans doute : “ONU mon c… “, qui n’est évidemment pas très distingué ! (J’invite mes lecteurs sagaces à me transmettre leurs suggestions moins impolies).

 

L’expression a été forgée par David Ben Gourion en 1955, dans un contexte qui, malgré les différences avec la situation actuelle, présente certaines similarités. Ben Gourion, qui était alors ministre de la Défense (il avait démissionné de ses fonctions de Premier ministre et ministre de la Défense en 1954, mais était redevenu ministre de la Défense après la démission de Pinchas Lavon), avait proposé de conquérir la bande de Gaza, en réaction aux incursions incessantes de terroristes (alors appelés fedayin) dans le territoire israélien.

 

En réponse à cette suggestion de Ben Gourion, le Premier ministre Moshé Sharett répondit que cette solution n’était pas envisageable, et il ajouta que “sans les Nations Unies, l’Etat d’Israël n’aurait pas vu le jour”. Cette dernière remarque fit bondir Ben Gourion, qui répondit : “Pas du tout ! Seule l’audace des Juifs a fondé ce pays, et non une résolution d’Oum-Shmoum!” Par la suite, l’expression entra dans le lexique politique d’Israël, où elle désigne depuis lors le mépris qu’inspire aux Israéliens l’attitude des Nations Unies et les résolutions contre Israël votées par la majorité pro-arabe au sein de l’ONU.

 

La guerre à Gaza et au Liban a remis au-devant de l’actualité l’attitude de l’ONU et de ses agences : UNWRA à Gaza, et FINUL au Sud-Liban. A Gaza, la participation d’agents de l’UNWRA aux exactions du Hamas a montré au grand jour le vrai visage de cette organisation, devenue un bras armé du terrorisme, sous couvert d’action “humanitaire”. Au Liban, les soldats de la FINUL servent de paravent aux activités hostiles du Hezbollah sur la frontière Nord d’Israël… Alors, comme disait Ben Gourion, “Oum? Shmoum!” Hag Saméah !

P. Lurçat

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N.B. J'aurai le plaisir d'intervenir ce soir à 19h30 (heure de Paris) sur le sujet "Le mur de fer - Un an après le 7 octobre, où en est la dissuasion israélienne ?" dans le cadre de la toute nouvelle "Université Jabotinsky". Conférence en zoom, lien ci-dessous !

👤 Pierre Lurçat

🕔 19h00

💻 via Google Meet

Informations de connexion Google Meet

- Lien de l'appel vidéo : https://lnkd.in/dRgjSSPa

- Ou appelez le : ‪(FR) +33 1 87 40 24 19 CODE : ‪299 720 483#

 

Voici le lien d'accès à la visio et le numéro pour ceux qui n'auront pas internet.

Connectez vous dès 19h, on commencera peut-être un peu avant.

 

⚪ Participation libre : https://mejf.org/don

Une étincelle d’hébreu : “Oum Shmoum” - L’autre front de la “Guerre de Renaissance d’Israël”

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Enquête sur… la Revue K - J’ai lu pour vous “Ebranler Nétanyahou”, de Noémie Issan-Benchimol

October 10 2024, 07:33am

Posted by Pierre Lurçat

Kapparot à Jérusalem (photo THOMAS COEX/AFP/Getty Images)

Kapparot à Jérusalem (photo THOMAS COEX/AFP/Getty Images)

 

A quelques heures de Yom Kippour, nous sommes submergés d'appels aux dons, comme chaque année. Yeshivot, œuvres caritatives et associations en tout genre se bousculent au portillon pour recevoir nos Kapparot. Parmi tous les appels reçus par email, téléphone ou SMS, un message a retenu mon attention en particulier. Celui de la revue K, ainsi libellé : "Faites un don à la revue K. Les Juifs, l'Europe, le XXI siècle..." Il faut avouer que cela sonne bien... Plus prestigieux que l'association israélite du val d'Oise au nom de Rabbi Pinto (que son mérite nous protège !) Alors je suis allé voir de quoi il retourne et qui est cette revue K qui vient elle aussi schnorrer quelques euros avant Kippour. Et je n'ai pas été déçu !

 

« K. est une revue sur Internet fondée par des universitaires et des journalistes venant des quatre coins de l’Europe. Sa vocation est de documenter et analyser la situation actuelle des Juifs européens au moyen de reportages, d’essais, d’entretiens, mais aussi de contributions qui reviendront sur la longue histoire du fait juif en Europe. La revue diffuse également des tribunes réactives selon l’actualité aussi bien que des textes littéraires qui, par le moyen de la fiction, rendent compte de la réalité qui nous préoccupe ».

 

Ça c'est la vitrine... La “longue histoire du fait juif”, ça ne vous dit peut-être pas grand-chose, alors j'ai enquêté pour vous. « Notre volonté est de créer un média journalistique exigeante et ouvert, intelligent et pédagogique, de réflexion et d’intervention, loin de la culture du clash qui privilégie les polémiques et les crispations idéologiques, la revue est un point de ralliement » poursuit la promo, sans  doute rédigée par des experts en communication diplômés de l'ESSEC. (Ils ont quand même laissé passer une fôte d'orthographe... A moins que ce soit de l’écriture inclusive ?)

 

Pour comprendre ce que signifiait un "média journalistique exigeante et ouvert, intelligent et pédagogique" (sic), je n'ai pas eu besoin de chercher longtemps. Je suis tombé presqu'immédiatement sur l'article de Mme Issan-Benchimol. Le titre de son article était, il faut dire, attirant et presque racoleur : "Ébranler Netanyahou"...Wouah! Si Nasrallah, Sinwar et Khamenei réunis n'ont pas réussi à ébranler notre Premier ministre, véritable Churchill d'Israël, qu'est-ce que madame Benchimol de la revue K a trouvé pour y parvenir ?

 

J'ai dû ouvrir mon dictionnaire pour comprendre tout l'article qui est parsemé de mots pour Scrabble... Qu'on en juge : "Mais la famille, qui était pourtant sociologiquement censée être un safe-space pour Benjamin Netanyahou puisque l’on parle d’une famille haredit séfarade de Jérusalem, forte de l’infini courage que peut procurer une tristesse absolue et le fait de n’avoir plus rien à perdre, s’est autorisée un moment de ce que Foucault appelait la parrhèsia, le courage de la vérité" (Il s'agit de la description de la visite de Netanyahou à la famille endeuillée de l'otage Oren Danino). C'est là que j'ai compris, après avoir cherché le mot parrhèsia dans un dictionnaire, que Mme Benchimol n'aimait pas du tout M. Nétanyahou.

 

Elle écrivait encore ces lignes significatives de sa détestation :  “En plein dans la dérive paranoïaque propre à l’homme de pouvoir qui s’y accroche comme un noyé à sa dernière bouffée d’oxygène, il s’assure d’être face à des soutiens avant de se montrer." Après avoir lu 3 fois la phrase sur "l’usage foucaldien du concept antique de parrhèsia, pratique verbale d’un individu libre qui noue une vérité existentielle à une parole, en dépit de certains usages, en opposition avec certaines hiérarchies", j'ai fini par comprendre que Mme Benchimol ne parlait pas de Jean-Pierre Foucault, mais d'un autre Foucauld, apparemment plus fameux encore, puisqu'elle s'y réfère sans cesse !

 

Plus loin, Mme Benchimol allait jusqu'à dire carrément que Bibi était un imbécile, de manière à peine voilée : "La langue de Netanyahou, comme celle d’un Trump, est éminemment pauvre : elle use de ce qu’on appelle les spins, et la répétition de slogans simplets". Dans la suite de son article (éminemment bien écrit !), Mme Benchimol évoquait "la réponse d’Ulysse au discours de Thersite contre Agamemnon dans le chant II de l’Iliade". Et juste ensuite, "Sarah Netanyahou qui a tenté, tant bien que mal, de se mettre dans les chaussures d’Ulysse en réinstallant un pouvoir ébranlé".

 

Là, j'avoue ne pas avoir tout compris, le rapport entre les chaussures d'Ulysse et l'épouse de notre Premier ministre étant sans doute inaccessible à ma cervelle indigente de "bibiste". En conclusion de son article, Mme Benchimol établit une intéressante comparaison (un peu excessive, non?) entre la répression politique dans l'ex-URSS et en Israël aujourd'hui, écrivant : "Le cas israélien est intéressant à cet égard puisque le chef prend soin de sous-traiter et déléguer à d’autres la violence de la répression orientée contre les citoyens". J'avoue ne pas avoir suivi l'auteur dans les méandres et circonvolutions de sa pensée hautement inspirée et truffée de références littéraires, qui m'ont rappelé mes années lycéennes, déjà lointaines. Mais j'ai tout de même compris que pour écrire dans la revue K, il faut détester Nétanyahou, sa femme, leurs enfants et son gouvernement.

 

Toute réflexion faite, je n'offrirai donc pas mes Kapparot à la revue K. D'ailleurs il semble qu'elle n'ait pas besoin de ma modeste obole, puisqu'elle est "soutenue" par une pléiade de fondations, dont la Fondation Rothschild, la Fondation pour la mémoire de la Shoah et la "Heinrich Böll Stiftung", et j’en passe ! (Est-ce que leur détestation de Nétanyahou les a aidés à obtenir tous ces souteneurs soutiens prestigieux ? Je laisse mes lecteurs perspicaces répondre à cette question naïve…) Et avec tout cela, ils ont encore le toupet de venir "schnorrer" dans les chaumières, à la veille de Kippour. Que D. leur pardonne leur aveuglement et leurs péchés, avec ceux de tout Israël! Gmar Tov!

Pierre Lurçat

"La culture du clash qui privilégie les polémiques" - Manifestation anti-Bibi

"La culture du clash qui privilégie les polémiques" - Manifestation anti-Bibi

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Une étincelle d’hébreu : La mamla’htiyout et le conflit intérieur à Israël

October 8 2024, 07:41am

Posted by Pierre Lurçat

La cérémonie nationale non officielle de commémoration du 7 octobre

La cérémonie nationale non officielle de commémoration du 7 octobre

 

Une petite phrase entendue ce matin sur Galei Tsahal, la radio publique israélienne, permet de saisir un des aspects les plus significatifs du conflit intérieur à Israël. Parlant des cérémonies qui se sont tenues hier dans tout le pays, le présentateur des informations a eu cette phrase étonnante : “Hier ont eu lieu la cérémonie nationale de commémoratio, et la cérémonie officielle du gouvernement…

 

Ce qui est stupéfiant dans cette façon de présenter les choses est d'opposer d'un côté une cérémonie non officielle "nationale" et de l'autre, la cérémonie officielle, abusivement présentée comme relevant "du gouvernement". Le mot mamlakhti (ממלכתי), forgé sur la racine melekh (מ.ל.ך.), le Roi, désigne en effet ce qui relève de la "mamlakha", à savoir le royaume, et par extension l'État ou le pouvoir. David Ben Gourion*, premier dirigeant de l'état d'Israël, avait forgé la doctrine de la "mamlahktiyout" pour glorifier le sentiment national et celui de la souveraineté retrouvée après deux mille ans d'exil.

 

Mamlakhti ne signifie donc pas, contrairement à ce que laissait entendre le titre de Galei Tsahal, ce qui relève du gouvernement, désigné en hébreu comme "memshalti", mais bien ce qui relève de l'État et du peuple qu'il incarne… Mais, dans le vocabulaire politique de l'opposition actuelle et de ceux qui la soutiennent – y compris sur la radio publique – le terme de mamlakhti a été vidé de sa substance.

 

Non contents de décrire le Premier ministre comme avide de pouvoir et cynique, les représentants de la minorité kaplaniste contestent en fait l'idée même que le gouvernement puisse organiser une cérémonie officielle au nom de l'État et du peuple tout entier ! Ce faisant, ils scient la poutre maîtresse sur laquelle repose tout l'édifice politique de l'État d'Israël. Cette attitude participe d’un mouvement général de désaveu de la démocratie, déjà observé dans d’autres pays.

 

Les journalistes, écrivains et artistes israéliens qui contestent la légitimité du pouvoir élu en Israël sont comme ces petits enfants qui, faisant la grimace en goûtant leur soupe, jettent leur cuillère en s’exclamant " c'est pas bon"! Tout comme on apprend aux petits enfants à ne pas dire "c'est pas bon" mais "je n'aime pas", il faut que les opposants au gouvernement de B. Netanyahou – surtout ceux qui se parent du titre de “politistes” – (ré)apprennent la règle élémentaire de la démocratie.

 

Au lieu de cracher dans la soupe et sur leur gouvernement, ils seraient bien inspirés de remercier D.ieu pour notre souveraineté retrouvée, pour notre armée qui, sous la direction de notre gouvernement, est en passe de remporter une victoire historique sur nos ennemis. Gmar Hatima tova!

P. Lurçat

 

NB La vision sioniste de D. Ben Gourion et sa dimension messianiste sont le thème du cinquième volume de la Bibliothèque sioniste qui vient de paraître, En faveur du messianisme, l’Etat d’Israël et l’avenir du peuple Juif.

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Le dernier livre de la bibliothèque sioniste consacré à David Ben Gourion est désormais disponible à la librairie du Foyer de Tel-Aviv et peut être commandé dans toutes les librairies de France (en précisant qu’il est publié sur B.O.D.)

 

 

Pierre Lurçat nous fait découvrir une facette méconnue du fondateur de l’Etat d’Israël

Antoine Mercier, Mosaïque

 

Le passionnant texte de Ben Gourion a presque 70 ans, mais les questions qu’il pose sont toujours d’actualité et ses réponses donnent encore à réfléchir.

 

Liliane Messika, Mabatim

 

Pierre Lurçat montre avec brio que la crise politique et judiciaire qu’Israel a traversé avant la guerre déclenchée par le Hamas en octobre 2023 a à voir avec le messianisme et la rédemption.

Yves Mamou, Revue politique et parlementaire

 

 

Une étincelle d’hébreu :  La mamla’htiyout et le conflit intérieur à Israël

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5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

October 1 2024, 06:43am

Posted by Pierre Lurçat

5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

 

Seder hadash” (“nouvel ordre”) : jamais une opération militaire n’aura aussi bien porté son nom. L’opération magistrale menée par Tsahal au cœur de Beyrouth, qui a permis l’élimination du chef du mouvement islamiste chiite et principal “proxy” de l’Iran, a en effet de grandes chances de marquer l’aube d’une ère nouvelle au Moyen-Orient et d’un nouvel ordre régional. En supprimant méthodiquement les dirigeants du Hezbollah, Israël n’est pas seulement en train d’écarter la menace sur sa frontière Nord – préparant ainsi le retour dans leurs foyers des dizaines de milliers d’habitants déplacés au début de la guerre, il y a tout juste un an – mais il est aussi en passe de remodeler la carte de la région tout entière.

 

            La longue attente des habitants du nord d’Israël aura donc fini par être récompensée. Car il est clair aujourd’hui que la guerre au Liban ne s’arrêtera pas, tant que la sécurité n’aura pas été rétablie sur la frontière Nord. Mais au-delà de cette première victoire sur le front libanais, c’est en réalité tout l’équilibre stratégique qui est en train d’être modifié radicalement. Il faut se souvenir, pour comprendre l’étendue de ce changement, du fameux discours prononcé par Hassan Nasrallah en 2006, dans lequel il comparait Israël à une toile d’araignée.

 

Le plus grave n’était pas cette croyance – bien ancrée parmi les ennemis d’Israël – qu’ils allaient finir par réaliser leur projet génocidaire envers l’Etat juif honni (croyance qui n’est évidemment pas étrangère à l’attaque du 7 octobre). Non, le plus grave était sans doute que certains dirigeants et membres de l’establishment militaire israélien ont eux aussi fini par voir Israël – à travers le regard de ses ennemis – comme un Etat faible, et par redouter le Hezbollah, devenu à leurs yeux un ennemi invincible, face auquel l’armée israélienne n’avait aucune chance de vaincre.

 

Ainsi, paradoxalement, ce n’est pas seulement le “complexe de supériorité” souvent évoqué, au sein de Tsahal, qui a mené au 7 octobre, mais c’est en fait un double complexe d’infériorité-supériorité : supériorité technologique indéniable, accompagnée d’un sentiment d’infériorité morale. La stratégie offensive mise en œuvre depuis plusieurs semaines sur le front Nord – au terme de longs mois de guerre à Gaza – est ainsi en train de porter ses fruits, non seulement en remodelant la carte de la région, mais aussi et surtout, en rétablissant l’élément essentiel de la sécurité d’Israël : sa capacité de dissuasion.

 

La dissuasion de Tsahal restaurée

 

La notion de dissuasion est multiforme et difficile à appréhender, mais on peut la définir succinctement en disant qu’elle repose sur deux éléments : les capacités militaires, et la volonté de les utiliser. Dans le cas d’Israël, le premier élément était bien présent, mais c’est le second qui faisait défaut, surtout depuis les retraits successifs du Sud-Liban et de Gaza, qui ont contribué à faire croire à nos ennemis que nous étions affaiblis au point de nous retirer derrière des barrières et des “murs de sécurité”, attitude qui a toujours été interprétée comme un signe infaillible de la faiblesse de l’ennemi, depuis l’époque de la Bible.

 

            Depuis lors, c’était en réalité Israël qui était dissuadé face au Hamas et au Hezbollah, cas classique de ce qu’on appelle la dissuasion du faible au fort. Or, c’est précisément cet élément moral de la dissuasion qui a été rétabli en l’espace de quelques semaines, face au Hezbollah – et face à l’Iran son patron. Ce faisant, Israël a accompli un progrès décisif en direction de la restauration du “Mur d’acier” – concept créé par Jabotinsky il y a un siècle et devenu le pilier de la doctrine stratégique d’Israël. Contrairement aux fausses idées, devenues monnaie courante à partir des années 1990, la sécurité d’Israël ne repose en définitive pas seulement sur la supériorité technologique, ni sur la conclusion d’accords de paix – par définition réversibles et provisoires – mais avant tout sur la volonté démontrée d’assurer à tout prix notre existence, sans craindre la guerre. “Ni par la puissance ni par la force, mais bien par mon esprit”, selon les mots du prophète Zachari. Chana tova à tous mes lecteurs, que l’année 5785 soit celle de la victoire totale sur nos ennemis !

P. Lurçat

5785 - Nouvelle année, nouvel ordre régional ? Pierre Lurçat

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