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Chanter la Hatikva dans les universités est vital pour Israël, Daniel Gordis

June 21 2018, 13:30pm

Posted by Daniel Gordis

Chanter la Hatikva dans les universités est vital pour Israël, Daniel Gordis

 

Daniel Gordis, vice-président et chercheur à la Faculté Shalem de Jérusalem, note avec inquiétude que certaines universités israéliennes ont renoncé à chanter la Hatikva, l’hymne national israélien. Pour lui, "l'ouverture intellectuelle ne doit pas conduire à l'abaissement de soi. Prendre soin des Arabes ne doit pas se faire au détriment de l’engagement à reconstruire le peuple juif dans sa patrie ancestrale". 


« Année après année, une université israélienne annonce que l'une de ses facultés ne chantera pas la Hatikva. Cette année, c’est l’université de Tel Aviv qui a fait cette annonce. L'an dernier, c'était l'Université hébraïque de Jérusalem, et quelques années plus tôt, l'Université de Haïfa. La raison invoquée, sans surprise, était que les professeurs des facultés de sciences humaines ne voulaient pas mettre les diplômés arabes ou leurs familles dans une situation… inconfortable. C’est un argument dangereux. Les Arabes israéliens savent bien qu'ils vivent dans un État juif. Et malgré toute la complexité qu'implique pour unArabe de vivre dans un État expressément juif, personne ne doit être surprisque l'hymne national soit chanté lors d'une cérémonie de remise des diplômesdans une université publique. Lorsque Dorit Beinisch a démissionné de la Cour suprême en 2012, les juges se sont réunis, et à l'issue d'une soirée émouvante au cours de laquelle elle a évoqué la mort de ses grands-parents pendant laShoah, ils ont chanté la Hatikva.
L'un des juges présents était Salim Joubran, un Arabe israélien. Les caméras de l'événement l'ont montré se tenant debout, respectueusement, mais ne chantant pas. Comme on pouvait s'y attendre dans la société israélienne, certains dirigeants de droite vilipendèrent Joubran, mais la plupart des Israéliens eurent de la sympathie pour lui et de l’admiration pour la dignité avec laquelle il se comporta. Après tout, de nombreux Israéliens se demandaient pourquoi un Arabe israélien (chrétien maronite) chanterait un hymne qui commence par : "Tant que le coeur intérieur, une âme juive aspire" et continue "Notre espoir n'est pas encore perdu, d’être une nation libre dans le pays de Sion... » Même les autres juges, y compris les conservateurs, prirent la défense de Joubran. "Les citoyens arabes ne devraient pas être tenus de chanter des mots qui ne parlent pas à leurs coeurs et ne reflètent pas leurs racines", déclara le juge Elyakim Rubinstein.
Les étudiants arabes diplômés des universités financées par l'Etat pourraient donc suivre le modèle de Joubran, et s'ils veulent demander (de façon légitime) à Israël d'être plus attentifs à ses minorités, ils seraient bien mieux avisés de rester silencieux pendant la Hatikva, que de se joindre au chant d'Arik Einstein "Vous et moi changerons le monde" (que la faculté des sciences humaines de l'Université de Tel Aviv a choisi de chanter au lieu de Hatikva) où ils ne furent pas du tout remarqués.

Le fait de ne pas chanter la Hatikva lors d’une cérémonie universitaire nationale prend ses racines dans un phénomène plus ancien que l'Etat lui-même. Judah Magnes, qui fut le premier recteur de l'Université hébraïque et, plus tard, président de cette université, futl'un des leaders du mouvement Brit Shalom, un mouvement qui s'opposa largement à la création d'un Etat juif. Pourtant, l’idée d’un Etat binational (comme l'histoire des juifs en Afrique du Nord le dira plus tard) fut un pétard mouillé. Comment une minorité juive aurait-elle vécu dans un tel Etat ? Certains décideurs sionistes trouvèrent l'idée si absurde qu'ils ne crurentjamais que Magnes et ses collègues avaient réellement l'intention de créer un État binational. Au contraire, déclara Berl Katznelson, parmi les géants intellectuels du sionisme ouvrier, l'idée d'un Etat binational n'était autre qu'un subterfuge. Brit Shalom, pensait-il, cherchait vraiment la création d'un Etat arabe. Que l’interprétation de Katznelson soit correcte ou non, elle indique à quel point Magnes était loin du courant principal, ce qui explique le fait que Magnes ait servi pendant de nombreuses années à la direction de l'Université hébraïque.
Plus étonnant encore que le fait que les facultés des sciences humaines aient décidé de ne pas chanter la Hatikva, c'est la nonchalance relative des Israéliens qui ont appris cette nouvelle. Peut-être considèrent-ils que les universitaires ne sont pas à prendre au sérieux, qu’ils sont une classe intellectuelle complètement déconnectée du peuple. Peut-être. Mais la nonchalance est dangereuse, car elle permet de légitimer la délégitimation de l'idée fondatrice d'Israël, la création d'un État qui serait spécifiquement dédié à l'épanouissement d'un peuple, le peuple juif.
Regarder Israël à travers un objectif américain, jeffersonien, c'est voir un pays étrange. Mais c'est justement cela. Israël n'a jamais été destiné à être une démocratie libérale créée à partir du moule américain. C'est une démocratieethnique, quelque chose d'entièrement différent. Les premiers mots de la Déclaration d'Indépendance que Jefferson écrivit furent "Quand, au coursdes événements humains", tandis que la déclaration d'Israël commence par"En terre d'Israël, le peuple juif est né". Tout le reste n’est que commentaire.

Alors oui, il sera toujours difficile d'être un Arabe dans un Etat juif, cela oblige à la fois les Arabes et les Juifs à avoir une pensée créative nuancée. Abandonner l'hymne, c'est admettre qu'on ne peut plus défendre l'idée de ce qu'est ce pays. Abandonner la Hatikva, c'est oublier volontairement le désir de liberté qui a propulsé le sionisme, à l’origine de la création de notre Etat. Abandonner l'hymne, ce n'est pas être inclusif, mais détruire l'idée même pour laquelle Israël existe. Une fois que cette idée aura disparu, pour quel motif resterions-nous ici ? Quand les institutions israéliennes d'enseignement supérieur expriment un malaise apparent avec l'idée d'un Etat juif que notre hymne incarne, ce n'est pas un vague écho, mais une menace pour la pérennité de l’ethos national et la survie du pays. "Mais que pouvons-nous faire ?" répondent les administrateurs des universités. La faculté a voté et la haute administration dit qu'elle n'a aucun contrôle sur ces décisions facultaires. C'est peut-être vrai, mais leur réponse révèle un aveuglement conscient face à ce que les politologues appellent le «soft power».

 

La réponse, au moins pour certains d'entre nous, fut de créer une institution d'enseignement supérieur intellectuellement ouverte, politiquement diversifiée et, sans réserve, sioniste. Lorsque nous avons lancé la faculté Shalem il y a cinq ans, nous avions parié que si les étudiants les plus brillants d'Israël se réunissaient pour lire ensemble Homère et Platon, Aristote et Maïmonide, les journaux fédéralistes et les grands penseurs sionistes, nouspourrions aider à créer la génération des futurs dirigeants israéliens qui ne prendraient pas refuge derrière des slogans sionistes fatigués, mais qui pourraient s'engager dans un discours continu sur la liberté et l'appartenance, le particularisme tempéré par l'universalisme, la fierté nationale jamais en contradiction avec la sensibilité morale.
 

L'ouverture intellectuelle ne doit pas conduire à l'abaissement de soi. Prendre soin des Arabes ne doit pas se faire au détriment d'un engagement à réinventer et reconstruire le peuple juif dans sa patrie ancestrale. C'est pourquoi, le 28 juin, lorsque nos élèves et leurs familles se rassembleront pour les exercices de début de Shalem, nous chanterons la Hatikva avec fierté en assumant toute la complexité que cela représente.

Son livre le plus récent est « Israel: A Concise History of a Nation Reborn ».

 

          Source Thetimesofisrael

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