Une étincelle d’hébreu: du Hourban au Hazon - Entre destruction et vision prophétique
La haftara lue le shabbat précédant Tisha be-Av commence par les mots fameux “Hazon Yeshayahou ben-Amotz”, que la traduction du rabbinat français rend par “Oracle d’Isaïe, fils d’Amos”. Le mot “Hazon” signifie plus généralement “vision” et il a gardé ce sens dans l’hébreu moderne. Quel rapport entre la “vision” prophétique et le “Hourban”, la destruction du Temple que nous allons commémorer cette semaine ?
Le rabbin Haïm Navon observe justement, dans sa chronique hebdomadaire publiée dans le journal Makor Rishon, que personne cette année ne se posera la question devenue rituelle de savoir pourquoi nous devons prendre le deuil du Temple et prononcer des Lamentations sur “Jérusalem, assise solitaire”, alors que le nombre d’habitants juifs de Jérusalem n’a jamais été aussi grand depuis que la ville a été fondée… Non, cette année, chaque Juif en Israël et dans le monde comprend intuitivement la signification du “Hourban”, dont nous avons vécu une sorte de répétition en miniature le 7 octobre…
Le rabbin Avraham Stav, dans les colonnes du même journal, explique que “nous sommes un peuple qui porte en lui la dimension fondamentale du Hourban, de la destruction”. En quoi cela nous aide-t-il à comprendre les événements dramatiques que nous vivons depuis Simhat Torah ? La réponse que je propose est d’examiner le lien entre le Hourban et le Hazon, entre la destruction du Temple et la vision prophétique.
Comme l’avait bien compris David Ben Gourion, premier dirigeant de l’Etat et fondateur de l’armée de défense d’Israël, la sécurité de l’Etat juif ne repose pas seulement sur l’armée. Lecteur assidu de la Bible, il savait bien que c’est en définitive l’esprit qui décide de la destinée des peuples… C’est ainsi qu’il faut comprendre le rôle du “Hazon” – de la vision prophétique – qui animait Ben Gourion et qui fait cruellement défaut aux dirigeants de l’establishment sécuritaire et militaire actuels, responsables de l’échec colossal du 7 octobre.
Si l’on cherche à remonter à la racine de la “Conceptsia” animant ceux de nos dirigeants qui ont mené à l’effondrement du 7 octobre – depuis Itshak Rabin à l’époque des accords d’Oslo et jusqu’à Ehoud Barak et Ariel Sharon, responsables des retraits du Sud Liban et de Gaza, qui ont permis au Hamas et au Hezbollah de s’installer aux frontières d’Israël – on constate qu’ils partagent tous le même manque de vision prophétique. Le cas le plus flagrant, pour remonter encore un peu plus loin dans l’histoire contemporaine, est celui de Moshé Dayan, lui aussi valeureux soldat couvert de gloire, qui a rendu les clefs du Mont du Temple au Wakf musulman, après la guerre des Six Jours, en déclarant “Nous n’avons que faire de ce Vatican!”...
Si le Hamas a pu mener son attaque meurtrière au nom d’Al-Aqsa et de Jérusalem, c’est aussi parce que nous avions quasiment renoncé à asseoir notre souveraineté sur le Mont du Temple. Or, comme l’avait prédit le poète Uri Zvi Grinberg, animé de la vision prophétique qui faisait défaut à Dayan, “celui qui contrôle le Mont du Temple contrôle le pays”. Ces mots visionnaires restent toujours actuels aujourd’hui, alors que la souveraineté israélienne n’a jamais été aussi menacée depuis 1948. Contrairement à ce que pensent les ‘’Gatekeepers’’ – tellement obnubilés par le ‘’danger du messianisme juif’’ qu’ils ont négligé le danger bien réel du Hamas – le Mont du Temple n’est pas un ‘’baril de poudre’’… Il est la clé de notre souveraineté, et donc de notre sécurité. La sécurité d’Israël, au Nord comme au Sud, passe par le Har Habayit, lieu de notre Temple à reconstruire…
P. Lurçat
Le cinquième volume de la Bibliothèque sioniste paraît ces jours-ci aux éditions de l’éléphant.