Face à la terreur arabe: construire des barrières ou ériger une “Muraille d’acier”? Pierre Lurçat
La nouvelle vague de terrorisme arabe renvoie une fois de plus Israël au dilemme ancien de sa conception sécuritaire, qui traverse le débat stratégique et existentiel depuis les débuts de l’épopée sioniste. Dilemme qu’on peut résumer par l’opposition entre deux visions opposées : celle de la “barrière de sécurité” et du Kippat Barzel d’une part, et celle du “Kir ha-Barzel’ d’autre part, la “Muraille d’acier” préconisée par Jabotinsky et toujours d’actualité.
Aucun mur, aucune barrière n’ont jamais arrêté un ennemi déterminé. De la tristement célèbre “Ligne Maginot” construite par la France au tournant des années 1930, jusqu’à la “ligne Bar Lev” érigée par Israël le long du canal de Suez, aucun édifice militaire protecteur n’a pu mettre en échec cette loi d’airain de la guerre. La “barrière de sécurité” édifiée par Israël depuis 2002 pour séparer le petit Israël des frontières de 1967 de la Judée Samarie et de Gaza ne fait pas exception.
Le fortin “Budapest” sur la ligne Bar Lev
Les djihadistes meurtriers venus de Djénine pour semer la terreur au cœur de Tel-Aviv ont une fois de plus rappelé à Israël que la sécurité ne s’achetait pas en construisant des barrières, aussi perfectionnées soient-elles. Celle qui suit la “ligne verte” souffre de beaucoup de défauts, et ressemble à certains égards à un fromage de gruyère plein de trous. Mais même la barrière ultra-sophistiquée érigée autour de la bande de Gaza repose en définitive sur la même vision illusoire, celle d’un ennemi repoussé à l’extérieur d’un Israël vivant en sécurité derrière des murs.
L’erreur de cette conception est double : politiquement, elle repose sur l’axiome mensonger “eux là-bas, nous aussi”, slogan qui exprime le fantasme d’un Israël sans Arabes. Ce fantasme, on ne le rappellera jamais assez, est celui de la gauche israélienne, ou plutôt d’une certaine gauche, celle qui a adopté la funeste logique des accords d’Oslo et de l’évacuation du Goush Katif.
Mais cette conception est également démentie sur le plan strictement militaire par toute l’histoire du sionisme et de l’implantation juive en Eretz Israël. Des premières alyot modernes jusqu’à nos jours, toute l’histoire de l’Israël moderne est traversée par un double ethos militaire. L’éthos purement défensif de “Homa ou Migdal”, de la Haganah et de la “Havlaga” – la fameuse “retenue” juive face aux agressions arabes – et celui, plus offensif, des opérations menées sur le territoire de l’ennemi, au-delà des frontières, pour anéantir les nids de la terreur arabe et “terroriser les terroristes”.
Kippat Barzel en action
Les deux dernières décennies illustrent à cet égard une régression de la doctrine militaire, notamment durant la période des mandats de Binyamin Nétanyahou. L’audace des opérations menées en Iran s’est en effet accompagnée d’une timidité grandissante face au Hamas et aux autres bras armés de l’Iran à Gaza et ailleurs. La fameuse “Kippat Barzel” illustre mieux que toute autre réalisation militaire le paradoxe d’une armée toujours plus intelligente, mais de moins en moins audacieuse.
Pour que Tsahal et pour qu’Israël retrouvent la grandeur qui a fait l’admiration du monde entier, il faut comprendre une fois pour toute que les barrières ne suffisent pas, et qu’elles sont souvent contre-productives, en nous privant de la nécessaire offensive à l’intérieur du territoire ennemi. Israël doit abandonner l’illusion d’une sécurité reposant sur des barrières technologiques, aussi perfectionnées soient-elles, et retrouver l’esprit offensif et guerrier du Tsahal d’antan. C’est seulement ainsi qu’une véritable “Muraille d’acier” (Kir ha-Barzel”) - non pas au sens propre, mais au sens figuré où l’entendait Jabotinsky - pourra être érigée autour des frontières de notre pays et dissuader véritablement nos ennemis.
P. Lurçat
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