(Pré)histoire du système politique israélien avant 1948
A. De l’Assemblée du Yichouv à l’Assemblée des Représentants
Le système électoral et politique israélien plonge ses racines dans la période du Mandat britannique (1922-1948), et même plus loin. C’est en effet à la période pré-mandataire que remonte la première tentative réussie de créer un organe national représentatif de tous les courants politiques présents en Eretz Israël. Au-delà de son intérêt historique, ce rappel est indispensable pour comprendre comment Israël a adopté le système électoral proportionnel, resté en vigueur jusqu’à nos jours, malgré quelques changements. C’est le dirigeant sioniste Menahem Ussishkin qui a réuni la première “Assemblée du Yichouv”, à Zikhron Yaakov, en 1903. Celle-ci créa la “Confédération des Juifs en Eretz Israël”, mais son action fut entravée par la controverse autour du projet d’État juif en Ouganda (dont Ussishkin était le principal opposant).
Menahem Ussishkin
Les efforts pour créer un organe représentatif furent renouvelés après la Première Guerre mondiale et la Déclaration Balfour (1917). Les représentants du Yichouv constituèrent une Assemblée constituante qui élut un “Comité provisoire des Juifs en Eretz Israël”. A nouveau, des différends surgirent, notamment sur la question du droit de vote des femmes, auquel les représentants des factions religieuses étaient opposés. En fin de compte, le Comité provisoire fixa au 19 avril 1920 la date des élections à la première Assemblée des représentants (Assefat ha-Nivharim), qui siégea jusqu’au 6 décembre 1925. Au total, quatre Assemblées se succédèrent entre 1919 et 1949. Les élections se faisaient au scrutin de liste direct, au niveau national, tout comme aujourd’hui.
La quatrième Assemblée à Jérusalem (1944)
Les quatre Assemblées des Représentants (1920 – 1944)
L’examen de la composition des quatre Assemblées de Représentants est instructif, et montre qu’elle étaient constituées de très nombreuses factions, réparties en quatre catégories principales : partis ouvriers, partis religieux, partis à base ethnique et partis à base professionnelle. La première Assemblée comportait ainsi pas moins de 19 factions, et la deuxième 25 ! Les grands partis politiques – qui allaient jouer un rôle essentiel dans la vie politique de l’État – étaient pour la plupart déjà représentés dans l’Assemblée élue en avril 1920 : Ahdout ha-Avoda (travaillistes), Mizrahi (sionistes religieux), Harédim, aux côtés d’autres listes à orientation ethnique (Séfarades, mais aussi Yéménites et Boukhariens) ou professionnelle (artisans, employés). Les sionistes révisionnistes firent leur entrée dans la deuxième Assemblée (élue en 1931).
Ce rappel historique permet de comprendre les raisons de l’adoption du système de représentation proportionnelle. On peut en dénombrer au moins trois. Premièrement, le Yichouv ne jouissant d’aucune continuité territoriale, la représentation proportionnelle à une seule circonscription était la plus facile à mettre en œuvre. Deuxièmement, ce système permettait d’effacer les disparités entre régions rurales et urbaines. Enfin et surtout, le système proportionnel constituait un facteur d’intégration devant accorder une légitimité indispensable à l’État en devenir, au vu de la grande hétérogénéité ethnique et politique de la population, qui se reflétait dans la composition de l’Assemblée des représentants. Toutes ces raisons firent que l’organe “législatif” du Yichouv adopta le système proportionnel, qui fut maintenu en vigueur après la création de l’État.
Pierre Lurçat
NB Je donnerai une conférence à Tel-Aviv le 24 février à 20H00, 7 rue Lilienblum, sur le thème : "Le Débat constitutionnel, de la Déclaration d’Indépendance à la loi sur Israël Etat Nation du peuple juif”. Inscriptions auprès de Deborah Pewzer 052-6769746